1997_09_29
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SdT volume 3, numero 9.
SOMMAIRE
1- Coordonnees
- Bienvenue aux 3 nouveaux correspondants, Renato Prada Oropeza,
Sok-Man Yoon, Joaquin Garrido.
- Changement d'adresse pour José Luis Cifuentes Honrubia,
seconde adresse pour Jacques Poitou.
2- Carnet
- Soutenance de these de Denis Thouard, le 6 octobre a Nanterre, sur :
"Le sentiment du sujet. L'interpretation de la subjectivite
de sentiment chez Kant et Schleiermacher"
- SdT fait sa rentree ! Programme et dates du seminaire de Francois
Rastier (debut le 13 novembre).
- Offre d'emploi dans le cadre du projet europeen EuroWordNet.
- Denise Malrieu rejoint l'equipe SdT.
- Faire-part de naissance d'Armance Neveu.
- Paul Perron est nommé Principal de University College.
- Nouvelles du programme SILFIDE.
- A l'INaLF : changement de Directeur et demenagement.
- Texto! recoit une distinction de la part de Microsoft.
- Petite enquete sur la liste SdT.
3- Echos des commissions SdT
- Commission Enseignement et Pedagogie : presentation a travers
quelques objectifs concrets.
4- Publications
- "Dynamiques et structures en langue", de David Piotrowski.
5- Une vie apres la these
- Pascal Vaillant : "Interaction entre modalités sémiotiques :
de l'icône à la langue"
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1- COORDONNEES
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Nouveaux abonnés
[information réservée aux abonnés]
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2- CARNET
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{FR, 21/09/97}
Soutenance de thèse
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Le Lundi 6 octobre 1997 à 14 h 30,
dans la Salle des thèses de l'Université de Paris-X Nanterre
(Bâtiment C, au rez-de-chaussée)
Denis THOUARD soutiendra sa thèse de Doctorat :
Le sentiment du sujet.
L'interprétation de la subjectivité de sentiment
chez Kant et Schleiermacher
Résumé :
Le sentiment, étant sentiment de plaisir et de peine, est d'emblée marqué
par une ambiguïté : le sujet y est passif et actif à la fois. A ce titre,
il suggère une possibilité de médiation entre les dimensions théoriques et
pratiques de la subjectivité, à égale distance de l'auto-position et de la
simple réceptivité. Montrer la consistance d'un concept de subjectivité de
sentiment, et faire apparaître sa présence au sein d'une histoire complexe
de la subjectivité, définit l'enjeu et la pertinence philosophique de cette
thèse.
La première partie, "Kant et la critique du sentiment", retrace le
cheminement de Kant jusqu'à l'élaboration du concept de sentiment pur. A
travers l'analyse du respect, d'abord présenté comme l'unique sentiment
"pur", Kant dégage un rapport à soi non cognitif, où le sujet s'affecte de
sa propre représentation. La Critique de la faculté de juger, qui
généralise cette structure au jugement de goût dans son ensemble, prend
directement en compte la subjectivité. De même qu'elle opère une médiation
entre les domaines de la nature et de la liberté, elle accomplit une
réunification de la figure du sujet théorique et pratique depuis le
sentiment. Nous la comprenons donc comme une auto-réflexion de l'activité
critique.
La seconde partie, "Le sujet de sentiment : la subjectivité finie chez
Schleiermacher", étudie l'approfondissement du concept de sentiment chez
Schleiermacher, qui l'a placé au centre de sa philosophie. En rupture avec
Kant, il pense le sentiment non pas à partir de la structure d'une
subjectivité autonome, mais depuis l'expérience première d'une dépendance.
Le sentiment est compris ainsi comme "conscience immédiate de soi", où les
dimensions de la facticité et de la réflexion sont étroitement liées. Cette
conception, qui s'articule aux différents ordres de la rationalité, prend à
revers l'Idéalisme allemand, en refusant la possibilité de penser un sujet
absolu.
Le jury sera composé de :
Jacques Colette, Professeur à l'Université de Paris-III
Sorbonne Nouvelle ;
Jean-François Courtine, Professeur à l'Université de Paris-X Nanterre,
Directeur de la thèse ;
Jean-François Marquet, Professeur à l'Univesité de Paris-IV Sorbonne ;
Heinz Wismann, Directeur de la F.E.S.T. (Heidelberg) et
Directeur d'Etudes à l'E.H.E.S.S. de Paris.
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{FR, 21/09/97}
INSTITUT NATIONAL DE LA LANGUE FRANçAISE ET UNIVERSITÉ PARIS IV
Séminaire de sémantique Année 1997-1998 Premier semestre
Maîtrise (LF 456) et DEA
François RASTIER, Directeur de recherche
Les parcours interprétatifs
1. Parcours locaux et perception sémantique.
2. Parcours textuels et contraintes génériques.
3. Sémantique interprétative et herméneutique philologique.
Les jeudis de 18 h. à 19 h 30.
Dates : 13, 20 et 27 novembre, 4, 11 et 18 décembre,
8, 15, 22, 29 janvier, 5 février.
Lieu : Université Paris IV (1 rue Victor Cousin, 75005 Paris)
Amphithéâtre Le Verrier (galerie Richelieu, escalier F,
3 ème étage, à droite).
Ce séminaire ouvert fait également partie des conférences du D.E.A. de
Sciences du Langage de l'École des Hautes Études en Sciences Sociales.
Correspondance :
Courrier électronique : lpe2@ext.jussieu.fr
Site du séminaire virtuel : http://www.msh-paris.fr/texto/
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{Evelyne Bourion, FR, 05/09/97}
Offre d'emploi
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Dans le cadre du projet europeen EuroWordNet dont l'objectif consiste a
developper un lexique semantique pour la langue francaise, le LIA
recherche un (ou une) ingenieur informaticien(ne) ayant des connaissances
en linguistique.
Les candidatures doivent etre adressees par voie postale a
Marc El-Beze Laboratoire d'Informatique
BP 1228 AGROPARC 339 chemin des Meinajaries
84 911 AVIGNON CEDEX 9 FRANCE
T: (33) 04 90 84 35 08 F: (33) 04 90 84 35 01
e-mail : marc.elbeze@univ-avignon.fr
Des informations sur le projet EuroWordNet sont accessibles :
http://www.let.uva.nl/~ewn
Par ailleurs, on visitera avec interet le site WordNet :
http://www.cogsci.princeton.edu/~wn
On trouvera des renseignements sur le LIA a l'adresse :
http://lia.univ-avignon.fr/
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{FR, 21/09/97}
Join the SdT !
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Denise Malrieu, ingénieur CNRS, rejoint à sa demande l'équipe Sémantique
des Textes, à laquelle elle est affectée à plein temps.
Bienvenue à Denise - de longue date familière des séminaires de l'équipe !
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{FR, 21/09/97}
Fille prodige
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Franck Neveu et Marie-Hélène Neveu-Menjot ont la joie d'annoncer
la naissance d'Armance.
SdT lui souhaite la bienvenue dans le monde textuel - où elle est déjà
connue (cf. le carnet du Monde - le journal) sous le pseudonyme transparent
d'Ecusette de Noireuil.
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{FR, 21/09/97}
Après Victoria, Principal
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L'Honourable N. R. Jackman, Chancellor of the University of Toronto, informs :
Paul Perron, jusqu'ici professeur à Victoria College (Université de Toronto)
est nommé Principal de University College.
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{FR, 21/09/97}
Ni yaourt, ni déesse
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Silfide (Serveur interactif pour la langue française, sa diffusion et son
étude), est un programme fédérant plusieurs laboratoires et institutions
sous l'égide du CNRS et de l'Aupelf*Uref.
F. Rastier est maintenant responsable de ce programme pour ce qui concerne
l'Institut National de la Langue Française. Informations sur le programme
et test de la maquette :
http: //www.loria.fr/Projet/Silfide/
NDLR pour les abonnés étrangers : Silfide est aussi une marque de produits
laitiers allégés.
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{FR, 21/09/97}
Nouvelles de l'Institut National de la Langue Française
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* Coup de jeune
Robert Martin prenant sa retraite, Bernard Cerquilini, professeur à
l'Université Paris VII, devient directeur de l'Inalf.
* Nouveaux locaux
L'Inalf a quitté les locaux trop étroits de la rue Damesme et se trouve à
présent à cette adresse :
CNRS - Institut National de la Langue Française
Ecole Normale Supérieure de Saint-Cloud
Grille d'Honneur - Le Parc
92211 SAINT - CLOUD
tél. 01 41 12 35 45
télécopie : 01 41 12 35 10
Deux étoiles dans le Guide Michelin : mérite un détour ! Grandes eaux les
second et quatrième dimanche du mois, de mai à septembre ...
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{FR, 21/09/97}
Autre site classé
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Texto! vient d'être classé par Microsoft parmi les 300 meilleurs sites
francophones.
Merci à tous ceux qui ont félicité le comité de site : une nouvelle raison
d'y aller voir...
http://www.msh-paris.fr/texto/
Si un cocorico s'impose nous dit-on, le comité garde son sang-froid, car
il ignore tout des critères qui lui valent cet honneur. Il a plutôt besoin
de vos suggestions et critiques que d'applaudissements. A vos claviers !
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{BP et FR, 05/09/97}
Et que pensez-vous de ce courrier ?
___________________________________
Vous recevez la liste SdT (par courrier électronique, comme ce numéro),
aidez-nous à améliorer son contenu :
Etes-vous satisfait de :
* La périodicité (une douzaine de numéros par an)
* La longueur des messages
* Le ton
* Le contenu :
1) Ce qui vous semble inutile
2) Ce qui vous semble manquer
3) Sur quoi devons-nous insister ? :
Dans quelle mesure SdT doit diffuser
a- de l'information de fond, plus ou moins atemporelle ;
b- des nouvelles, tres specialisees a la linguistique textuelle ;
c- des nouvelles internes a la communaute de ses membres et correspondants
(cf. rubrique carnet) ;
d- des nouvelles importantes d'interet multidisciplinaire ;
e- des nouvelles interessantes et urgentes (comme les offres d'emploi,
par exemple).
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3- ECHOS DES COMMISSIONS SDT
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{FR, 21/09/97}
Louis Hébert
Louis_Hebert@uqar.uquebec.ca
Presentation de la Commission
Enseignement et Pedagogie
L'aire de pertinence de la Commission enseignement et pedagogie se trouve
a l'intersection entre la semantique (plus largement, la semiotique) et
la didactique. La Commission peut s'appuyer sur un principe excessif mais
stimulant : "Une connaissance qu'on ne peut transmettre est vaine".
Suggérons quelques objectifs pour contribuer à cette transmission.
* Outillage :
- Etablissement d'une bibliographie pertinente.
- Production de tableaux synthetiques presentant les concepts de la
semantique interpretative et leurs relations (notamment celles de
classement et de decomposition).
- Identification dans le glossaire des concepts essentiels et
accessoires. Simplification des definitions existantes (notamment en
presentant des liens synonymiques avec des termes courants), ajout de
definitions de base (par ex. semantique, signifiant, etc.).
- Production d'une banque de graphes-type, notamment ceux representant
les dix fonctions dialectiques frequentes.
- Production d'exemples simples d'analyses de textes brefs.
* Exploitation :
- Organisation d'un colloque virtuel (a la meme date, chacun des
participants envoie sa communication aux autres par courriel, etc.).
- Direction d'un numero thematique de revue.
- Production de textes d'introduction a la semantique.
* Thèmes à creuser :
La lecture non-linéaire et l'utilisation des banques textuelles et corpus
électroniques dans l'enseignement :
constitution de sous-corpus pertinents,
thématique assistée liens avec l'analyse narrative,
caractérisation des oeuvres singulières.
NDLR à méditer : "Lorsque Helvetius annonca aux hommes qu'ils naissaient
tous egaux par l'aptitude au genie et qu'ils ne differaient que par
l'education, il avanca une proposition flatteuse pour tous les amours-propres ;
les cerveaux bornes pouvaient rejeter non seulement leur defaut d'instruction,
mais encore leur peu d'esprit naturel, sur la conduite de leurs parents et de
leurs maitres. Cependant, telle fut la force de la verite, tel fut le cri de
l'experience contre ce principe, que les conspirations de la mediocrite et
tous les efforts de l'auteur n'ont pu tirer cette hypothese de la ligne des
paradoxes." (l'auteur n'est pas Chamfort ! Mais Rivarol).
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4- PUBLICATIONS
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{d'apres David Piotrowski, 26/09/97}
David Piotrowki vient de publier un ouvrage intitule
"Dynamiques et structures en langue"
(CNRS editions, septembre 1997.)
Voici la presentation qui en est donnee en quatrieme de couverture :
Prolongeant et explicitant la pensee saussurienne, la conception dynamique
des structures langagieres constitue une alternative aux approches
formalistes derivees du programme chomskien. Le langage n'y est plus concu
sous le mode d'un calcul formel, mais comme un systeme de processus
differenciateurs travaillant a modeler et a delimiter, suivant les
intentions de sens des locuteurs, des regions de signification.
La conception dynamique reinvestit certains fondements epistemologiques et
methodologiques de la linguistique contemporaine. Tres precisement, on
s'attache a montrer qu'elle procede d'un ajustement du critere de
"refutabilite", propose par K. Popper, a l'ordre des phenomenes langagiers.
Prenant appui sur les concepts fondamentaux du structuralisme saussurien,
et apres une evaluation critique des modeles formels en linguistique, une
architecture fonctionnelle est proposee, ou les unites de langue se
composent au croisement des dimensions de l'expression, du contenu et de la
recevabilite. Cette architecture, qui ambitionne de fournir une analytique
de la connexion signifiant-signifie, du regime de l'integration en langue,
du phenomene de recevabilite et des processus de categorisation du contenu
(par emergence d'un reseau de frontieres) est developpee dans le cadre
d'une modelisation morphodynamique. Elle debouche sur une conception du
langage comme systeme de production negociee et de stabilisation de valeurs
semantiques.
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5- UNE VIE APRES LA THESE !
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{FR, 21/09/97}
Thèse de Pascal Vaillant
soutenue à Paris XI Orsay le 16.09.97
(directeur : F. Rastier)
Interaction entre modalités sémiotiques :
de l'icône à la langue
I. PRESENTATION DE LA THESE
Situation du sujet
__________________
La présente thèse se situe dans le champ interdisciplinaire des sciences
cognitives, et a pour but d'explorer les questions de l'émergence, de la
circulation et de la traduction de sens entre systèmes de signes de nature
différente, en particulier en ce qui concerne les rapports entre le signe
iconique et le signe linguistique.
Le système cognitif humain manipule des signes et des représentations dans
plusieurs modalités différentes, dont les plus illustrées sont l'image
et le langage. Et malgré l'hypothèse axiomatique d'homogénéité des
représentations mentales, formulée par des écoles théoriques comme le
cognitivisme classique - pour qui toute opération cognitive manipule des
symboles dans un format propositionnel -, on commence aujourd'hui à
comprendre de mieux en mieux les fonctionnements sémiotiques spécifiques
des modalités linguistiques ou non-linguistiques, et on cherche à mettre
ceux-ci à profit pour améliorer tant la communication humaine que la
communication homme-machine.
Notre travail a pour ambition de débroussailler quelques questions
fondamentales de ce domaine d'étude pour permettre ensuite d'étudier
rationnellement des systèmes sémiotiques iconiques aussi bien que
linguistiques et de les mettre en rapport. Il débouche sur une application
de traduction de séquences de pictogrammes en phrases françaises, qui met
en oeuvre une approche novatrice dans le contexte applicatif des aides à
la communication pour handicapés du langage.
Idées développées dans la thèse
_______________________________
Le programme de recherche sémiotique exposé plus haut nous a amené à
formuler les idées que nous exposons ci-dessous.
1. La nature du signe iconique, qui le rend si particulièrement intéressant
pour une communication plus « spontanée » ou plus « universelle », se définit
traditionnellement (Peirce, Morris) comme une « ressemblance » avec l'objet
auquel il réfère. Une analyse un peu plus approfondie révèle cependant assez
vite que cette conception est trop simpliste pour une caractérisation
sémiotique de l'icône ; outre qu'elle ne rend pas compte des conventions
culturelles en oeuvre dans les représentations graphiques canoniques des
objets, elle conduit à une confusion généralisée entre signes et référents -
confusion qui imprègne d'ailleurs toute la sémiotique peircéenne.
La sémiotique structurale (représentée par exemple par Greimas & Courtés),
en constatant la nature malgré tout conventionnelle des signes iconiques,
se voit donc tentée d'éluder une bonne fois pour toute la question de sa
sémiose, pour ramener l'iconicité sur le terrain des seuls signifiés - rendant
ainsi l'image formellement équivalente à la langue.
D'autres auteurs, cherchant néanmoins à rendre compte de l'évidence, ont
essayé de justifier la spécificité du signe iconique en la fondant sur des
transformations géométriques entre le référent et le signifiant. Le Groupe µ
a pu ainsi proposer de considérer le signe iconique comme un cas particulier
du signe en tant que relation triadique Signifiant-Concept-Objet, où la
relation Signifiant-Objet serait immédiate.
Cette conception ne permet pas de comprendre comment un signe peut être
encore ressenti comme iconique après une chaîne de transformations parfois
très longue, alors qu'il peut cesser brusquement de l'être lorsque l'on
change de lieu ou d'époque. Eco, en ancrant les transformations entre objet
et signifiant aux périodes d'institution de code, et en caractérisant
celles-ci par l'inexistence d'un type duquel l'occurrence pourrait être
copiée, introduit la dimension diachronique indispensable pour comprendre
l'iconicité comme un phénomène culturel.
2. Nous proposons de reprendre pas à pas la méthode d'analyse systémique
des textes de Hjelmslev, en l'appliquant à d'autres sémiotiques que la
langue, pour en dégager les concepts d'analyse communs à toutes les
sémiotiques. Cet effort de généralisation exige avant tout une séparation
de la question de la décomposition en composants signifiants élémentaires,
et de la question des éléments fonctionnels de double articulation - questions
qui sont amalgamées dans le cas de la langue, ce qui a rendu difficile leur
perception distincte (en particulier pour la difficile transposition de la
notion de figure à l'image, chez Eco et Saint-Martin en particulier).
Les derniers éléments de l'analyse auxquels arrive Hjelmslev sont les
composants combinatoires atomiques des figures, qu'il appelle glossèmes.
Ceux-ci se distinguent des figures, du point de vue de l'analyse de la chaîne
de l'expression, en ce qu'ils apparaissent de façon syncrétique dans cette
chaîne, relativement à la dimension d'extension du texte. Constatant que ces
derniers éléments, dans certains systèmes sémiotiques articulés de manière
différente que la langue, peuvent avoir une importance fonctionnelle beaucoup
plus grande que dans celle-ci, nous proposons de leur conférer un statut à
part et de les identifier comme caractères.
La question des paliers d'articulation du sens doit par la suite, dans les
études particulières se servant de cette grille d'analyse, être traitée
indépendamment de la question de la séparation entre figures et caractères,
qui concerne le seul signifiant.
À la lumière de ces définitions, nous proposons de voir les systèmes
sémiotiques multimodaux comme des systèmes complexes, dont les caractères,
au palier d'analyse du texte dans son ensemble, sont eux-mêmes des textes
au regard d'autres modalités sémiotiques plus élémentaires, subordonnées à
celle du texte.
3. Ces notions étant clarifiées, nous avons tenté de reprendre la question
de l'émergence du sens des signes iconiques, ou plus précisément des textes
iconiques, question souvent mentionnée dans certains manuels comme la question
de la grammaire de l'image.
La décomposition de l'image en composants plus élémentaires a souvent été
problématique, car s'il est relativement aisé, à certains niveaux d'analyse,
d'y discerner des composants signifiants, il est en revanche généralement
difficile d'y identifier des composants élémentaires (figures) et d'y
transposer le concept de double articulation.
Nous soutenons cependant que les images peuvent être analysée comme des
langages (ce qui implique d'y distinguer une double articulation), à la
condition (a) de ne pas vouloir le faire dans le domaine du général, mais
de se tenir à des systèmes sémiotiques iconiques bien identifiés et bien
délimités, et (b) de bien comprendre la complexité de disposition des
éléments de l'image comme une diversité de relations topologiques découlant
naturellement de sa bidimensionnalité, par opposition à l'unidimensionnalité
de la langue.
Cela étant, le principe fondamental de la « grammaire » de l'image reste à
notre avis le même que celui de la grammaire de la langue : la projection de
relations entre unités signifiées sur un plan syntagmatique de l'expression,
déterminée par des règles d'écriture et de lecture. L'image est bien entendu
infiniment mieux outillée que la langue, à cet égard, pour transposer des
relations spatiales.
L'image peut alors être vue comme un langage dont l'identification des unités
est largement régie par des parcours interprétatifs (dont Rastier a montré
également l'importance en langue), selon un canon herméneutique qui lui est
propre. Nous proposons d'identifier les unités d'émergence du sens, ou les
lieux où sont collectés les premiers indices interprétatifs, avec les formes
de la Gestalttheorie. Le modèle de Palmer, repris par le Groupe µ, rend compte
de ce processus de sémiogenèse.
4. Dans les textes des systèmes de signes multimodaux, on met facilement en
évidence l'interaction sémantique entre les différentes composantes modales,
qui peut se décrire en première approche par le rôle d'interprétant joué par
une modalité pour l'interprétation d'une autre.
Après avoir rappelé que la multimodalité est déjà un fait au niveau des
représentations mentales, un fait mis en évidence par la psychologie
cognitive et ses recherches sur l'imagerie, nous cherchons à donner des
exemples d'afférences de sens entre sous-modalités différentes de textes
multimodaux. Ces exemples illustrent à notre avis le fait que dans tout
texte multimodal, les modalités se partagent le contenu.
Généralisée à l'intertextualité, la possibilité d'afférence intermodale
explique que tout texte, qu'il soit linguistique ou iconique, a un vaste
réseau culturel d'interprétants de différentes modalités.
Application
___________
La partie pratique de ce travail de thèse comporte deux applications
distinctes.
1. Une application descriptive, qui consiste en une description de trois
langages d'icônes avec les outils développés dans la partie théorique.
Ces trois langages ont une importance particulière, les deux premiers car ils
constituent les formes normalisées des jeux de pictogrammes de communication
les plus répandus dans le monde moderne (les pictogrammes généraux de
signalisation, et les pictogrammes d'instructions figurant sur les machines),
et le troisième car il est un exemple typique, et de portée internationale,
de langage de pictogrammes utilisé pour la communication des handicapés du
langage - sujet qui nous préoccupe dans cette thèse.
2. Une application informatique linguistique, qui consiste en un système
logiciel, implanté dans le langage informatique Prolog, d'analyse de séquences
d'icônes et de génération de phrases en langue naturelle. Ce système logiciel
a été developpé pour la société Thomson-CSF dans le cadre d'un programme
d'aide technologique aux handicapés.
Les besoins particuliers des utilisateurs infirmes moteurs cérébraux,
identifiés dans une étude sémiologique et une analyse de corpus, rendent
impossible l'application des méthodes habituelles du Traitement Automatique
de la Langue Naturelle (TALN), à savoir l'analyse syntaxique. L'un des
symptômes majeurs des productions sémiotiques de ces sujets est en effet
l'agrammatisme (le type de dysphasie induit par l'infirmité motrice cérébrale
est cousin de l'aphasie de Broca). Ce symptôme étant en outre d'origine
lésionnelle, les possibilités de rééducation sont limitées.
Nous avons donc développé un module d'analyse exclusivement sémantique,
qui fonctionne en reconstruisant les relations sémantiques entre unités
signifiées, sur la base d'informations stockées dans une base de données
« lexicale » (iconique), et ceci grâce à un algorithme de calcul de
plausibilité des interprétations.
La génération en français est réalisée par hiérarchisation du réseau
sémantique obtenu, et création d'un arbre (ou d'un groupe d'arbres) syntaxique
correspondant, grâce aux opérations du formalisme des grammaires d'arbres
adjoints lexicalisées.
Conclusion et perspectives
__________________________
Les idées sémiotiques développées dans la première partie de notre mémoire
constituent une approche théorique à visées descriptives qui fait la synthèse
de différents résultats de travaux classiques de la sémiologie de l'image.
Elles brossent une vue d'ensemble cohérente, à des fins didactiques par
exemple, du fonctionnement de l'image en tant que texte à interpréter.
Pour ce qui est des outils descriptifs proposés pour l'analyse sémiologique
de systèmes sémiotiques différents ou hétérogènes, nous les avons illustrés
dans la partie descriptive de textes multimodaux et de langages de
pictogrammes.
Nous tentons de montrer, en conclusion, que la question de la sémiotique
intermodale se comprend dans l'hypothèse d'un matériau sémiotique virtuel
(dont l'existence n'est pas « mentale », mais purement différentielle,
dans un cadre systémique) commun - et d'un mécanisme sémiotique de base
commun, l'afférence -, aux différentes modalités. Cette hypothèse peut
rendre compte de la traductibilité (théorique) des modalités les unes dans
les autres. Il est alors possible d'analyser les phénomènes d'interaction
entre modalités sémiotiques sur la base d'une grille descriptive comme celle
que nous proposons, et de définir des modèles de mécanismes de traduction
quand le système de signes s'apparente, au niveau de la variété des relations
signifiées exprimables, à la langue (ce qui est le cas des langages de
pictogrammes pour handicapés décrits ici).
Les essais sur site du logiciel développé, organisés grâce au partenariat
entre Thomson-CSF et le centre de rééducation de Kerpape (Morbihan), ont
montré en outre l'intérêt et la faisabilité des principes mis en oeuvre dans
la partie applicative de cette thèse ; mais elles en ont également montré
les failles, liées à l'organisation du lexique, gérée ici seulement à la
taille d'une « maquette ». Les développements futurs de ces principes dans
le champ du TALN (qui pourraient avoir d'autres applications que l'aide aux
handicapés) requerraient un effort particulier sur la cohérence et la
fiabilité du lexique.
II. REMARQUES DE FRANCOIS RASTIER
1. Votre réflexion sémiotique me semble bien menée : cependant, elle a
tendance à postuler l'unité du signe iconique, comme d'ailleurs celle du
signe linguistique. Elle se focalise sur la nature des signes plutôt que
sur leurs modes de combinaison.
Vous considérez l'image et le langage comme des modalités. Cependant, ni
l'image ni le langage ne sont (à mon avis) des modalités : le langage est
bien entendu un type de système susceptible de manifestations visuelles ou
auditives.
Comme le positivisme a réduit les signes à leurs signifiants, il réduit les
systèmes de signes à leur modalité : mais on peut échapper à cette réduction.
Dans la modalité visuelle, on pourrait distinguer des sémiotiques
intransposables (la peinture, par exemple) ; et des sémiotiques transposables
comme les langages d'icônes (parfaitement traductibles en langue, car
idéographiques). Les sémiotiques transposables peuvent être transcrites dans
différentes modalités (on pourrait par exemple lire du bout des doigts des
icônes en relief).
Par ailleurs la multimodalité ne rend aucunement compte de l'intersémioticité,
car plusieurs systèmes sémiotiques peuvent interagir dans une même modalité :
chant, texte illustré, etc. Complémentairement, la question de la
"multimodalité" pourraient conduire à réfléchir aussi au caractère
plurisémiotique de la langue (ponctuations, morphèmes, intonation).
2. Que les systèmes théoriques issus de la linguistique (comme celui de
Hjelmslev, que vous utilisez largement) s'appliquent aux icônes, rien de
surprenant. Les langages d'icônes ont en effet été conçus comme des "langues
parfaites", comme en témoignent sans doute :
- Une conception terminologique : à une icône correspond un et un seul
concept ou une et une seule proposition. Les langages d'icônes n'ont pas de
dimension textuelle. Ils ne connaissent pas la synonymie, ni l'équivoque.
Les variations des occurrences par rapport aux types ne sont pas pertinentes.
- Une compositionalité très restreinte ; pas ou peu d'effets de contexte,
ni de détermination du local par le global.
- Une seconde articulation ou son équivalent (signes composés plus ou moins
décomposables).
- L'absence d'évolutions diachroniques.
Faut-il en conclure que les modèles linguistiques ont une validité étendue,
ou que les systèmes d'icônes sont en fait des langues drastiquement
restreintes ? Je pencherais pour la seconde hypothèse.
En tout cas, on ne peut étendre aux images en général les conclusions qui
valent pour les icônes. Vous soutenez cependant que les images peuvent être
analysée comme des langages.
3. Le problème de l'iconicité soulève celui de la ressemblance.
La ressemblance n'est cependant qu'un effet illusoire du référentialisme - et
les théories de l'icônicité dérivent de cette problématique. On pourrait
opposer que n'est pas le signifiant qui ressemble au référent, mais l'inverse.
On apparie dans le référent perçu et dans le signifiant les mêmes traits
canoniques. C'est alors doxa qui permet l'appariement (une tortue, c'est lent,
et ça a une carapace) : la pertinence canonique est une doxa. Comme telle,
elle a une autonomie par rapport aux référents supposés.
Les téléphones actuels ne ressemblent guère aux téléphones iconiques, mais
en fait toute icône est canonique dès son institution.
4. Vous développez une solution proposée naguère (Rastier, Cavazza, Abeillé,
1994) : il y a "multimodalité" ou plus exactement intersémioticité quand un
système (une "modalité") joue le rôle d'interprétant pour l'interprétation
d'un autre. C'est alors le parcours interprétatif qui est intersémiotique
(les "modalités" ne sont pas traitées en parallèle, mais en interaction).
Ce que vous généralisez en étendant le concept d'afférence est alors un
parcours interprétatif intersémiotique.
Il resterait bien sûr à poser le problème des parcours interprétatifs pour
les systèmes non réductibles au linguistique (peinture, musique, cuisine).
5. Le système de génération est un bon exemple d'une réalisation en TALN qui
met la sémantique à une place primordiale, conservant à la syntaxe un rôle
important, mais secondaire. J'espère que le système présenté trouvera le
débouché industriel qu'il mérite et qu'attendent les handicapés.
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