1999_07_03

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SdT volume 4, numero 6.

 

                                                                                             LES CITATIONS DU MOIS

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                                        and the Rose,

                                        leaning against the morning light,

                                        is longing to be named anew

                                                      Archibald Michiels,

                                                     Tamquam vas figuli, Liege, 1994

 

                                        Auch die Philosophie ist das Resultat zwei streitender

                                        Kräfte, der Poesie und Praxis. Wo diese sich ganz

                                        durchdringen und ins eins schmelzen, da Entsteht

                                        Philosophie. Wenn sie sich wieder zersetzt, wird sie

                                        Mythologie, oder wirft sie ins Leben zurück.

                                                     F. Schlegel,

                                                     Athaenaeum, Fragmente, p. 114.

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                                                     SOMMAIRE

 

1- Coordonnees

             - Bienvenue aux nouveaux correspondants : Jacques Anis, Jean-Luc

             Benoit, Hans-George Ruprecht, Nadia Viscogliosi.

             - Dolores Vivero, Ludovic Tanguy et Andreas Blank changent d'adresse.

 

2- Carnet

             - Anniversaire SdT.

             - Ludovic Tanguy est maintenant chercheur post-doctorant a l' ISSCO.

             - Un avis de recherche sur des etudes de Semantique des Textes,

             pour des langues d'Amerique du Sud.

             - Site Web : la Bibliotheque Universelle.

 

3- Publications

             - Bjorn Larsson, Vincent Nyckees, Michael Rinn, Gabriel Otman, Marco

             Bischofsberger, Michel Ballabriga, Louis Hébert, François Vaucluse.

             - These de Théodore Thlivitis :

                           "Semantique interpretative intertextuelle : assistance

                           informatique anthropocentree a la comprehension de textes"

             - Benoit Habert, Cecile Fabre, Fabrice Issac :

                           "De l'ecrit au numerique :

                           constituer, normaliser et exploiter les corpus electroniques"

 

4- Bibliographie

             - Litterateurs atypiques et penseurs irreguliers ; site M.A.D.O.N.N.A.

 

5- Dialogue

             - Debat sur l'oxymore (M. Schmouchkovitch, F. Rastier).

 

6- Colloques

             - "Conflits des interpretations et interpretation des conflits",

             Journees de Rochebrune 1999, Megeve, 31 janvier - 6 fevrier 1999.

 

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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees

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NOUVEAUX CORRESPONDANTS


[information réservée aux abonnés]

 

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{FR, 01/07/98 et 02/07/98}

 

UNE COMMÉMORATION PRÉMATURÉE : LA LISTE SdT A TROIS ANS !

 

Lancée en juin 1995 la liste Sémantique des textes a publié 45 numéros et

compte aujourd'hui 132 correspondants.

 

Sa rédaction perd peu à peu sa science infuse, et a donc de plus en plus

besoin de vos contributions, critiques et suggestions.

 

Faut-il, par exemple sortir de l'ombre conspirative, mettre un formulaire

d'inscription et/ou des archives sur Texto! ?

 

Rappelons l'adresse du petit frere de SdT, le site Web Texto! :

             http://www.msh-paris.fr/texto/

 

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{FR, 01/07/98}

 

Ludovic Tanguy est maintenant chercheur post-doctorant a l' ISSCO,

Université de Genève - 54 Route des Acacias - CH-1227 Geneve

Telephone : +41/22 705 7115 - Fax : +41/22 300 1086

             Ludovic.Tanguy@issco.unige.ch

 

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{FR, 01/07/98}

AU COURRIER DE TEXTO!

 

SALUDOS DESDE PERÚ

 

Hola, mi nombre es Marco Y SOY UN ESTUDIANTE DE LlINGUíSTICA de la Universidad

Nacional Mayor de San Marco. Estoy muy interesado en saber más sobre los

estudios que realizan en la Semántica del Texto. La  universidad a la que

pertenezco enseña la semántica de Rastier, es por eso que me gustaría saber

más y aplicarlo a las lenguas que estudiamos en nuestro país como son :

Quechua, Aymara, Shipibo, y demás lenguas amerindias.

Espero que me respondan porque así como yo, hay muchos compañeros que tambien

quieren saber sobre linguistica del texto.

             Me despido muy cordialmente.

MARCO ANTONIO PINEDO SALAZAR

             0300536@UNMSM.EDU.PE

 

NDLR : Rappelons les travaux de Enrique Ballon Aguirre et de ses

collaborateurs qui utilisent la sémantique interprétative pour la

description du vocabulaire agraire du quechua.

 

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{FR, 01/07/98}

 

BEAU SITE

 

ABU : la Bibliothèque Universelle

             http://cedric.cnam.fr/ABU/

202 textes. 66 auteurs. 13500 pages (Jan. 98)

On peut également consulter la liste de textes en cours de préparation.

 

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{FR, 01/07/98 et 02/07/98}

 

LES CORRESPONDANTS PUBLIENT :

 

* Long John Silver, un des romans de Bjorn Larsson, vient d'être traduit en

français (chez Grasset). Le matelot roublard de Stevenson cingle vers de

nouvelles aventures.

 

* Vincent Nyckees : La sémantique, Paris, Belin. Eminemment recommandable !

 

* Michael Rinn : Les récits du génocide - sémiotique de l'indicible,

Lausanne, Delachaux et Niestlé.

 

* Gabriel Otman : Les mots de la cyberculture, Paris, Belin.

 

* Marco Bischofsberger : Sguardi Lessicali. Ricerche di semantica storica su

postmoderno et fine della storia. Clueb, Bologna.

 

* Michel Ballabriga (éd) : Sémantique et rhétorique, Presses universitaires

du sud. (actes d'un colloque tenu à Albi sur ce thème).

 

* Louis Hébert (éd.) : Interprétation, Protée, 26, 1 (numéro spécial).

 

 

LES PSEUDONYMES PUBLIENT AUSSI :

 

François Vaucluse (1998) Epistémologie minimale, Mot@Mot, site :

             http://engdep1.philo.ulg.ac.be/MotAMot/

 

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A propos des "Mots de la cyberculture", de Gabriel Otman :

 

"A la lecture de cet ouvrage, on constatera que les termes anglo-saxons sont

finalement assez minoritaires, et qu'ils coexistent souvent avec leurs

équivalents français. "Naviguer" concurrence "surfer" et la "toile" côtoie le

"net". Mais ce qui est surtout frappant, c'est que la plupart des termes

cyberculturels sont souvent non pas des néologismes mais des mots connus

auxquels le cyberespace impartit une extension sémantique. Ainsi en est-il de

la "mémoire", du "cerveau" ou des "virus" qui appartiennent au lexique

désormais courant de l'informatique, et qui auguraient déjà de la tendance de

ce vocabulaire à l'anthropomorphisme aujourd'hui confirmé. Un "agent social",

un "assistant" ou un "clone" ne sont ni une personne travaillant pour la DDASS,

ni un collaborateur, ni un être humain ou un animal dupliqués à partir d'une

seule cellule, mais un agent informatique qui dresse la liste des préférences

sur Internet, un logiciel utilitaire et un ordinateur copie conforme d'un

autre." (Marie Duteau, RFI)

 

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{FR, 01/07/98}

 

BELLE THESE

 

Théodore Thlivitis a soutenu avec succès à l'Ecole Nationale Supérieure des

Télécommunications de Brest sa thèse :

                           Sémantique interprétative intertextuelle :

                           assistance informatique anthropocentrée

                           à la compréhension de textes

 

On reparlera de cette avancée théorique et pratique. Le chapitre 2 va

paraître sur Texto! (http://www.msh-paris.fr/texto/).

 

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{FR, 01/07/98}

 

                                        De l'ecrit au numerique :

             constituer, normaliser et exploiter les corpus electroniques

 

Benoit Habert, Cecile Fabre, Fabrice Issac

InterEditions, 1998, 295 F

 

Resume :

 

Internet donne acces a un gisement considerable de connaissances sous

forme electronique. Ce gisement est cependant rarement utilisable

directement : il faut nettoyer les donnees textuelles disponibles et les

ramener aux standards des documents electroniques (SGML, HTML, etc.).

 

Cet ouvrage presente les criteres a prendre en compte pour constituer un

corpus electronique representatif. Il montre egalement comment le

normaliser et comment l'exploiter. Mis au point et teste dans le cadre

d'une formation professionnelle, cet ouvrage forme aux outils standard

qui permettent de filtrer les donnees (grep), d'operer des

transformations simples (sed), de travailler sur des tableaux (awk), de

segmenter (lex) et de structurer des textes (perl) ou d'appliquer des

traitements arbitrairement complexes (perl).

 

Un CD-Rom d'accompagnement permet de se familiariser avec ces notions en

travaillant sur un corpus d'entrainement a l'aide des outils

presentes. Ces manipulations et de nombreux exercices corriges

conduisent a une maitrise effective de ces techniques. Cette formation

pratique est completee par la presentation des concepts (langages

reguliers, automates ...) et des standards (SGML, HTML, ISO-Latin1) dont

la connaissance est indispensable dans le domaine en pleine expansion

des corpus electroniques.

 

Table des matieres :

 

        Vers des textes utilisables

                Les textes : des gisements d'information

                Le texte dans tous ses etats

                Rendre les textes comparables

                Operations elementaires sur les textes

                <<geler >> et << degeler >> les textes

        Constituer un corpus

                Problemes juridiques

                Que veut-on etudier ?

                Caracteriser les donnees textuelles

                Documenter un corpus

        Normaliser

                Jeux de caracteres

                Vers une representation logique : SGML

                Norme   HTML  pour hypertextes

                Normes pour corpus

        Combiner les traitements

                << Motifs >>, recherches, filtrages

                Notions informatiques necessaires

                Articuler les traitements elementaires

        Outils de base : grep et sed

                Le langage des expressions regulieres

                Filtrage de lignes : grep

                Remodelage de lignes : sed

        Outils extensibles : awk et perl

                Travail par ligne structuree : awk

                Un outil federateur: perl

        Segmenter

                Segmenter un texte : lex

                Segmenter en << phrases >> et en << mots >>

                Sequences repetees

                Automates a etats finis et langages reguliers

        Structurer

                Grammaires et langages

                Manipuler des donnees structurees   : yacc

        Conclusion

                Apprendre a << voir >> et a faire

                 Choisir les bons outils

                Des savoir-faire aux savoirs

        Annexes

                Variantes des expressions regulieres

                Operateurs les plus courants

                Raccourcis

                 Adresses et sites utiles

Bibliographie

Index

 

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Bibliographie Bibliographie Bibliographie Bibliographie Bibliographie Biblio

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{FR, 01/07/98}

 

«Littérateurs atypiques et penseurs irréguliers. Numéro préparé par Pierre

Popovic», _Tangence_, 57, mai 1998, 128 p. Revue publiée par l'Université

du Québec à Rimouski. ISSN : 0226-9554. (8 $CDN)

 

Ce numéro de revue s'inscrit dans la programmation scientifique du Module

d'analyse des originaux nébuleux et noéticiens allodoxiques (M.A.D.O.N.N.A.),

dont le site Web se trouve à l'adresse suivante :

             http://tornade.ere.umontreal.ca/~melancon/madonna.tdm.html

 

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{FR, 01/07/98}

 

DÉBAT SUR L'OXYMORE

 

F. Rastier : Vous avez étudié (NDLR dans votre thèse sur l'interprétation de

l'oxymore chez Rousseau) l'expression avare magnificence, dans le célèbre

programme de vie tiré de l'Emile. On y trouve le verger idéal qui donne au

promeneur, avec une avare magnificence, les fruits qu'il prend selon ses

besoins heureusement modérés.

 

On pourrait éclairer ce passage par la lettre XI de la quatrième partie de

La nouvelle Héloïse, dont sort le texte prélevé dans l'Emile (et d'abord

rédigé sur l'exemplaire personnel de Rousseau). On y trouve un compendium des

oppositions entre jardin (artificieux) et verger, un hortus conclusus qui aura

une longue postérité (par exemple le Paradou dans La faute de l'abbé Mouret).

Il faut sans doute passer du jardin évangélique au verger édénique, même si

le jardinier Gustin, au nom fort augustinien, n'y consacre que le nombre

évangélique de 12 journées par an. Il fait antithèse au bosquet fatal (de

l'autre côté de la maison, et qui sera rappelé dans la lettre suivante, p. 367),

car il a "été planté des mains mêmes de la vertu"(p. 364).

 

M. Schmouchkovitch : Je me permets d'être en désaccord avec vous quant à

l'analogie que vous faites entre le passage en cause de l'Emile et la

lettre XI de la quatrième partie de la Nouvelle Héloïse. Voici mon point de

vue à ce sujet. Un  point de vue global : l'appréciation de Rousseau sur cet

Elisée ; un point de vue plus local : les oppositions isotopiques entre les

deux textes.

 

1) On peut repérer deux parties dans cette lettre XI. La redécouverte du verger

et les souvenirs ou la collection des divers types de jardin à cette époque.

A mon sens la seconde partie éclaire la première. La bascule entre l'Elisée et

la falsification de la nature est indiquée par au moins deux remarques :

"A ces mots il me vint une imagination..." (II, 480), et "...c'est d'être un

amusement superflu" (II, 485). La réprimande que reçoit Saint-Preux fait

basculer sa critique sur une autre scène : celle de l'amour. Julie ne

s'autorise comme promenade que ce verger clos, dont le mari est un des seul à

avoir la clef (même sans le bon Dr Freud on pense aux grivoiseries de Voltaire

dans ses lettres sur la Nouvelle Héloïse), et ce lieu me semble être le reflet

de la facticité du bonheur conjugal de Julie. Le mot facticité est sans doute

un peu fort car la sincérité de Julie n'est pas en cause (quoique les auteurs

américains, mais non pas les français, parlent de la duplicité de Julie).

 

2) S'il est vrai que la 'négligence' ("il ne vous en a coûté que de la

négligence" (II, 472)) a quelque chose à voir avec l'avare magnificence,

plusieurs traits significatifs m'apparaissent en opposition. Le fait que le

jardin soit fermé à clef, que les arbres soient greffés, et horreur, par

d'autres espèces, qu'un système compliqué amène l'eau (cela lui rappelle sans

aucun doute le souvenir de l'aqueduc détruit), bref que l'art imite la nature

comme dans les jardins florentins ou de Tivoli.

Par ailleurs je suis d'accord avec votre analyse.

 

F. Rastier : N'oublions pas que rien n'y paraît, que ce ruisseau serpente

comme naturellement, que les allées sont des chemins, non des perspectives,

que les oiseaux ne sont point en volière, mais pullulent attirés par des

plantes friandes semées ça et là, c'est j'en conviens un paradis non sans

facticité mais c'est celui de l'art - plutôt que du mariage - et en est-il

un autre ?

 

Quoi qu'il en soit, je me demande en quoi l'emploi de l'oxymore est-il

caractéristique de Rousseau et quelle est sa fonction dans son oeuvre. Elle se

trouve peut-être dans sa théorie de la nature : l'origine était conçue comme

indisctinction in nuce, et l'oxymore redit cette unité perdue des contraires.

Ou encore, dans une lecture dissimilatrice, il permet de renvoyer des

apparences, pour la civilisation corrompue (ex. avare), à la vérité d'une âme

pure (ex. magnificence). Ainsi l'avare magnificence comme l'éloquence muette

sont-elles deux témoignages concordants, l'un sémiotique, l'autre économique,

de la modération qui régnait à l'état de nature.

 

M. Schmouchkovitch : Je reviens à l'interprétation de l'oxymore "avare

magnificence". Vous en proposez une lecture dissimilatrice qui indexe "avare"

du côté de l'apparence et "magnificence" du côté de la vérité intime, de

l'adéquation de l'être à la généreuse économie de la nature. Cette lecture m'a

tout d'abord déstabilisé. Cependant elle me permet de mettre en évidence une

différence d'approche interprétative que j'aimerais discuter avec vous.

 

Je trouve deux raisons à votre lecture:

1) que le global déterminant le local, le thème inhérent à la pensée sociale

de Rousseau de la disparité de l'être et du paraître (qui à mon sens se

continue dans son délire de persécution que je préfère voir comme un délire

d'authenticité) justifie cette application dissimilatrice à l'oxymore, et

2) que le texte procède par opposition binaire entre le luxe et le simple (le

rustique). Le terme "avare" gardant alors son sens usuel : celui d'un riche

(un Rousseau fictivement riche) qui ne se fait bâtir qu'une si modeste maison.

 

Je rappelle de façon succincte mon interprétation : Rousseau qui épouse un

moment le rôle d'un propriétaire qu'il n'a par ailleurs jamais été, devient

alors aussi prodigue que peut l'être la généreuse nature (est-il devenu le

Dieu d'un paradis où le promeneur ne serait autre qu'Adam [un Adam auquel

aucun fruit ne serait défendu (nouvel effacement du péché originel)]...

lecture intertextuelle ou à nouveau détermination du local par le global ?)

mais son avarice est alors celle :

a) de l'état de nature où les êtres sont séparés les uns des autres, sans

aucune relation entre eux, donc sans échange aucun ou

b) de celui qui aurait voulu vider l'échange, le don, de l'aliénation

respective (dette/obligation) des contractants.

 

Si les mots ont un poids on arrive là au juste équilibre entre avarice

et magnificence, à l'économie, à la bonne mesure. Il me semble que mon

interprétation économique est plus "inhérente" au texte, à sa thématique,

que celle que vous me proposez, que je qualifierais d'"afférente". Qu'en

pensez-vous ?

 

C'est effectivement encore ici la détermination du local par le global, celui

de sa sensitivité à tout rapport social (qu'il soit affectif ou économique).

Mais je ne vois pas là de décalage dissimilateur entre deux registres : "avare"

et "magnificence" appartiennent tous deux au même univers, celui de l'univers

non aliéné (naturel dont la simplicité rustique peut donner quelque idée) de

Rousseau. Disons encore au même point de vue narratif. Il me semble donc que

la dissimilation n'a pas le dernier mot et c'est donc sur cette question de la

légitimité des interprétations que j'aimerais avoir votre commentaire. L'autre

interrogation que je me pose concerne les limites de l'interprétation. Certes,

mon interprétation semble cohérente avec la pensée de Rousseau (c'est-à-dire

avec le corpus exégétique des lectures de Rousseau, sans d'ailleurs négliger

leurs divergences) mais y a-t-il un moment où l'interprétation devient une

réécriture? Où s'arrête la bonne foi dans la "fidélité créatrice" ? Quelle est

la différence entre le commentaire et l'interprétation? Vous êtes surpris que

ma conclusion porte sur Rousseau mais c'est vrai que j'ai ce souci de revenir

en dernier lieu au texte car j'ai la conviction encore maladroite que le texte

porte en lui-même ses propres contraintes interprétatives et que l'essai de

détermination de celles-ci a à voir avec une éventuelle légitimation de

l'interprétation, une fidélité à l'auteur.

 

F. Rastier : Vous avez raison (si je ne me trompe) : les deux termes avare et

magnificence, qui sont péjoratifs dans l'état de civilisation, du moins selon

Rousseau qui voit dans la magnificence un excès, se neutralisent l'un l'autre,

ou du moins se proportionnent à une juste mesure dans l'état de nature, par un

parcours que vous dites à bon droit endoxal.

 

J'aurais fait une lecture de l'oxymore comme un paradoxe qui indexerait un

terme dans un univers ou une époque et l'autre dans un(e) autre. Chez Chamfort

(mais j'ai peut être trop travaillé sur lui) il en serait ainsi, comme vous

vous doutez bien.

 

Magnificence est normalement mélioratif dans la doxa de l'époque, et chez

Rousseau il peut devenir péjoratif : mais dans cet emploi il reste mélioratif,

en changeant d'acception et en contredisant son étymologie, et en devenant une

"offrande" frugale.

 

Par contraste, avare, normalement péjoratif devient mélioratif dans ce

contexte. On doit remarquer cependant que le statut d'avare prête à

discussion : on trouve dans la première édition du dictionnaire de l'Académie

française des emplois mélioratifs d'avare (par exemple : "une femme avare de

ses charmes").

 

On peut soutenir que si l'oxymore unit des termes en relation de contradiction

sémantique (comme par exemple tonnerre muet chez Mallarmé), il s'ajoute ici

une inversion évaluative par rapport au sens le plus commun à l'époque, puisque

avare est ici mélioratif. Mais comme l'acception méliorative est parfois

attestée, notamment dans des contextes moralisants, on pourrait en outre lire

ici une syllepse sur avare : dans l'univers social avare est généralement

péjoratif, dans celui de Rousseau, c'est l'autre acception qui prévaut.

 

Je retiendrai pour ma part que la caractérisation d'une forme sémantique comme

oxymore, paradoxe ou syllepse, en admettant que ces tropes négligés ne puissent

se combiner (ce que je ne crois pas) dépend non seulement des normes

sémantiques propres à l'oeuvre de Rousseau, mais aussi des parcours

interprétatifs que l'on y trace, selon que l'on formule ou non une hypothèse

d'isonomie sur l'oeuvre.

 

Pour les autres questions, il me faudrait ou me faudra un livre pour les poser,

sans prétendre y répondre. Je vous l'épargne, et j'espère que nous pourrons

bientôt lire sur Texto! votre belle analyse !

 

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Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques

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{FR, 01/07/98}

 

HERMÉNEUTIQUE COGNITIVE ?

 

Journées de Rochebrune 1999,

du dimanche 31 janvier 1999 au samedi 6 février 1999 à Rochebrune (Megève):

                             Rencontres interdisciplinaires sur les

                           systèmes complexes naturels et artificiels

 

Appel à communications / Thème des journées 1999

 

             Conflits des interprétations et interprétation des conflits

 

[...]

L'interprétation peut se comprendre à la fois comme un processus et comme

son résultat. Elle peut donc être difficilement séparée de sa dynamique

d'élaboration. C'est pourquoi nous voulons explorer plus précisément le rôle

des conflits et antagonismes dont Héraclite disait qu'ils sont les seuls

moteurs d'évolution. Le conflit ne doit pas forcément être compris dans le

sens de la logique classique dans laquelle il est source d'incohérence ; ni

dans le sens étymologique de forces qui se heurtent ce qui rendrait le conflit

source de destruction, mais au contraire comme dynamique créatrice une fois

placée dans un mécanisme d'équilibration, possiblement par interprétation du

conflit lui-même. Nous souhaitons poser les questions (non-exhaustives)

suivantes :

* le vivant interprète-t-il son environnement et quel sens donner à cette

assertion ? Entre ADN et organisation cellulaire, qu'en est-il de

l'embryogenèse comme herméneutique du vivant ?

* quelle différence y a-t-il entre l'interprétation par le vivant, l'homme

et la machine ? Quels modèles en avons-nous et sont-ils conflictuels ? Que

nous apprend l'ordinateur comme machine universelle à traiter le signe ?

* quel est le rôle des conflits et antagonismes dans la construction

d'interprétation ? Pourquoi les éviter et comment les utiliser ?

* comment une interprétation individuelle est-elle possible ou qu'en est-il de

l'interprétation collective et du rôle de la multiplicité des points de vue,

qu'ils soient méthodologiques, contextuels ou de niveaux, et donc des conflits

qui peuvent en résulter ? Qu'en est-il de l'interprétation comme résolution

des conflits et donc moteur d'évolution ?

* si, comme dans la deuxième définition du Greimas (voir notes), les signes

sont toujours déjà signifiants, comment peuvent-ils avoir ce statut ?

Qu'est-ce qui les rend signifiants ? Qu'en est-il de la pensée symbolique

des civilisations anciennes ou orientales et qui a été cultivée chez nous

jusqu'au Moyen-Age (G. Durand) ? Comment cette forme d'interprétation

s'articule-t-elle avec les signes décontextualisés, jusqu'à être calculables

et à la conception de l'interprétation qui en découle ?

* de quels processus de légitimation des interprétations disposons-nous ?

Quelles relations l'interprétation entretient-elle avec l'action ou

l'argumentation que ce soit avant, par ou après coup ? Comment l'interprétation

s'articule-t-elle à la controverse, la négociation, l'ajustement ?

* puisque la simulation joue un rôle de plus en plus grand dans l'activité

du modélisateur: comment s'articulent la simulation et l'interprétation ?

[...]

 

* Soumission des contributions

Les propositions de communication, de 4 à 12 pages, devront parvenir en trois

exemplaires ou sous forme électronique (Word attaché vivement souhaité) à

l'adresse suivante :

             Christophe Parisse

             INSERM

             Laboratoire de Neuropsychologie de l'Enfant

             Bâtiment Pharmacie 3ème étage

             Hôpital de la Salpêtrière

             47 bd de l'Hôpital

             75651 PARIS CEDEX 13

             FRANCE

E-mail : parisse@ext.jussieu.fr - Tél : (33) 1 42 16 00 58

 

* Modalités d'inscription

Le coût de la participation aux journées s'élève à :

- en cas de paiement avant le 30 novembre 1998 :

2900 Frs par chèque personnel

3200 Frs par bon de commande institutionnel

- en cas de paiement après le 30 novembre 1998 :

3100 Frs par chèque personnel

3800 Frs par bon de commande institutionnel

 

Cette somme couvre l'inscription aux journées, les actes, le logement et les

repas au chalet de haute-montagne de Rochebrune, ainsi que diverses activités.

Pour toutes les personnes désirant participer, un bon de commande ou un chèque

pour la totalité de la somme doit parvenir à l'adresse ci-dessus avant le 15

janvier 1999. Attention, mettez le paiement à l'ordre de : ECAL.

Un nombre très limité de bourses (2100 Frs) pourront être accordées à des

étudiants qui adresseront une demande motivée par écrit.

 

* Dates importantes

Réception des manuscrits : les textes sont souhaités pour le 31 septembre 1998

Notification d'acceptation : 9 novembre 1998

Remise des versions finales : 10 décembre 1998

 

NDLR : Journées chargées, mais une piste de ski passe tout près du chalet...

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