1999_02_04

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SdT volume 5, numero 2.

 

                                                                                             LA CITATION DU MOIS

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                                                                                "L'écriture suggère par

                                                                                des allusions et des ombres"

                                                                                                          Alhazen

                                                                                ________________________________

 

                          

 

                                                     SOMMAIRE

 

1- Coordonnees

             - Bienvenue a Karine Gurtner.

             - Nouvelle adresse pour Thierry Mezaille.

 

2- Publications

             - These de Martine Cornuejols : "La memoire semantique et ses

             modes d'acces (verbal, image) -approche pluridisciplinaire.

             - These de Serge Mauger :

             "L'interpretation des messages enigmatiques -Essai de

             Semantique et de traitement Automatique des Langues"

             - (Suite des) resumes des communications au colloque :

             "Analyse des discours : Textes, Types et Genres"

             (Toulouse, 3-5 decembre 1998)

 

3- Dialogue

             - Entretien sur la semoitique et la semantique, de Francois Rastier

             avec des étudiants du séminaire Sémiotique narrative et discursive

             de C. Portelance, Université du Québec à Rimouski, octobre 1998

             (suite).

 

4- Chronique

             - Les mots branches d'oncle Gabriel : cybernetique et cyber,

             prefixes et suffixes (dont : multi, poly et pluri), multimedia.

 

5- Colloques

             - Colloque "Sciences cognitives et sciences de la nature"

             Geneve - Archamps, 19-23 juin 1999 : adresse du site Internet.

             - Workshop on Text, Speech and Dialog (TSD'99)

             Marianske Lazne (Marienbad), 13-17 septembre 1999.

 

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NOUVEAUX ABONNÉS

[information réservée aux abonnés]

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SUR LE FRONT DES THÈSES

 

Martine CORNUEJOLS (UNIVERSITE PARIS XI)

 

             LA MÉMOIRE SÉMANTIQUE ET SES MODES D'ACCÈS (VERBAL, IMAGÉ) :

                                        approche pluridisciplinaire.

 

 

L'étude, basée sur la distinction signifiant / signifié, porte sur la

nature du stockage des représentations en mémoire sémantique et leurs

relations avec les modes d'accès (verbal et imagé). L'objectif est de

déterminer si les réseaux sémantiques activés par les images sont

similaires à ceux activés par les mots.

 

L'approche qui est utilisée est l'approche multidisciplinaire des

sciences cognitives faisant intervenir des données de psychologie

cognitive - domaine dominant de la thèse -, des données neurophysiologiques

d'imagerie cérébrale et des données issues d'études de neuropsychologie.

L'aspect connexionnisme est abordé pour son apport aux modélisations

envisagées à partir des données expérimentales ou pour conforter celles-ci.

L'ensemble reposant sur une étude psycho-linguistique.

 

Les expériences relatées ici utilisent le paradigme d'amorçage

sémantique automatique avec une tâche de décision lexicale ou une tâche

de décision d'objets. L'absence d'amorçage sémantique automatique d'un

mot par une image lorsque les associations sémantiques sont issues de

tables d'associations verbales conduisent à envisager que le réseau

associatif des images est différent de celui des mots. C'est ce qui a

été testé dans l'expérience consistant à établir une table

d'associations pour les images et à la comparer avec une table

d'associations pour les mots. Une typologie des liens associatifs a

révélé que les images évoquaient préférentiellement des associés

replaçant l'entité présentée dans un contexte (spatial, temporel), alors

que les mots suscitaient des associés de type descriptif. Une validation

de la différenciation des réseaux associatifs est obtenue par

l'utilisation de ces tables d'associations pour réaliser des expériences

d'amorçage réitérée en y adjoignant des conditions où la cible elle-même

pouvait être une image. Des expériences complémentaires ont permis de

tester le rôle de la nature de l'image (en la remplaçant par une icône),

de l'intervalle inter-stimulus, de la dénomination implicite de l'image

et de l'effet syllabique de sa dénomination.

 

Au total, sept expériences de psychologie cognitive ont été réalisées et

entrent dans le cadre de la discussion sur les modèles unitaire ou

modulaire de la mémoire sémantique et de sa nature modale ou amodale.

 

mc@limsi.fr

                                        _____________________________

 

Serge MAUGER (IUT de Caen)

 

                           L'INTERPRETATION DES MESSAGES ENIGMATIQUES

             Essai de Sémantique et de Traitement Automatique des Langues

 

Oedipe, le personnage de la tragédie de Sophocle, résout l'énigme du sphinx

"par sa seule intelligence". Il est ici le point de départ d'une réflexion

générale sur le statut linguistique de certains jeux de langage, dont la

pratique est répandue à toutes les époques et dans toutes les cultures.

L'intelligence d'Oedipe se fonde sur une capacité à "calculer"

l'interprétation de l'énigme en abandonnant un raisonnement inductif (par

récurrence) pour adopter un raisonnement analogique.

 

En partant de ce constat, on tente de montrer, dans une seconde partie, que

le calcul du sens des messages plurivoques permet de proposer un modèle

d'analyse combinatoire qui est un outil de Traitement Automatique des

Langues (TAL), capable d'aider au calcul des jeux de charades et à

l'interprétation des définitions cryptées des mots croisés. Ce modèle sert

de pierre de touche à une analyse des Structures Sémantiques sous-Jacentes

aux interprétations et montre quels sont les items lexicaux qui sont

concernés par l'isotopie. L'isotopie n'est en l'occurrence pas considérée

comme une donnée du message mais comme un construit de l'interprétation.

L'ensemble de la démarche adopte donc le point de vue d'une sémantique

interprétative.

 

La troisième partie prolonge la réflexion en inscrivant le traitement des

messages énigmatiques dans la problématique du Dialogue Homme-Machine (DHM)

qui permet de traiter les ambiguïtés de certains énoncés et de comprendre

des "messages étranges" à partir des propositions d'interprétation

extrapolées du modèle. De proche en proche, on analyse ainsi le calcul du

récepteur des messages comme une activité qui consiste à analyser les

traces graphématiques ou acoustiques. La prise en compte des traces est une

confrontation avec les attendus du système linguistique qui permet de

procéder à une série de décisions aboutissant à l'identification d'un point

de vue cohérent. La découverte de cette cohérence et de ce point de vue

sont comparés à la démarche que l'on adopte dans la "lecture" d'une

anamorphose (en peinture) ou quand on déchiffre les règles d'organisation

des suites de cartes dans le jeu d'Eleusis. On retrouve une démarche

analogue quand il s'agit d'interpréter la "scriptio continua" des

inscriptions paléographiques, dont la technique sert de base à la fois à

certaines expériences de production littéraire sous contrainte et aux jeux

des mots cachés.

 

mauger@iutc3.unicaen.fr

 

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FLORILÈGE SUR LES GENRES (suite)

 

Du 3 au 5 décembre se tenait à Toulouse le colloque international :

 

                           Analyse des discours : Textes, Types et Genres

 

organisé par Michel Ballabriga et le CPST (Université de Toulouse le

Mirail). Etant donné son intérêt, nous proposons à nos lecteurs les résumés

des communications.

 

                                        _______________________

 

Jean-Michel ADAM

(Université de Lausanne, Centre de recherches en linguistique)

 

             De la séquence aux genres ou

             pourquoi les textes ne sont pas typologisables

 

Après avoir travaillé sur le récit et sur la description et avoir été tenté

par l'acceptation pure et simple des théories des types de textes

anglo-saxonnes qui semblaient permettre une généralisation rapide, j'ai

consacré un livre, au titre volontairement ambigu, à expliquer (Les textes :

types et prototypes  1992) pourquoi il est, à mon sens, profondément erroné

de parler de "types et textes". L'unité "texte" est trop complexe et

trop hétérogène pour présenter des régularités typologiques globales,

linguistiquement cernables. A la différence de mes prédécesseurs

anglo-saxons, j'ai situé un certain nombre de faits de régularité dits

"récits", "descriptions", "argumentation", "explications" ou "dialogue" à

un niveau que j'ai proposé d'appeler séquentiel. J'ai défini les séquences

comme des unités compositionnelles à peine plus complexes que la simple

période, mais très inférieures -mis à part le cas relativement rare des

textes très courts mono-séquentiels- à l'unité globale que l'on peut

appeler texte. Le modèle de la structure compositionnelle des textes que je

propose rompt radicalement avec l'idée de "typologie des textes" et il n'a

de sens que dans la perspective globale d'une théorie des plans ou niveaux

d'organisation. En distinguant des plans ou niveaux d'organisation de la

textualité (dont les séquences prototypées ne sont qu'une composante), il

s'agit de rendre compte du caractère profondément hétérogène d'un objet

irréductible à un seul mode d'organisation, d'un objet complexe mais en

même temps cohérent.

 

Si l'on veut proposer une théorie d'ensemble et une théorie unifiée,

c'est-à-dire une théorie capable de rendre compte de toutes les

réalisations textuelles possibles, quelle que soit leur longueur, leur

époque, leur forme de l'expression orale ou écrite, monosémique ou

plurisémiotique, la formation discursive dont ils relèvent, en plus de la

dimension textuelle, il faut clairement donner une place dans le modèle à

la dimension discursive des faits de textualité : il ne saurait exister de

linguistique du texte hors d'une linguistique ou analyse des discours.

 

C'est ici que l'on rencontre la question des genres, qui s'est déplacée,

ces dernières années, du champ de la seule poétique littéraire en direction

de l'analyse des discours. Ma communication apportera des réponses aux

questions suivantes : le recours au concept de genre est-il nécessaire dans

le champ de linguistique des textes et discours ? Dans quel cadre théorique

et dans quel horizon épistémologique ce concept trouve-t-il une utilité

effective ?

 

                                        _______________________

 

Sophie BERTOCCHI-JOLLIN

(Université de Versailles/Saint-Quentin-en-Yveline)

 

             De la validité du concept de phrase romanesque (XIXe-XXe siècles)

 

Comme l'appelle de ses voeux Jean-Pierre Seguin dans L'Invention de la

phrase au XVIIIe siècle (1993), une exploration systématique du sentiment

de la phrase à l'époque contemporaine ne serait pas sans intérêt. Les

recherches récentes de la linguistique interactive et conversationnelle ont

par ailleurs remis en cause la pertinence même du concept de phrase dans le

langage oral. En admettant donc que l'écrit reste le seul champ

d'investigation possible pour la phrase, et compte tenu d'autre part des

limites d'une conception purement syntaxique de cette entité, il appartient

à l'approche textuelle de s'imposer comme une catégorie productive pour

l'étude de la notion. C'est pourquoi une réflexion sur la phrase en liaison

avec le genre de texte, en l'occurrence le genre romanesque, pourrait

contribuer à l'enquête sur la phrase contemporaine.

 

Les travaux portant sur l'évolution diachronique de la phrase littéraire

ont montré qu'il existe une "typicité" liée à l'époque historique.

Rappelons-le, l'émergence du concept de phrase tel que nous l'entendons

communément aujourd'hui est en fait relativement récente, puisqu'il succède

au règne de la période jusqu'à l'époque classique. Considérant ainsi que la

phrase au sens moderne n'a que deux cents ans d'existence, les études sur

des textes antérieurs relèveraient plutôt de l'archéologie. Il reste la

question de l'évolution de la phrase au cours de ces deux derniers siècles.

Croisant le découpage historique, un autre ordre de "typicité" de la

phrase, lié au genre de texte, a pu être relevé : outre les divergences

entre prose et poésie, des spécificités se dégagent à l'intérieur du champ

de l'écriture en prose :

             Les auteurs de Lettres (...), les auteurs de mémoires, de romans,

             de nouvelles, de contes, de pamphlets, adopteront la phrase brève

             et chercheront l'effet. (...)

             Toutefois la période reste en honneur chez tous les orateurs, et

             un certain nombre d'érudits ou d'historiens, de juristes, etc.,

             sont fidèles à la phrase longue (...)."

             (F. Brunot et C. Bruneau, Précis de grammaire historique de la

             langue française, Masson, 1969).

F. Brunot tend à évacuer la distinction historique fondatrice entre période

et phrase au profit d'une discrimination générique. Toutefois cette

approche s'avère bientôt relativement caduque : en effet, à partir du XIXe

siècle, toujours selon F. Brunot, la phrase apparaît de plus en plus

déterminée par le tempérament d'un écrivain, c'est-à-dire singulière. Un

mouvement d'effritement des caractéristiques génériques est engagé. En

multipliant ainsi les typicités de la phrase presque à l'infini, cette

tendance aboutit à ruiner la notion même de typicité, qui par définition

s'oppose à l'individuel. L'individualisation croissante des écritures

rend-elle inopérante la catégorisation transversale de "phrase romanesque" ?

S'il existe bien des typicités génériques, comment pourrait-on alors

spécifier celle de la phrase romanesque ? Existe-t-il des caractéristiques

communes par-delà les écarts historiques et individuels quelquefois majeurs ?

Quel est le patrimoine commun à la phrase de Balzac et de Proust et à

celle de Céline, Cohen ou Simon ? La réponse ne peut que s'énoncer sous la

forme d'un paradoxe : la phrase romanesque témoigne d'une infinie

diversité, d'incessantes fluctuations - ampleur, complexité, ordre,

modalités... - ; cette plasticité extrême en fait précisément la

spécificité, la définit à l'unisson de la plasticité du genre romanesque,

genre littéraire phare de la modernité.

 

                                        _______________________

 

Jean-François JEANDILLOU

(Professeur de Sciences du langage à l'Université de Paris X-Nanterre)

 

             Effets de texte

 

Sous le nom d'effets de texte on voudrait examiner un certain nombre de

phénomènes qui, inscrivant chaque texte dans un complexe générique

identifiable, permettent aussi d'opposer les paramètres de la discursivité

à ceux de la textualité. La grille ou le filtre de tel genre littéraire

favorise par exemple des organisations sémiotiques qui, pour n'être plus

rigoureusement cohésives ni strictement cohérentes, peuvent contrevenir aux

critères rassurants de la grammaire de texte et de l'analyse du discours.

Les effets en question, qui se laissent concevoir à la fois comme parure

ornementale (le texte étant constitué, en pareil cas, de formes

signifiantes à fonction " esthétique ") et comme leurre (le texte suscitant

avant tout une illusion interprétative), forcent à repenser la singularité

de chaque objet en ne le rattachant à des modèles que pour mieux l'en

distinguer ; ils obligent de même à sans cesse affiner les outils d'analyse

dont ils éprouvent l'efficace et les limites opératoires.

 

Indéfiniment répétable, échappant par nature à son contexte de production

et résistant aux assauts de la systématisation, l'objet textuel (littéraire

en particulier) sera finalement considéré sous le rapport de procédures

qui, outrepassant les communs impératifs fixés par la langue, lui confèrent

une textualité déceptive au niveau de la mise en discours proprement dite,

de la connexité, des chaînes de liage, de la séquentialité notamment. Si

règles il y a dans ce processus de signification, il s'agit d'élaborations

irrémédiablement tributaires de la fixité du support (quel qu'il soit) et

des conditions de son expérimentation (hors temps), de sa littéralité plus

encore, et surtout de sa dimension connotative qui, par-delà tous les

réseaux d'afférences sémantico-discursives, demeure par essence métatextuelle.

 

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Nedret Öztokat,

(Université d'Istambul).

 

             La nouvelle brève et le contrat énonciatif.

 

Dans la littérature contemporaine la nouvelle brève est certes une des

formes les plus répandues. Couramment utilisée par des écrivains modernes,

cette forme de fiction jouit d'une grande popularité surtout dans la

tradition américaine et anglo-saxonne si bien que certains critiques

littéraires de ces pays  considèrent cette forme comme un nouveau genre.

Par exemple, selon la classification typologique d'O'Connor, la nouvelle

brève occupe le premier rang devant la nouvelle, la nouvelle longue, le

roman bref et le roman. D'autre part, il existe également une autre forme

de nouvelle plus concise, c'est ce qu'on appelle en anglais le "short short

story" (nouvelles minimalistes) et dont on trouve un grand nombre

d'exemples dans la littérature mondiale. Cependant malgré les efforts

théoriques en la matière, le problème de la définition de la nouvelle brève

reste  toujours à résoudre.

 

Dans notre exposé nous traiterons de la divergence des approches

discursives dans la production de la nouvelle brève, et ceci dans le cadre

d'un corpus varié qui comprend des exemples des littératures

latino-américaine (Borges, Cortazar), turque (Y.Kemal, S.Faik, F.Edgü) et

française (Tournier). Ce choix d'exemples nous permettra de voir à quel

point cette forme littéraire entreprend des relations étroites avec la

culture d'origine dont procède l'oeuvre. De ce point de vue nous aborderons

le problème de la définition dans le cadre de la "praxis énonciative". Nous

traiterons ensuite des instances énonciatives pour mieux cerner les

stratégies discursives  propres à la nouvelle brève. Ainsi espérons-nous

apporter au moins quelques éclaircissements sur un genre si difficile à

délimiter.

 

                                        _______________________

 

Roselyne KOREN

(Université Bar-Ilan, Israël)

 

             La "grammaire binaire" de l'écriture de presse.

 

La mise en mots "objective" de l'information est l'une des fins

essentielles de  l'écriture de presse et l'une des garanties de sa nature

démocratique. Ceci implique entre autres, en termes rhétoriques, la

juxtaposition linéaire d'énoncés "filmiques" et le rythme heurté d'une

syntaxe paratactique. Celui-ci est cependant fréquemment supplanté par une

autre cadence comparable à l'oscillation binaire du pendule ou du

métronome. Cette cadence est aussi fondamentale que la première, mais il

est assez rare que les journalistes et les chercheurs y réfèrent. Les pôles

symétriques constitutifs du mouvement oscillatoire n'y sont plus des

entités spatiales, mais des partis pris antithétiques : "des 'oui' aux

'non' " confondus, il y a dans la masse des informations d'un journal,

affirme Violette Morin, la mise en place d'une sorte de récit bipolaire"

(L'écriture de presse 1969 : 155). Cette cadence est la forme sémiotique

simplifiée que revêt la présentation pseudo-exhausive, "impartiale" et

prétendument pluraliste de témoignages ou d'opinions antithétiques. Elle ne

tire pas à conséquence dans le cas de deux alternatives purement techniques

ou de questions de goût, mais elle devient problématique lorsque les pôles

correspondent à des partis  pris éthiques incompatibles. Mettre les

mensonges les vérités ou la condamnation et la légitimation "sur le même

plan" jette une ombre sur l'idéal démocratique d'information impartiale. Ma

communication souhaite problématiser la question suivante : la

juxtaposition systématique du pour et du contre est-elle un type  de mise

en mots spécifique de l'écriture de presse ou est-ce l'une des voies que

peut suivre aujourd'hui tout discours qui pratique la dénégation

idéologique du parti pris grimé en jugement de fait impassible ?

L'engagement à rester neutre constitue actuellement le prix de l'obtention

du droit à la parole dans la vie civile et scientifique : la prose

journalistique n'est pas le seul  genre discursif à alimenter le mythe du

rapport spéculaire transparent...

 

Je souhaite donc présenter ici, dans "tous ses états", la rhétorique de

cette "grammaire binaire" et tenter de définir en quoi elle diffère de

celle que l'on peut observer dans certains ouvrages didactiques ou dans

toute démarche idéologique qui systématise la politique du pour et du

contre concomitants pour neutraliser les velléités de réfutation.

 

                                        _______________________

 

Marie RENOUE

(Docteur CPST/UTM)

 

             Genre et style d'un « objet d'art » sémiotisé

 

Se jouant des limites, des genres et des cadres, entre la remise en

question des définitions acquises et la nécessité de marquer cependant son

identité artistique, l'art contemporain semble inviter ses spectateurs à

réajuster sans cesse leurs catégorisations conceptuelles et perceptives

tout en courant le risque de malmener l'économie communicationnelle. De

manière presque endémique, l'art pose donc au spectateur et à l'analyste le

problème de la réception des objets, de leur catégorisation et

compréhension, de leur visée et saisie. Tenter de traiter du genre et du

style des « sculptures de crins de collages » de Pierrette Bloch peut donc

apparaître à juste titre des plus hasardeux.

 

                                        _______________________

 

Pierre SADOULET

(Maître de conférence sémiotique-linguistique,

université Jean-Monet à Saint-Etienne).

 

             Entre texte, genre et discours : le cas du « livre d'artiste »

 

La théorie linguistique du texte proposée par François Rastier essaie

d'apporter un peu de clarté épistémologique à tout ce qu'a pu construire la

linguistique sur la question. Il faut bien reconnaître que certaines

données extrinsèques interviennent dans l'interprétation sémantique. Mais

on doit se garder d'oublier qu'il s'agit de représentations propres à une

culture particulière dont on ne doit prendre en compte que les élément

pertinents pour l'interprétation linguistique. C'est dans ce sens qu'il

faut travailler la notion de genre : tout texte ne peut être défini que

s'il est ramené à un genre et au régime herméneutique qui correspond à ce

genre. Tout texte ne peut être interprété que si l'on a une description de

la pratique sociale qui l'instancie. Mais ces données du genre et du

contexte pragmatique ne seront prises en considération qu'au niveau de leur

pertinence comme pôles intrinsèques qui conditionnent l'interprétation

sémantique.

 

Du fait que notre recherche ne concerne pas seulement la textualité

linguistique, mais s'intéresse à des objets artistiques, nous reprendrons

les modèles d'analyse de Jacques Geninasca qui donnent des outils pour

instaurer, à partir d'une oeuvre,  une analyse discursive explicite qui

permet de mettre en évidence l'acte énonciatif original d'un sujet. Dans

cette approche, l'objet textuel puis le texte construit par

l'interprétation ne sont que des bases pour arriver à expliciter le

discours qu'ils permettent d'instancier. Dans le cas des oeuvres

artistiques, un tel discours ne peut relever seulement de la rationalité

pratique mais oblige à recourir à une autre forme de rationalité, la

rationalité « mythique » (ou « poétique ») qui conditionne la praxis

énonciative propre à ce type d'objets textuels. Sur la base de la

description des modes de mise en cohérence ainsi proposés sur des objets de

sens, on peut envisager qu'il existera, pour l'analyse des discours, des

types de discours différents qui dépendraient des praxis énonciatives qui

les constituent.

 

Mais que l'on essaie de décrire l'interprétation sémantique d'un objet

textuel, ou que l'on essaie d'instancier le discours et l'acte énonciatif

qui permet de le construire, on ne doit jamais oublier que tout texte

fonctionne dans un contexte, que tout discours s'insère dans un ensemble de

praxis énonciatives, qu'il existe nécessairement un dialogisme tant sur le

plan textuel que sur le plan discursif. Afin de penser dialectiquement ce

dialogisme, nous évaluerons l'intérêt intrinsèque de reprendre la notion

praxématique de marché du sens pour décrire les contradictions qui ne

peuvent manquer de se produire, surtout dans le contexte de l'art

contemporain, entre les nécessités textuelles et la visée discursive d'un

sujet.

 

L'analyse de la démarche descriptive d'Anne Moeglin-Delcroix montre que la

problématique d'une définition d'un genre nouveau apparu au début des

années soixante dans les pratiques artistiques, le livre d'artiste, doit

envisager son développement comme un lieu de conflits, car de nouvelles

règles génériques tentent de déjouer la transparence sémiotique imposée à

l'objet-livre par la praxis sociale de l'édition. La révolution qu'il

engage consiste dans le fait que l'objet-livre lui-même va être instauré

comme texte, dans sa matérialité même, à côté des textes linguistiques et

picturaux qu'il contient. Ce nouveau syncrétisme sémiotique, indexé par la

« monstruosité » de l'objet-livre ainsi proposé au lecteur, conduit ce

dernier à un discours original qui interroge la notion même de livre. Par

la suite,  certains critiques se sont efforcés, pour en défendre la

nouveauté  et la richesse propre, d'expliciter les particularités du genre.

L'existence,  le développement, voire le succès de ces nouveaux types

d'objets artistiques ne manquent pas alors de créer des conflits entre

l'attitude de ces critiques et de nouveaux artistes et surtout des

marchands qui se sont emparés de l'appellation « livre d'artiste », devenue

à la mode, parce qu'il s'agit d'un argument de vente efficace.

Au niveau de l'épistémologie sémiotique, l'ensemble de ces analyses nous

conduisent à envisager comment des données extrinsèques doivent être prises

en compte pour l'analyse discursive. Les discours sur le genre, les

métadiscours des artistes et des écoles artistiques sur la démarche

d'élaboration de l'objet, les praxis énonciatives diverses ainsi affirmées

constituent un contexte pour l'interprétation de l'¦uvre. Ce sont des pôles

indispensables à l'explicitation la plus riche des opérations qui

permettent d'instaurer ces objets textuels comme discours.

 

..a suivre au prochain SdT...

 

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                           ENTRETIEN SUR LA SEMIOTIQUE ET LA SEMANTIQUE

 

Entretien de François Rastier avec : Diane Brière, Hugues Fournier, Mélanie

Joncas, Nathalie Landreville, Jean-Paul Lemoyne, Valérie Lizotte, étudiants

du séminaire Sémiotique narrative et discursive de C. Portelance,

Université du Québec à Rimouski,  octobre 1998.

 

- Vous êtes celui qui a le plus approfondi la notion d'isotopie lancée par

Greimas en 1966. Croyez-vous que cette notion a atteint un point

d'équilibre ou sera-t-elle, comme beaucoup de notions de sémiotique,

appelée à se transformer ?

 

F.R. - Elle a évolué, notamment par la notion de parcours interprétatif, et

par l'ouverture herméneutique qu'il impose.

 

L'originalité du concept d'isotopie se trouve, à mon avis, dans le fait

qu'il permet de lier une microsémantique et une sémantique du texte.

L'isotopie permet donc de franchir la frontière de la phrase, ce qui en

fait un bon point d'entrée dans le domaine de la textualité. Ce n'est

évidemment pas le seul, car l'étude des isotopies n'est qu'une partie de la

thématique, et la thématique n'est elle-même qu'une des composantes qui

permettent la description d'un texte.

 

Le concept d'isotopie permet aussi de dépasser le problème du sens

littéral, qui devient l'isotopie dominante en cours ; or, si l'on n'a pas

de critère pour déterminer en quoi un sens est littéral, on en a qui

permettent de déterminer si une isotopie est dominante.

 

Un problème demeure, celui de l'économie descriptive, afin d'éviter de

faire proliférer des isotopies oiseuses et/ou extrinsèques.  Pour établir

ou rétablir des isotopies justifiables et intéressantes, il faut une

déontologie générale de la lecture. Par exemple,  on pourrait très bien

reconnaître une isophonie entre le e  muet du premier mot de Un certain

sourire  et le e muet de son dernier mot. Mais en quoi est-ce pertinent ?

Un problème  analogue se pose différemment pour des isotopies sémantiques

peu denses, car une connexion isotopique entre le premier et le dernier mot

d'un texte peut se révéler légitime.

 

En somme, il faut fuir le bon sens. Par exemple, dans L'union libre de

Breton, il n'y a pas d'isotopie sexuelle, mais deux isotopies érotiques !

Autre exemple, l'isotopie animale dans La cousine Bette. Ce roman pullule

de noms d'animaux, et la Bette en est une, mais on aurait tort d'en

conclure qu'il comporte une et une seule isotopie animale. Ce récit

contradictoire en comporte plusieurs, car oppose les animaux domestiques,

le bichon, le chat, la chatte, etc. et les animaux prédateurs et sauvages.

Par exemple, sur l'isotopie animale apparente, la cousine Bette est une

chèvre, mais une lionne sur l'isotopie animale fondamentale.

 

Ainsi, il n'existe pas d'inventaire a priori des dimensions ou des domaines

à partir desquels les isotopies seront lues (je parle ici des isotopies

génériques, mais on peut étendre ce propos aux isotopies spécifiques).

 

La possibilité de constituer des isotopies dépend des stratégies

d'énigmatisation ou  d'éclaircissement mises en oeuvre dans les textes. Par

exemple, chez Balzac, le rat est présent partout : l'homme, qui entretient

une fille et qui ne veut pas payer est appelé un rat, et le rat d'opéra, la

fille, est aussi un rat entretenu par le premier. Cette double polysémie de

rat en fait un connecteur entre l'isotopie animale apparente et l'isotopie

humaine. À partir de cette équivoque largement attestée à son époque,

Balzac tisse, entre autres, la toile de son  univers romanesque.

 

- Vous êtes le "co-inventeur" avec Greimas du carré sémiotique, que

pensez-vous de la fortune de ce concept?

 

F.R. - Le "carré sémiotique" ne présente pas de graves défauts, mais sa

fortune a été exorbitante ; et il n'est pas complètement oublié, car des

auteurs travaillant dans le multimédia le redécouvrent actuellement. Cette

redécouverte est de bonne guerre, car il reformulait lui-même un modèle

courant en logique médiévale.

 

Je pense qu'il peut être utile, à condition de l'employer à bon escient ;

mais pour ma part je n'en ai pas ressenti le besoin depuis 1971. Et j'ai

reçu un jour un coup de fil qui m'a inquiété :   " - Monsieur Rastier,

aidez-moi à finir ma thèse. - Que puis-je faire ? - Aidez-moi à faire mon

carré. - Mais quel carré ? - Mon carré pour finir ma thèse. - Vous faites

une thèse sur quoi ? - Sur un romancier péruvien. - Et vous ne voulez pas

me dire son nom? - Si... - Mais pourquoi il faut faire un carré ?" Mon

interlocuteur n'a pas su que répondre et semblait s'étonner que je lui

demande le sujet de sa thèse. Le carré était devenu un emblème vaguement

héraldique : je l'ai même vu tricoté sur un pull-over. Plutôt que

d'hypostasier cette figure close, il aurait mieux valu faire proliférer des

formalismes. Des modèles continuistes, par exemple, n'ont pas moins de

mérites.

 

Le carré sémiotique est des représentations possibles de certaines

structures taxémiques, mais pourquoi l'universaliser et surtout l'abstraire ?

Ce modèle d'oppositions lexicales devint le modèle constitutionnel de

toutes les manifestations sémiotiques.

 

Une théorie ne doit pas au demeurant être liée à tel ou tel formalisme : un

formalisme n'a d'utilité que pour une implantation, et doit varier avec les

applications. Par exemple, on peut représenter un sémème par un graphe

conceptuel à la Sowa, ou par une configuration globalement stable dans un

réseau connexionniste. Chaque formalisation ne retient qu'une partie de la

théorie, ce qui lui permet d'ailleurs de devenir opératoire.

A s'en tenir à un seul formalisme élémentaire, la théorie devient trop

puissante, et s'applique partout sans apporter grand chose.  Par exemple,

le problème en sémiotique de l'image n'est pas d'y introduite des carrés,

mais d'y faire mieux que Panofsky.

 

Ce qui reste intéressant dans le carré sémiotique, c'est l'idée d'un

parcours : de l'espace topique à un espace utopique  et retour, cela résume

abruptement une structure narrative mythique. La structure narrative

mythique, contrairement à la structure événementielle, suppose toujours une

médiation.

 

Il faut bien distinguer les deux. Voici par exemple ce que Schank appelle a

narrative  : "Margie jette sa balle derrière le mur.  Elle pleure parce

qu'elle ne l'a pas retrouvée."  En fait, il ne s'agit là que d'un récit

événementiel.

 

Ce qui caractérise en revanche le récit mythique, c'est le passage par la

médiation de l'espace utopique. Dans les termes de la théorie des zones

anthropiques , cette médiation instaure entre la zone identitaire et à la

zone proximale (c'est-à-dire un point de repérage et ce qui l'entoure)

d'une part, et la zone distale : l'espace utopique est une figuration de la

zone distale. Le récit mythique permet ainsi une médiation par quelque

chose d'absent.

 

Anthropologiquement, cela paraît vraisemblable : or, la sémiotique des

cultures doit être fondée sur une anthropologie où le langage tient

évidemment une grande place.

 

- Est-ce que vous croyez que l'aide à l'interprétation que permettent les

banques textuelles va modifier la sémantique interprétative ?

 

F.R. - Ce sera plutôt dans son champ d'application que dans son principe,

encore qu'il reste beaucoup à faire sur les parcours interprétatifs

intertextuels. Je poserai plutôt le problème dans l'autre sens : la

sémantique interprétative est en train de modifier l'accès aux banques

textuelles, qui dans l'ensemble en restait aux méthodes lexicométriques.

Des concepts comme celui de diffusion sémantique, qui traduit des

phénomènes d'isotopies, permettent de sortir de la logique documentaire du

mot-clé.

 

L'usage des banques textuelles ne constitue pas par lui-même un progrès

théorique, mais il requiert des renouvellements de problématique, et permet

un nouveau rapport à l'empirique, je veux dire les textes - la linguistique

s'est trop vite satisfaite d'exemples forgés.

 

Par le changement d'échelle que permettent les banques textuelles,

certaines hypothèses informulables ou invérifiables deviennent testables.

J'avais fait, par exemple, l'hypothèse d'une corrélation entre les

sentiments romanesques et la ponctuation, supposant que les sentiments

imperfectifs, comme l'ennui, devaient être associés à des points de

suspension et les sentiments ponctuels, comme la joie, à des points

d'exclamation. C'était vraisemblable, à ceci près que la formulation des

hypothèses était en partie fausse. Par une remarquable étude, Evelyne

Bourion a mis en évidence des corrélations très fortes, mais a infirmé

l'association entre points de suspension et sèmes imperfectifs (cette

ponctuation est associée à l'aspect ponctuel). Je m'étais trompé, mais sans

l'accès à une banque textuelle, et le travail de Bourion, je n'en saurais

rien.

 

Autre exemple : Jean-Pierre Richard citait dans un colloque un mot

caractéristique de Balzac. Par malheur, ce mot ne figure pas dans l'¦uvre

de Balzac ; mais il était tellement balzacien que chacun l'a reconnu comme

tel. Méfions-nous de nos intuitions, il ne suffit pas de patrouiller dans

des textes ! Beaucoup reste à faire pour que les études littéraires

parviennent à concilier leur principe de plaisir - sinon de bon plaisir -

et le principe de réalité.

 

Avec les banques textuelles, on doit se soumettre à un impératif

philologique, et l'on est conduit à abandonner la conception monumentale de

la littérature ; comme, par contraste avec les textes non-littéraires, à

mieux comprendre la diversité des discours. Le point de vue critique qui

doit présider à la réunion des corpus doit guider aussi les parcours en

leur sein.

 

Il reste que pour formuler et tester des hypothèses, il faut avoir une

théorie de la textualité, afin par exemple d'utiliser à bon escient les

outils statistiques, qui ne tiennent compte que les chaînes de caractères.

Aux textes numérisés, on peut ajouter des balisages divers,

morpho-syntaxiques, sémantiques : vous pouvez étiqueter un texte ad

libitum. Cette possibilité concrétise  l'idée que toute lecture accroît le

texte. Permettre des accès différenciés aux textes avec des moyens

informatiques légers peut grandement faciliter notre travail. C'est une

aide à l'interprétation, mais il reste toutefois à interpréter.

On peut concevoir dans cette direction une science des idéologies qui

serait tout simplement une sémantique de la doxa, et qui ne soit pas

simplement appuyée une théorie politique, mais par des analyses de gros

corpus de textes.

 

Il reste à adapter les stratégies interprétatives aux types de textes, et à

ce que l'on recherche. Plutôt que d'une démarche uniforme, nous avons

besoin d'une déontologie, en rupture avec les préoccupations ontologiques

de l'herméneutique philosophique - ce pourquoi je suis tenté de dire une

dé-ontologie. La dimension critique de l'herméneutique philologique devient

ainsi un impératif pour la sémantique de l'interprétation.

 

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Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique

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LES MOTS BRANCHÉS D'ONCLE GABRIEL

 

* Cybernétique et cyber

 

Le concept de cybernétique se situe aux deux extrémités de la période

historique considérée ici. Dans son acception actuelle, le substantif cyber

(le cyber) désigne génériquement le monde des réseaux informatiques, de

l'Internet, des jeux électroniques et des technologies modernes de

communication. Le mot grec kubernêtikê (piloter un navire et par extension

gouverner un pays) a connu deux transferts modernes, le premier français

avec la création du terme cybernétique en 1834 par le physicien André

Ampère avec un sens proche de son étymologie à savoir "étude des moyens de

gouvernement". Le pas vers la cyberculture que nous connaissons

actuellement n'est pas encore franchi. Il le sera en 1948 grâce au

mathématicien américain Norbert Wiener qui propose une nouvelle définition

de la cybernétique, à savoir "étude des processus de contrôle et de

communication chez l'être vivant et la machine". Le préfixe cyber est

certainement le plus fécond à l'heure actuelle dans le domaine sémantique

qui nous intéresse ici. Les mots forgés à partir de ce préfixe se comptent

déjà par dizaines, du classique cyberespace à l'ésotérique cyberrave en

passant pas cyberculture, cybercafé et cybernaute. Dans cette pléthore

néologique, il faut distinguer les formes correspondant à des notions

définies qui ont vocation à s'implanter dans notre langue en tant que

termes (comme cybercafé, cybercrime, cyberespace, cyberéconomie,

cybernaute, cyberpunk, cybersociété...), des inventions lexicales

assimilables à des néologismes d'auteur (comme cyber-héros, cyber-touriste,

cyber-canular, cyber-nausée, cybercréature de rêve, cyberpétition ou encore

Beatlecybermania...). On trouve également des dérivés adjectivaux

(cyberspatial, cyberculturel, cyberbiologique...) et un emploi en qualité

d'adjectif invariable (culture cyber, nuit cyber, réseau cyber, années

cyber...). On peut également mentionner des constructions où cyber remplit

une fonction de racine comme cybérie ou cyborg. De fait, la seule constante

qui se dégage des néologismes construits à partir de la base cyber est

celle des réseaux de communication et des technologies numériques. Le

phénomène a donné naissance à un mouvement culturel désigné par le terme de

cyberculture, la culture liée au monde des réseaux et à leur jargon.

 

* Préfixes et suffixes

 

La langue de l'informatique et des technologies de communication fait un

usage abondant de préfixes et de suffixes et va même jusqu'à en créer de

nouveaux. Nous examinerons ici quelques cas typiques : multi, télé, vidéo,

techno, info et e- pour les préfixes, tique, ciel, cien et eur/euse pour

les suffixes.

 

* Multi, poly et pluri

 

La langue française dispose de plusieurs préfixes pour désigner la

pluralité, en particulier multi, poly et pluri. Si, dans la langue

courante, on a pu noter un ralentissement de l'extension du préfixe multi

au profit de poly et pluri (exemples : polyculture, polyamide, polystyrène,

polycopie, pluridisciplinaire, plurilingue, pluriethnique, pluriactivité,

plurisaisonnier...), le phénomène n'est pas identique dans le domaine de la

langue des technologies de l'information et de la communication où multi

domine et est, de ces trois préfixes, nettement le plus fertile. Voici une

liste assez complète mais certainement pas exhaustive de créations à partir

du préfixe multi. Elle est classée par ordre alphabétique et tous les

composés sont orthographiés sans trait d'union, une graphie avec trait

d'union pouvant exister pour la plupart de ces occurrences : multiaccès,

multiadressage, multicâble, multicanal, multiclavier, multicible,

multicode, multicritère, multidestinataire, multidiffusion, multidisque,

multidomaine, multiécran, multifeuille, multifichier, multifonction,

multifréquence, multijoueur, multilangage, multiligne, multilocuteur,

multimode, multiniveau, multin¦ud, multipalier, multipériphérique,

multipiste, multiplate-forme, multipoint, multipolice, multipostage,

multiposte, multiprocesseur, multiprotocole, multirôle, multiservice,

multisession, multison, multistandard, multitâche, multitraitement,

multiutilisateur, multivision, multivoie. Le préfixe poly est très peu

fécond. Nous n'avons relevé que les adjectifs polytimbral (qui qualifie les

synthétiseurs capables de générer plusieurs timbres simultanément) et

polymorphe dans le terme composé virus polymorphe. La récolte autour de

pluri est encore plus maigre, puisque nous n'avons relevé que l'adjectif

plurilingue lié à un système de traduction automatique où il est également

concurrencé, comme dans la langue courante, par multilingue. Multi a ainsi

tendance à devenir le seul préfixe exploitable dans ce domaine au détriment

de tous les autres et on peut se demander si la force de pénétration du

terme multimédia n'est pas le facteur essentiel de cette domination.

 

* Multimédia

 

Le vocable multimédia, attesté depuis le début des années 1980, est un

terme qui marquera indéniablement la fin de la présente décennie.

Littéralement, il signifie "qui concerne plusieurs médias" ; plus

concrètement dans le composé ordinateur multimédia, il désigne un

ordinateur équipé d'un lecteur de CD-Rom, d'une carte-son et d'une paire de

haut-parleurs, et, dans le meilleur des cas, d'un modem et d'une connexion

Internet. Le Monde Informatique (19 janvier 1996) signale une étude selon

laquelle "multimédia" serait le deuxième terme le plus employé dans la

presse française juste derrière "présidentiel". Multimédia, ayant à la fois

le statut de nom et d'adjectif, pose problème lorsqu'il s'agit de

l'employer au pluriel. Techniquement media est le pluriel de medium mais

média avec "é" s'est aligné sur la norme du français. Il faut donc écrire

"un média" et "des médias". Le nom multimédia désignant un générique (un

ensemble de dispositifs interactifs capable de traiter du texte, du son ou

des images), il n'est que très rarement employé au pluriel où, bien

évidemment le "s" s'impose. Le problème est tout différent pour l'adjectif.

S'il est clair qu'il n'y a pas de marque du féminin (un ordinateur

multimédia, une encyclopédie multimédia), faut-il ou non adjoindre un "s"

au pluriel ? Les avis, autant que les usages, sont partagés. Si l'on

assimile multimédia à audio ou vidéo (le sens et l'origine latine nous y

incitent), il devrait rester invariable. Si, en revanche, on considère

multimédia comme un composé de multi et l'expression ordinateur multimédia

comparable à assurance multirisque ou agent multicarte (les pluriels de ces

deux expressions étant respectivement assurances multirisques et agents

multicartes), il y a lieu de dire également applications multimédias. Cette

seconde position, outre qu'elle est plus conforme à la règle générale de la

pluralisation en français, est celle qui a la faveur de la presse, souvent

hésitante sur ce point, où l'on trouve fréquemment et sur la même page des

expressions comme "supports multimédia" et "équipements multimédias".

 

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Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques

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COLLOQUE SCIENCES COGNITIVES ET SCIENCES DE LA CULTURE

(GENEVE-ARCHAMPS, 19-23 JUIN 1999)

 

Colloque inaugural de l'Institut Ferdinand de Saussure

Comite d'organisation: Simon Bouquet, Francois Rastier, Vincent Rialle

 

Visitez le site du Colloque : http://www-cami.imag.fr/~rialle/colloque/

 

(voir aussi SdT volume 4 numero 10)

 

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Cette annee a Marianske Lazne (MARIENBAD) :

 

                           A Workshop on Text, Speech and Dialog (TSD'99)

 

                         September 13--17, 1999

 

 

Detailed information is available from  http://www-kiv.zcu.cz/events/tsd99

 

TSD'99 will be organized by the Faculty of Applied Sciences, University

of West Bohemia, Plzen (Pilsen), and the Faculty of Informatics, Masaryk

University, Brno, under the auspices of the Dean of the Faculty of Applied

Sciences of the University of West Bohemia.

 

Workshop theme:

---------------

TSD'99 will be concerned with topics in the field of natural language

processing, in particular:

 

- corpora, texts and transcription;

- speech analysis, recognition and synthesis;

- their intertwinnig within NL dialog systems.

 

Workshop site:

--------------

The workshop will take place in the comfortable hotel Krakonos  (located

760 m above sea-level) in the beautiful West Bohemian spa town of Marianske

Lazne  (Marienbad) nestled in a valley enclosed by wooded hills.

 

Registration fee:

-----------------

$100 - organizing costs, workshop proceedings

  $20 - social events

  $60 - meals

Total: $180

Student reductions will be available.

 

----------------

March 10, 1999 - Preliminary registration and deadline for submission of

                 title  and abstract

April 30, 1999 - Notification of acceptance or rejection

May 30, 1999   - Camera ready paper submission

 

September 13 - 17, 1999  -  TSD'99

 

Workshop secretariat:

---------------------

All correspondence regarding the workshop should be addressed to:

 

Ms. Helena Benesova

 

University of West Bohemia in Pilsen

Faculty of Applied Sciences

Department of Computer Science

 

Univerzitni 22

CZ - 306 14  PLZEN

Czech Republic

 

Tel:    (+420 19) 7491 212, 27 62 50

Fax:    (+420 19) 7491 213

E-mail: benesova@kiv.zcu.cz

 

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1999_04_21

 

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ATTENTION : Vous venez de recevoir DEUX numeros de SdT DIFFERENTS :

             - ceci est une rediffusion du precedent numero (avril - vol.5, n.3),

               que beaucoup n'ont pas recu suite a un pb. technique ;

             - l'autre envoi est le dernier numero de SdT (vol. 5, n.4).

 

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