1999_10_19
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SdT volume 5, numero 5.
LA CITATION DU MOIS
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Le langage n'est pas un fait scientifique,
mais artistique.
G. K. Chesterton, G.F. Watts,
1904, p. 91.
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SOMMAIRE
1- Coordonnees
- Bienvenue a Dominique Laurent, Sylvie Gagnon, Jean-Pierre Caprile et
Mathieu Brugidou.
- Changements d'adresse pour Karine Gurtner, Thierry Mezaille, Ludovic
Tanguy, et Benedicte Pincemin (ATTENTION donc pour vos demandes
concernant liste SdT).
2- Carnet
- Calendrier et programme des seminaires de l'equipe SdT.
- Courrier des lecteurs : remarques de J. Brenner sur quelques articles
dans Texto! (Badir, Berner/Thouard, Manjali).
3- Publications
- Jean-Pierre Malrieu :
Evaluative Semantics. Language, Cognition, and Ideology.
- Didier Bourigault et Monique Slodzian :
Pour une terminologie textuelle
- Première partie des notes de Mathieu Brugidou sur le colloque
"Semiotique des cultures et sciences cognitives" (Geneve-Archamps,
20-23 juin 1999).
4- Colloques
- Programme du deuxième colloque du programme "Etudes saussuriennes"
(Zurich, 12-13 novembre 1999), sur le theme : Ferdinand de Saussure et
l'interdisciplinarité des sciences du langage.
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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees
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{FR, 27/09/1999}
SEMINAIRES de l'équipe Sémantique des Textes
Premier semestre
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Sémantique textuelle, contexte et interprétation
Maîtrise et DEA
Lieu : Université Paris VII
UFR Sciences des textes et documents
2, place Jussieu, 75005 Paris
Heure : Jeudi 16h-19h30
1. Séminaire de Frank Neveu : Les jeudi de 16h à 18h, salle 212,
tour centrale, deuxième étage - à partir de la rentrée.
2. Séminaire de François Rastier : Les jeudi de 18h à 19h30, salle 213,
couloir 34-44, deuxième étage - à partir du 18 novembre.
Jeudi 18 novembre : François Rastier (CNRS)
La Bette et la Bête (Balzac : La Cousine Bette)
Jeudi 25 novembre : Simon Bouquet (Université Paris X)
Sémantique des genres et interprétation
Jeudi 2 décembre : David Piotrowski (CNRS-INaLF)
Structures morphodynamiques du lexique :
de la théorie au traitement empirique
Jeudi 9 décembre : Houssem Assadi (Bibliothèque Nationale
de France)
Analyse distributionnelle automatisée :
un outil pour la sémantique des textes.
Jeudi 16 décembre : Martine Cornuéjols (Université Paris XI,
Psychologie cognitive) :
La sémantique de l'image et du mot : un même réseau ?
Jeudi 6 janvier : Valérie Beaudouin (INALCO,
Centre de Poétique Comparée)
Analyse métrico-rythmique de grands corpus d'alexandrins
Jeudi 13 janvier : François Rastier (CNRS)
Primo Levi, Le survivant (Il superstite, Ad ora incerta)
Jeudi 20 janvier : Marie-Anne Chabin (Institut National
de l'Audiovisuel)
La structure de l'archive en tant qu'écrit spatio-temporel
Jeudi 27 janvier : François Rastier (CNRS)
L'hypallage et Borges
Second semestre
_______________
Lieu : Institut national des langues et civilisations orientales
Centre de Recherches en Ingéniérie Multilingue,
2 rue de Lille, 75007 Paris
Salons de l'Inalco, escalier C, deuxième étage.
Quatre conférences de F. Rastier
Jeudi 24 février, 17h.-19h. :
Anthropologie linguistique et sémiotique des cultures
Jeudi 2 mars, 17h.-19h. :
Corpus et intertexte
Jeudi 9 mars, 17h.-19h. :
L'action et le récit
Jeudi 16 mars, 17h.-19h. :
L'action et l'énonciation
(Contact électronique : lpe2@ext.jussieu.fr)
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{FR, 27/09/1999}
COURRIER DES LECTEURS : REMARQUES SUR QUELQUES ARTICLES DANS TEXTO!
Joseph BRENNER (jebrenner@compuserve.com)
Mes lectures de Texto! (extraits choisis) :
a) Badir: Immanence et cognitivisme
- Est-ce qu'il est sérieux? C'est la rentabilité des applications dans l'IA que
définit la valeur des sciences cognitives -le "rendement technique" ??
- La théorie de Lupasco permet de passer outre des contradictions telles
structuralisme et grammaire cognitive, de "dépasser des alternatives". J'ai un
peu marre des débats entre cognitivistes et structuralistes, comme, dans la
philosophie de la science, entre "modern-day Platonists and modern-day Kantian
constructionists".
- Justement, les sciences de l'homme et de la société ont autant à voir avec le
vrai et le réel que les sciences de la nature. Seulement, il faut des modèles
rigoureux (possible avec les NTIC) pour faire ressortir ceci (= formalisation
paradigmatique ?).
- Je m'intéresse beaucoup à votre point de vue sur Jean Petitot. Dans un article
"Modèles dynamiques en sciences cognitives", il présente, entre autres, une
défense de Langacker dans ces termes : "On a montré qu'ils (les modèles
dynamiques de syntaxe d'attracteurs) permettent de rendre effectif le concept
de "syntaxe d'attracteurs" et de résoudre partiellement le problème des
représentations structurées des les modèles connexionnistes. Cela permet de
développer une conception topologico-dynamique, schématique et iconique de la
grammaire affine à la Cognitive Grammar de Ronald Langacker..." Si la grammaire
de Langacker est telle que Badir la décrit, je n'ai pas grande sympathie pour
elle, mais il me semble possible et souhaitable d'intégrer les aperçus de la
théorie des catastrophes "à un niveau supérieur".
b) Berner/Thouard : La Dialectique ou l'Art de Philosopher
- Je me suis trouvé tout à fait à l'aise dans ce discours. Sans utiliser les
termes de Nicolescu, les auteurs montraient un esprit transdisciplinaire que
j'ai apprécié. Exemples : dernier paragraphe de la Section 2, surtout, la
distinction d'une attitude rélativiste. Tout comme "l'affection" chez Lupasco,
"le fondement transcendant échappe à la saisie réflexive". "(La dialectique)
n'est aucun des deux aspects, et pourtant elle n'existe qu'en eux". Plus
simplement, plus correctement peut-être, il s'agit d'une trialectique.
- "Schleiermacher pense bien que la contradiction porte en elle le critère de
la vérité, mais plus prudent que lui (Hegel)..." Selon moi, à juste titre,
Nicolescu dit : "...la triade hégélienne est incapable de réaliser la
conciliation des opposés, tandis que la triade de tiers inclus est capable de
la faire. Dans la logique du tiers inclus, les opposés sont plutôt des
contradictoires : la tension entre les contradictoires bâtit une unité plus
large qui les inclut."
c) Manjali: On the Spatial Basis of Conceptual Metaphors
- Beaucoup d'echos ici des idées qui sont importantes pour moi : "Its (the
metaphor's) iconicity is thus part-objective, part-subjective". "Image schemas
(...) are preconceptual and prelogical, in the sense of being prior to the
elements of a propositional logic".
- Mazzola has provided ways of looking at the topologies of embodied schemata.
- I think Lupasco goes beyond just an "entre deux". He recognized that he had
many traditional precursors (Nagarjuna is one mentioned here, later Pierce).
"One's own body is the third term" - matter-energy at a different level of
reality.
- I disagree with Cassirer as quoted by Manjali. For me, mythico-linguistic
thought is not something of such low level that the laws of the excluded middle
apply. The first sentence in this paragraph (p.6) is closer to what Lupasco is
talking about, but it blurs the emergence of something new (the included
middle).
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{FR, 27/10/1999}
VIENT DE PARAITRE
De Jean-Pierre MALRIEU, chez Routledge, 1999 :
"Evaluative Semantics. Language, Cognition, and Ideology"
Le logiciel afférent, COCONET, sera prochainement téléchargeable à partir du
site Texto! :
http://www.msh-paris.fr/texto/
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{FR, 27/10/1999}
Didier BOURIGAULT
Equipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique
CNRS - Université Toulouse Le Mirail
&
Monique SLODZIAN
Centre de Recherche en Ingénierie Multilingue
Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Paris
Groupe TIA
Pour une terminologie textuelle
1) Introduction
Ce texte constitue un résumé du tutoriel donné à l'ouverture des troisièmes
journées "Terminologie et Intelligence Artificielle" (Nantes, les 10 et 11 mai
1999). Les auteurs ont été mandatés par les membres du groupe TIA (Terminologie
et Intelligence Artificielle) pour présenter une plate-forme, qui synthétise les
positions théoriques et méthodologiques du groupe sur le versant linguistique de
sa réflexion. Ces points de vue sont le résultat de discussions et réflexions
menées depuis plusieurs années au sein du groupe TIA, qui, compte tenu de la
complémentarité disciplinaire de ses membres et de leur expérience conjuguée
dans le champ de la terminologie, est en mesure d'offrir une analyse
suffisamment complète et équilibrée des nouveaux enjeux, pratiques, théoriques,
méthodologiques, de la terminologie.
2) Applications de la terminologie : état des lieux
Les besoins en terminologie dans les entreprises et dans les institutions se
multiplient. Suite à l'utilisation généralisée des outils de bureautique, à
l'internationalisation des échanges, au développement d'Internet, la production
de documents sous forme électronique s'accélère sans cesse. Or pour produire,
diffuser, rechercher et exploiter ces documents, les outils de gestion de
l'information ont besoin de ressources terminologiques. Outre l'accroissement
quantitatif de la demande, l'un des impacts essentiels de ces évolutions sur la
pratique terminologique est l'élargissement qualitatif considérable de la gamme
des produits à base terminologique nécessaires pour répondre à ces besoins.
A côté des bases de données terminologiques multilingues classiques pour l'aide
à la traduction, on voit apparaître de nouvelles productions terminologiques
adaptées aux nouvelles applications de la terminologie en entreprise :
* thesaurus pour les systèmes d'indexation automatique
* index structurés pour les documentations électroniques
* terminologies de référence pour les systèmes d'aide à la rédaction
* référentiels terminologiques pour les systèmes de gestion de données
techniques
* ontologie pour les mémoires d'entreprise ou pour les systèmes d'aide à la
décision
* réseaux lexicaux spécialisés pour les moteurs de recherche thématique sur
le Web
* glossaires de référence et liste de termes pour les outils de communication
interne et externe
* bases de connaissances terminologiques pour la description de corpus de
référence
* ...
L'essor de ces applications conduit à traiter, à l'aide d'outils, des quantités
de documents considérables. Ce changement d'échelle met en évidence des
phénomènes largement sous-estimés jusqu'ici.
C'est ainsi que s'impose le constat de la variabilité des terminologies : étant
donné un domaine d'activité, il n'y a pas UNE terminologie, qui représenterait
LE savoir sur le domaine, mais autant de terminologies que d'applications dans
lesquelles ces terminologies ont été utilisées. Ces terminologies diffèrent
quant aux unités retenues et à leur description selon l'application visée. Par
ailleurs, la croissance terminologique, induite par la prolifération en tous
sens de connaissances, entraîne la nécessité de mises à jour permanentes si
l'on veut répondre aux besoins des utilisateurs.
Ce constat sur la variabilité remet en cause le principe de l'universalité des
terminologies. L'expérience montre en effet qu'une terminologie élaborée pour
une application à un moment donné n'est jamais identique à celle construite pour
une application différente. Ces limites fortes à la réutilisabilité n'excluent
pas des relations d'inclusion ou de chevauchements partiels entre terminologies
dédiées à des applications différentes dans un même domaine d'activité.
L'ensemble de ces constats empiriques entraîne des changements en profondeur de
la pratique terminologique : l'activité de construction d'une terminologie est
désormais essentiellement une tâche d'analyse de corpus textuels. Ils appellent
du même coup à un renouvellement théorique de la terminologie : c'est dans le
cadre d'une linguistique textuelle que doivent être posées les bases théoriques
de la terminologie.
3) Nouvelles pratiques terminologiques
L'activité de construction d'une terminologie devient avant tout une tâche
d'analyse de corpus textuels. Il y a à cela deux raisons essentielles :
* Les applications de la terminologie sont le plus souvent des applications
textuelles (traduction, indexation, aide à la rédaction) ; la terminologie doit
"venir" des textes pour mieux y "retourner". C'est parce qu'elle n'est jamais
déliée du texte qu'on parle de "terminologie textuelle".
* C'est dans les textes produits ou utilisés par une communauté d'experts,
que sont exprimées, et donc accessibles, une bonne partie des connaissances
partagées de cette communauté, c'est donc par là qu'il faut commencer l'analyse.
L'expérience montre que l'hypothèse selon laquelle l'expert d'un domaine serait
le dépositaire d'un système conceptuel qu'il suffirait de mettre au jour est
non productive. La tâche d'analyse terminologique vise alors avant tout la
construction d'une description des structures lexicales à l'oeuvre dans un
corpus textuel à partir d'une analyse réglée de ce corpus.
Cette tâche ne peut être menée à bien par les experts ; la médiation d'un
analyste (linguiste terminologue, cogniticien) est nécessaire, en premier lieu
parce qu'on colle trop à ses propres usages langagiers ; c'est le médiateur qui
garantit la distance nécessaire à l'analyse. En second lieu, la pluralité des
pratiques à l'intérieur de ce que l'on a coutume d'appeler "domaine" induit des
points de vue différents sur le lexique (préférences, rejets, désaccords sur la
définition) qu'il faut arbitrer. La division du travail linguistique à
l'intérieur d'une entreprise requiert donc un médiateur, qui a en charge
l'application.
Pour chaque unité choisie, l'analyste construit une signification (type) à
partir des sens (occurrences) attestés dans le corpus. Dans cette tâche, il
est guidé en amont par le corpus (spécificités lexicales) et en aval par
l'application (utilisation des descriptions).
L'expert doit être considéré comme un partenaire du linguiste terminologue,
dans un travail de collaboration ; il est sollicité pour valider les
descriptions construites par celui-ci.
Le domaine doit être lié à une pratique, maîtrisée par une communauté d'experts.
Comme action (instrumentalisation du savoir propre à la technique), la pratique
ne procède pas de connaissances statiques, liées à des expressions linguistiques
bien stabilisées.
Avant la tâche de description lexicale, la constitution du corpus de référence
est une étape essentielle, prise en charge par le linguiste terminologue. Il
s'agit pour lui de collecter et de caractériser un ensemble de textesjugés
pertinents pour l'application visée.
Devant la masse des données à analyser et les délais imposés, la tâche
d'analyse de corpus ne peut être envisagée qu'avec l'utilisation des outils de
la terminologie textuelle (concordanciers, extracteurs de candidats termes,
extracteurs de relations candidates, classifieurs, etc.). L'utilisation de ces
différents outils doit être encadrée par une méthodologie précisant à quel
stade du processus et selon quelles modalités il convient de les utiliser.
4) Renouvellement théorique
Ces changements en profondeur de la pratique terminologique appellent un
renouvellement théorique.
Les propositions théoriques et méthodologiques qui suivent ont des bases
empiriques ; elles sont issues d'une analyse des nouvelles pratiques de la
terminologie, et elles ont pour ambition de les améliorer. Il ne s'agit donc
pas de fonder un nouveau dogme, mais de susciter des courants de recherche
variés dans le champ de la linguistique, dont chacun pourra contribuer à cet
objectif.
Proposition 1 : objet empirique d'une linguistique textuelle, le texte est le
point de départ de la description lexicale à construire. On va du texte vers le
terme. Les bases théoriques de la terminologie doivent être ancrées dans une
linguistique textuelle.
Proposition 2 : le terme est un construit. Il est le produit d'un travail
d'analyse, mené par le linguiste terminologue, dont les choix sont guidés par
une double de contrainte de pertinence :
- Pertinence vis-à-vis du corpus. Il s'agit de retenir et de décrire des
structures lexicales qui présentent des caractéristiques à la fois spécifiques
et stables. C'est à ce stade qu'intervient la validation par l'expert.
- Pertinence vis-à-vis de l'application. Les unités finalement retenues doivent
l'être en fonction de leur utilité dans l'application visée, qui s'exprime en
termes d'économie et d'efficacité. La validation est à chercher du côté des
utilisateurs de l'application.
La tâche de description lexicale est un travail de fixation, stabilisation,
homogénéisation d'une signification, dont le résultat est le terme. Il s'agit
de construire un type (une signification stable) à partir des occurrences
manifestées en texte. C'est ainsi qu'on parle de normalisation, non plus au
sens que la planification terminologique donne au mot, mais au sens où la
communauté d'experts "entérine" des signifiés comme des termes du domaine.
Le résultat de la description peut se présenter sous des formes diverses :
réseau, liste, glossaire, etc. Il n'existe pas de format canonique. Les noms
ne sont pas les seules unités lexicales à décrire. En attribuant au terme la
fonction de dénommer les concepts, la terminologie classique privilégie les
noms. En s'éloignant de cette approche référentielle très limitative, on est
en mesure d'accueillir les autres catégories du discours (verbes, adjectifs,
adverbes, prépositions, conjonctions), ainsi que des unités linguistiques plus
ouvertes (syntagmes nominaux, verbaux, adjectivaux).
5) Fin de la doctrine
Le virage méthodologique, rendu nécessaire par le travail sur corpus, crée une
onde de choc qui ébranle les fondements de la doctrine wüsterienne, fortement
référentielle (le mot comme étiquette du concept) et taxinomique (primauté de
la relation générique/spécifique).
Il est illusoire de chercher à aménager la doctrine : le postulat d'une
signification conçue comme discrète ou discrétisable, objectivante et permanente
qui caractériserait le terme a priori est antinomique avec une terminologie
textuelle. Les reformulations théoriques superficielles qui ont apparu ces
dernières années sont vaines : la notion de "phraséologie", en particulier, ne
peut sauver le postulat doctrinal du "terme" dans la mesure où elle est un biais
pragmatique pour détourner la question du contexte et de l'unité terminologique.
Les termes ne sont pas des "unités de connaissances" qui viendraient "habiter
la langue ". La tâche d'analyse terminologique n'est donc pas un exercice de
redécouverte d'un système notionnel préexistant qui caractériserait le domaine.
Les notions n'ont pas d'antériorité ou de priorité sur les mots : la
terminologisation est un processus parallèle à l'élaboration conceptuelle.
La terminologie doit sortir d'une sémiotique du signe fondée sur la triade
terme/concept/référent qui la rend inapte à aborder le texte. Cette critique
du réductionnisme référentiel est à l'ordre du jour en philosophie du langage.
Les appels à desserrer l'étreinte des postulats logicistes nous viennent de
plusieurs côtés (Putnam, Auroux, Eco), le positivisme logique qui a nourri la
doctrine ayant été remis en cause dès la fin des années 60. On peut constater
par ailleurs que les connaissances nouvelles sont plutôt éphémères et partagées
par des communautés restreintes au-delà desquelles elles ne circulent pas. On
est loin de la conception idéalisée du domaine comme fragment de connaissances
bien structurées, permanentes et clairement circonscrites.
On ne peut plus dire que la signification du terme est définie par la position
du concept dans le système conceptuel correspondant dès lors que l'on met en
doute la représentation métaphysique d'un système conceptuel préexistant
représentable par l'arbre du domaine.
Il est aussi illusoire de se soumettre au référent, y compris dans les domaines
techniques qui manipulent des artefacts. La description d'un objet technique est
elle-même tributaire du point de vue imposé par la spécialité de l'expert. C'est
en bout de chaîne, en normalisant le terme, qu'on lui prescrit une référence.
Dès que l'on abandonne l'approche logiciste du terme, étroitement liée à une
sémantique véri-conditionnelle, on reconsidère le statut de la définition
qui cesse d'être le résultat d'une procédure logique, métalinguistique.
La définition doit être cohérente avec les sens contextuels (avérés en corpus)
et pertinente vis-à-vis de l'application (comme elle s'inscrit dans une
application, elle participe aux objectifs communicationnnels, elle doit être
"localisée ").
Antinomique d'une approche étroitement onomasiologique, peau de chagrin du
linguistique, l'approche textuelle ouvre largement les portes à tous les acquis
de l'analyse linguistique et textuelle (on dépasse ainsi la vision étroite des
Lsp).
L'approche textuelle est descriptive (on analyse le fonctionnement d'unités
lexicales en corpus) et non plus normative : les enjeux de la planification
linguistique, si légitimes soient-ils, sont dissociés du travail terminologique
proprement dit. L'objectif premier de la terminologie classique était la
normalisation des langages techniques via la fixation a priori de la
signification des mots. Les textes réels qui prolifèrent et circulent en tous
sens, bousculant les frontières de domaines, remettent en cause ce projet de
mise en ordre des termes apriori. Un tel programme de régulation prescriptive
est contredit par le caractère fondamentalement ouvert des textes et de leurs
signes. Le constat de la plasticité du donné linguistique conduit à refonder
une "bonne pratique terminologique" sur le descriptif.
Pour conclure :
L'actualité de la question terminologique au travers des changements intervenus
en termes d'échelle et de rythme de production, ainsi que l'ampleur des besoins,
appellent un renouveau théorique et méthodologique. En permettant d'aborder
systématiquement l'étude des pratiques textuelles réelles, la linguistique de
corpus, avec ses techniques et ses outils, donne accès aux expressions
linguistiques concrètes d'où il sera possible de faire émerger, puis de
normaliser les termes pertinents. C'est une formidable ouverture pour la
réflexion théorique et méthodologique. Il va sans dire que la question des
procédures linguistiques présupposées par cette approche est à peine défrichée.
Le groupe TIA entend participer au débat en pleine conscience de la complexité
des enjeux théoriques et pratiques.
Il va également de soi que la linguistique ne peut couvrir à elle seule le
processus complet de modélisation des connaissances ; en fournissant la
terminologie adéquate à l'application, le linguiste prépare le travail de
représentation conceptuelle, mais il ne prend pas en charge la tâche de
modélisation des connaissances qui aboutira à la construction d'une ontologie.
Le relais est pris par l'ingénierie des connaissances. Le groupe TIA s'inscrit
dans la nécessaire coopération interdisciplinaire entre linguistes et
ingénieurs de la connaissance.
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{FR, 27/10/1999}
COLLOQUE SEMIOTIQUE DES CULTURES
Note de la rédaction :
Nous annoncions des échos du colloque Sémiotique des cultures et sciences
cognitives (Genève-Archamps, juin 1999). Voici donc, en premier lieu, des
notes que nous devons à l'un des inscrits, Mathieu Brugidou, chercheur à
l'Electricité de France. Le lecteur gardera en tête que ce document n'a pas
été rédigé à notre demande, et, dit son auteur "est plus une retranscription
de mes notes qu'un compte rendu critique à proprement parler. Ces notes sont
nécessairement parcellaires et traduisent ma compréhension inégale des thèmes
abordés. Quant à mes remarques, elles sont le fruit de mon intérêt sélectif
-notamment pour les sciences sociales et l'analyse du discours- et reflètent
donc un point de vue particulier."
Institut Ferdinand de Saussure
Colloque inaugural
" SÉMIOTIQUE DES CULTURES ET SCIENCES COGNITIVES "
GENÈVE-ARCHAMPS, 20-23 JUIN 1999
RETRANSCRIPTIONS DES NOTES
de MATHIEU BRUGIDOU
En guise de préambule...
Ce document reprend l'essentiel de mes notes prises au cours du colloque.
Elles suivent un texte de présentation et précède le programme. Seul H. Wismann
(University of Heidelberg) a manqué à l'appel. Les notes sont bien sûr le
fruit de mon attention (i- sélective, ii- souvent chancelante, iii- de ma
compréhension défaillante ...).
L'intérêt du colloque est de réunir des interventions diverses autour de la
question de la sémiotique et des sciences cognitives. La plupart des
interventions critiquent ou se démarquent de ce qui serait un programme de
"naturalisation" du sens ou de réduction des sciences de la culture à un projet
scientiste. Cela dit, le colloque souligne aussi l'importance des questions
posées par ces sciences cognitives, dans la mesure où elles permettent de
renouveler les questions de l'émergence de la conscience et de la culture.
Dans ces deux cas, on souligne l'importance de la coupure sémiotique -cf.
l'arbitraire du signe (d'où le parrainage de Saussure) comme dernière étape
d'un processus d'autonomisation du signe/symbole, après l'indice et l'icône,
coupure que l'on peut pointer aussi bien dans l'apprentissage de l'enfant que
dans l'avènement des formations culturelles. "L'ordre symbolique" permet en
effet de s'abstraire de la nécessité immédiate (stimuli/réponse), de penser
l'absence et constitue un "avantage sélectif", pour parler comme les
néodarwiniens, non négligeable.
Ces thèmes permettent d'aborder une série de questions sur le rôle de "l'ordre
symbolique" et sur les relations qu'il entretient avec les autres instances
d'humanisation. Ainsi la question de ces relations avec l'ordre biologique
(l'ordre symbolique rétroagissant en réalisant sélectivement des "promesses
génétiques"), avec la technique (c'est bien ce même ordre qui nous permet de
nous "formater" aussi à la technique et à ses impératifs et de faire de "bons
usagers") et enfin avec l'ordre social (l'habitus peut être aussi décrit comme
une sémantisation du social etc.)
C'est sur cette dernière question que le colloque présente je crois une
limite : les rapports de la sociologie (comme champ scientifique) et du sens
sont peu traités (sauf l'intervention de Bronckart sous un angle plus
psychosociologique) : certes, la plupart des intervenants conçoivent le
symbolique comme ouvert sur le social, l'historique etc. On est loin de la
description de la langue comme un système formel et fermé... Pourtant les
pratiques sociales sont le plus souvent perçues comme un horizon, c'est à dire
qu'elles sont toujours vues de loin donc unifiées. On prend ainsi assez peu en
compte le fait que le sens est le produit d'une rencontre controversée entre
des intérêts (sauf l'intervention sur la rhétorique), de positions distinctes
et que l'ordre symbolique est aussi le fruit (mais pas seulement) "d'effet de
domination" (qui précisément tend à oublier son origine sémantique et à se
réifier), que le sens, enfin, se négocie -conventionnellement et de nouveau on
retrouve des locuteurs/acteurs etc. Par ailleurs, les "grands récits sociaux"
sont cités mais assez peu analysés et notamment leur appareillage propre
-idéosystèmes etc.- n'est pas analysé en tant que tel.
Toutefois, l'intérêt de l'angle privilégié est qu'il permet d'ouvrir la question
du sens et de ne pas la cantonner ni dans la langue, ni même dans des systèmes
sémiotiques dont on s'évertuerait à décrire le fonctionnement interne et
formel... (mais finalement qui fait seulement ça ?) Le profit est aussi
épistémologique. On peut retrouver en effet des discussions propres à la
sociologie : explication versus compréhension, les "faits sociaux comme des
choses" versus des objets construits, des questions comme "les sciences sociales
sont-elles des sciences "nomologiques" (de la loi, des régularités statistiques
"objectives") ou historiques ?" mais aussi des débats du coté des méthodes
(quanti versus quali...).
Ces oppositions sont toujours évidemment caricaturées et peuvent être "relues"
avec profit à la lumière de la "coupure sémiotique".
Le programme résume assez bien la diversité des approches possibles : du coté
de la philosophie, de l'histoire des représentations, de l'épistémologie, de
la psychologie (perception, ontogenèse), des neurosciences (perception, mémoire
etc.), de la psychosociologie, de la linguistique (origine du signe, comparée
etc.), de l'anthropologie etc.
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TEXTE DE PRESENTATION DU COLLOQUE
F. RASTIER, S. BOUQUET
"Deux controverses illustres ont marqué l'histoire intellectuelle contemporaine.
La controverse de Davos entre Cassirer et Heidegger, d'une part, a conduit une
bonne partie de la philosophie européenne, au lieu de penser les sciences de la
culture (voire de penser la dimension herméneutique des sciences de la nature),
à élaborer des systèmes se défiant des sciences. D'autre part, la controverse
de Royaumont entre Piaget et Chomsky, aura pour un temps accrédité dans les
sciences humaines l'idée du triomphe d'un cognitivisme orthodoxe, qui dans ses
formes extrêmes ne reconnaît aucune spécificité aux sciences de la culture au
nom d'un programme de naturalisation du sens. L'essor continu du néodarwinisme
en anthropologie cognitive et en philosophie de l'esprit témoigne de la vivacité
de ce programme. Par ailleurs, le statut des sciences de l'homme demeure
controversé : peuvent-elles se définir en tant que sciences de l'esprit (comme
dans l'idéalisme romantique dont héritait Dilthey) et, si c'est le cas, de quel
"esprit" s'agit-il aujourd'hui ? Peuvent-elles encore se concevoir comme les
sciences sociales momentanément consacrées par des formes dogmatiques du
matérialisme ?
L'heure n'est plus à la fuite en avant vers des programmes réductionnistes ou
dans une aversion "herméneutique" pour les sciences. Avec le recul des formes
les plus intolérantes du scientisme, de nouvelles demandes sociales s'adressent
aux sciences de la culture. Pour y répondre, celles-ci doivent, sans sacrifier
leur visée, qui est de penser les objets culturels, tenir compte des acquis des
sciences cognitives. Le débat qui s'ouvre aujourd'hui trouve une inspiration
dans les résultats récents de disciplines comme les ethnosciences ou
l'anthropologie, la paléontologie, l'éthologie humaine, l'archéologie, la
linguistique comparée. En effet, depuis dix ans, des convergences sans
précédent de recherches dans le domaine de la génétique des populations, de la
linguistique historique et comparée, de la paléoanthropologie permettent de
concevoir de façon nouvelle la phylogenèse des cultures et l'émergence du monde
sémiotique. De telles convergences sont propres à aviver la réflexion sur le
programme d'une sémiotique des cultures. Elles permettront peut-être de préciser
le partage entre les sciences de la culture et les sciences de la nature et de
la vie et, sans doute, de poursuivre, dans un paysage intellectuel renouvelé,
le projet de la sémiotique que Ferdinand de Saussure, tout comme la tradition
philosophique anglo-saxonne, a placé au coeur des sciences de l'homme.
Réunissant des chercheurs qui participent, diversement, à la fondation des
sciences de la culture, le colloque vise deux objectifs : témoigner des acquis
et des hypothèses disputées de la recherche actuelle, et offrir aux acteurs de
cette recherche, dans un cadre privilégié, l'occasion d'un débat de fond."
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Simon BOUQUET - Ouverture du colloque -
A propos de l'interdisciplinarité. Il présente les sciences participant au même
paradigme cognitiviste, distinguant des sciences positives (neurosciences, IA,
une partie de la psychologie cognitive...) vs des sciences non positives
(Philosophie, linguistique cognitive etc.). Ce paradigme met en place une
métaphysique à "deux mondes" insuffisante (grosso modo un projet réductionniste
de naturalisation de l'esprit et de la culture). Bref, ce paradigme s'enferre
dans un paradoxe qui rend nécessaire une métaphysique à trois mondes (il prend
l'exemple de Lacan et du blason des Borromée), militant pour une science des
cultures.
1) neurosciences cognitives
Représente la frontière "basse" des sciences cognitives entre le niveau
représentationnel et le niveau somatique. Répond à la double implémentation :
implémentation possible des faits cognitifs en machine et implémentation
neuronale de ces même faits.
2) Intelligence Artificielle
Hétérogénéité de l'IA. Pas une science mais une technique :
- recherche à simuler les comportements
- intelligence/niveau repésentationnel
Technique qui correspond à la science qui aurait réussi à résoudre le
paradoxe.
3) Linguistique cognitive
La grammaire générative a fortement restreint l'objet de la linguistique (à
la syntaxe). S'abstraire des phénomènes culturels, historiques, sociaux...
4) Psychologie cognitive
Réduction du domaine (pas la psychanalyse comme science herméneutique). Pas
un domaine homogène.
5) Philosophie cognitive
Pas un savoir positif, pas une science Galiléenne mais une science non positive
de ces disciplines. Mais une métaphysique de ces disciplines.
6) Anthropologie (cognitive)
Frontière haute du paradigme : autour de la recherche d'universaux du
culturel (en s'appuyant sur l'anthropologie non cognitive).
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Sylvain AUROUX - La révolution sémiotique en philosophie -
Il fait part d'une triple gêne à traiter ce sujet :
1- Révolution : importance des continuités, on ne fait jamais réellement table
rase du passé, nous sommes tous des lecteurs de Tocqueville de ce point de vue.
Là où il se passe des choses sérieuses, il n'y a pas de révolution et c'est la
même chose en histoire des sciences (à de très rares exceptions près).
Epistémologie positiviste : brique sur brique, les sciences sont essentiellement
cumulatives. On ne sous-estimera pas Newton mais on aurait tort de surestimer
les changements.
2- Philosophie
Paranoïa Husserlienne : théorie du fondement, il faut absolument s'installer
dans la région de la vérité (c'est le rôle de la métaphysique). Il n'y a pas
de philosophie première, elle n'est que seconde, interrogation, réflexivité
sur une autre pratique que la philosophie elle-même.
La philosophie est une attitude qui accompagne le savoir, là où il y a savoir
il n'y a pas de philosophie.
3- Sémiotique
Le réel existe, il y a des événements phénoménaux qu'il nous faut maîtriser.
Ne pas tomber dans l'excès de positivisme à vouloir à tous prix parler de
critère de scientificité. Il y a des objets devant nous, des sciences, comment
ça fonctionne ? ==> rôle de l'épistémologie.
Une rupture importante dans la philosophie occidentale qui n'est pas celle du
structuralisme, cf. Levy Strauss considérant le système de parenté comme du
langage qui apparaît plus comme une conséquence d'une rupture antérieure.
Le moment où dans la philosophie, on a considéré les représentations
intellectuelles comme équivalente au langage naturel. Est-ce qu'on peut se
représenter la pensée sur le même modèle que le langage naturel ?
Depuis Aristote, on considère que la perception est acte commun du sentant et
du senti. Il n'y a pas de discontinuité entre la représentation et le monde.
C'est avec cette conception qu'il y a rupture : "l'idée de cercle n'est pas
ronde".
La véritable révolution sémiotique est donc celle du dualisme de Descartes où
l'on assiste à une "digitalisation" de l'esprit. Il n'y a pas de communauté de
substance entre la pensée et ce qu'elle pense.
On aurait pu naturaliser le langage : il y a l'arbitraire du signe, que veut
dire arbitraire ici ?
Renvoie au problème de la vérité et de la fausseté. On refuse les conséquences
profondes de la digitalisation. On va partout s'efforcer de contourner cet
arbitraire (cf. Kant). Mais pourquoi faudrait-il qu'il y ait de l'absolu ?
==> Les empiristes (soi disant non philosophes pour le dictionnaire
philosophique Delalande)
Il faut s'installer dans Locke : la constitution de nos représentations
scientifiques est arbitraire.
- elles dépendent de notre activité
- elles sont possiblement multiples
Mais cela ne signifie pas que cela soit n'importe quoi : il faut qu'on en parle,
que l'on trouve des règles dans la conversation, des conventions tacites (comme
celles qui lient les rameurs sans qu'ils en aient même conscience).
Ouverture vers la constitution sémiotique des savoirs.
Il se peut que l'esprit soit un effet de langage, ne sait pas ce que "Mind" veut
dire, connaît le cerveau ou le langage. Autrement dit, c'est notre corps qui
fait signe, nous ne sommes rien d'autre que des signes.
Rôle du langage naturel. Le langage existe sous forme de plusieurs langues.
Certains sémioticiens se sont engagés vers une réforme du langage (toujours
imparfait, retour de l'idéalisme...). D'où les multiples projets de réduction
de la polysémie etc. de toutes les "imperfections" du langage (comme langage
naturel). Cf. Le projet de CARNAP de corriger le langage quotidien par des
métalangages. Voire encore la dernière coqueluche du MIT, qui cherche une
nouvelle forme de "mentalais" (i.e. le langage de la pensée, du mental supposé
sans équivocité).
Or il y a une facticité indépassable du langage naturel, il n'y a pas de ce
point de vue de rationalité ultime. Il faut donc décrire le fonctionnement
symbolique du cerveau avec le langage naturel (pourquoi inventer un nouveau
langage ?). Il y a un champ phénoménal mais "la sémiotique" ça n'existera
jamais (au sens d'une sémiotique universelle). Il faut donc se battre pour une
sémiotique plurielle.
*** Lors la discussion qui suit, l'orateur apporte les précisions suivantes :
- sur l'empirisme : il ne défend pas un empirisme précis, et souligne la limite
de l'empirisme traditionnel, le sensationisme (sensation ponctuelle, non
construite. cf. Russel et Carnap).
- sur l'arbitraire, ne propose pas de définition particulière de cet arbitraire,
ce n'est comme "exact opposé de la nécessité de l'absolu".
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J.-P. BRONCKART - La culture comme sémiotique du social -
Courant de l'interactionnisme social = intériorisation des construits socio-
sémiotiques par les individus (i.e. construits par le/les collectifs et intégrés
par les individus. Veut défendre la thèse de la culture comme sémantique du
social. La question, c'est celle de la phylogenèse (développement de l'espèce)
et de l'ontogenèse (développement de l'individu) de la pensée chez l'humain.
Dualisme fondamental : Descartes, Husserl, Brentano...
Il y aurait une spécificité du psychisme et son d'indifférence au matériel.
On veut s'appuyer ici sur deux postulats philosophiques :
a) le "monisme spinozien"
- il n'y a d'autre réalité que la matière active (cf. la parenté avec Marx)
- l'humain est une conséquence modeste du premier point (contre le délire
cartésien de l'homme "maître et possesseur de la nature")
- réflexivité humaine.
b) si l'on combine la position moniste avec les positions évolutionnistes :
- comme espèce
- sur l'histoire sociale comme formation des groupes humains.
On débouche sur une série de questions :
- Comment d'un fonctionnement physique émerge le comportement physique et
psychique ? ==> "monisme émergentiste"
Si on prend Spinoza au sérieux, il y a du psychisme partout. Toutes vies
impliquent des systèmes de traces plus ou moins stables : il y a des systèmes
de traces chez les végétaux mais elles ne sont pas accessibles à elles-mêmes,
ne sont partageables avec l'espèce. Il n'y a donc pas de rupture de ce point de
vue là avec l'humain -continuum- mais dans l'humain il faut considérer :
- l'autonomie importante avec les conditions de renforcement du milieu
- l'opérativité forte
- un fonctionnement psychique accessible à lui-même et partageable.
D'où les questions suivantes :
- comment le psychisme "primaire" émerge ?
- comment il évolue/passe au psychisme secondaire (cf. plus haut).
On se tournera vers Piaget et le concept central de "vie". L'oeuvre entière de
Piaget tente de répondre à ces deux questions :
- cf. le couple "accommodation" et "assimilation", l'équilibre adaptatif chez
les végétaux, les animaux. Chez les mammifères supérieurs : intelligence
pratique, images mentales, traces des processus. Chez les enfants, image mentale
dépendant des renforcements (et pas de partageabilité, ni réflexivité).
Piaget reste la référence majeure sur la construction du psychisme primaire,
de l'intelligence pratique.
A partir de 1937, Piaget se pose la deuxième question cf. surtout "La formation
du savoir ". Description des stades de fonctionnement cognitif.
18 mois ?????? 5 ans
stade sensori-moteur ?????? opérations concrètes
Piaget met l'accent sur les processus de cette rencontre, les signes
n'interviennent que dans la structure formelle.
Causalité ----------------------> implication signifiante
Comment expliquer ce passage ? Mystère
- Ontogenèse : l'organisme du bébé est confronté à un monde humain déjà là.
Les objets sont codifiés par l'activité langagière, la textualité commente
l'activité humaine, ce sont les représentations collectives au sens de Durkheim.
Le monde représenté est donc déjà là, d'où la médiation sociale. La pensée
discursive et actionnelle est préalable à l'abstraction.
- L'arbitraire : 1) caractère immotivé du signe, pas de dépendance de nature
entre signifiant et signifié, autonomie à l'égard de condition de renforcement
du milieu. 2) l'arbitraire radical, les formes socio-langagières sont
arbitraires car sociales. 3) caractère communicatif des signes. D'abord, il y a
entente puis il y a représentation du monde. Cf. L'enfant, sachant que par les
signes, il peut agir sur les autres, il déduit qu'il peut agir sur lui-même.
La question de la culture
Chaque langue naturelle opère une discrétisation du psychisme dans la forme
singulière d'une langue naturelle (cf. Le relativisme culturel de Sapir). Si
la culture, c'est la sémantisation du social : il y a en amont du langage des
formes collectives, des formations socio-économiques etc. Sans compter la
dimension de la micro-historicité de l'individu non-réductible au social.
*** Discussion
- L'orateur revient sur la distinction entre la trace et le signe,
représentation par la trace de l'objet, théorie du signe causal (stimuli) et
du signe sémantique (cf. Piaget)
- Sur le fait que chez Piaget, le rôle de condensation des représentations
collectives historiquement construites n'a pas d'incidences. Seule la structure
formelle du signe (l'arbitraire) est structurante chez lui, ce n'est pas une
hypothèse sémantique.
- le processus de signification est antérieur au signe : cf. la forme ronde de
la tétine du biberon constitue l'indice du biberon / l'annonce.
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J.-G. MEUNIER - Représentation, information et culture -
Descartes : promoteur d'une théorie de l'animal machine et d'un projet
naturaliste (en terme de causalité) dans la culture. La métaphore de
l'organisme (vs animal machine) introduit un niveau de plus
==> socio-biologique, on abandonne la position herméneutique, on parle ainsi
"d'épidémie des représentations".
La conscience, un épiphénomène fruit de la complexification croissante du
biologique. Parallèle entre la problématique de la conscience et celle de
la culture. Il s'agit de la même architecture théorique : le projet
denaturalisation de la conscience et celui de naturalisation de la culture
s'inspire des mêmes modèles des Systèmes de Traitement de l'Information (STI).
I- L'information
Shannon : information est d'abord un problème d'occurrence (arrive ou non) mais
laisse indéterminée la nature de l'information.
L'équation information = représentation (cf. le connexionisme, représentation
non symbolique et distribuée).
Critiques de Varela et d'autres du modèle représentationnel qui s'avère non
pertinent pour décrire des systèmes complexes. Le concept de représentation
depuis le Moyen âge profondément lié à celui d'information : il s'agit de
transformer un objet physique en "forme". Re- presentatio mais sous une autre
forme (ne capture pas sa matérialité). L'âme n'opère que sur une informatio.
Mode original de présence de l'objet dans l'agent.
Trois thèses communes à la représentation et l'information :
1) sémantique : Une substitution de l'externe par l'interne, il s'agit de rendre
présent à nouveau ce qui est externe. Re-présence.
conventionnelle --> non naturelle / symbole
causale --------------> indiciel.
2) logique : transformation spécifique aux objets manipulés.
La logique, c'est la cohérence interne des transformations admissibles sur ces
représentations. La cohérence peut-être déductive ou agrégative.
3) ontologique : elles ont le même principe d'existence.
La question se pose de l'architecture de ces transformations : modèle des STI,
Systèmes de Traitement de l'Information.
On peut distinguer deux niveaux d'architecture :
a) celui des constituants de base
b) celui de l'interaction entre ces constituants.
a) Le niveau des constituants de base
Structure élémentaire (module, morphe, granule...) qui constitue déjà un
minisystème. Qui peut être décrit de la manière suivante :
_________________
Inscription =======> | Traitement Données | =========> Transcription
_________________
Contrôle
L'instance de contrôle est extérieure au système lui-même. Chaque neurone
d'un réseau de neurone est lui-même un petit automate. Dans tous les systèmes
émergents, il y a une structure de cette forme. Les micro-automates ne sont pas
des " primitifs ", ce ne sont pas des atomes symboliques, des indécomposables
(comme les particules élémentaires de la physique), ce sont des systèmes
complets.
b) Structure de l'interaction
L'enchaînement des instructions n'est pas produit pas un automate. La structure
de l'interaction est donc différente de la structure élémentaire.
Deux hypothèses.
--> une structure hiérarchique. L'action d'un sous-système dépend d'un autre
mais pas un modèle compositionnel (ce n'est pas la somme des autres micro-
systèmes), bref ce n'est pas une machine de Türing. Ce n'est pas par
l'amplification d'un seul type d'automate (et notamment celui de la perception
par "up grading" du niveau perceptuel) que l'on peut expliquer le cognitif).
--> une structure associative
C'est toujours non compositionnel. Un réseau de neurone n'est pas un super
neurone mais une interaction (association) de neurones. Bref, un Système de
Traitement de l'Information peut être une sémiotique (grammaire/automate) mais
l'interaction n'est pas une sémiotique.
II- Architecture STI et Système symboliques/Langage
Le concept de valeur ne joue pas dans le langage logique (bref un bon
grammairien ne fait pas un bon écrivain). Il y a d'autres concepts, ceux de
paradigme, d'isotopie, de dialogue versus la grammaire qui régirait toute la
structure du langage. Les formules, rituels, les idéologies, les symboles...
sont autant de machines de Türing nommés selon les différents niveaux de
description choisis. La culture est alors un texte qui remplit plusieurs tâches
cognitives notamment identitaire comme le montre les anthropologues.
*** Discussion
Il y a deux types de modules qui travaillent sur le perceptuel pour le
transformer en stratégie d'action :
a) module " ipséique ", conscience de soi
b) théorie du contrôle
On ne peut pas faire une grammaire d'un réseau de neurones. Peut-être qu'une
règle n'est que ce qui est acquis (dans le sens de stabilisé). Aucun système ne
peut fonctionner sans les normes : l'automate char d'assaut apprend à tirer sur
les cibles mais il faut bien lui dire quelles sont les bonnes cibles (sinon tire
aussi sur les soldats de son camp). Peut-on négocier les normes (les agents
eux-mêmes peuvent-ils négocier ces normes). Comment les systèmes rentrent en
interaction dialogique ? Comment négocient-ils la représentation de leurs
actions ?
Les différents niveaux retenus par l'auteur:
1) perceptuel
2) pragmatique (stratégie d'actions, plus mémoire et croyance sur les actions,
sur ce qui est réussi ou manqué)
____________
...A SUIVRE AU PROCHAIN SdT !...
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Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques
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{FR, 27/10/1999}
RENCONTRES FERDINAND DE SAUSSURE
Deuxième colloque du programme « Etudes saussuriennes »
Ce colloque,
co-organisé par le Collegium Helveticum et l'Institut Ferdinand de Saussure,
se tiendra à Zurich, dans les locaux du Collegium Helveticum,
le Vendredi 12 Novembre et le Samedi 13 Novembre 1999, sur le thème
Ferdinand de Saussure et l'interdisciplinarité des sciences du langage
L'entrée du colloque est libre, dans la limite des places disponibles.
Pour tout renseignement, veuillez consulter le site web :
http://www.collegium.ethz.ch/veranstalungen.htm
ou contacter :
fehr@collegium.ethz.ch.
Simon Bouquet / Johannès Fehr
>>>>>>>>>>>>>> PROGRAMME DU COLLOQUE>>>>>>>>>>>>>>
Ferdinand de Saussure et
l'interdisciplinarité des sciences du langage
Ferdinand de Saussure und
die Interdisziplinarität der Sprachwissenschaften
Semper-Sternwarte, Schmelzbergstrasse 25, Zurich
Freitag, 12. November 1999
14-16.30
Johannes Fehr : Begrüssung und Einführung
Sylvain Auroux : Sémiotique, sémantique et linguistique générale
Claudine Normand : De quelques effets de la théorie saussurienne
dans une description sémantique
17-19
Christian Stetter : Am Ende des Chomsky-Paradigmas : zurück zu Saussure?
Jürgen Trabant : Saussure und das Projekt einer historischen
Anthropologie
Samstag, 13. November 1999
9-11
François Rastier : La sémiotique, fondation formelle et fondements
herméneutiques
Jean-Michel Adam : Autour de la «note sur le discours»
11-13
Simon Bouquet : Synthèse
Rudolf Engler : Schlussdiskussion, Moderation
>>>>>>>>>>>>>> PROPOS DU COLLOQUE>>>>>>>>>>>>>>
Ferdinand de Saussure et l'interdisciplinarité des sciences du langage
Les sciences du langage ont reconnu dans les thèses du Cours de linguistique
générale de Ferdinand de Saussure un programme inaugurant une ère nouvelle de
leur histoire, voire énonçant une scientificité dont répondrait le nom d'une
discipline désormais assurée de l'unité de son objet : la linguistique.
Force est de constater (1) que les études empiriques du langage constituent,
avec les mathématiques et l'astronomie, l'un des plus anciens domaines de
science, appuyé en outre sur des concepts théoriques remarquablement stables au
long des deux derniers millénaires et demi, (2) que s'il existe, au long de ces
millénaires, une unicité de l'objet «langage» pris au sens le plus général, dont
répond historiquement la philosophie, les études empiriques du langage ont été,
quant à elles, multiples, pouvant se diviser commodément en deux branches
fondamentales : sciences grammaticales d'une part, sciences de l'interprétation
(et/ou de l'usage de la parole) d'autre part.
Si le Cours a été largement reçu comme consacrant la suprématie du point de vue
grammatical en faisant entrer celui-ci dans le cercle des sciences positives,
cette conception réductrice de la pensée saussurienne aura été ébranlée tant par
la découverte et la publication de riches sources manuscrites que par la lecture
du Cours à laquelle se sont livrés, en dehors même du champ linguistique
proprement dit, des théoriciens de l'anthropologie, de la psychanalyse, ou des
philosophes.
Aussi peut-on tenir aujourd'hui que la complémentarité entre le point de vue
grammatical et le point de vue «interprétatif», loin d'être remise en question
par le linguiste genevois, se trouve au coeur même de sa réflexion. En d'autres
termes, on dira que, si, en son temps, cette réflexion amenait Saussure à
insérer la linguistique dans le cadre d'une sémiologie à venir, elle pose,
encore aujourd'hui, des bases pour ce que nous pouvons appeler une
interdisciplinarité interne des sciences du langage.
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