1999_10_19

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SdT volume 5, numero 5.

 

 

                                                                                             LA CITATION DU MOIS

                                                     ________________________________________________

 

                                                     Le langage n'est pas un fait scientifique,

                                                     mais artistique.

                                                                                G. K. Chesterton, G.F. Watts,

                                                                                1904, p. 91.

                                                     ________________________________________________

 

                          

 

                                                     SOMMAIRE

 

1- Coordonnees

             - Bienvenue a Dominique Laurent, Sylvie Gagnon, Jean-Pierre Caprile et

             Mathieu Brugidou.

             - Changements d'adresse pour Karine Gurtner, Thierry Mezaille, Ludovic

             Tanguy, et Benedicte Pincemin (ATTENTION donc pour vos demandes

             concernant liste SdT).

 

2- Carnet

             - Calendrier et programme des seminaires de l'equipe SdT.

             - Courrier des lecteurs : remarques de J. Brenner sur quelques articles

             dans Texto! (Badir, Berner/Thouard, Manjali).

 

3- Publications

             - Jean-Pierre Malrieu :

                           Evaluative Semantics. Language, Cognition, and Ideology.

             - Didier Bourigault et Monique Slodzian :

                           Pour une terminologie textuelle

             - Première partie des notes de Mathieu Brugidou sur le colloque

             "Semiotique des cultures et sciences cognitives" (Geneve-Archamps,

             20-23 juin 1999).

 

4- Colloques

             - Programme du deuxième colloque du programme "Etudes saussuriennes"

             (Zurich, 12-13 novembre 1999), sur le theme : Ferdinand de Saussure et

             l'interdisciplinarité des sciences du langage.

 

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NOUVEAUX ABONNES

[information réservée aux abonnés]

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{FR, 27/09/1999}

 

SEMINAIRES de l'équipe Sémantique des Textes

 

Premier semestre

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                           Sémantique textuelle, contexte et interprétation

                                                     Maîtrise et DEA

 

Lieu :   Université Paris VII

             UFR Sciences des textes et documents

             2, place Jussieu, 75005 Paris

 

Heure :             Jeudi 16h-19h30

             1. Séminaire de Frank Neveu : Les jeudi de 16h à 18h, salle 212,

             tour centrale, deuxième étage - à partir de la rentrée.

             2. Séminaire de François Rastier : Les jeudi de 18h à 19h30, salle 213,

             couloir 34-44, deuxième étage - à partir du 18 novembre.

 

Jeudi 18 novembre :   François Rastier           (CNRS)

             La Bette et la Bête (Balzac : La Cousine Bette)

 

Jeudi 25 novembre :   Simon Bouquet                         (Université Paris X)

             Sémantique des genres et interprétation

 

Jeudi 2 décembre :      David Piotrowski         (CNRS-INaLF)

             Structures morphodynamiques du lexique :

             de la théorie au traitement empirique

 

Jeudi 9 décembre :      Houssem Assadi                       (Bibliothèque Nationale

                                                                                de France)

             Analyse distributionnelle automatisée :

             un outil pour la sémantique des textes.

 

Jeudi 16 décembre :    Martine Cornuéjols     (Université Paris XI,

                                                                                Psychologie cognitive) :

             La sémantique de l'image et du mot : un même réseau ?

 

Jeudi 6 janvier :           Valérie Beaudouin       (INALCO,

                                                                                Centre de Poétique Comparée)

             Analyse métrico-rythmique de grands corpus d'alexandrins

 

Jeudi 13 janvier :         François Rastier           (CNRS)

             Primo Levi, Le survivant (Il superstite, Ad ora incerta)

 

Jeudi 20 janvier :         Marie-Anne Chabin    (Institut National

                                                                                de l'Audiovisuel)

             La structure de l'archive en tant qu'écrit spatio-temporel

 

Jeudi 27 janvier :         François Rastier           (CNRS)

             L'hypallage et Borges

 

 

Second semestre

_______________

 

Lieu :   Institut national des langues et civilisations orientales

             Centre de Recherches en Ingéniérie Multilingue,

             2 rue de Lille, 75007 Paris

             Salons de l'Inalco, escalier C, deuxième étage.

 

                                        Quatre conférences de F. Rastier

 

Jeudi 24 février, 17h.-19h. :

             Anthropologie linguistique et sémiotique des cultures

 

Jeudi 2 mars, 17h.-19h. :

             Corpus et intertexte

 

Jeudi 9 mars, 17h.-19h. :

             L'action et le récit

 

Jeudi 16 mars, 17h.-19h. :

             L'action et l'énonciation

 

(Contact électronique : lpe2@ext.jussieu.fr)

 

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{FR, 27/09/1999}

 

COURRIER DES LECTEURS : REMARQUES SUR QUELQUES ARTICLES DANS TEXTO!

 

Joseph BRENNER (jebrenner@compuserve.com)

 

Mes lectures de Texto! (extraits choisis) :

 

a) Badir: Immanence et cognitivisme

- Est-ce qu'il est sérieux? C'est la rentabilité des applications dans l'IA que

définit la valeur des sciences cognitives -le "rendement technique" ??

- La théorie de Lupasco permet de passer outre des contradictions telles

structuralisme et grammaire cognitive, de "dépasser des alternatives". J'ai un

peu marre des débats entre cognitivistes et structuralistes, comme, dans la

philosophie de la science, entre "modern-day Platonists and modern-day Kantian

constructionists".

- Justement, les sciences de l'homme et de la société ont autant à voir avec le

vrai et le réel que les sciences de la nature. Seulement, il faut des modèles

rigoureux (possible avec les NTIC) pour faire ressortir ceci (= formalisation

paradigmatique ?).

- Je m'intéresse beaucoup à votre point de vue sur Jean Petitot. Dans un article

"Modèles dynamiques en sciences cognitives", il présente, entre autres, une

défense de Langacker dans ces termes : "On a montré qu'ils (les modèles

dynamiques de syntaxe d'attracteurs) permettent de rendre effectif le concept

de "syntaxe d'attracteurs" et de résoudre partiellement le problème des

représentations structurées des les modèles connexionnistes. Cela permet de

développer une conception topologico-dynamique, schématique et iconique de la

grammaire affine à la Cognitive Grammar de Ronald Langacker..." Si la grammaire

de Langacker est telle que Badir la décrit, je n'ai pas grande sympathie pour

elle, mais il me semble possible et souhaitable d'intégrer les aperçus de la

théorie des catastrophes "à un niveau supérieur".

 

b) Berner/Thouard : La Dialectique ou l'Art de Philosopher

- Je me suis trouvé tout à fait à l'aise dans ce discours. Sans utiliser les

termes de Nicolescu, les auteurs montraient un esprit transdisciplinaire que

j'ai apprécié. Exemples : dernier paragraphe de la Section 2, surtout, la

distinction d'une attitude rélativiste. Tout comme "l'affection" chez Lupasco,

"le fondement transcendant échappe à la saisie réflexive". "(La dialectique)

n'est aucun des deux aspects, et pourtant elle n'existe qu'en eux". Plus

simplement, plus correctement peut-être, il s'agit d'une trialectique.

- "Schleiermacher pense bien que la contradiction porte en elle le critère de

la vérité, mais plus prudent que lui (Hegel)..." Selon moi, à juste titre,

Nicolescu dit : "...la triade hégélienne est incapable de réaliser la

conciliation des opposés, tandis que la triade de tiers inclus est capable de

la faire. Dans la logique du tiers inclus, les opposés sont plutôt des

contradictoires : la tension entre les contradictoires bâtit une unité plus

large qui les inclut."

 

c) Manjali: On the Spatial Basis of Conceptual Metaphors

- Beaucoup d'echos ici des idées qui sont importantes pour moi : "Its (the

metaphor's) iconicity is thus part-objective, part-subjective". "Image schemas

(...) are preconceptual and prelogical, in the sense of being prior to the

elements of a propositional logic".

- Mazzola has provided ways of looking at the topologies of embodied schemata.

- I think Lupasco goes beyond just an "entre deux". He recognized that he had

many traditional precursors (Nagarjuna is one mentioned here, later Pierce).

"One's own body is the third term" - matter-energy at a different level of

reality.

- I disagree with Cassirer as quoted by Manjali. For me, mythico-linguistic

thought is not something of such low level that the laws of the excluded middle

apply. The first sentence in this paragraph (p.6) is closer to what Lupasco is

talking about, but it blurs the emergence of something new (the included

middle).

 

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{FR, 27/10/1999}

 

VIENT DE PARAITRE

 

De Jean-Pierre MALRIEU, chez Routledge, 1999 :

             "Evaluative Semantics. Language, Cognition, and Ideology"

 

Le logiciel afférent, COCONET, sera prochainement téléchargeable à partir du

site Texto! :

             http://www.msh-paris.fr/texto/

 

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{FR, 27/10/1999}

 

Didier BOURIGAULT

Equipe de Recherche en Syntaxe et Sémantique

CNRS - Université Toulouse Le Mirail

&

Monique SLODZIAN

Centre de Recherche en Ingénierie Multilingue

Institut National des Langues et Civilisations Orientales, Paris

Groupe TIA

 

 

                                        Pour une terminologie textuelle

 

 

1) Introduction

 

Ce texte constitue un résumé du tutoriel donné à l'ouverture des troisièmes

journées "Terminologie et Intelligence Artificielle" (Nantes, les 10 et 11 mai

1999). Les auteurs ont été mandatés par les membres du groupe TIA (Terminologie

et Intelligence Artificielle) pour présenter une plate-forme, qui synthétise les

positions théoriques et méthodologiques du groupe sur le versant linguistique de

sa réflexion. Ces points de vue sont le résultat de discussions et réflexions

menées depuis plusieurs années au sein du groupe TIA, qui, compte tenu de la

complémentarité disciplinaire de ses membres et de leur expérience conjuguée

dans le champ de la terminologie, est en mesure d'offrir une analyse

suffisamment complète et équilibrée des nouveaux enjeux, pratiques, théoriques,

méthodologiques, de la terminologie.

 

 

2) Applications de la terminologie : état des lieux

 

Les besoins en terminologie dans les entreprises et dans les institutions se

multiplient. Suite à l'utilisation généralisée des outils de bureautique, à

l'internationalisation des échanges, au développement d'Internet, la production

de documents sous forme électronique s'accélère sans cesse. Or pour produire,

diffuser, rechercher et exploiter ces documents, les outils de gestion de

l'information ont besoin de ressources terminologiques. Outre l'accroissement

quantitatif de la demande, l'un des impacts essentiels de ces évolutions sur la

pratique terminologique est l'élargissement qualitatif considérable de la gamme

des produits à base terminologique nécessaires pour répondre à ces besoins.

A côté des bases de données terminologiques multilingues classiques pour l'aide

à la traduction, on voit apparaître de nouvelles productions terminologiques

adaptées aux nouvelles applications de la terminologie en entreprise :

 

* thesaurus pour les systèmes d'indexation automatique

* index structurés pour les documentations électroniques

* terminologies de référence pour les systèmes d'aide à la rédaction

* référentiels terminologiques pour les systèmes de gestion de données

  techniques

* ontologie pour les mémoires d'entreprise ou pour les systèmes d'aide à la

  décision

* réseaux lexicaux spécialisés pour les moteurs de recherche thématique sur

  le Web

* glossaires de référence et liste de termes pour les outils de communication

  interne et externe

* bases de connaissances terminologiques pour la description de corpus de

  référence

* ...

 

L'essor de ces applications conduit à traiter, à l'aide d'outils, des quantités

de documents considérables. Ce changement d'échelle met en évidence des

phénomènes largement sous-estimés jusqu'ici.

 

C'est ainsi que s'impose le constat de la variabilité des terminologies : étant

donné un domaine d'activité, il n'y a pas UNE terminologie, qui représenterait

LE savoir sur le domaine, mais autant de terminologies que d'applications dans

lesquelles ces terminologies ont été utilisées. Ces terminologies diffèrent

quant aux unités retenues et à leur description selon l'application visée. Par

ailleurs, la croissance terminologique, induite par la prolifération en tous

sens de connaissances, entraîne la nécessité de mises à jour permanentes si

l'on veut répondre aux besoins des utilisateurs.

 

Ce constat sur la variabilité remet en cause le principe de l'universalité des

terminologies. L'expérience montre en effet qu'une terminologie élaborée pour

une application à un moment donné n'est jamais identique à celle construite pour

une application différente. Ces limites fortes à la réutilisabilité n'excluent

pas des relations d'inclusion ou de chevauchements partiels entre terminologies

dédiées à des applications différentes dans un même domaine d'activité.

 

L'ensemble de ces constats empiriques entraîne des changements en profondeur de

la pratique terminologique : l'activité de construction d'une terminologie est

désormais essentiellement une tâche d'analyse de corpus textuels. Ils appellent

du même coup à un renouvellement théorique de la terminologie : c'est dans le

cadre d'une linguistique textuelle que doivent être posées les bases théoriques

de la terminologie.

 

 

3) Nouvelles pratiques terminologiques

 

L'activité de construction d'une terminologie devient avant tout une tâche

d'analyse de corpus textuels. Il y a à cela deux raisons essentielles :

 

* Les applications de la terminologie sont le plus souvent des applications

textuelles (traduction, indexation, aide à la rédaction) ; la terminologie doit

"venir" des textes pour mieux y "retourner". C'est parce qu'elle n'est jamais

déliée du texte qu'on parle de "terminologie textuelle".

 

* C'est dans les textes produits ou utilisés par une communauté d'experts,

que sont exprimées, et donc accessibles, une bonne partie des connaissances

partagées de cette communauté, c'est donc par là qu'il faut commencer l'analyse.

 

L'expérience montre que l'hypothèse selon laquelle l'expert d'un domaine serait

le dépositaire d'un système conceptuel qu'il suffirait de mettre au jour est

non productive. La tâche d'analyse terminologique vise alors avant tout la

construction d'une description des structures lexicales à l'oeuvre dans un

corpus textuel à partir d'une analyse réglée de ce corpus.

 

Cette tâche ne peut être menée à bien par les experts ; la médiation d'un

analyste (linguiste terminologue, cogniticien) est nécessaire, en premier lieu

parce qu'on colle trop à ses propres usages langagiers ; c'est le médiateur qui

garantit la distance nécessaire à l'analyse. En second lieu, la pluralité des

pratiques à l'intérieur de ce que l'on a coutume d'appeler "domaine" induit des

points de vue différents sur le lexique (préférences, rejets, désaccords sur la

définition) qu'il faut arbitrer. La division du travail linguistique à

l'intérieur d'une entreprise requiert donc un médiateur, qui a en charge

l'application.

 

Pour chaque unité choisie, l'analyste construit une signification (type) à

partir des sens (occurrences) attestés dans le corpus. Dans cette tâche, il

est guidé en amont par le corpus (spécificités lexicales) et en aval par

l'application (utilisation des descriptions).

 

L'expert doit être considéré comme un partenaire du linguiste terminologue,

dans un travail de collaboration ; il est sollicité pour valider les

descriptions construites par celui-ci.

 

Le domaine doit être lié à une pratique, maîtrisée par une communauté d'experts.

Comme action (instrumentalisation du savoir propre à la technique), la pratique

ne procède pas de connaissances statiques, liées à des expressions linguistiques

bien stabilisées.

 

Avant la tâche de description lexicale, la constitution du corpus de référence

est une étape essentielle, prise en charge par le linguiste terminologue. Il

s'agit pour lui de collecter et de caractériser un ensemble de textesjugés

pertinents pour l'application visée.

 

Devant la masse des données à analyser et les délais imposés, la tâche

d'analyse de corpus ne peut être envisagée qu'avec l'utilisation des outils de

la terminologie textuelle (concordanciers, extracteurs de candidats termes,

extracteurs de relations candidates, classifieurs, etc.). L'utilisation de ces

différents outils doit être encadrée par une méthodologie précisant à quel

stade du processus et selon quelles modalités il convient de les utiliser.

 

 

4) Renouvellement théorique

 

Ces changements en profondeur de la pratique terminologique appellent un

renouvellement théorique.

 

Les propositions théoriques et méthodologiques qui suivent ont des bases

empiriques ; elles sont issues d'une analyse des nouvelles pratiques de la

terminologie, et elles ont pour ambition de les améliorer. Il ne s'agit donc

pas de fonder un nouveau dogme, mais de susciter des courants de recherche

variés dans le champ de la linguistique, dont chacun pourra contribuer à cet

objectif.

 

Proposition 1 : objet empirique d'une linguistique textuelle, le texte est le

point de départ de la description lexicale à construire. On va du texte vers le

terme. Les bases théoriques de la terminologie doivent être ancrées dans une

linguistique textuelle.

 

Proposition 2 : le terme est un construit. Il est le produit d'un travail

d'analyse, mené par le linguiste terminologue, dont les choix sont guidés par

une double de contrainte de pertinence :

- Pertinence vis-à-vis du corpus. Il s'agit de retenir et de décrire des

  structures lexicales qui présentent des caractéristiques à la fois spécifiques

  et stables. C'est à ce stade qu'intervient la validation par l'expert.

- Pertinence vis-à-vis de l'application. Les unités finalement retenues doivent

  l'être en fonction de leur utilité dans l'application visée, qui s'exprime en

  termes d'économie et d'efficacité. La validation est à chercher du côté des

  utilisateurs de l'application.

 

La tâche de description lexicale est un travail de fixation, stabilisation,

homogénéisation d'une signification, dont le résultat est le terme. Il s'agit

de construire un type (une signification stable) à partir des occurrences

manifestées en texte. C'est ainsi qu'on parle de normalisation, non plus au

sens que la planification terminologique  donne au mot, mais au sens où la

communauté d'experts "entérine" des signifiés comme des termes du domaine.

 

Le résultat de la description peut se présenter sous des formes diverses :

réseau, liste, glossaire, etc. Il n'existe pas de format canonique. Les noms

ne sont pas les seules unités lexicales à décrire. En attribuant au terme la

fonction de dénommer les concepts, la terminologie classique privilégie les

noms. En s'éloignant de cette approche référentielle très limitative, on est

en mesure d'accueillir les autres catégories du discours (verbes, adjectifs,

adverbes, prépositions, conjonctions), ainsi que des unités linguistiques plus

ouvertes (syntagmes nominaux, verbaux, adjectivaux).

 

 

5) Fin de la doctrine

 

Le virage méthodologique, rendu nécessaire par le travail sur corpus, crée une

onde de choc qui ébranle les fondements de la doctrine wüsterienne, fortement

référentielle (le mot comme étiquette du concept) et taxinomique (primauté de

la relation générique/spécifique).

 

Il est illusoire de chercher à aménager la doctrine : le postulat d'une

signification conçue comme discrète ou discrétisable, objectivante et permanente

qui caractériserait le terme a priori est antinomique avec une terminologie

textuelle. Les reformulations théoriques superficielles qui ont apparu ces

dernières années sont vaines : la notion de "phraséologie", en particulier, ne

peut sauver le postulat doctrinal du "terme" dans la mesure où elle est un biais

pragmatique pour détourner la question du contexte et de l'unité terminologique.

 

Les termes ne sont pas des "unités de connaissances" qui viendraient "habiter

la langue ". La tâche d'analyse terminologique n'est donc pas un exercice de

redécouverte d'un système notionnel préexistant qui caractériserait le domaine.

 

Les notions n'ont pas d'antériorité ou de priorité sur les mots : la

terminologisation est un processus parallèle à l'élaboration  conceptuelle.

La terminologie doit sortir d'une sémiotique du signe fondée sur la triade

terme/concept/référent qui la rend inapte à aborder le texte. Cette critique

du réductionnisme référentiel est à l'ordre du jour en philosophie du langage.

Les appels à desserrer l'étreinte des postulats logicistes nous viennent de

plusieurs côtés (Putnam, Auroux, Eco), le positivisme logique qui a nourri la

doctrine ayant été remis en cause dès la fin des années 60. On peut constater

par ailleurs que les connaissances nouvelles sont plutôt éphémères et partagées

par des communautés restreintes au-delà desquelles elles ne circulent pas. On

est loin de la conception idéalisée du domaine comme fragment de connaissances

bien structurées, permanentes et clairement circonscrites.

 

On ne peut plus dire que la signification du terme est définie par la position

du concept dans le système conceptuel correspondant dès lors que l'on met en

doute la représentation métaphysique d'un système conceptuel préexistant

représentable par l'arbre du domaine.

 

Il est aussi illusoire de se soumettre au référent, y compris dans les domaines

techniques qui manipulent des artefacts. La description d'un objet technique est

elle-même tributaire du point de vue imposé par la spécialité de l'expert. C'est

en bout de chaîne, en normalisant le terme, qu'on lui prescrit une référence.

 

Dès que l'on abandonne l'approche logiciste du terme, étroitement liée à une

sémantique véri-conditionnelle, on reconsidère le statut de la définition

qui cesse d'être le résultat d'une procédure logique, métalinguistique.

La définition doit être cohérente avec les sens contextuels (avérés en corpus)

et pertinente vis-à-vis de l'application (comme elle s'inscrit dans une

application, elle participe aux objectifs communicationnnels, elle doit être

"localisée ").

 

Antinomique d'une approche étroitement onomasiologique, peau de chagrin du

linguistique, l'approche textuelle ouvre largement les portes à tous les acquis

de l'analyse linguistique et textuelle (on dépasse ainsi la vision étroite des

Lsp).

 

L'approche textuelle est descriptive (on analyse le fonctionnement d'unités

lexicales en corpus) et non plus normative : les enjeux de la planification

linguistique, si légitimes soient-ils, sont dissociés du travail terminologique

proprement dit. L'objectif premier de la terminologie classique était la

normalisation des langages techniques via la fixation a priori de la

signification des mots. Les textes réels qui prolifèrent et circulent en tous

sens, bousculant les frontières de domaines, remettent en cause ce projet de

mise en ordre des termes apriori. Un tel programme de régulation prescriptive

est contredit par le caractère fondamentalement ouvert des textes et de leurs

signes. Le constat de la plasticité du donné linguistique conduit à refonder

une "bonne pratique terminologique" sur le descriptif.

 

 

Pour conclure :

 

L'actualité de la question terminologique au travers des changements intervenus

en termes d'échelle et de rythme de production, ainsi que l'ampleur des besoins,

appellent un renouveau théorique et méthodologique. En permettant d'aborder

systématiquement l'étude des pratiques textuelles réelles, la linguistique de

corpus, avec ses techniques et ses outils, donne accès aux expressions

linguistiques concrètes d'où il sera possible de faire émerger, puis de

normaliser les termes pertinents. C'est une formidable ouverture pour la

réflexion théorique et méthodologique. Il va sans dire que la question des

procédures linguistiques présupposées par cette approche est à peine défrichée.

Le groupe TIA entend  participer au débat en pleine conscience de la complexité

des enjeux théoriques et pratiques.

 

Il va également de soi que la linguistique ne peut couvrir à elle seule le

processus complet de modélisation des connaissances ; en fournissant la

terminologie adéquate à l'application, le linguiste prépare le travail de

représentation conceptuelle, mais il ne prend pas en charge la tâche de

modélisation des connaissances qui aboutira à la construction d'une ontologie.

Le relais est pris par l'ingénierie des connaissances. Le groupe TIA s'inscrit

dans la nécessaire coopération interdisciplinaire entre linguistes et

ingénieurs de la connaissance.

 

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{FR, 27/10/1999}

 

COLLOQUE SEMIOTIQUE DES CULTURES

 

Note de la rédaction :

Nous annoncions des échos du colloque Sémiotique des cultures et sciences

cognitives (Genève-Archamps, juin 1999). Voici donc, en premier lieu, des

notes que nous devons à l'un des inscrits, Mathieu Brugidou, chercheur à

l'Electricité de France. Le lecteur gardera en tête que ce document n'a pas

été rédigé à notre demande, et, dit son auteur "est plus une retranscription

de mes notes qu'un compte rendu critique à proprement parler. Ces notes sont

nécessairement parcellaires et traduisent ma compréhension inégale des thèmes

abordés. Quant à mes remarques, elles sont le fruit de mon intérêt sélectif

-notamment pour les sciences sociales et l'analyse du discours- et reflètent

donc un point de vue particulier."

 

                                        Institut Ferdinand de Saussure

                                              Colloque inaugural

 

                           " SÉMIOTIQUE DES CULTURES ET SCIENCES COGNITIVES "

 

                                        GENÈVE-ARCHAMPS, 20-23 JUIN 1999

 

 

                                           RETRANSCRIPTIONS DES NOTES

                                              de MATHIEU BRUGIDOU

 

En guise de préambule...

 

Ce document reprend l'essentiel de mes notes prises au cours du colloque.

Elles suivent un texte de présentation et précède le programme. Seul H. Wismann

(University of Heidelberg) a manqué à l'appel. Les notes sont bien sûr le

fruit de mon attention (i- sélective, ii- souvent chancelante, iii- de ma

compréhension défaillante ...).

 

L'intérêt du colloque est de réunir des interventions diverses autour de la

question de la sémiotique et des sciences cognitives. La plupart des

interventions critiquent ou se démarquent de ce qui serait un programme de

"naturalisation" du sens ou de réduction des sciences de la culture à un projet

scientiste. Cela dit, le colloque souligne aussi l'importance des questions

posées par ces sciences cognitives, dans la mesure où elles permettent de

renouveler les questions de l'émergence de la conscience et de la culture.

Dans ces deux cas, on souligne l'importance de la coupure sémiotique -cf.

l'arbitraire du signe (d'où le parrainage de Saussure) comme dernière étape

d'un processus d'autonomisation du signe/symbole, après l'indice et l'icône,

coupure que l'on peut pointer aussi bien dans l'apprentissage de l'enfant que

dans l'avènement des formations culturelles. "L'ordre symbolique" permet en

effet de s'abstraire de la nécessité immédiate (stimuli/réponse), de penser

l'absence et constitue un "avantage sélectif", pour parler comme les

néodarwiniens, non négligeable.

 

Ces thèmes permettent d'aborder une série de questions sur le rôle de "l'ordre

symbolique" et sur les relations qu'il entretient avec les autres instances

d'humanisation. Ainsi la question de ces relations avec l'ordre biologique

(l'ordre symbolique rétroagissant en réalisant sélectivement des "promesses

génétiques"), avec la technique (c'est bien ce même ordre qui nous permet de

nous "formater" aussi à la technique et à ses impératifs et de faire de "bons

usagers") et enfin avec l'ordre social (l'habitus peut être aussi décrit comme

une sémantisation du social etc.)

 

C'est sur cette dernière question que le colloque présente je crois une

limite : les rapports de la sociologie (comme champ scientifique) et du sens

sont peu traités (sauf l'intervention de Bronckart sous un angle plus

psychosociologique) : certes, la plupart des intervenants conçoivent le

symbolique comme ouvert sur le social, l'historique etc. On est loin de la

description de la langue comme un système formel et fermé... Pourtant les

pratiques sociales sont le plus souvent perçues comme un horizon, c'est à dire

qu'elles sont toujours vues de loin donc unifiées. On prend ainsi assez peu en

compte le fait que le sens est le produit d'une rencontre controversée entre

des intérêts (sauf l'intervention sur la rhétorique), de positions distinctes

et que l'ordre symbolique est aussi le fruit (mais pas seulement) "d'effet de

domination" (qui précisément tend à oublier son origine sémantique et à se

réifier), que le sens, enfin, se négocie -conventionnellement et de nouveau on

retrouve des locuteurs/acteurs etc. Par ailleurs, les "grands récits sociaux"

sont cités mais assez peu analysés et notamment leur appareillage propre

-idéosystèmes etc.- n'est pas analysé en tant que tel.

 

Toutefois, l'intérêt de l'angle privilégié est qu'il permet d'ouvrir la question

du sens et de ne pas la cantonner ni dans la langue, ni même dans des systèmes

sémiotiques dont on s'évertuerait à décrire le fonctionnement interne et

formel... (mais finalement qui fait seulement ça ?) Le profit est aussi

épistémologique. On peut retrouver en effet des discussions propres à la

sociologie : explication versus compréhension, les "faits sociaux comme des

choses" versus des objets construits, des questions comme "les sciences sociales

sont-elles des sciences "nomologiques" (de la loi, des régularités statistiques

"objectives") ou historiques ?" mais aussi des débats du coté des méthodes

(quanti versus quali...).

 

Ces oppositions sont toujours évidemment caricaturées et peuvent être "relues"

avec profit à la lumière de la "coupure sémiotique".

 

Le programme résume assez bien la diversité des approches possibles : du coté

de la philosophie, de l'histoire des représentations, de l'épistémologie, de

la psychologie (perception, ontogenèse), des neurosciences (perception, mémoire

etc.), de la psychosociologie, de la linguistique (origine du signe, comparée

etc.), de l'anthropologie etc.

                                                     ____________

 

TEXTE  DE PRESENTATION DU COLLOQUE

F. RASTIER, S. BOUQUET

 

"Deux controverses illustres ont marqué l'histoire intellectuelle contemporaine.

La  controverse de Davos entre Cassirer et Heidegger, d'une part, a conduit une

bonne partie de la philosophie européenne, au lieu de penser les sciences de la

culture (voire de penser la dimension herméneutique des sciences de la nature),

à élaborer des systèmes se défiant des sciences. D'autre part, la controverse

de Royaumont entre Piaget et Chomsky, aura pour un temps accrédité dans les

sciences humaines l'idée du triomphe d'un cognitivisme orthodoxe, qui dans ses

formes extrêmes ne reconnaît aucune spécificité aux sciences de la culture au

nom d'un programme de naturalisation du sens. L'essor continu du néodarwinisme

en anthropologie cognitive et en philosophie de l'esprit témoigne de la vivacité

de ce programme. Par ailleurs, le statut des sciences de l'homme demeure

controversé : peuvent-elles se définir en tant que sciences de l'esprit (comme

dans l'idéalisme romantique dont héritait Dilthey) et, si c'est le cas, de quel

"esprit" s'agit-il aujourd'hui ? Peuvent-elles encore se concevoir comme les

sciences sociales momentanément consacrées par des formes dogmatiques du

matérialisme ?

 

L'heure n'est plus à la fuite en avant vers des programmes réductionnistes ou

dans une aversion "herméneutique" pour les sciences. Avec le recul des formes

les plus intolérantes du scientisme, de nouvelles demandes sociales s'adressent

aux sciences de la culture. Pour y répondre, celles-ci doivent, sans sacrifier

leur visée, qui est de penser les objets culturels, tenir compte des acquis des

sciences cognitives. Le débat qui s'ouvre aujourd'hui trouve une inspiration

dans les résultats récents de disciplines comme les ethnosciences ou

l'anthropologie, la paléontologie, l'éthologie humaine, l'archéologie, la

linguistique comparée. En effet, depuis dix ans, des convergences sans

précédent de recherches dans le domaine de la génétique des populations, de la

linguistique historique et comparée, de la paléoanthropologie permettent de

concevoir de façon nouvelle la phylogenèse des cultures et l'émergence du monde

sémiotique. De telles convergences sont propres à aviver la réflexion sur le

programme d'une sémiotique des cultures. Elles permettront peut-être de préciser

le partage entre les sciences de la culture et les sciences de la nature et de

la vie et, sans doute, de poursuivre, dans un paysage intellectuel renouvelé,

le projet de la sémiotique que Ferdinand de Saussure, tout comme la tradition

philosophique anglo-saxonne, a placé au coeur des sciences de l'homme.

 

Réunissant des chercheurs qui participent, diversement, à la fondation des

sciences de la culture, le colloque vise deux objectifs : témoigner des acquis

et des hypothèses disputées de la recherche actuelle, et offrir aux acteurs de

cette recherche, dans un cadre privilégié, l'occasion d'un débat de fond."

                                                     ____________

 

Simon BOUQUET     - Ouverture du colloque -

 

A propos de l'interdisciplinarité. Il présente les sciences participant au même

paradigme cognitiviste, distinguant des sciences positives (neurosciences, IA,

une partie de la psychologie cognitive...) vs des sciences non positives

(Philosophie, linguistique cognitive etc.). Ce paradigme met en place une

métaphysique à "deux mondes" insuffisante (grosso modo un projet réductionniste

de naturalisation de l'esprit et de la culture). Bref, ce paradigme s'enferre

dans un paradoxe qui rend nécessaire une métaphysique à trois mondes (il prend

l'exemple de Lacan et du blason des Borromée), militant pour une science des

cultures.

 

1) neurosciences cognitives

Représente la frontière  "basse" des sciences cognitives entre le niveau

représentationnel et le niveau somatique. Répond à la double implémentation :

implémentation possible des faits cognitifs en machine et implémentation

neuronale de ces même faits.

 

2) Intelligence Artificielle

Hétérogénéité de l'IA. Pas une science mais une technique :

- recherche à simuler les comportements

- intelligence/niveau repésentationnel

Technique qui correspond à la science qui aurait réussi à résoudre le

paradoxe.

 

3) Linguistique cognitive

La grammaire générative a fortement restreint l'objet de la linguistique (à

la syntaxe). S'abstraire des phénomènes culturels, historiques, sociaux...

 

4) Psychologie cognitive

Réduction du domaine (pas la psychanalyse comme science herméneutique). Pas

un domaine homogène.

 

5) Philosophie cognitive

Pas un savoir positif, pas une science Galiléenne mais une science non positive

de ces disciplines. Mais une métaphysique de ces disciplines.

 

6) Anthropologie (cognitive)

Frontière haute du paradigme : autour de la recherche d'universaux du

culturel (en s'appuyant sur l'anthropologie non cognitive).

                                                     ____________

 

Sylvain AUROUX      - La révolution sémiotique en philosophie -

 

Il fait part d'une triple gêne à traiter ce sujet :

 

1- Révolution : importance des continuités, on ne fait jamais réellement table

rase du passé, nous sommes tous des lecteurs de Tocqueville de ce point de vue.

Là où il se passe des choses sérieuses, il n'y a pas de révolution et c'est la

même chose en histoire des sciences (à de très rares exceptions près).

Epistémologie positiviste : brique sur brique, les sciences sont essentiellement

cumulatives. On ne sous-estimera pas Newton mais on aurait tort de surestimer

les changements.

 

2- Philosophie

Paranoïa Husserlienne : théorie du fondement, il faut absolument s'installer

dans la région de la vérité (c'est le rôle de la métaphysique). Il n'y a pas

de philosophie première, elle n'est que seconde, interrogation, réflexivité

sur une autre pratique que la philosophie elle-même.

La philosophie est une attitude qui accompagne le savoir, là où il y a savoir

il n'y a pas de philosophie.

 

3- Sémiotique

Le réel existe, il y a des événements phénoménaux qu'il nous faut maîtriser.

Ne pas tomber dans l'excès de positivisme à vouloir à tous prix parler de

critère de scientificité. Il y a des objets devant nous, des sciences, comment

ça fonctionne ? ==> rôle de l'épistémologie.

 

Une rupture importante dans la philosophie occidentale qui n'est pas celle du

structuralisme, cf. Levy Strauss considérant le système de parenté comme du

langage qui apparaît plus comme une conséquence d'une rupture antérieure.

 

Le moment où dans la philosophie, on a considéré les représentations

intellectuelles comme équivalente au langage naturel. Est-ce qu'on peut se

représenter la pensée sur le même modèle que le langage naturel ?

 

Depuis Aristote, on considère que la perception est acte commun du sentant et

du senti. Il n'y a pas de discontinuité entre la représentation et le monde.

C'est avec cette conception qu'il y a rupture : "l'idée de cercle n'est pas

ronde".

 

La véritable révolution sémiotique est donc celle du dualisme de Descartes où

l'on assiste à une "digitalisation" de l'esprit. Il n'y a pas de communauté de

substance entre la pensée et ce qu'elle pense.

 

On aurait pu naturaliser le langage : il y a l'arbitraire du signe, que veut

dire arbitraire ici ?

 

Renvoie au problème de la vérité et de la fausseté. On refuse les conséquences

profondes de la digitalisation. On va partout s'efforcer de contourner cet

arbitraire (cf. Kant). Mais pourquoi faudrait-il qu'il y ait de l'absolu ?

 

==> Les empiristes (soi disant non philosophes pour le dictionnaire

philosophique Delalande)

 

Il faut s'installer dans Locke : la constitution de nos représentations

scientifiques est arbitraire.

- elles dépendent de notre activité

- elles sont possiblement multiples

 

Mais cela ne signifie pas que cela soit n'importe quoi : il faut qu'on en parle,

que l'on trouve des règles dans la conversation, des conventions tacites (comme

celles qui lient les rameurs sans qu'ils en aient même conscience).

Ouverture vers la constitution sémiotique des savoirs.

 

Il se peut que l'esprit soit un effet de langage, ne sait pas ce que "Mind" veut

dire, connaît le cerveau ou le langage. Autrement dit, c'est notre corps qui

fait signe, nous ne sommes rien d'autre que des signes.

 

Rôle du langage naturel. Le langage existe sous forme de plusieurs langues.

Certains sémioticiens se sont engagés vers une réforme du langage (toujours

imparfait, retour de l'idéalisme...). D'où les multiples projets de réduction

de la polysémie etc. de toutes les "imperfections" du langage (comme langage

naturel). Cf. Le projet de CARNAP de corriger le langage quotidien par des

métalangages. Voire encore la dernière coqueluche du MIT, qui cherche une

nouvelle forme de "mentalais" (i.e. le langage de la pensée, du mental supposé

sans équivocité).

 

Or il y a une facticité indépassable du langage naturel, il n'y a pas de ce

point de vue de rationalité ultime. Il faut donc décrire le fonctionnement

symbolique du cerveau avec le langage naturel (pourquoi inventer un nouveau

langage ?). Il y a un champ phénoménal mais "la sémiotique" ça n'existera

jamais (au sens d'une sémiotique universelle). Il faut donc se battre pour une

sémiotique plurielle.

 

*** Lors la discussion qui suit, l'orateur apporte les précisions suivantes :

 

- sur l'empirisme : il ne défend pas un empirisme précis, et souligne la limite

de l'empirisme traditionnel, le sensationisme (sensation ponctuelle, non

construite. cf. Russel et Carnap).

 

- sur l'arbitraire, ne propose pas de définition particulière de cet arbitraire,

  ce n'est comme "exact opposé de la nécessité de l'absolu".

                                                     ____________

 

J.-P. BRONCKART  - La culture comme sémiotique du social -

 

Courant de l'interactionnisme social = intériorisation des construits socio-

sémiotiques par les individus (i.e. construits par le/les collectifs et intégrés

par les individus. Veut défendre la thèse de la culture comme sémantique du

social. La question, c'est celle de la phylogenèse (développement de l'espèce)

et de l'ontogenèse (développement de l'individu) de la pensée chez l'humain.

 

Dualisme fondamental : Descartes, Husserl, Brentano...

 

Il y aurait une spécificité du psychisme et son d'indifférence au matériel.

On veut s'appuyer ici sur deux postulats philosophiques :

a) le "monisme spinozien"

- il n'y a d'autre réalité que la matière active (cf. la parenté avec Marx)

- l'humain est une conséquence modeste du premier point (contre le délire

cartésien de l'homme "maître et possesseur de la nature")

- réflexivité humaine.

b) si l'on combine la position moniste avec les positions évolutionnistes :

- comme espèce

- sur l'histoire sociale comme formation des groupes humains.

On débouche sur une série de questions :

 

- Comment d'un fonctionnement physique émerge le comportement physique et

psychique ? ==> "monisme émergentiste"

 

Si on prend Spinoza au sérieux, il y a du psychisme partout. Toutes vies

impliquent des systèmes de traces plus ou moins stables : il y a des systèmes

de traces chez les végétaux mais elles ne sont pas accessibles à elles-mêmes,

ne sont partageables avec l'espèce. Il n'y a donc pas de rupture de ce point de

vue là avec l'humain -continuum- mais dans l'humain il faut considérer :

- l'autonomie importante avec les conditions de renforcement du milieu

- l'opérativité forte

- un fonctionnement psychique accessible à lui-même et partageable.

 

D'où les questions suivantes :

- comment le psychisme "primaire" émerge ?

- comment il évolue/passe au psychisme secondaire (cf. plus haut).

On se tournera vers Piaget et le concept central de "vie". L'oeuvre entière de

Piaget tente de répondre à ces deux questions :

- cf. le couple "accommodation" et "assimilation", l'équilibre adaptatif chez

les végétaux, les animaux. Chez les mammifères supérieurs : intelligence

pratique, images mentales, traces des processus. Chez les enfants, image mentale

dépendant des renforcements (et pas de partageabilité, ni réflexivité).

Piaget reste la référence majeure sur la construction du psychisme primaire,

de l'intelligence pratique.

 

A partir de 1937, Piaget se pose la deuxième question cf. surtout "La formation

du savoir ". Description des stades de fonctionnement cognitif.

18 mois                 ??????  5 ans

stade sensori-moteur    ??????  opérations concrètes

 

Piaget met l'accent sur les processus de cette rencontre, les signes

n'interviennent que dans la structure formelle.

 

Causalité ---------------------->  implication signifiante

 

Comment expliquer ce passage ? Mystère

 

- Ontogenèse : l'organisme du bébé est confronté à un monde humain déjà là.

Les objets sont codifiés par l'activité langagière, la textualité commente

l'activité humaine, ce sont les représentations collectives au sens de Durkheim.

Le monde représenté est donc déjà là, d'où la médiation sociale. La pensée

discursive et actionnelle est préalable à l'abstraction.

 

- L'arbitraire : 1) caractère immotivé du signe, pas de dépendance de nature

entre signifiant et signifié, autonomie à l'égard de condition de renforcement

du milieu. 2) l'arbitraire radical, les formes socio-langagières sont

arbitraires car sociales. 3) caractère communicatif des signes. D'abord, il y a

entente puis il y a représentation du monde. Cf. L'enfant, sachant que par les

signes, il peut agir sur les autres, il déduit qu'il peut agir sur lui-même.

 

La question de la culture

Chaque langue naturelle opère une discrétisation du psychisme dans la forme

singulière d'une langue naturelle (cf. Le relativisme culturel de Sapir). Si

la culture, c'est la sémantisation du social : il y a en amont du langage des

formes collectives, des formations socio-économiques etc. Sans compter la

dimension de la micro-historicité de l'individu non-réductible au social.

 

*** Discussion

 

- L'orateur revient sur la distinction entre la trace et le signe,

représentation par la trace de l'objet, théorie du signe causal (stimuli) et

du signe sémantique (cf. Piaget)

 

- Sur le fait que chez Piaget, le rôle de condensation des représentations

collectives historiquement construites n'a pas d'incidences. Seule la structure

formelle du signe (l'arbitraire) est structurante chez lui, ce n'est pas une

hypothèse sémantique.

 

- le processus de signification est antérieur au signe : cf. la forme ronde de

la tétine du biberon constitue l'indice du biberon / l'annonce.

                                                     ____________

 

J.-G. MEUNIER         - Représentation, information et culture -

 

Descartes : promoteur d'une théorie de l'animal machine et d'un projet

naturaliste (en terme de causalité) dans la culture. La métaphore de

l'organisme (vs animal machine) introduit un niveau de plus

==> socio-biologique, on abandonne la position herméneutique, on parle ainsi

"d'épidémie des représentations".

La conscience, un épiphénomène fruit de la complexification croissante du

biologique. Parallèle entre la problématique de la conscience et celle de

la culture. Il s'agit de la même architecture théorique : le projet

denaturalisation de la conscience et celui de naturalisation de la culture

s'inspire des mêmes modèles des Systèmes de Traitement de l'Information (STI).

 

I- L'information

 

Shannon : information est d'abord un problème d'occurrence (arrive ou non) mais

laisse indéterminée la nature de l'information.

L'équation information = représentation (cf. le connexionisme, représentation

non symbolique et distribuée).

Critiques de Varela et d'autres du modèle représentationnel qui s'avère non

pertinent pour décrire des systèmes complexes. Le concept de représentation

depuis le Moyen âge profondément lié à celui d'information : il s'agit de

transformer  un objet physique en "forme". Re- presentatio mais sous une autre

forme (ne capture pas sa matérialité). L'âme n'opère que sur une informatio.

Mode original de présence de l'objet dans l'agent.

 

Trois thèses communes à la représentation et l'information :

 

1) sémantique : Une substitution de l'externe par l'interne, il s'agit de rendre

présent à nouveau ce qui est externe. Re-présence.

conventionnelle --> non naturelle / symbole

causale --------------> indiciel.

 

2) logique : transformation spécifique aux objets manipulés.

La logique, c'est la cohérence interne des transformations admissibles sur ces

représentations. La cohérence peut-être déductive ou agrégative.

 

3) ontologique : elles ont le même principe d'existence.

 

La question se pose de l'architecture de ces transformations : modèle des STI,

Systèmes de Traitement de l'Information.

On peut distinguer deux niveaux d'architecture :

a) celui des constituants de base

b) celui de l'interaction entre ces constituants.

 

a) Le niveau des constituants de base

 

Structure élémentaire (module, morphe, granule...) qui constitue déjà un

minisystème. Qui peut être décrit de la manière suivante :

                        _________________

Inscription =======> |  Traitement Données  |  =========> Transcription

                        _________________

 

                              Contrôle

 

L'instance de contrôle est extérieure au système lui-même. Chaque neurone

d'un réseau de neurone est lui-même un petit automate. Dans tous les systèmes

émergents, il y a une structure de cette forme. Les micro-automates ne sont pas

des " primitifs ", ce ne sont pas des atomes symboliques, des indécomposables

(comme les particules élémentaires de la physique), ce sont des systèmes

complets.

 

b) Structure de l'interaction

 

L'enchaînement des instructions n'est pas produit pas un automate. La structure

de l'interaction est donc différente de la structure élémentaire.

Deux hypothèses.

--> une structure hiérarchique. L'action d'un sous-système dépend d'un autre

mais pas un modèle compositionnel (ce n'est pas la somme des autres micro-

systèmes), bref ce n'est pas une machine de Türing. Ce n'est pas par

l'amplification d'un seul type d'automate (et notamment celui de la perception

par "up grading" du niveau perceptuel) que l'on peut expliquer le cognitif).

--> une structure associative

C'est toujours non compositionnel. Un réseau de neurone n'est pas un super

neurone mais une interaction (association) de neurones. Bref, un Système de

Traitement de l'Information peut être une sémiotique (grammaire/automate) mais

l'interaction n'est pas une sémiotique.

 

II- Architecture STI et Système symboliques/Langage

 

Le concept de valeur ne joue pas dans le langage logique (bref un bon

grammairien ne fait pas un bon écrivain). Il y a d'autres concepts, ceux de

paradigme, d'isotopie, de dialogue versus la grammaire qui régirait toute la

structure du langage. Les formules, rituels, les idéologies, les symboles...

sont autant de machines de Türing nommés selon les différents niveaux de

description choisis. La culture est alors un texte qui remplit plusieurs tâches

cognitives notamment identitaire comme le montre les anthropologues.

 

*** Discussion

 

Il y a  deux types de modules qui travaillent sur le perceptuel pour le

transformer en stratégie d'action :

a) module " ipséique ", conscience de soi

b) théorie du contrôle

On ne peut pas faire une grammaire d'un réseau de neurones. Peut-être qu'une

règle n'est que ce qui est acquis (dans le sens de stabilisé). Aucun système ne

peut fonctionner sans les normes : l'automate char d'assaut apprend à tirer sur

les cibles mais il faut bien lui dire quelles sont les bonnes cibles (sinon tire

aussi sur les soldats de son camp). Peut-on négocier les normes (les agents

eux-mêmes peuvent-ils négocier ces normes). Comment les systèmes rentrent en

interaction dialogique ? Comment négocient-ils la représentation de leurs

actions ?

Les différents niveaux retenus par l'auteur:

1) perceptuel

2) pragmatique (stratégie d'actions, plus mémoire et croyance sur les actions,

sur ce qui est réussi ou manqué)

                                                     ____________

 

...A SUIVRE AU PROCHAIN SdT !...

 

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Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques

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{FR, 27/10/1999}

 

RENCONTRES FERDINAND DE SAUSSURE

Deuxième colloque du programme « Etudes saussuriennes »

 

Ce colloque,

co-organisé par le Collegium Helveticum et l'Institut Ferdinand de Saussure,

se tiendra à Zurich, dans les locaux du Collegium Helveticum,

le Vendredi 12 Novembre et le Samedi 13 Novembre 1999, sur le thème

 

             Ferdinand de Saussure et l'interdisciplinarité des sciences du langage

 

L'entrée du colloque est libre, dans la limite des places disponibles.

Pour tout renseignement, veuillez consulter le site web :

             http://www.collegium.ethz.ch/veranstalungen.htm

ou contacter :

             fehr@collegium.ethz.ch.

 

Simon Bouquet / Johannès Fehr

 

>>>>>>>>>>>>>> PROGRAMME DU COLLOQUE>>>>>>>>>>>>>>

 

             Ferdinand de Saussure et

                           l'interdisciplinarité des sciences du langage

             Ferdinand de Saussure und

                           die Interdisziplinarität der Sprachwissenschaften

 

Semper-Sternwarte, Schmelzbergstrasse 25, Zurich

 

Freitag, 12. November 1999

14-16.30

Johannes Fehr :                         Begrüssung und Einführung

Sylvain Auroux :          Sémiotique, sémantique et linguistique générale

Claudine Normand :    De quelques effets de la théorie saussurienne

                                        dans une description sémantique

 

17-19

Christian Stetter :         Am Ende des Chomsky-Paradigmas : zurück zu Saussure?

Jürgen Trabant :          Saussure und das Projekt einer historischen

                                        Anthropologie

 

Samstag, 13. November 1999

9-11

François Rastier :         La sémiotique, fondation formelle et fondements

                                        herméneutiques

Jean-Michel Adam :    Autour de la «note sur le discours»

 

11-13

Simon Bouquet :                       Synthèse

Rudolf Engler :                          Schlussdiskussion, Moderation

 

>>>>>>>>>>>>>> PROPOS DU COLLOQUE>>>>>>>>>>>>>>

 

    Ferdinand de Saussure et l'interdisciplinarité des sciences du langage

 

Les sciences du langage ont reconnu dans les thèses du Cours de linguistique

générale de Ferdinand de Saussure un programme inaugurant une ère nouvelle de

leur histoire, voire énonçant une scientificité dont répondrait le nom d'une

discipline désormais assurée de l'unité de son objet : la linguistique.

 

Force est de constater (1) que les études empiriques du langage constituent,

avec les mathématiques et l'astronomie, l'un des plus anciens domaines de

science, appuyé en outre sur des concepts théoriques remarquablement stables au

long des deux derniers millénaires et demi, (2) que s'il existe, au long de ces

millénaires, une unicité de l'objet «langage» pris au sens le plus général, dont

répond historiquement la philosophie, les études empiriques du langage ont été,

quant à elles, multiples, pouvant se diviser commodément en deux branches

fondamentales : sciences grammaticales d'une part, sciences de l'interprétation

(et/ou de l'usage de la parole) d'autre part.

 

Si le Cours a été largement reçu comme consacrant la suprématie du point de vue

grammatical en faisant entrer celui-ci dans le cercle des sciences positives,

cette conception réductrice de la pensée saussurienne aura été ébranlée tant par

la découverte et la publication de riches sources manuscrites que par la lecture

du Cours à laquelle se sont livrés, en dehors même du champ linguistique

proprement dit, des théoriciens de l'anthropologie, de la psychanalyse, ou des

philosophes.

 

Aussi peut-on tenir aujourd'hui que la complémentarité entre le point de vue

grammatical et le point de vue «interprétatif», loin d'être remise en question

par le linguiste genevois, se trouve au coeur même de sa réflexion. En d'autres

termes, on dira que, si, en son temps, cette réflexion amenait Saussure à

insérer la linguistique dans le cadre d'une sémiologie à venir, elle pose,

encore aujourd'hui, des bases pour ce que nous pouvons appeler une

interdisciplinarité interne des sciences du langage.

 

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