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SdT volume 6, numero 4.

                                                                                LA CITATION DU MOIS

                                        ________________________________________________

                                        "Tiene in sé la pittura forza divina

                                          non solo quanto si dice dell'amicizia,

                                          quale fa gli uomini assenti essere presenti,

                                          ma più i morti dopo molti secoli essere

                                          quasi vivi,

                                          tale che con molta ammirazione dell'artefice

                                          e con molta voluttà si riconoscono".

                                                                  Leone Battista Alberti.

                                                                  Della Pittura, II, 25.

                                        ________________________________________________

                          

                                                     SOMMAIRE

1- Coordonnees

             - Bienvenue a Damon Mayaffre et Didier Bottineau.

2- Carnet

             - Le site Archive 17 (Marie-Anne Chabin).

             - Texto! reference dans des portails.

             - Programme du seminaire de Franck Neveu :

               "Semantique textuelle -contexte et interpretation"

             - Programme du seminaire d'Henri Behar : "L'analyse textuelle :

               methodologies informatiques et statistiques"

3- Publications

             - Damon Mayaffre : Le poids des mots -Le discours de gauche et

               de droite dans l'entre-deux-guerres. (4e de couverture)

             - Modeles linguistiques, XXI (41) : Saussure, Paris-Geneve.

4- Textes

             - Francois Rastier : Elements de poetique generalisee.

5- Appels : Journees, ateliers, colloques, revues

             - vendredi 8 decembre 2000 : Quelle linguistique aujourd'hui

               pour l'enseignement du francais langue etrangere ?

             - Appel a contributions : Traitement automatique des langues

               et linguistique de corpus (revue TAL).

             - Nouvelle revue : Methodos.

             - vendredi 1er decembre 2000 : La stylistique en question

               (programme et resumes des interventions).

                          

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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees

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BIENVENUE AUX NOUVEAUX ABONNÉS

[information réservée aux abonnés]

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{FR, 26/11/2000}

NOS ABONNÉS CRÉENT DES START-UP

Bonjour, From: "Marie-Anne Chabin" <chabin17@club-internet.fr>

J'ai le grand plaisir de vous annoncer la sortie du site Web de ma

société,

                                        Archive 17

site à la fois de promotion commerciale et de réflexion professionnelle,

comme vous le verrez en cliquant sur :

                           http://www.archive17.fr

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{FR, 26/11/2000}

TEXT0 ! A L'ECOLE DE LA REPUBLIQUE

A l'initiative du groupe groupe Havas Education, Texto! fait partie des

liens référencés dans le Biblioweb, un outil mis en place par le groupe

Havas Education :

- Référence pour les sites internetecoles.com

             http://www.internetecoles.com/

- et enseignants.com (en cours de développement).

Texto! a ete selectionne et reference dans l'Annuaire de la Republique

des Lettres. Un lien a ete pose vers la page Texto! à l'url :

             http://www.republique-des-lettres.com/topique/ttl.shtml

Et sur le site

             http://panormitis.free.fr

réalisé au mois de mars 2000.

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{FR, 26/11/2000}

SEMINAIRES

Université de Paris VII

UFR Sciences des Textes et Documents

M. Franck NEVEU

                                        Maîtrise/DEA, 2000-2001

                           SÉMANTIQUE TEXTUELLE -CONTEXTE ET INTERPRÉTATION

                                        Programme de conférences

Tour Centrale, salle 212, le jeudi de 16h à 18h

Jeudi 30 novembre      François Rastier (CNRS)

             "Philologie et herméneutique"

Jeudi 7 décembre        François Rastier (CNRS)

             "Sémantique et rhétorique"

Jeudi 14 décembre      François Rastier (CNRS)

             "Thématique et topique"

Jeudi 21 décembre      Eric Bordas (Paris III)

             "Le style au risque de la stylistique"

Jeudi 11 janvier           Simon Bouquet (Paris X)

             "Sémantique du genre"

                                        ____________________

                                        L'analyse textuelle :

                           méthodologies informatiques et statistiques

Le séminaire de recherche d'Henri Béhar, avec le concours du Centre de

recherches Hubert de Phalèse, a repris à l'Université PARIS III-Sorbonne

Nouvelle, tous les mardis de 18h à 20h, salle 526 à Censier. En voici le

programme provisoire. Par travaux d'application il faut entendre exposés

d'étudiants portant sur leur corpus de recherche.

DEA. Programme 2000-2001

Bibliographies électroniques, banques de données, traitement du texte

littéraire, Internet, lexicométrie : il est devenu impératif pour les

chercheurs en Lettres de s'initier aux nouvelles technologies de

l'information et de la communication. Ce séminaire, s'appuyant sur des

oeuvres littéraires du XIXe et du XXe siècles, se propose à la fois

d'apporter une information sur ces nouveaux outils de la recherche et

d'inviter à une réflexion sur les principes, les possibilités et les

limites de leur mise en oeuvre. Des travaux assistés par ces

technologies seront réalisés et commentés dans le séminaire, en fonction

des recherches envisagées par les étudiants.

d. 21 novembre

             Un logiciel d'analyse textuelle : Hyperbase.

             Comparaison de corpus (logiciel M. Bernard).

             Applications : Bel Ami et un texte du DEA

e. 28 novembre

             Une banque de données textuelles : FRANTEXT

f. 5 décembre

             La banque de données d'histoire littéraire : BDHL/Access

g. 12 décembre

             Catalogues et bibliographies électroniques : fonctionnalités,

             exploitation

h. 19 décembre

             Hypertexte et théorie littéraire. + Travaux d'application

i. 9 janvier, j. 16 janvier, k. 23 janvier, l. 30 janvier

             Travaux d'application

Par ailleurs, l'équipe Hubert de Phalèse propose des stages d'initiation

aux techniques informatiques, le samedi 9h-12h et 13h-16h aux dates

suivantes : 18 novembre (Word, fonctions avancées), 2 décembre

(recherches sur Internet), 16 décembre (lexicométrie pratique),

13 janvier (système de gestion de bases de données relationnelles :

Access).

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{FR, 26/11/2000}

VIENT DE PARAITRE

Damon Mayaffre

                                        LE POIDS DES MOTS :

             LE DISCOURS DE DROITE ET DE GAUCHE DANS L'ENTRE-DEUX-GUERRES

La France des années 30 est un pays en guerre : républicains et

ligueurs, partisans et adversaires du Front populaire, anti-Munichois et

Munichois s'affrontent dans des combats inexpiables. Certes, ces

affrontements font couler peu de sang, mais une logomachie sans merci

déchire le pays et éclaire l'impossible union sacrée au moment de

l'entrée en guerre et les divisions de la France collaborationniste et

résistante.

Au fil des années 30, l'identité lexicale et idéologique des grandes

forces politiques se modifie. L'étude comparée du discours communiste

(M. Thorez), socialiste (L. Blum), orléaniste (P.-É. Flandin) et

bonapartiste (A. Tardieu) nous renseigne sur les grands enjeux d'une

période charnière durant laquelle se recompose notre paysage politique.

Plus généralement, c'est l'identité permanente de la gauche et la droite

dans ce qu'elles ont de plus intime -leurs mots et leurs discours qui

mettent en ordre le monde- qui est mis à jour.

La méthode d'analyse utilisée dans cet ouvrage est scientifique. La

lexicométrie permet une description objective des discours et interroge

l'historien sans a priori et sans tabou. Pourquoi le mot le plus employé

par la droite est-il "France" lorsque le mot le plus employé par la

gauche est "parti" ? Pourquoi la gauche sur-utilise-t-elle les termes en

-isme lorsque la droite sur-utilise l'auxiliaire avoir ? À quelle date

"travail", "famille", "patrie" envahissent-ils le discours du parti de

l'Ordre ? Pourquoi Blum martèle-t-il "je" dans ses discours ? A quel

moment intervient le "grand tournant" du P.C.F. ? Quand Thorez

invente-t-il le Front populaire ? Ces questions et bien d'autres

trouvent réponses dans le plus important corpus de discours politiques

(1.600.000 mots) traité jusqu'ici par une méthode linguistique en

Histoire.

Paris : Honoré Champion, collection Lettres numériques n°1, 2000, 800 p.

                                        ______________________

MODELES LINGUISTIQUES, tome XXI, vol. 41 : Saussure, Paris-Genève

             UN SIECLE DE LINGUISTIQUE EN FRANCE : SAUSSURE, PARIS-GENEVE

en collaboration avec l'Institut Ferdinand de Saussure, Genève

articles réunis et présentés par Simon Bouquet

Sommaire

1. Présentation                                                                                            1

             Simon Bouquet,                        Université Paris 10-Nanterre

2. La langue, pierre d'achoppement                                           7

             Rudolf Engler,                           Université de Berne

3. Saussure, Barthes, Greimas                                                                 17

             Michel Arrivé,              Université Paris 10-Nanterre

4. Bréal, Saussure, Prieto                                                            39

             Marie-Claude Capt-Artaud,    Université de Genève

5. Structuralisme et pragmatisme à Genève                             53

             Louis de Saussure,      Université de Genève

6. Portrait de groupe                                                                     67

             Claudine Normand,     Université Paris 10-Nanterre

7. Saussure : réception et héritage                                              81

             Christian Puech,          Université Paris 12

8. Paris et Genève, vu de Londres                                            97

             Carol Sanders,                           University of Surrey

9. TABLE RONDE : Paris contre Genève                                           111

             Michel Arrivé, Marie-Claude Capt-Artaud

10. VARIA : L'article à travers quelques théories linguistiques         117

             René Rivara,                Université de Provence

On peut passer la commande sur e-mail à : okelly@infonie.fr

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{FR, 26/11/2000}

CONTRIBUTION : Eléments de poétique généralisée

(Ce texte résume des propositions présentées dans

Rastier, F. & Pincemin, B. (1999) - Des genres à l'intertexte,

Cahiers de praxématique, 23, pp. 90-111.)

Si la question des genres a été traitée par la poétique, le nom même de

cette discipline évoque traditionnellement la littérature ; or, bien

au-delà, c'est l'ensemble des normes et des usages linguistiques, oraux

et écrits, artistiques ou non, qui relève de ce que l'on pourrait

appeler une poétique généralisée. Prenant quelque recul à l'égard de la

poétique littéraire, elle doit assumer une tâche nouvelle : décrire la

diversité des discours (littéraire, juridique, religieux, scientifiques,

etc.) et leur articulation aux genres. L'enjeu n'est pas mince, car les

textes sont configurés par les situations concrètes auxquelles ils

participent ; en outre, par la médiation des genres et les discours, ils

s'articulent aux pratiques sociales dont les situations d'énonciation et

d'interprétation sont des occurrences.

1. Méthodologie et déontologie

Comparatisme et genres : sept typologies. - On distingue sept

entreprises comparatives. (i) La typologie des langues, évidemment.

(ii) Chaque langue, aux diverses étapes de son histoire, connaît des

usages propres à des types de pratiques sociales ; pour en rendre

compte, il faut une typologie des discours. (iii) Chaque discours compte

un nombre déterminé de genres, dont la typologie rend compte de la

diversité externe des textes. (iv) La typologie des textes traite de la

diversité interne des genres. (v) Celle des parties d'un texte traite

des sections (parties de textes délimitées par des critères

d'expression) et configurations (parties de textes définies par des

critères de contenu). (vi) Celle des morphologies traite de la parenté

des textes, indépendamment des genres : il y a dans les textes un

"vocabulaire" de formes sémantiques, dont certaines ont été reconnues et

inventoriées par les traditions rhétoriques et poétiques (les figures

non tropes, par exemple), mais aussi d'autres qui ne sont pas nommées,

comme les molécules sémiques (structures stables de traits sémantiques,

qui n'ont pas nécessairement de lexicalisation privilégiée). Cette

typologie peut transcender les frontières linguistiques (ex. les

motifs en folkloristique). (vii) Enfin, la typologie des usages

génériques différencie des classes d'usagers ou des "styles".

Trois conceptions du genre. - Bien qu'elles soient souvent confondues,

on peut distinguer trois conceptions du genre : la classe, le type et la

lignée. (i) La conception classificatoire doit affronter tous les

problèmes ordinaires des taxinomies, dont le moindre n'est pas la

variabilité des critères. (ii) La conception typologique doit

caractériser le rapport entre type et occurrences. Or, les types de

textes sont des modèles hypothétiques, et leurs occurrences font sens

tout autant parce qu'elles instancient le type que parce qu'elles s'en

écartent. D'ailleurs, aucune théorie des types n'a pu constituer une

sémantique de la variation des occurrences à l'égard des types. La

théorie des prototypes a certes introduit du flou dans les taxinomies,

mais sans parvenir à qualifier cette variation, car elle ne décrit le

rapport entre exemplaires centraux et périphériques que par la métrique

quantitative du nombre de traits (la cue validity).

Les deux premières conceptions du genre, la classe et le type, relèvent

de la problématique logico-grammaticale : la première, de l'imaginaire

classificatoire de la grammaire ; la seconde, de la logique. (iii) La

troisième conception considère le texte comme une "génération" dans une

lignée de réécritures (cf. Rastier, 1995). Dans une problématique

rhétorique / herméneutique, l'opposition logico-grammaticale entre type

et occurrence le cède à l'opposition philologique entre source et

reprise. Bien entendu, des sources peuvent devenir canoniques et se

trouver promues au rang de parangons ; cependant les reprises modifient

et transforment inévitablement les sources, puisque de fait le

changement des contextes rend toute répétition impossible. Le rapport

entre les textes est alors médiatisé par une série de réécritures et

d'interprétations qu'elles concrétisent. Si bien que le problème de

l'interprétation ne trouve plus à se poser à propos du rapport atemporel

entre type et occurrence, mais dans le temps, scandé de ruptures, d'une

tradition. Ainsi, un thème littéraire n'est pas un type (au sens onto-

logique), mais une famille de transformations. La textualité elle-même

est faite de ces expositions, développements, reprises et variations.

Que les genres ne sont pas des "types de textes". - Gardons-nous de

confondre les "types de textes" et les genres. Les types de textes sont

des classes qui ne reposent que sur un critère ; par exemple, les fameux

genera de Diomède sont distingués par le critère énonciatif : seul le

poète parle, seuls les personnages parlent, ou ils alternent leur

propos. Le privilège exorbitant donné à ce critère a d'ailleurs entravé

le développement de la poétique classique jusqu'à Hegel, puis de la

typologie linguistique des genres depuis Benveniste.

En assimilant la théorie des genres à la typologie des textes, on oublie

que la définition d'un type de texte dépend de l'analyste : pour les

besoins d'une cause ou d'une application, il peut inventer une catégorie

quelconque qui divise un corpus (roman en je ou en il, textes longs ou

courts, etc.). Les adversaires de l'étude des genres glosent d'ailleurs

sur la relativité sinon la vanité de telles typologies.

La poétique doit certes produire et hiérarchiser des critères

descriptifs, mais surtout rechercher leurs interactions. Les genres sont

en effet définis non par un critère, mais un faisceau de critères. Ils

doivent d'ailleurs leur caractère d'objectivité à cette multiplicité des

critères, et les nouveaux critères que l'on propose en linguistique de

corpus ne s'appliquent efficacement qu'en fonction de la différence des

genres, et la confirment au lieu de l'infirmer.

Un genre se définit en effet par (i) la cohésion d'un faisceau de

critères, tant au plan du signifié qu'à celui du signifiant, et par (ii)

son incidence sur la textualité, sur ces deux plans également (cf.

Rastier, 1989). Aussi, il détermine ce mode de corrélation entre plan du

signifiant et plan du signifié que l'on peut nommer sémiosis textuelle

(cf. infra).

Ce n'est donc pas la typologie des textes, mais celle des genres qui

nous importe. Or cette typologie est subordonnée à celle des discours.

L'existence de genres transdiscursifs reste douteuse, car le voisinage

d'autres genres (ou, s'il s'agit de genres inclus, d'autres contextes

d'inclusion) suffit à les modifier : la lettre privée diffère évidemment

de sa transposition stylisée dans le roman.

Pour une sémantique des genres, on peut rechercher des critères de

corrélation entre composantes sémantiques, comme ceux-ci, à titre

indicatif : thématique ouverte / fermée, concentrée / diffuse ;

dialectique ordonnée, désordonnée, impertinente, orientée positivement

ou négativement ; dialogique variant ou non les foyers de l'énonciation

et de l'interprétation représentées ; tactique pertinente, ou non

pertinente, etc. On cherche à caractériser les modes de leur

co-variation (cf. Rastier, 1989 : 35-109), un genre étant alors défini

comme un mode d'interaction normé entre composantes. La combinatoire des

composantes n'est aucunement libre, car beaucoup de combinaisons

possibles ne sont pas attestées.

Genres et sémiosis textuelle. - On définit ordinairement la sémiosis au

palier du signe, et comme un rapport entre signifié et signifiant ; mais

on ne s'interroge guère sur les paliers supérieurs, comme si leur sens

se déduisait par composition de la signification des signes. Or, un

genre définit précisément un rapport normé entre signifiant et signifié

au palier textuel : par exemple, dans le genre de l'article, au premier

paragraphe (sur le plan du signifiant) correspond ordinairement une

introduction (sur le plan du signifié) ; dans le genre de la nouvelle,

il s'agira plutôt d'une description.

Outre les régimes de production et d'interprétation des textes qui

relèvent du genre, la sémiosis textuelle détermine, semble-t-il, le mode

de mimésis. En règle générale, plus les rapports entre les deux plans du

texte sont normés, plus son effet de réel (empirique ou transcendant)

est intense, comme en attestent les textes gnomiques ou religieux .

Le genre est donc le facteur fondamental de la sémiosis textuelle. Dans

certains discours, comme le discours littéraire, des normes

additionnelles peuvent être élaborées et mises en oeuvre (cf. les

"styles d'auteur") ; mais que ce soit pour les spécifier ou pour les

contester, elles s'appuient sur les normes génériques.

La poétique commence au palier des discours. - À une typologie a priori

des genres, on préférera la recherche des axes typologiques qui

dépendent des discours. Le projet d'une typologie transdiscursive paraît

en effet illusoire, dès lors que les genres sont spécifiques aux

discours. À chaque discours, on peut faire correspondre un système ou

synmorie générique. Chaque groupe de pratiques sociales correspondant à

un discours se divise en activités spécifiques (ex. le jury de thèse, la

conférence, le cours, la correction de copie, etc.), qui ont chacune

leurs genres. Pour relier les genres aux discours, la poétique

généralisée a pour tâche d'étudier les synmories dans leur

spécialisation et leur co-évolution.

Des genres suprêmes et des sous-genres. - Tout classement, dès lors

qu'il prétend refléter une "nature des choses", retrouve les problèmes

classiques de l'ontologie, car l'ontologie occidentale s'est formée à

partir des problèmes de catégorisation, d'abord posés par la théorie de

la prédication vraie. Par contraste, on peut considérer le genre comme

le niveau de base dans la classification des textes, pour trois raisons

convergentes. (i) Il n'y a pas de genres suprêmes (pas de genre de

genres), car les critères de groupement des genres sont les discours -et

les pratiques qui leur correspondent. Aussi, de grandes catégories de

l'expression, comme la prose ou l'oral, conduisent à des regroupements

oiseux (l'oral, de la brève de comptoir au réquisitoire, n'a évidemment

pas plus d'unité que la prose). (ii) Les parties de genres sont

elles-mêmes relatives à ces genres : par exemple, la description

inaugurale dans la nouvelle du XIXe n'est pas une simple occurrence de

la description. (iii) Les sous-genres, comme le roman "de formation" ou

le roman policier sont définis par diverses restrictions qui intéressent

soit le plan de l'expression (par exemple le roman par lettres, le

traité versifié), soit celui du signifié.

2. Du corpus à l'intertexte

La caractérisation raisonnée des genres reste un préalable à la

constitution de corpus pleinement utilisables pour des tâches de

description linguistique. Quels que soient les critères choisis, on ne

peut tirer grand-chose d'un corpus hétérogène, car les spécificités des

genres s'annulent réciproquement, et les disparates qui demeurent ne

peuvent être interprétées pour caractériser les textes.

Paliers du contexte et de l'intertexte. - L'interprétation procède

principalement par contextualisation. Elle rapporte le passage

considéré, si bref soit-il -ce peut être un mot : (i) à son voisinage,

selon des zones de localité (syntagme, période) de taille croissante ;

(ii) à d'autres passages du même texte, convoqués soit pour des tâches

d'assimilation, soit de contraste ; (iii) enfin à d'autres passages

d'autres textes, choisis (délibérément ou non) dans le corpus de

référence, et qui entrent, par ce choix, dans le corpus de travail.

Aucune de ces trois contextualisations n'est déterministe, au sens de

mise en Intelligence artificielle, qui suppose un parcours linéaire mot

à mot. La première peut être rétrograde ; les deux autres sont peu

contraintes par la linéarité du texte ou des textes qui font l'objet des

rapprochements. Qu'elle contextualise ou recontextualise, dans tous les

cas la pratique des rapprochements génère du sens, de manière d'ailleurs

inévitable sinon compulsive, selon un principe de contextualité qui

pourrait s'énoncer ainsi : deux signes -ou deux passages d'un même texte

mis côte à côte- sélectionnent réciproquement des éléments de

signification (sèmes). Cet échange transforme leur signification en sens

(soit par validation de traits inhérents, soit par actualisation et/ou

propagation de traits afférents).

Ce principe de contextualité est la base du principe d'intertextualité :

deux passages de textes différents, si brefs soient-ils, et fussent-ils

réduits à la dimension d'un signe, sélectionnent réciproquement, dès

qu'ils sont mis côte à côte, des éléments de signification (sèmes) : cet

échange surdétermine leur sens, par actualisation et/ou propagation de

traits afférents. À un palier encore supérieur, on peut formuler un

principe d'architextualité : tout texte placé dans un corpus en reçoit

des déterminations sémantiques, et modifie potentiellement le sens de

chacun des textes qui le composent.

Les parcours intertextuels. - De la déontologie qui a présidé à la

constitution du corpus dépendent évidemment les parcours interprétatifs

au sein de ce corpus, et les modes de l'intertextualité. Les parcours

privilégiés s'étendent en premier lieu entre les textes de la même

lignée, puis entre ceux du même genre, puis entre les genres d'un même

discours. Les relations entre discours ne sont jamais directes, mais

toujours médiatisées par des transpositions (cf. par exemple, l'image du

discours juridique dans les romans de Balzac).

Les rapports au sein du genre dominent les rapports entre lignées, comme

au sein du discours : les relations d'un genre à l'autre supposent

également des transpositions (comprenant les inclusions, citations,

etc.). Bref, les parcours intertextuels, tant génétiques

qu'interprétatifs, s'établissent préférentiellement entre textes de même

genre.

Genres et médiations symboliques. - Les genres sont des moyens (i) de la

médiation symbolique (au sens proposé par Clifford Geertz, 1972) qui

articule l'individuel et le social, et (ii) de la médiation sémiotique,

celle qui sépare le physique du représentationnel.

La poétique généralisée engage dans son ensemble la médiation

symbolique : le genre partage tout à la fois le caractère public de

l'action individuelle socialisée et de la norme sociale où elle prend

place. Ne pas encore appartenir à la société, comme l'enfant qui apprend

à parler, ou en être rejeté, comme l'aliéné, c'est utiliser des genres

idiosyncrasiques. En d'autres termes, le genre pourrait être considéré

comme le lieu sémiotique de l'intersubjectivité en tant qu'elle est

médiatisée par la Loi. L'étude du genre revêt son plus grand intérêt

quand elle permet de percevoir la singularité des textes -de même que

les normes sociales constituent le fond qui permet de comprendre les

actions individuelles. C'est dans l'usage singulier des genres que se

constitue la personnalité, alors que les genres dessinent "en creux",

par les positions énonciatives et interprétatives qu'ils codent, la

personne comme ensemble de rôles sociaux.

                                                F.R.

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                           QUELLE LINGUISTIQUE AUJOURD'HUI

             POUR L'ENSEIGNEMENT DU FRANCAIS LANGUE ETRANGERE ?

le vendredi 8 décembre 2000, de 9 heures à 18 heures,

à l'auditorium Marc Blancpain de l'Alliance Française,

101 Bouleverd Raspail, Paris 6°.

Le programme de cette journée figure ci-après. L'entrée sera libre,

dans la limite des places disponibles.

Au plaisir de vous y rencontrer,

Les organisateurs :

Jean-Claude Beacco et Simon Bouquet

.......     PROPOS

Cette journée entend témoigner des rapports actuels entre sciences du

langage et didactique du français langue étrangère. Le propos est, en

particulier, d’examiner les répercussions didactiques d’une dualité bien

installée dans les sciences linguistiques, depuis des siècles certes,

mais selon des modalités spécifiques au moment contemporain, à savoir :

la dualité entre l’élaboration de savoirs « grammaticaux » (en bref :

l’analyse de systèmes linguistiques indépendants du contexte de parole)

et des savoirs qu’on peut dire « rhétoriques » (autrement dit :

l'analyse de régularités propres à la situation d'échange verbal).

Si la didactique des langues a rompu avec la perspective d’une

« linguistique appliquée », n'est-ce pas, entre autres causes, parce que

les sciences du langage auront été largement dominées, tout au long du

XX° siècle, par une conception purement grammaticale ? De fait, les

recherches et développements en didactique des langues au cours des

dernières décennies, un temps étiquetés approche communicative,

impliquent fondamentalement les dimensions interactive, culturelle et

sociale du langage : ces développements trouvent-ils dans les sciences

du langage des fondements théoriques assurés, ou seraient-ils de nature

à alimenter, voire à renouveler, une réflexion plus générale sur le

phénomène langagier ?

.......     COMMUNICATIONS

CLAUDE GERMAIN (Université du Québec à Montréal)

La didactique des langues étrangères, une discipline en quête

d'autonomie

DANIELE FLAMENT-BOISTRANCOURT (Université de Paris X-Nanterre)

Linguistique et didactique du FLE : comment « bonne théorie peut nuire

quand mauvaise pratique profite toujours »

LORENZA MONDADA et SIMONA PEKAREK (Université de Bâle)

Langage, cognition, société : leur articulation dans l'acquisition et

la didactique des langues

HENRI PORTINE (Université de Bordeaux III)

Comprendre l'activité langagière dans une théorie linguistique et en

didactique

HENRI BESSE (CNRS, Paris)

Peut-on naturaliser l'enseignement des langues ?

JEAN-CLAUDE BEACCO (Université de paris III Sorbonne Nouvelle)

Cultures métalinguistiques et enseignement/apprentissage des langues

GEORGES LÜDI (Université de Bâle, Conseil Européen des Langues)

Quelles représentations théoriques sous-tendent les politiques du

plurilinguisme ?

SIMON BOUQUET (Université de Paris X-Nanterre)

Savoirs linguistiques, savoir-faire didactiques : quelle(s) dualités(s)

dans l’enseignement du FLE?

Avec la participation de la revue Le Français dans le Monde.

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APPEL A CONTRIBUTIONS

     TRAITEMENT AUTOMATIQUE DES LANGUES ET LINGUISTIQUE DE CORPUS

       Nouveaux corpus, nouvelles pratiques, nouveaux concepts

            Numéro spécial de la revue TAL dirigé par

   Beatrice Daille (IRIN, Nantes) et  Laurent Romary (LORIA, Nancy)

THEME

La linguistique de corpus est souvent opposée à la linguistique

informatique du fait de sa démarche empirique à partir de corpus et

d'une formalisation des phénomènes linguistiques a posteriori. Elle a

développé depuis plusieurs années ses propres méthodes et outils pour

identifier certains phénomènes linguistiques primordiaux dans de

nombreux domaines de linguistique appliquée tels que l'apprentissage des

langues ou la traduction. Aujourd'hui, le déploiement de l'Internet, la

disponibilité de nombreuses publications et documentations sous format

électronique et l'accroissement en puissance des outils informatiques a

favorisé un renouveau de l'usage de collections textuelles à tous les

niveaux de l'analyse linguistique.

Dans ce contexte et au delà du recensement de simples progrès

techniques, il semble important de faire le point sur les nouvelles

avancées méthodologiques et conceptuelles de la linguistique de corpus,

ainsi que de  préciser quel rôle le TAL a joué dans ces avancées.

SUJETS (LISTE NON LIMITATIVE)

Dans ce numéro spécial, nous souhaitons publier soit des papiers

innovants, soit des articles de synthèse et de prospective autour des

thématiques suivantes :

- Corpus et modèles linguistiques : Quelles théories nouvelles sont

issues ou émergent du travail spécifique sur corpus ? Comment les

théories de linguistique formelle rendent-elles compte des phénomènes

linguistiques observés en corpus, tels que les collocations, les

phraséologies, etc ?

- Constitution de corpus : critères, contraintes de sélection et

organisation pour quelle étude linguistique ? Comment mesurer la

représentativité d'un corpus par rapport au phénomène linguistique

étudié ?

- Méthodes et techniques : Quelles méthodes et techniques d'analyse

(concordances, statistiques, annotations) ?

-  Domaines et applications de la linguistique de corpus : Linguistique

de terrain, enseignement, apprentissage de modèles stochastiques,

méthodes d'accès au contenu, extraction de lexiques mono ou

multilingues, analyse de discours, traduction.

- Infrastructures, outils et accessibilité : quels standards de

représentation? pour quoi faire ? Plate-forme d'accès aux grands corpus.

Outils d'analyse.

FORMAT

Nous recommandons l'utilisation de LaTeX2e pour la soumission des

articles. Les feuilles de style sont disponibles chez HERMES

             http://www.editions-hermes.fr/, rubrique Auteurs

LANGUE

Les articles sont écrits en français ou en anglais. Les soumissions en

anglais ne sont acceptées que pour les auteurs non francophones.

DATES LIMITES

La date limite de soumission est fixée au 1er février 2001. Les

personnes qui ont l'intention de soumettre un article sont invitées à

prendre contact avec Béatrice Daille

             Beatrice.Daille@irin.univ-nantes.fr

ou Laurent Romary

             Laurent.Romary@loria.fr

avant le 1er décembre 2000.

Les articles seront relus par un membre du comité de rédaction de la

revue TAL et deux relecteurs du comité de lecture constitué

spécifiquement par les coordinateurs pour ce numéro. La décision du

comité de rédaction sera transmise aux auteurs avant le 1er avril.

La version définitive des articles acceptés sera à remettre pour le

1er mai pour une publication prévue à l'automne 2001.

ENVOI DES ARTICLES

Les articles doivent être envoyés par voie électronique à

             Isabelle.Blanchard@loria.fr

ou en version papier (trois exemplaires) par voie postale à

             Isabelle Blanchard

             Bâtiment Loria-CNRS - B.P. 239

             F-54506 Vandoeuvre Les Nancy cedex

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NOUVELLE REVUE

                                        METHODOS

Projet scientifique

___________________

Issue de la rencontre de philologues, de philosophes et d'historiens des

sciences réunis dans l'Unité Mixte de Recherche "Savoirs et textes" (UMR

8519, CNRS, Universités de Lille 3 et Lille 1) par leur intérêt commun

pour une relecture critique des textes, Methodos est ouverte aux

différentes disciplines représentées dans ce laboratoire.

Cette interdisciplinarité, pour être véritablement constructive, ne se

réduit pas à la présentation, par simple juxtaposition, de résultats

acquis dans les domaines de la philologie classique, de la philosophie

et de l'histoire des sciences. La revue a pour but de créer une

véritable communauté intellectuelle que l'interdisciplinarité rend

possible quand ses acteurs accompagnent leur travail sur les textes

(travail de déchiffrement et de lecture rigoureuse) d'une réflexion sur

les opérations qu'il implique, d'une étude de l'histoire de ces

opérations et de l'examen de la validité des modèles théoriques déployés

pour la compréhension de ces textes. Une telle démarche permet de

retrouver une visée commune à travers la diversité des champs et de

poser les questions fondamentales d'une rationalité diversifiée, mais

non dispersée.

Methodos entend ainsi relativiser l'opposition traditionnelle entre

cultures littéraire et scientifique, entre les actes de comprendre et

d'expliquer, pour s'attacher, sinon à la communauté des problèmes, du

moins à leur mutuelle instruction. L'attention se portera sur la

méthode, les procédures par lesquelles on parvient à un savoir donné,

les enjeux théoriques qui sous-tendent les résultats proposés.

Présentation de la revue

________________________

La première partie de Methodos, qui donne son titre au numéro, est

thématique. Le choix du thème permet d'élargir encore le champ

interdisciplinaire en ouvrant les pages de la revue aux travaux issus

d'autres domaines de recherche qui peuvent nourrir la réflexion commune

(la linguistique, par exemple, pour le numéro 1). La deuxième partie,

"Analyses et interprétations", privilégie les contributions qui relèvent

de ces trois rubriques : (1) la lecture littérale de textes

(littéraires -grecs et latins-, philosophiques et scientifiques) et leur

interprétation ; (2) l'histoire des modes de lecture et de compréhension

de ces textes, les théories de l'interprétation ; (3) la réflexion

épistémologique sur les procédures et les opérations de la recherche.

Les articles auront pour point commun de mettre en évidence les

problèmes méthodologiques et théoriques évoqués ci-dessus, dans le

projet scientifique. La troisième partie ("Travaux") est un état annuel

des recherches effectuées dans l'UMR "Savoirs et textes". Il vise à

créer un espace de discussion pour ceux qui veulent poursuivre, au sein

de la revue, le débat dans les différents domaines abordés (étant

entendu que les sujets des articles à venir n'ont pas à se limiter aux

thèmes présentés dans cet état des recherches).

Directeurs de publication :      Jean Celeyrette et Fabienne Blaise.

Rédactrice en chef :                 Fabienne Blaise.

Secrétariat de rédaction :         Florence Thill.

Comité de rédaction : Armelle Debru, Philippe Hamou, Bernard Joly,

Isabelle Kalinowski, André Laks, Pierre Macherey, Philippe Rousseau,

Philippe Sabot, Perrine Simon, Denis Thouard, Lucien Vinciguerra.

Comité scientifique : Daniel Andler (Paris IV), Sylvain Auroux (ENS

Fontenay-Saint Cloud), Jonathan Barnes (Genève), Bernadette

Bensaude-Vincent (Paris X), Enrico Berti (Padoue), Joël Biard (CNRS,

Paris), Michel Blay (ENS Fontenay-Saint Cloud), Jean Bollack (Lille

III), Myles Burnyeat (Oxford), Claude Calame (Lausanne), Angelo Casanova

(Florence), Maurice Caveing (CNRS, Paris), Walter Cavini (Bologne),

Vittorio Citti (Trente), Lambros Couloubaritsis (Bruxelles), Michel

Espagne (CNRS, Paris), Jean-Marc Ferry (Bruxelles), Jean Gayon (Paris

VII), Anthony Grafton (Princeton), Robert Halleux (Liège), Fernand

Hallyn (Louvain), Pierre Judet de La Combe (CNRS, Lille), Adolph Köhnken

(Münster), Glenn Most (Heidelberg), Gregory Nagy (Harvard), Ada Neschke

(Lausanne), Isabelle Pantin (Paris X), Jean Petitot (EHESS-CREA, Paris),

Pietro Pucci (Cornell), François Rastier (CNRS, Paris), Jean-Michel

Salanskis (Paris X), Renate Schlesier (Paderborn), David Sedley

(Cambridge), Gérard Simon (Lille III), Jean-Luc Solère (CNRS, Louvain la

Neuve), Heinrich von Staden (Princeton), Bernard Vitrac (CNRS, Paris),

Heinz Wismann (EHESS, Paris ; FEST, Heidelberg).

Conditions de publication

_________________________

Les articles proposés (de 70 000 signes maximum) ne doivent pas avoir

été déjà publiés, ni être soumis simultanément à d'autres revues dans

la même langue. Ils peuvent être rédigés en français ou en anglais. Ils

doivent être remis en un exemplaire-papier, accompagné d'une disquette

ou d'un envoi par e-mail (thill@univ-lille3.fr) et d'un résumé bref

(10 lignes maximum), en français et en anglais. Ils sont soumis au

comité de lecture. Les auteurs reçoivent gratuitement 20 tirés à part

de leur article ainsi qu'un exemplaire de la revue.

Les articles sont à adresser au secrétariat de la rédaction :

             Florence Thill, UMR "Savoirs et textes"

             Université Charles de Gaulle-Lille III, B.P 149

             F-59653 Villeneuve d'Ascq Cedex

             Tél. [33] (0)3 20 41 65 12

             thill@univ-lille3.fr

             www.univ-lille3.fr/www/recherche/set

SOMMAIRE DU N°1 (À PARAÎTRE EN JANVIER 2001)

La philosophie et ses textes

Les articles présentés ici reviennent sur le problème de la textualité

philosophique. L'étude du cas des mathématiques, prises entre  le

recours au texte et la prétention à une pure idéalité, permet de

réévaluer la validité d'une réduction du texte philosophique à sa forme

logique. La linguistique peut mettre en évidence les effets sémantiques

qui caractérisent l'ontologie. Au cours de l'histoire, les philosophes

eux-mêmes n'ont pas toujours répugné à réfléchir sur la forme de leur

discours : dans la Grèce archaïque, le choix de la prose fut lourd de

sens. Au début du XIXe siècle, le romantisme allemand a fait de la

question de la forme un élément central de sa philosophie.

Jean-Michel Salanskis :

             Texte, mathématique, philosophie et sujet

Alain Herreman :

             La mise en texte mathématique :

             une analyse de l'"algorisme de Frankenthal "

François Rastier :

             L'Être naquit dans le langage.

             Un aspect de la mimesis philosophique

André Laks :

             Écriture, prose, et les débuts de la philosophie grecque

Denis Thouard :

             La question de la "forme de la philosophie"

             dans le romantisme allemand

Analyses et interprétations

Jean Bollack

             "Voir la haine". Sur les nouveaux fragments d'Empédocle

Rossella Saetta-Cottone

             Aristophane : injure et comique. À propos de Cavaliers 1274-1289

Myles Burnyeat

             L'impiété de Socrate

Sabine Rommevaux

             Aperçu sur la notion de dénomination d'un rapport numérique

             au Moyen Age et à la Renaissance

Isabelle Kalinowski

             La littérature dans le champ philosophique français de la

             première moitié du XXe siècle.

             Le cas de Jean Wahl et de Hölderlin

Pierre Cassou-Noguès

             Conscience et réflexivité dans la philosophie mathématique

             de Cavaillès

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JOURNÉE D'ETUDES CONSCILA : 01.12.2000

                           La stylistique en question

coord. Etienne Stéphane KARABÉTIAN (Université de Nice Sophia Antipolis

et UMR 7597 CNRS-Paris 7, "Histoire des théories linguistiques")

Institut d'Anglais de l'Université Paris VII

Salles A 41 et A 43 (4ème étage) - 10, rue Charles V - 75004 PARIS

M° Sully-Morland (ligne 7), Saint-Paul (ligne 1), ou Bastille (lignes 1,

8, 10)

Programme

_________

9 h 15  Présentation de la journée (E.S. Karabétian)

9 h 30  Etienne Stéphane KARABETIAN

             Pour une archéologie de la stylistique.

10 h 30             pause

11 h 00             Dominique COMBE (U. de Paris 3)

             La stylistique des genres.

11 h 45             François RASTIER (CNRS)

             Le style, un problème de linguistique générale et comparée.

12 h 30 - 14 h 30 : Pause déjeuner.

14 h 30             Bernard COMBETTES (U. de Nancy 2)

             Stylistique et linguistique du texte.

15 h 15             Eric BORDAS (U. de Paris 3)

             Style et stylistique : Etat actuel de la recherche en France.

16 h 15 Discussion finale.

Présentation

____________

Au sein des sciences du langage, la stylistique (pour autant qu'on

puisse la rattacher au champ linguistique) est celle des composantes qui

manifeste l'écart le plus grand entre savoirs savants et savoirs

didactisés, vulgarisés. Elle est souvent devenue une discipline scolaire

de préparation aux concours de recrutement en manifestant avec force une

double dichotomie fond / forme et pensée / langue, la seconde autorisant

et légitimant la première.

Aussi loin qu'on remonte, il est difficile de trouver une stylistique

fondatrice. Mais on trouve des textes fondateurs appartenant  au

domaine de la linguistique psychologique. La stylistique est en effet

une discipline paradoxale qui n'acquerra un statut qu'en se vulgarisant,

en se didactisant, en se disciplinarisant (cf par exemple Bally chez qui

le Précis de stylistique de 1905 représente en partie la mise en forme

de cours de vacances de l'Université pour étudiants étrangers). C'est

principalement entre 1850 et 1905 que l'on trouve des textes fondateurs

intéressant la stylistique. Les quelques stylistiques fondatrices

constituées (Bally, Curtius, Spitzer..) vont avoir une durée de vie très

courte pour laisser place aux stylistiques que je qualifie de

composites, agglomérant des concepts divers en une masse hétéroclite.

Pourtant, la stylistique aurait pu devenir une "science". Sechehaye

parle de "science de l'expresssion" mais le concept d'"expression" a ici

un sens très restreint.

Précisément ce "manque" de la stylistique -impossible à précisément

définir et théoriser plus on avance dans l'histoire du concept et de ses

pratiques- est à questionner parce qu'il signale une difficulté à la

situer au sein du dispositif sémiotique (ainsi d'ailleurs qu'à lui

assigner une place entre "langue" et "parole" comme l'ont senti les

disciples de Saussure). Ceci explique, on le verra, la tentation de

"contourner" la problématique stylistique avec la "poétique" ou les

approches de la "littérarité", contournement maintenant dépassé de notre

point de vue.

Signalons, enfin, qu'en même temps qu'elle revendique une place dans le

domaine linguistique, la stylistique est considérée, dès son origine,

par Steinthal, par exemple, comme une branche de histoire littéraire.

Cette double vocation et linguistique et littéraire de la stylistique

sera soulignée et revendiquée par Croce.

Actuellement, la stylistique représente une sorte de "discipline

carrefour" entre rhétorique, littérature et linguistique, s'offrant

comme une sorte de clé de lecture des textes et donc comme une

concurrente fâcheuse de l'explication française. La redéfinir, la

refonder suppose donc que l'on renonce tout d'abord, peut-être, au terme

de "stylistique", trop "disciplinarisé" comme dirait Sylvain Auroux. Il

vaudrait mieux parler de "style" et ce concept de "style" devrait être

soigneusement réexaminé en ses constituants. C'est l'enjeu de cette

journée et de travaux en cours : replacer le concept de style dans le

dispositif sémiologique. Pour cela, il convient de bien définir et

décrire les différentes composantes de ce concept. Il faudrait par

exemple explorer plusieurs champs distincts :

1° celui de l'étude des traits caractéristiques d'une langue donnée ;

2° celui de l'étude des ressources expressives d'une langue donnée ;

3° celui de l'interprétation linguistique du style des écrivains (style

   générique, d'époque, d'auteur...), perpective particulière à

   Dominique Combe.

Pour reformuler une proposition incisive de François Rastier, nous

ajouterons que la tâche majeure consiste à articuler les dimensions

linguistique, littéraire et esthétique du style. On peut également

s'inspirer de la direction fertile proposée par Nelson Goodman (dans "Le

statut du style", texte de 1975 repris dans Manière de faire des mondes

de 1978) qui considère le style d'une époque, d'un artiste, d'une

période de l'artiste ou d'une oeuvre, comme une addition de

caractéristiques dont certaines seulement sont stylistiques.

Le chantier d'une "refondation" de la stylistique nous paraît devoir

résider dans les axes suivants :

1° Définir un domaine spécifique du style à la manière dont le domaine

est délimité dans la "stylistique" des mobiliers, de la peinture, de la

sculpture... L'écueil principal procède du fait qu'à l'origine, l'une

des constituantes des stylistiques originaires est constituée par ce que

l'on appelle alors la composante émotive du langage au sein de la

discipline linguistique caractéristique du XIXe qu'est la linguistique

psychologique. L'autre écueil est constitué par le fait que la

stylistique sert de dispositif herméneutique de déchiffrage des textes,

activité concurrente de l'explication.

2° Reconceptualiser les constituants linguistiques du "style" sans

importation inconsidérée et contradictoire de concepts appartenant à

diverses linguistiques (la tendance qui consiste à agréger des

composantes grammaticales et linguistiques pour l'étude du texte

littéraire ne pas constitue la bonne façon de faire) ; pour donner

quelques exemples concrets, on citera ceux proposés par Bernard

Combettes dans sa tentative de rapprocher étude du style et grammaire

textuelle. On citera l'opposition des plans, l'anaphore et la saillance

ainsi que la question de la pertinence des unités que constituent la

proposition, la phrase, la période dans le texte.

3° Reconsidérer le statut du matériel grammatical au sein du concept de

"style" et renoncer à l'image d'un écrivain se plaçant devant la langue

"comme un organiste devant ses claviers et son pédalier". C'est déjà la

position de Larthomas en 1964. Une voie fertile semble s'ouvrir avec la

perspective dégagée par Bernard Combettes : le domaine cognitif.

4° Reconsidérer le modèle de description stylistique habituellement

proposé dans les préparations aux concours en s'inspirant des

descriptions en esthétique. Revenir d'une surinterprétation de type

herméneutique à une simple description. L'approche du style d'un

écrivain (plutôt que d'une oeuvre nous semble-t-il) devrait s'effectuer

à un niveau morphologique (cf. B. Vouilloux : "Pour une théorie

descriptiviste du style"). Eric Bordas abordera ces aspects.

Dans cet ordre d'idées, une définition comme celle proposée par Meyer

Schapiro, est tout à fait d'actualité :

"Par style, on entend la forme constante -et parfois les éléments, les

qualités et l'expression constants- dans l'art d'un individu ou d'un

groupe d'individus. Le terme s'applique aussi à l'activité globale d'un

individu ou d'une société, comme quand on parle d'un style de vie ou du

style d'une civilisation."

("Style", dans Style, artiste et société, p.35)

et surtout ce passage du même texte qui fait écho aux travaux de l'Ecole

allemande de stylistique (Gröber, Vossler, Curtius) :

"le style est alors, par dessus-tout, un système de formes qui possèdent

une qualité et une expression significative rendant visible la

personnalité d'un artiste et la conception générale d'une collectivité."

Deux orientations majeures donc (et que je qualifierai de contournements

fertiles par rapports à ceux, saturés, que constituaient la confusion

avec le champ de la "poétique" et de la "littérarité") dans le champ de

discussion ouvert aujourd'hui autour de la stylistique : l'approche

descriptive centrée en termes hérités de l'esthétique analytique, en

particulier américaine, et le déplacement vers la notion de "style",

reléguant aux oubliettes le vieux débat sur les morts et renaissances

successives de la stylistique.

Références des textes cités :

GOODMAN, N. (1975), Manière de faire des mondes, trad. fr. par M. D.

Popelard, Paris : éd. Jacqueline Chambon, 1992.

SCHAPIRO, M. (1953), "La notion de style" [" Style "], publié dans

Anthropology Today, éd. by Alfred Kroeber, University of Chicago Press ;

rééd. 1962 ; trad. D. Arasse, Style, artiste et société, Paris :

Gallimard, 1982.

VOUILLOUX, B. (1998), "Pour une théorie descriptiviste du style",

Poétique, n° 114, Paris.

Résumés des communications

__________________________

Etienne Stéphane KARABETIAN

             Pour une archéologie de la stylistique

Tenter une refondation de la stylistique comme science de l'expression

-composante de la sémiologie- cela suppose, comme pour d'autres

domaines, d'effectuer une histoire de cette discipline. C'est le

chantier auquel nous entendons contribuer parmi d'autres.

La stylistique est une discipline récente, jeune et dont la

particularité est d'avoir suscité dès sa naissance des débats qui

prédisaient sa mort certaine. Il n'est pourtant pas nécessaire de

souscrire davantage à la thèse traditionnelle d'une "mort de la

stylistique", idée trop souvent reprise depuis la parution du n° 3 de

Langue française de 1969 (dirigé par Arrivé et Chevalier) et qui

débouchait immanquablement sur l'annonce de résurrections successives.

Le problème n'est pas là.

L'acte de naissance effectif (de notre point de vue) de la stylistique

est à situer autour des années 1866 avec le texte de Steinthal intitulé

"Sur la stylistique" ; texte original, neuf, ne comportant aucune note

ni glose. Ce texte a été assez souvent allusivement mentionné mais

jamais cité (cf. par exemple R.L Wagner en 1947 mais également J.

Marouzeau, M. Cressot, P. Guiraud). Avant cette date, le terme de

stylistique est utilisé par les comparatistes et recouvre les tentatives

de caractérisation linguistique de deux langues (cf. par exemple

Strohmeyer, Der Stil der französischen Sprache, 2e éd. en 1924) ; de

cette stylistique que Bally qualifie de "stylistique externe",

comparative, naît une composante essentielle de la stylistique

originaire qui consiste à dégager les caractères fondamentaux et

constitutifs d'une langue nationale (cf. sur ce point Ries dans "Was ist

Syntax" pour qui la stylistique est l'étude des caractères d'une langue

qui reflètent à leur tour les caractères psychiques de la collectivité

de ses locuteurs). Ce constituant sera perdu dès après la publication

des travaux de Curtius (vers 1930).

C'est entre 1866 et 1905 d'une part puis entre 1909 et 1933 d'autre part

que l'essentiel des débats a lieu. Tout ou presque des tribunes

actuelles sera dit. Entre 1866 et 1905, toute la panoplie des diverses

stylistiques se déploie : stylistique rationnelle, stylistique

comparative ou externe, stylistique interne. Avec la parution des deux

traités successifs de stylistique de Bally en 1905 et 1909, se prononce

l'arrêt de mort de ce que nous appelons la stylistique originaire,

configurée par Steinthal. Bally va nettement opposer style et

stylistique. Il réserve le mot "style" pour les emplois volontaires et

conscients de la langue dans une intention esthétique (Traité, 1909,

§ 21) et n'entend se consacrer qu'à la stylistique ou science des usages

spontanés de tout locuteur, de préférence dans les usages oraux. Par une

double méprise, c'est la stylistique qui va désormais recouvrir le

domaine défini par Bally comme celui du style et l'on va avoir tendance

à considérer les emplois de l'écrivain comme des emplois spontanés : la

forme va permettre de trahir les secrets du fond de l'oeuvre à l'insu de

son auteur : un ouvrage comme celui de C. Mauron, paru en 1963, (Des

métaphores obsédantes au mythe personnel) donne une certaine idée de

cette double méprise.

Entre 1909 et 1933, se développe, avec notamment les échanges entre

Bally et Sechehaye mais aussi Frei puis Vendryes..., un débat pour

déterminer si une science de l'expression est possible. On n'insistera

jamais assez sur le fait qu'avec Bally se situe le début de la descente

aux Enfers puisque celui-ci a perdu la composante linguistique

essentielle selon nous (les caractères nationaux d'une langue) et accole

langue et émotion en définissant la stylistique comme l'étude de la

"valeur affective des faits du langage organisé" (Bally, 1909,

Sommaire). En revanche, pour Sechehaye, la stylistique est incapable de

se distinguer des autres disciplines linguistiques. On donnera des

aperçus de ce point de vue dans notre communication orale.

Aux stylistiques fondatrices vont succéder des avatars, notamment la

stylistique de Cressot qui développe la ligne des "moyens d'expressions"

et donne corps à la métaphore de l'écrivain devant son clavier. Cette

stylistique-là réhabilite le rapport fond / forme et donc pensée /

langue, la langue figurant un décalque de la pensée dans une relation

nullement dialectisée. C'est la composante grammaticale qui va dès lors

se développer avec ce que nous appelons les stylistiques composites.

Dans notre communication orale, nous nous bornerons à décrire brièvement

l'arrière-plan sémiologique des stylistiques originaires, en particulier

de la stylistique rationnelle, pour montrer en quoi la différence ici

signifiée est radicale avec les stylistiques composites.

Références :

BALLY, C. (1905), Précis de stylistique française, Esquisse d'une

méthode fondée sur l'étude du français moderne, Genève : Eggimann et Cie

BALLY, C. (1909), Traité de stylistique française, Heidelberg et Paris :

Winter et Klincksieck.

BALLY, C. (1910), L'étude systématique des moyens d'expression, Genève :

Eggimann et Cie.

COMBE, D. (1991), La pensée et le style, Paris : Editions universitaires

GOODMAN, N. (1978), Manière de faire des mondes, Paris : Editions

Jacqueline Chambon, 1992.

KARABETIAN, E. (2000), Histoire des stylistiques, Paris : A. Colin.

SECHEHAYE, A. (1908), Programme et méthodes de la linguistique

théorique, Psychologie du langage, Paris et Genève : Champion et

Harassowitz.

SECHEHAYE, A. (1908), "La stylistique et la linguistique théorique",

Mélanges Saussure, Paris : Champion, pp. 155-187.

SECHEHAYE, A. (1933), "La pensée et la langue ou Comment concevoir le

rapport organique de l'individu et du social dans le langage ?", Journal

de Psychologie, 30e année, pp. 57-81.

WILMET, M. in AUROUX et alii (1984), Matériaux pour une histoire des

théories linguistiques, Université de Lille 3 : PUL.

                                        _______________________

Dominique COMBE

             La stylistique des genres

La stylistique comme discipline autonome s'est constituée, avec Bally,

en s'affranchissant de la rhétorique. D'abord vouée à l'étude de

l'expressivité du langage courant, hors du champ littéraire, la

stylistique des héritiers français de Bally (Cressot, Marouzeau, etc.),

rejoignant d'autres traditions scientifiques comme celle de l'école de

la philolologie romane, en Allemagne, est devenue résolument littéraire.

Mais elle s'est alors attachée à décrire, sous la forme de monographies,

le style d'écrivains conçu comme leur "manière" propre, dont témoignent

la plupart des thèses de stylistique jusque dans les années 60 (Le style

de Huysmans de Cressot, jusqu'à la thèse même de Riffaterre, consacrée

au style des Pléiades de Gobineau). C'est donc la "parole singulière"

(L.Jenny) d'un auteur -voire, le cas échéant, d'une oeuvre particulière-

qui est l'objet même de la stylistique d'inspiration grammaticale. La

poétique  structurale qui, dans les années 60, semble supplanter cette

stylistique universitaire, entend quant à elle décrire le fonctionnement

général du discours littéraire, par delà la singularité de la voix de

chaque écrivain. Mais c'est précisément en cela qu'elle s'oppose à la

stylistique, jusqu'à en récuser le droit à l'existence.

Est-ce à dire que la notion de style serait inapplicable au discours

littéraire dans sa généralité ? Une troisième voie, un peu négligée, a

pourtant tenté d'ouvrir la notion de style à des groupements de textes

qui, à défaut d'atteindre à l'universel, concernent tout de même le

général. La stylistique des genres récupère l'héritage rhétorique perdu

par Bally et ses disciples, transmis par la lecture médiévale de la

tradition aristotélicienne et cicéronienne (la célèbre "Roue de

Virgile"), qui articulait la notion même de style à celle de genre sur

la base d'une "adéquation". Cette stylistique qui, par définition,

croise l'analyse formelle avec l'herméneutique historique, est une

évidence pour l'historien d'art (Wölflin, Panofsky, Gombrich), habitué à

rapporter la "manière" aux contraintes génériques produites par

l'Histoire. Elle est en revanche peu représentée dans la stylistique

littéraire, si ce n'est ponctuellement, pour peu que le lien soit renoué

avec la culture rhétorique et l'histoire des textes. Les Formalistes

russes, mais aussi Bakhtine, s'y étaient pourtant engagés et, au sein de

la tradition "grammaticale" française, Pierre Larthomas, récemment

disparu, en avait presque seul défendu la pertinence. Il convient

aujourd'hui, après avoir retracé l'origine de cette stylistique des

genres, de dégager les problèmes de méthode posés par l'articulation du

"matériau" thématique et formel, et de l'histoire littéraire, afin d'en

envisager l'éventuel développement.

Références :

BAKHTINE M., (1984), Esthétique de la création verbale, tr. fr.

Gallimard.

COMBE D. (1992), Les Genres littéraires, Hachette.CROCE, (1991), Essais

d'esthétique, tr. fr., Gallimard, "Tel".

GENETTE G. (1986), "Introduction à l'architexte", Théorie des genres,

Seuil, "Points".

HAMBURGER K. (1986), Logique des genres, tr. fr. Seuil.

LARTHOMAS P., (1998), Notions de stylistique générale, P.U.F.

(1964), "La notion de genre littéraire en stylistique", Le Français

moderne - Le langage dramatique, P.U.F (nb rééditions depuis 1972)

STAIGER, (1990), Les Concepts fondamentaux de la poétique, tr. fr.

Lebeer-Hossmann.

TYNIANOV I., (1969), "Die Ode als oratorisches Genre", in STRIDTER J.,

Texte der Russischen Formalisten, Münschen.

                                        _______________________

François RASTIER

             Le style, un problème de linguistique générale et comparée

1. La stylistique trouve sa justification dans son statut académique

bien français de discipline de concours, mais son éclectisme non

critique -qui en fait un lieu de rencontre accueillant- s'est accommodé

d'une involution spéculative qui l'a conduit à essentialiser l'Auteur et

l'Oeuvre, l'lntertexte et la Littérarité. Ces essences s'objectivent

cependant au palier grammatical le plus restreint (par des stylèmes, les

tropes, etc.), d'où une disparate persistante entre les ambitions

affichées et les capacités descriptives.

2. Le problème des styles et des normes locales relève pleinement de la

linguistique historique et comparée ; les projets d'anthropologie dont

elle est issue, tant chez Friedrich Schlegel que chez Humboldt,

concordent parfaitement sur ce point. La description des langues n'est

en effet qu'une étape de la caractérisation des discours des genres et

des textes singuliers.

3. La description des styles, notamment littéraires, constitue ainsi

l'aboutissement du programme de caractérisation qui a permis de passer

des grammaires universelles à la linguistique générale. En effet, chaque

langue tire son "caractère" des usages qui la configurent sans cesse.

4. Comme les textes littéraires s'inscrivent dans des lignées

différenciées, la constitution des corpus ne se conforme pas au postulat

romantique tardif qui préside aux oeuvres complètes, et voudrait que le

style soit une grâce uniformément répandue par l'auteur. Le style est en

effet plutôt affaire d'oeuvres que d'auteurs (cf. les travaux de Brunet

et Müller). On interrogera donc le concept de manière, et on rappellera

le statut crucial des discours et genres.

5. On donnera corrélativement des exemples d'usages singuliers de tropes

(Breton, Borges) ou de topoï (Le Tasse), en soulignant que les prétendus

"stylèmes" restent déterminés par des structures globales, et que leur

qualification comme tels dépend d'une linguistique textuelle.

6. Enfin, les problèmes fondamentaux de la linguistique des styles

trouvent des analogues dans d'autres domaines, comme celui de

l'iconologie : elle participe en effet d'une sémiotique des cultures.

Références :

COMBE. D. (1991) La pensée et le style, Paris. Editions universitaires.

HUMBOLDT, W. von (2000) Sur le caractère national des langues et autres

essais sur le langage, Paris. Seuil [éd. Denis Thouard].

RASTIER, F. (1994), "Le problème du style pour une sémantique du texte",

in CAHNE P. & MOLINIE, G., éd., Qu'est-ce que le style, Paris, PUF,

coll. "Linguistique nouvelle", pp. 263-282.

THOUARD, D. (1994) "Della grammatica allo stile : Schleiermacher e

Adelung -Riflessioni sull'individuatione nell'linguaggio", Lingua e

stile, XXIX, 3, pp. 373-393.

THOUARD, D. (1995) "L'ermeneutica di J. G. Hamann e il problema dello

stile", Pratica filosofica, 7, pp. 107-125.

                                        _______________________

Bernard COMBETTES

             Stylistique et linguistique du texte

Le développement des études de grammaire textuelle, ou plus

généralement, de travaux se présentant comme des "approches

linguistiques" des textes conduit à s'interroger sur les rapports que

ces recherches peuvent entretenir avec la stylistique. Dans la mesure où

cette dernière, même si elle peut correspondre à des conceptions

relativement diverses, s'appuie sur une analyse de phénomènes

linguistiques, on est en droit de rechercher des points de contact entre

ces deux disciplines ; on peut même penser que la stylistique, marquée

par une certaine hétérogénéité dans ses objectifs et dans ses méthodes,

tirerait quelque bénéfice de la prise en compte des concepts de la

grammaire de texte, concepts qui, il est vrai, n'ont pas été élaborés

dans la perspective d'une étude du "style" quel que soit le sens que

l'on donne à ce terme.

Dans une telle optique, on n'insistera pas tant sur les différentes

notions qui sous-tendent les domaines de la cohérence textuelle

(cohérence énonciative, cohérence "informationnelle", par exemple) que

sur le problème fondamental du codage de ces catégories. C'est en effet

dans la façon d'aborder cette problématique que la grammaire du texte

peut apporter, à notre avis, un renouvellement des études stylistiques.

Nous essayerons de montrer que la façon de mettre en relation des faits

de langue (morphosyntaxe, lexique) et des notions textuelles (premier

plan / second plan, modalisation, point de vue, récit / discours, etc.)

est, dans l'approche stylistique traditionnelle, beaucoup trop

simplificatrice, et qu'il est nécessaire de l'enrichir par la prise en

compte, courante à présent en linguistique du texte, du domaine

cognitif. Par quelques exemples précis (opposition des plans, pertinence

des unités : proposition, phrase, période, anaphore et saillance), on

illustrera l'importance de cette dimension qui correspond en grande

partie à celle de la "connaissance partagée".

La prise en considération de ces facteurs cognitifs permet par ailleurs

de redéfinir la notion d' "écart", sur laquelle reposent bon nombre

d'approches stylistiques ; elle permet aussi d'appréhender d'une autre

façon la spécificité du texte littéraire, qui ne se caractérise pas tant

par l'emploi de formes linguistiques particulières que par un autre

fonctionnement de ce niveau cognitif.

On insistera aussi sur la nécessité de bien définir l'interaction des

trois domaines (langue, texte, cognition) lorsqu'il s'agit d'observer

les faits de style d'un point de vue diachronique ; s'il est admis comme

une évidence que le système de la langue évolue, il ne faut pas pour

autant considérer que les deux autres composantes seraient immuables,

universelles, et se "traduiraient", au cours des époques, dans des

structures linguistiques différentes ; le changement doit être pris en

compte dans l'ensemble formé par les trois niveaux.

Références :

EHRLICH S. (1990), Point of View : A Linguistic Analysis of Literary

Style, Routledge.

FLOTTUM, K. (2000), "Combining linguistic and literary perspectives on

Polyphony : a methodological challenge", Polyphonie linguistique et

littéraire, 1 : 15-30.

NOLKE, H. (1999), "La polyphonie : analyses littéraires et

linguistiques", Tribune, 9 : 5-19.

ROSSARI, C. (1994), "Homogénéité et hétérogénéité : la dimension

compositionnelle dans l'ouverture de Jacques le fataliste", Cahiers de

linguistique française, 12 : 53-81.

SELL, R. D. (1991), Literary Pragmatics, Routledge.

STOCKWELL, P.,(1992), "The Metaphories of Literary Reading", Liverpool

Papers in Langage and Discourse, 4 : 52-80.VERDONK, P. et WEBER, J.J.,

eds, (1995), Twentieth Century Fiction :

From Text to Context, Routledge.

WEBER, J.J., (1992), Critical Analysis of Fiction : Essays in Discourse

Stylistics, Rodopi.

                                        _______________________

Eric BORDAS

             Style et stylistique : état actuel de la recherche en France

Au moment où Étienne-Stéphane Karabétian nous offre une Histoire des

stylistiques remontant à l'origine de cette discipline qui semble

n'avoir jamais su vraiment ni se définir ni trouver sa place

scientifique et institutionnelle, au moment où une polémique assez vive

s'élève entre Laurent Jenny, Jean-Marie Schaeffer et Bernard Vouilloux

autour des usages que l'on peut faire des théories de Nelson Goodman, au

moment où la remise en question de la très respectée épreuve de

"grammaire & stylistique" aux Concours de recrutement d'enseignants

commence à s'amorcer, il a semblé utile et opportun de faire le point

sur l'état actuel de la recherche dans ces domaines, parfois parallèles,

parfois complémentaires, parfois antagonistes, que sont les études de

style et la stylistique.

On verra que si la stylistique des Concours, si décriée (à tort ou à

raison, mais plus souvent encore à tort et à travers), reste toujours à

peu près la reconduction du pointage des "techniques" chères à Cressot,

les réflexions sur la stylistique en tant que théorie (adéquation qui ne

va d'ailleurs pas de soi) n'ont cessé de se complexifier, en particulier

dans leur dialogue avec la sémiotique symbolique de Goodman et avec la

pragmatique. L'approche, il y a une dizaine d'années, dite

"phénoménologiste" de l'objet style par Dominique Combe et Laurent Jenny

fut, et reste, une des prises de position les plus fécondes. Elle n'est

pas sans contradiction, et surtout sans inconvénient, comme en témoigne

d'ailleurs le  parcours  de  ces  deux  spécialistes. Parallèlement,

Jacques-Philippe Saint-Gérand réintroduisait avec force le paramètre de

l'histoire de la langue, des genres, des formes et des idées, pour

mesurer la valeur d'une écriture singulière dans sa capacité d'action

-démarche qui fait ressurgir la notion d'écart que l'on croyait

obsolète.

Dans une synthèse qui ne se veut pas un palmarès mais une lecture de

textes stimulants, jusque dans leurs hésitations, on cherchera à

proposer quelques repères, entre accords et divergences.

Références :

Littérature, 1997, n° 105 [" Questions de style ", J.-M.

SCHAEFFER éd.].

COMBE D. (1991), La Pensée et le style, Paris, Éditions Universitaires.

GENETTE G. (1991), Fiction et diction, Paris, Seuil.

JENNY L. (1990), La Parole singulière, Paris, Belin.

JENNY L. (1993), "L'objet singulier de la stylistique", Littérature,

89 : 113-124.

JENNY L. (2000), "Du style comme pratique", Littérature, 118 : 98-117.

KARABETIAN E. (2000), Histoire des stylistiques, Paris, Colin.

MITTERAND H. (1992), "À la recherche du style. (À propos de Fiction et

diction de Gérard Genette)", Poétique, 90 : 243-252.SAINT-GERAND J.-P.

(1993), Morales du style, Toulouse, PUM.

SAINT-GERAND J.-P. (1998), "Langue, poétique, philologie au XIXe siècle.

Du style à la stylistique... une origine problématique", in FALCONER G.,

OLIVER A. & SPEIRS D. (éds), Langues du XÎXe siècle, Toronto,

Publications du CÉRJS, pp. 7-33.

VOUILLOUX B. (1997), Langages de l'art et relations transesthétiques,

Paris, Éditions de l'éclat.

VOUILLOUX B. (1998), "Pour une théorie descriptiviste du style",

Poétique, 114 : 233-254.

555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555

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