2001_05_30

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SdT volume 7, numero 4.

 

 

                                                                                LA CITATION DU MOIS

                                                     ________________________________________

                                                     " Le roman existe, non pas par ses

                                                       ressemblances avec la vie,

                                                       mais par son incommensurable

                                                       différence avec elle "

                                                                                             Stevenson

                                                     ________________________________________

 

                          

 

                                                     SOMMAIRE

 

1- Coordonnees

             - Bienvenue a Loic Depecker.

             - Frederic Pierron a une nouvelle adresse electronique.

 

2- Carnet

             - Texto! : archives de la liste SdT ; courrier recu.

             - Conference de J. Anis, mercredi 30 Mai a Nanterre :

               "Entre le lisible et le visible : le visuo-texte"

             - De Beaugrande, Chomsky and corpus linguistics.

 

3- Textes electroniques

             - De la 'localisation'.

             - Outils de travail bibliographiques (Le catalogue collectif de

          France, Worldcat) et d'analyse textuelle (Hyperbase).

 

4- Publications

             - F. Mariani Zini (ed.) : "Penser entre les lignes.

               Philologie et philosophie au Quattrocento"

             - J.-M. Salanskis : "Sens et philosophie du sens"

             - S. Badir : "Hjelmslev", et

               "Saussure : la langue et sa représentation"

 

5- Textes

             - J.-P. Lepri : "Tant et temps de livres !"

             - F. Rastier : "Discours et texte"

 

6- Appels : Colloques et revues

             - Journee d'Etudes "Traitement des questions ouvertes dans les

               enquêtes et sondages", Grenoble, 8 juin 2001.

             - Revue Corpus : la notion de corpus, le statut du corpus.

             - 6e Journees internationales d'Analyse statistique des Donnees

               Textuelles, Saint-Malo, 13-15 mars 2002.

 

                          

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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees

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BIENVENUE AU NOUVEL ABONNÉ

[information réservée aux abonnés]

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{FR, 22/05/2001}

 

TEXTO!

 

toile :    http://www.msh-paris.fr/texto/

ou :       www.revue-texto.fr

 

1. Question aux lecteurs

 

Sur la suggestion de plusieurs, bientôt l'Archive de la liste SdT sur le

site Texto ! Pour éviter le spamming, nous enlèverons l'annuaire des

adresses des abonnés, que nous avions publiée dans un numéro, mais il

reste un problème de confidentialité :

acceptez-vous que votre présentation soit publiée sur le site

(dans ces archives), avec votre courriel ?

Si ce n'est pas le cas, prière de nous en aviser par retour :

Bénédicte Pincemin :  benie@club-internet.fr

ou François Rastier :   lpe2@ext.jussieu.fr

 

2. Au courrier de Texto !

 

Le dessin en est fort beau, j'y suis sensible ;

le dessein mérite que j'y consacre plus que quelques lignes maintenant

(Michel Cosse).

mais oui ! (dans la prononciation de Mistinguett : /mEzwi/ ...)

 

Encore une chose importante -- un grand merci pour votre site qui est

d'une grande utilité pour moi, ses richesses sont inépuisables.

Avec mes meilleurs voeux pour votre travail

Tabatchnik Moché

Département de français, Université de Tel-Aviv

 

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{Anis, 23/05/2001}

 

Jacques Anis, du Laboratoire MoDyCo (Modèles, Dynamiques, Corpus),

Paris X Nanterre, UMR 2329 du CNRS,

à l'invitation de Claude Frontisi du Centre Pierre Francastel - Riac

(Recherches Interdisciplinaires sur l'art contemporain)

dans le cadre du Séminaire Politique & Economie de l'image,

donnera une conférence intitulée :

 

             ENTRE LE LISIBLE ET LE VISIBLE : LE VISUO-TEXTE.

 

le mercredi 30 mai 2001 à l'Université de Paris X Nanterre,

Salle des Colloques du Bâtiment K, de 17 à 19 h.

 

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{FR, 22/05/2001}

 

EN DEBAT

 

CORPUS ET LINGUISTIQUE

 

Lu sur la liste CORPORA, au coeur d'un échange passionné :

des dizaines de messages pendant près d'un mois (avril 2001).

 

Objet:   Re: Corpora: Chomsky and corpus linguistics

 

I am curious what people think about Robert De Beaugrande's use of

corpus   linguistics in New Foundations for a Science of Text and

Discourse (Ablex Publishing Corporation, 1997) to critique one of

Chomsky's most famous sentences as part of a wider argument in favour

of corpus linguistics:

 

"65. As a corpus gets larger, it does not simply show us the same data

multiplied out, eg., each item being ten times as frequent in a corpus

ten times as large. Instead, the larger corpus both turns up fresh data

that did not appear at all in the smaller ones and displays the previous

data in steadily finer delicacy for the range and frequency of the

combinations. Hosts of regularities emerge that escaped notice in

smaller data sets, and would elude unguided intuition and introspection.

[...] Instead of coverage, convergence, and consensus decreasing when

natural language data get rewritten into a formal notation, they are now

increasing when data get treated in their naturally occurring formats.

 

66. Conversely, the corpus highlights the improbable and unnatural

quality of invented data like 'John is eager to please'. Typical

contexts of real discourse call for less simple-minded and peremptory

utterances. For example, all three instances of 'eager to please' in the

Bank of English have a Direcct Object Target and a more inteeresting

Subject Agent than the legendary 'John'. eg., the 'government' keen to

'please' powerful forces such as 'wealth' and 'the Church'

[18] <a government offical who is eager to please the wealth goddess>

[19] <the Sandinstas. The government is eager to please the church>"

(44)

 

For myself, Chomsky's comment about corpus lingustics not existing seems

to be a logical response from someone whose whole enterprise would be

undermined by the widespread adoption of real data as a mediator of

conflicting linguistic judgements.

 

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Textes electroniques Textes electroniques Textes electroniques Textes

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{FR, 22/05/2001}

 

Un moyen mnémotechnique pour ne plus oublier ce mot (qui

désigne les activités de traduction des menus déroulants

de Netscape en finnois, et d'ajout de sauce béarnaise dans

les hamburgers) : la LOCALISATION, comme son nom l'indique,

est un corrolaire de la MONDIALISATION.

 

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{FR, 22/05/2001}

 

OUTILS DE TRAVAIL

 

1. Catalogue collectif de France

             http://www.ccfr.bnf.fr

 

Le Catalogue collectif de France est un projet commun aux ministères

chargés de la culture et de l'éducation nationale. Sa maîtrise d'ouvrage

et sa gestion sont confiées à la Bibliothèque nationale de France.

 

* Un répertoire des ressources documentaires françaises

Le site web du Catalogue collectif de France permet de consulter le

Répertoire national des bibliothèques et des centres de documentation

qui contient la description détaillée de bibliothèques françaises de

tous types et de toutes tailles, soit plus de 3 900 établissements,

ainsi que la description de leurs fonds spécifiques.

 

* Un instrument de localisation

Interface unique à 3 grands catalogues français : catalogue des fonds

des bibliothèques municipales rétroconvertis, catalogue BN-Opale Plus et

catalogue du Système universitaire de documentation, le Catalogue

collectif de France permet de localiser plus de 14 millions de

documents, conservés dans les principales bibliothèques municipales,

universitaires et de recherche françaises.

                                        ____________________

 

2. WORLDCAT

 

Catalogue collectif en ligne de l'OCLC (Online Computer Library Center),

il constitue une ressource très importante en matière de bibliographie.

Il contient 44 millions de références bibliographiques couvrant 400

langues. Ce catalogue est alimenté par les bibliothèques adhérentes de

45 pays, signale tous types de documents (livres, périodiques,

manuscrits, cartes, enregistrements sonores, films, etc). Il est mis à

jour quotidiennement.

Disponible aux abonnés seulement, il est accessible par Internet dans

certaines bibliothèques (BNF, entre autres). Une fois la recherche

effectuée, il est possible d'imprimer les notices, mais aussi de les

envoyer par courrier électronique.

Pour plus d‚informations, consulter:

             http://www.oclc.org/oclc/man/6928fsdb/worldcat.htm

attention: cette adresse ne vous permet pas l'accès au catalogue.

                                        ____________________

 

3. HYPERBASE

 

Lu sur la liste LITOR

 

Effectivement le logiciel HYPERBASE n'est pas gratuit (même s'il a

souvent été donné ou copié, n'étant pas protégé) : il y a des frais de

fabrication et d'envoi, un manuel de 200 pages, des mises à jour

régulières sur Mac et PC. Tout cela a un coût qui justifie le prix de

950 frs HT demandé à l'acquéreur (à comparer avec celui des produits

analogues : LEXICO d'A. SALEM, SPHINX de Baulac, CORDIAL U de Synapse,

SPAD-T de Lebart, INTEX de M. Gross, TROPES de Acetic, pour s'en tenir

au marché français). Le logiciel permet de réaliser des bases

hypertextuelles avec les textes qu'on lui fournit et qu'on peut trouver

sur Internet (en particulier sur le site Gallica). Cela, qui est payant,

n'occupe que le dixième de la surface disponible sur le cédérom. Le

reste a été utilisé pour proposer des bases de démonstration réalisées

avec HYPERBASE. Ces bases sont gratuites et peuvent être utilisées sans

limitation (mais aussi sans profit). Les unes sont purement

statistiques, notamment la base ECRIVAINS, qui compare tout le

vocabulaire de 70 écrivains de notre littérature (55 millions de mots),

la base CHRONO qui permet de suivre l'évolution du vocabulaire

littéraire de 1600 à nos jours (117 millions de mots), la base THEATRE

(Corneille + Molière + Racine), et la base FRANCIL (enquête sur le

français parlé et écrit dans les pays francophones, 4,5 millions de

mots). Les autres donnent accès, non seulement aux données

quantitatives, mais aussi au texte, quand le problème du copyright ne se

pose pas. Il s'agit alors de monographies, intégrales la plupart du

temps, par exemple Rabelais, La Fontaine, Molière, Marivaux, Rousseau,

Chateaubriand, Flaubert, Maupassant, Baudelaire, Rimbaud, etc, soit une

vingtaine d'écrivains majeurs, de Rabelais à Proust, à quoi je peux

ajouter, quand les garanties de confidentialité me sont données, une

dizaine d'autres bases qui mettent en jeu le copyright et qui ne

pourraient être communiquées qu'à titre personnel, dans un but de

recherche (cela concerne Balzac dans l'édition protégée de la Pléiade,

Céline, Eluard, Saint-John Perse, Gracq, Mammeri, Le roman africain,

Brel, etc.)

 

Les textes ont parfois été saisis au laboratoire, à l'occasion d'une

thèse (Eluard, Gracq, Perse, Rimbaud, Sand, Verne, Mammeri, Brel).

Mais la plupart, et en particulier les bases statistiques, viennent de

FRANTEXT, source commune à beaucoup de textes de la BNF. Quelques

monographies ont été réalisées à partir d'INTERNET en exploitant les

ressources offertes par Bassetti (La Fontaine), P. Perroud (Rousseau),

T. Selva (Maupassant), et les sites ABU,  Gallica et Athena (Molière,

Voltaire, Chateaubriand, Hugo, Flaubert, etc).

 

Comme l'extraction des textes est parfois compliquée sur Internet (en

particulier à partir du site Bibliopolis), et que les textes téléchargés

nécessitent un long travail d'harmonisation, de nettoyage et de mise en

page, j'ai cru utile de proposer aux utilisateurs d'HYPERBASE un

programme d'exportation qui permet d'extraire en quelques secondes le

texte (au format TXT ou "texte seulement") du corpus traité. Ainsi

obtient-on un fichier où l'oeuvre de tel écrivain devient accessible à

Word ou à Acrobat ou à quelque autre traitement.

 

HYPERBASE a aussi été appliqué à des produits commerciaux de très grande

ampleur : le journal Le Monde, le journal portugais Publico,

l'Encyclopédie Encarta. Ces produits ne sont malheureusement pas

transmissibles. Il existe une version portugaise d'Hyperbase et des

bases juridiques et littéraires réalisées, en portugais, pour le projet

PORTEXT (voir le site lolita.unice.fr). Cependant la version française

peut traiter n'importe quelle langue utilisant l'alphabet occidental

(code ANSI). Il existe des versions spéciales du logiciel, pour textes

lemmatisés, pour bases structurées, ou pour diffusion sur Internet (deux

bases, l'une, en mode CGI, sur Rabelais, l'autre, au format HTML, sur

Balzac, sont disponibles sur les sites lolita.unice.fr et

ancilla.unice.fr)

 

Précisons enfin que le logiciel est développé sur Mac et Windows et que

le cédérom fourni est bistandard.

 

Etienne BRUNET

Le Collet des Fourniers - Saint Roman de Bellet - 06200 Nice (France)

             brunet@unice.fr

 

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{FR, 22/05/2001}

 

VIENT DE PARAÎTRE

 

Fosca MARIANI ZINI (éd.)

 

Penser entre les lignes. Philologie et philosophie au Quattrocento

 

Presses Universitaires du Septentrion, 2001, 340 pp., 170 FF.

 

L'originalité de ce livre réside dans la tentative de penser ensemble la

philologie et la philosophie dans la Renaissance du Quattrocento, en

soulignant deux aspects : la naissance de la philologie comme innovation

humaniste et son lien constitutif avec la transformation du système du

savoir, en particulier de la philosophie. Car les humanistes sont les

premiers historiens de la philosophie, parce qu'ils sont des

grammairiens-philologues. C'est toute la tradition philosophique qui se

trouve pensée à nouveaux frais : elle devient une histoire, et non la

lutte entre des positions éternelles. On lit autrement, et par là, on

pense autrement. La philologie est aussi bien un art de lire que de

penser ; elle sait lire dans les lignes : ce qui a été écrit, et ce qui

se cache dans les blancs. On trouvera ainsi dans ce livre une réflexion

constante sur la transformation que la philologie humaniste produit dans

les modalités d'expliquer et de comprendre les oeuvres et son incidence

sur la philosophie (R. Kessler sur l'école de Guarino ; A. Grafton sur

Pic de la Mirandole et Politien ; J. Kraye sur la lecture philologique

de Politien à propos du "Manuel" d'Epictète) ; une étude des rapports

entre la dialectique et la rhétorique (S. Camporeale sur L. Valla) ;

plusieurs contributions sur la relecture humaniste de la tradition

néoplatonicienne (C. Celenza, J. Hankins, E. Rudolph) ; l'importance

accordée à L. Valla, philosophie et philologue (outre à Camporeale, J.

Monfasani, qui fait une mise au point des points les plus controversés

de l'interprétation contemporaine de Valla, et F. Mariani Zini, qui

souligne l'originalité de l'ontologie chez Valla, en particulier de sa

conception de la res).

 

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{FR, 22 et 23/05/2001}

 

VIENT DE PARAÎTRE

 

Jean-Michel SALANKIS

 

                           SENS ET PHILOSOPHIE DU SENS

 

Desclée de Brouwer, 2001, 120 FF.

 

Chacun sent bien que la philosophie contemporaine s'intéresse au sens

comme jamais et plus que jamais, notamment depuis ce que l'on a dénommé

son "tournant langagier". Jean-Michel Salanskis soutient néanmoins, dans

ce livre, qu'il lui reste à accomplir la mue qui la ferait devenir

philosophie du sens, ce qui veut dire, en particulier, reconnaître

qu'elle n'est pas directement et purement au service de la seule vérité

comme la science, et même, plus profondément, qu'elle n'est pas en

charge de l'Être comme toute sa tradition l'invite à le croire.

 

Ce revirement suppose que la philosophie comprenne le sens autrement,

se mette en quête du sens du sens plutôt que l'être du sens : l'auteur

propose, dans le chapitre central du livre, une compréhension du sens

d'inspiration lévinasienne, qui privilégie l'adresse et non plus la

flèche intentionnelle.

 

L'ouvrage s'achève par une tentative de faire voir ce que pourrait être

une philosophie du sens, quels développements elle peut amener, quelle

attitude elle implique vis-à-vis de la notion de transcendance ou de

l'idée d'une éthique philosophie première, et comment le problème du

sens de la vie se pose dans son cadre.

 

JEAN-MICHEL SALANKIS

 

Sens et philosophie du sens est le septième livre que publie Jean-Michel

Salanskis.

 

Professeur de Philosophie des Sciences, Logique et Epistémologie à

l'Université Paris X Nanterre, et directeur du département de

philosophie en ces lieux, JMS est venu à la philosophie à partir d'une

formation de mathématicien, et d'une impulsion originelle donnée par

Jean-François Lyotard, dont il a longtemps suivi l'enseignement. Ses

premiers articles (publiés entre 1977 et 1984) portaient d'ailleurs sur

des sujets liés à la pensée de Jean-François Lyotard, dans le moment où

celui-ci préparait son maître-ouvrage Le Différend.

 

Par la suite JMS a rejoint le CNRS et s'est consacré principalement à

des travaux de philosophie des mathématiques : il a voulu présenter une

conception phénoménologique des mathématiques, soutenant dans

L'herméneutique formelle (Paris, Editions du CNRS 1991) que la

mathématique pensait au sens de Heidegger et de Gadamer, et s'efforçant

dans Le constructivisme non standard (Lille, PUS, 1999) d'interpréter le

débat classique entre formalisme et intuitionnisme en termes

husserliens.

 

Ces travaux l'ont conduit à porter un regard d'épistémologue-phénoméno-

logue sur des domaines variés, au-delà même de l'épistémique : dans Le

temps du sens (Orléans, Editions Hyx, 1997), il présente ainsi une

vision herméneutique unitaire de l'esthétique transcendantale kantienne,

des mathématiques, de la physique, des sciences cognitives et de la

tradition juive.

 

Depuis 1997, il cherche à présenter les acquis de son travail et à

formuler ses intuitions fondamentales purement dans le cadre et le

langage philosophiques, ne jouant plus une sorte de double jeu avec le

discours de la science. Dans cette perspective, il a publié en 1997 et

en 1998 deux brèves monographies à vocation pédagogique dans la

collection Figures du savoir aux éditions Les Belles Lettres,

respectivement sur Husserl et sur Heidegger.

 

Ses deux derniers ouvrages, Modèles et pensées de l'action (L'Harmattan

2000) et Sens et philosophie du sens aujourd'hui sont des exposés de

philosophie générale, motivés par un thème (l'action dans le premier

cas, le sens dans le second). Mais le second de ces livres délivre en

même temps la clef de tout son itinéraire : on comprend comment il peut

être à la fois proche de la science, de la philosophie française des

années 60-70 et de la tradition juive, comment il a pu s'inscrire dans

divers débats (comme celui qui oppose philosophie analytique et

philosophie continentale ou celui de l'affaire Sokal) en revendiquant

constamment les droits et le devoirs d'une philosophie du sens, ainsi

qu'il l'explique aujourd'hui ouvertement.

 

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{FR, 22 et 23/05/2001}

 

Sémir BADIR

 

NOTES D'AUTEUR SUR LA LECTURE

-Lire Hjelmslev et Saussure-

 

Du travail fourni pour une thèse de doctorat intitulée "Le métalangage

d'après Hjelmslev. Épistémologie sémiotique" (cf. résumé dans SdT vol.4

n.3), ont été issus deux ouvrages récemment publiés. La chronologie de

leur publication respecte le parcours du travail de thèse : il s'y était

agi d'abord de lire Hjelmslev afin de faire le point sur la notion de

métalangage (et, corollairement, sur celle de connotation) ; ensuite, de

relire le Cours de linguistique générale à la lumière des propositions

théoriques contenues dans les Prolégomènes à une théorie du langage ;

enfin, de mettre ces lectures en perspective à travers certaines

problématiques débattues en sémiotique et en philosophie durant la

période structuraliste et poststructuraliste. Cette thèse s'articulait

donc en trois parties, la dernière devant faire l'objet d'une

publication ultérieure.

 

1. Hjelmslev (Les Belles Lettres, collection "Figures du savoir", 2000)

 

La collection dans laquelle est publié ce Hjelmslev le voue à la

vulgarisation. Passé un certain degré de difficulté et de technicité

-et l'oeuvre de Hjelmslev est certes difficile et hautement technique-,

la vulgarisation consiste ordinairement à replacer les notions

théoriques dans un contexte intellectuel large, et les travaux où ces

notions sont élaborées dans un contexte historique. C'est une manoeuvre

d'encerclement qui cherche à susciter auprès du lecteur le désir d'aller

lire la pensée centrale, pour lors pudiquement voilée, autour de

laquelle tourne la vulgarisation. Dans Hjelmslev, une Introduction et

une Annexe ont été rédigées à cet effet. L'Introduction brosse à traits

rapides une biographie intellectuelle de Hjelmslev et dénombre les

actualités de la glossématique. L'Annexe retrace, pour les cas

particuliers de la connotation et du métalangage, l'histoire de la

réception de la pensée hjelmslevienne.

 

L'essentiel de l'ouvrage s'en tient toutefois à l'idée générale de la

thèse : présenter une lecture de l'oeuvre de Hjelmslev, en particulier

des Prolégomènes à une théorie du langage. Cette lecture effectue une

traversée rectiligne, et non une circumnavigation. Mais elle prend le

texte de Hjelmslev à rebours, faisant de l'avant-dernier chapitre des

Prolégomènes, consacré aux sémiotiques connotatives et aux

métasémiotiques, son point de départ. Elle tend ainsi à produire une

"description raisonnée", c'est-à-dire qu'elle cherche à reconstruire à

nouveau frais la théorie qui sous-tend le projet glossématique. Par son

objet, elle englobe cette théorie, car l'étude des métasémiotiques

permet "d'expliciter les fondements de la linguistique" tandis que

l'étude des sémiotiques connotatives, désignées quelquefois simplement

sous le terme de "sémiotiques" (ce qui n'est pas sans importance pour la

discipline du même nom), s'attache aux "conséquences dernières" de la

linguistique.

 

Hjelmslev est et n'est pas un linguiste. Il est assurément un linguiste

parce que l'ensemble des concepts dont il s'est servi, la méthode

originale qu'il a élaborée, les analyses qu'il a effectuées, ont pour

visée la description et la compréhension du langage. Mais, dès lors

qu'il refuse de faire du langage l'objet d'un savoir régional, Hjelmslev

dépasse également de beaucoup les préoccupations ordinaires des

linguistes. Sa théorie du langage contient un essai de philosophie

première, ainsi qu'il en est de la théologie de Thomas d'Aquin ou de la

psychologie de Hume. Lire Hjelmslev, c'est tenter de restituer cette

position aujourd'hui difficilement pensable, de la justifier, voire de

la rendre légitime.

 

2. Saussure : la langue et sa représentation

   (L'Harmattan, collection "Sémantiques", 2001)

 

On aura sans doute compris que toute lecture qui donne lieu à un texte

implique une réécriture. Dans le cas de Saussure, il y a ceci de

particulier que son "oeuvre" n'a jamais connu que des réécritures,

engagées depuis près d'un siècle à partir d'une origine textuelle

introuvable. Le CLG lui-même, comme on sait, est le résultat d'une

lecture par Bally et Sechehaye de notes hétérogènes. Depuis que la

publication de nombreuses sources manuscrites a donné les moyens

d'évaluer ce premier effort de lecture / réécriture, il est également

possible de proposer une lecture du CLG qui pourra, parfois, avoir

explicitement pour effet une réécriture. En voici une illustration,

extraite de Saussure : la langue et sa représentation (p. 53-54), où

l'on cherche à montrer que la notion de "signifié" doit être distinguée

de celles de "valeur" et de "signification", contrairement à ce qu'ont

avancé d'autres interprétations qui rabattent le signifié sur l'une ou

l'autre des notions mentionnées ci-dessus :

 

   [Le signifié est] nécessaire pour articuler la valeur avec la

   signification. Car il n'y a pas d'autre façon de les concilier que

   de se les représenter comme participant d'une réalité commune, même

   s'il s'agit d'une communauté construite dans la représentation. Et

   cette articulation est elle-même nécessaire à l'ordre de la langue

   [...] :

 

   "Quand j'affirme simplement qu'un mot signifie quelque chose, quand

   je m'en tiens à l'association de l'image acoustique avec un concept,

   je fais une opération qui peut dans une certaine mesure être exacte

   et donner une idée de la réalité ; mais en aucun cas je n'exprime le

   fait linguistique dans son essence et dans son ampleur."

   (CLG, p. 169.)

 

   Paraphrasons en insistant sur les mots importants : l'association du

   signifiant et du signifié (ou de l'image acoustique et du concept) ne

   donne donc qu'une idée de la réalité. Une idée qui, à un certain

   niveau, peut être considérée comme exacte, certes, mais qui n'exprime

   pas le fait linguistique en tant que tel, dans son essence.

   Précédemment à ce passage, Saussure a mis le doigt -mais sans s'y

   arrêter- sur le rôle que joue le signifié :

 

   "Ainsi [le schéma du signe juger] veut dire qu'en français un concept

   "juger" est uni à l'image acoustique juger : en un mot il symbolise

   la signification." (Ibidem.)

 

   Le schéma qui unit le concept (ou signifié) à l'image acoustique (ou

   signifiant) symbolise la signification. Il en est donc le signe. Si

   la signification émerge par la parole, ce n'est pas de même par la

   parole que peut se manifester le signe ni ses composants. La

   formulation de la suite de ce passage est plus contestable :

 

   "[...] mais il est bien entendu que ce concept n'a rien d'initial,

   qu'il n'est qu'une valeur déterminée dans ses rapports avec d'autres

   valeurs similaires, et que sans elles la signification n'existerait

   pas." (Ibidem.)

 

   Le concept est-il la valeur ? L'antécédent du CLG l'infirme. Si le

   concept est un composant du signe de la signification, il ne peut pas

   s'identifier, en tant que tel, à la relation qui détermine dans la

   langue cette signification. En revanche, il peut, sous un certain

   rapport, la signifier également. Aussi se doit-on d'apporter une

   correction au texte du CLG : [...] le concept n'est que la

   REPRESENTATION d'une valeur déterminée dans ses rapports avec

   d'autres valeurs similaires [...]. Du reste, les notes item proposent

   à plusieurs reprises ce qui semble être une formulation authentique

   de Saussure :

 

   [1901] "le signifié n'est que le résumé de la valeur linguistique

   supposant le jeu des termes entre eux, dans chaque système de

   langue." (CLG, éd. Engler 1968, p. 264.)

 

   La correction proposée nous paraît conforme à cette formulation. Une

   représentation est bien une sorte de résumé : c'est à la fois un nom

   et une fonction de classe pour les relations qui définissent la

   valeur d'un terme linguistique. Le terme de représentation précise

   cependant la destination de ce résumé : le signifié n'est utile qu'au

    descripteur -professionnel ou occasionnel- de la langue. Ce faisant,

   sous son rapport spécifique, le concept, ou signifié, permet

   d'identifier la valeur à la signification. Il rend conjointe

   l'épreuve d'échange avec l'épreuve de comparaison. Il construit le

   rapport de la langue à la parole dans la représentation.

 

L'idée centrale qui gouverne cette entreprise de réécriture est que

Saussure, glorieux de la découverte de la langue, a cependant manqué la

découverte de son complément nécessaire : celle de la représentation

linguistique. Sinon des contradictions, tout du moins des atermoiements

et des équivoques théoriques majeurs de la pensée de Saussure découlent

de ce manque. La langue comme "fait social", les définitions divergentes

du phonème, l'arbitrarité du signe linguistique, le statut de

l'écriture, le flottement entre le caractère "oppositif" et le caractère

"distinctif" des éléments linguistiques, la définition du "fait

grammatical" : autant d'exemples des nombreux points litigieux que

permet de raisonner la prise en considération du rôle sous-jacent que

tiennent les unités métalinguistiques dans la théorie développée par le

CLG.

 

Les concepts nécessaires à la construction de la représentation

linguistique ont été fournis par Hjelmslev, très succinctement, dans ses

développements théoriques sur les métasémiotiques. Ces concepts sont

l'autonyme (encore que le terme n'apparaisse pas dans les Prolégomènes),

la manifestation, la variété et la classe linguistiques. Mais il n'est

pas nécessaire d'approfondir la connaissance de l'oeuvre hjelmslevienne

pour juger de la pertinence de ces concepts dans la réécriture proposée.

De Saussure à Hjelmslev, aller et retour, il existe une réelle

continuité de pensée. Il est remarquable à cet égard, quoi qu'aient pu

affirmer naguère des lecteurs pressés, que Hjelmslev ne retranche rien à

la théorie saussurienne : au contraire, il ajoute. Dans cette direction

a oeuvré également ce Saussure "complété". Son but est double : apporter

une meilleure compréhension de la théorie linguistique saussurienne et

amorcer un examen de type épistémologique pour les méthodes

linguistiques dans leur ensemble.

 

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{Lepri, 11/04/2001}

 

Texte de Jean-Pierre LEPRI publié dans le n° 74 (juin 2001) de la revue

"Les Actes de lecture" (trimestriel)

Association Francaise pour la lecture

65, rue des Cités - 93308 AUBERVILLIERS Cedex

af.lecture@wanadoo.fr

 

T A N T

ET TEMPS

DE LIVRES !

 

Le nombre de nouveaux livres croît plus vite que la population

mondiale (1) : nous faisons plus de livres que d'enfants ! Le lecteur

qui lirait quatre livres par semaine ignorerait plus de 99,9 % des

livres existants (2). L'explosion des titres publiés est parallèle à

l'explosion des titres universitaires : il faut bien reconnaître que

l'intérêt des diplômés de l'Université et de ceux qui leur délivrent les

diplômes est davantage de publier que de lire.

 

Lire coûte cher. Ce n'est pas tant le prix du livre -le livre peut être

gratuit ou prêté. Mais le rechercher, l'obtenir, lui faire une place,

trouver un lieu pour le lire... ont un coût. Le temps de le lire

surtout : ce coût peut représenter, en valeur, jusqu'à six fois le prix

du livre, jusqu'au double du coût de gestion des bibliothèques et

jusqu'à 60 % du coût total de la lecture (3). Dans une économie riche,

le temps vaut plus que les choses. C'est, sans doute, la raison pour

laquelle nous achetons généralement plus de choses que nous ne pouvons

pleinement en profiter : il est, en effet, plus aisé d'acquérir des

trésors que de leur consacrer le temps qu'ils méritent. Lire est un

luxe.

 

Raison de plus pour ne pas "perdre" de temps : aidons le lecteur à

choisir tout de suite des textes d'intérêt pour lui (signification (4)),

permettons le "feuilletage" et le choix, prévoyons des temps et des

lieux de silence (pour la lecture)... Lisons, au lieu d'"apprendre" (5)

à lire. Temps compté. Vite : prendre et donner le temps de lire, de lire

exclusivement, et de lire, de lire, de lire...

 

Donnons du temps au tant.

 

Dégageons du temps (6) à et pour la lecture. Quel bonheur !

le temps "dégagé" :

             p a r   temps calme et temps clair

             tout est tant clair et tant calme !

 

Temps livre :

Temps libre

Tant livre

Temps ivre

T'enivres

Temps vivre

Tant vivre !

                                                                  Jean-Pierre LEPRI

 

Notes :

 

(1) En 1950, il paraissait 250 000 titres pour une population mondiale

de 2 500 millions de personnes : soit 100 titres pour 1 million de

personnes. En 2000, il se publie 1 000 000 de titres pour 6 000 millions

de personnes : soit 167 titres pour 1 million. Ces données sont

extraites de ZAID, Gabriel, Los Demasiados libros, Mexico : Oceano,

1996, p. 19 -ouvrage dont la lecture a inspiré ce texte.

 

(2) Il existe plus de 50 millions de titres : 4 livres par semaine,

200 par an, 10 000 en un demi-siècle.

 

(3) ZAID, Gabriel, op. cit., p.68.

 

(4) Les mots ont une (des) signification(s). Dans un texte, ces

significations forment un (ou des) sens. Ce(s) sens forme(nt), pour et

avec le lecteur, une (ou des) signification(s).

 

(5) Cf. Jean-François GARCIA, Jacotot, P.U.F., 1997, 126 p., ou Jacques

RANCIÈRE, Le Maître ignorant, Fayard, 1987, 234 p.

 

(6) Sur la maîtrise des temps, cf. notre "Les Temps et l'éducation",

13 quai Ja