2002_05_03
________________________________________________________________________
SdT volume 8, numero 2.
LES CITATIONS DU MOIS
________________________________________________
" Le domaine du visible, parce qu'il est
celui de notre engouffrement dans l'image,
est impartageable. Il faut nécessairement
un écart, qui est celui de la voix,
pour que l'image se constitue.
Cet écart est une sorte de deuil nécessaire
à la constitution commune d'un sens. "
Marie-José Mondzain
" Je vois clairement les choses dans ma pensée
jusqu'à l'horizon. Mais celles qui sont
de l'autre côté de l'horizon, je m'attache à
les décrire. "
Proust, Carnets, Gallimard, 2002.
________________________________________________
SOMMAIRE
1- Coordonnees
- Bienvenue a Aurelia Klimkiewicz, Veronique Henninger,
Christian Tremblay, Emilio Pastor Platero, Pierre Lusson,
Francoise Canon-Roger, et Colin Schmidt.
2- Carnet
- Echo de la liste Context.
3- Textes electroniques
- Un nouveau site : Text Semiotics.
4- Publications
- V. Beaudouin : Metre et rythmes du vers classique
- Methodos, n°2 : L'esprit. Mind/Geist
- Y. Chanteux : La langue, le talon et la paume. Approche
anthropologique de la classification nominale en peul
- C. Lopez Alonso, A. Sere : La lectura en lengua extranjera
- P. Cadiot, Y.-M. Visetti : Pour une theorie des
formes semantiques (motifs, profils, themes)
(compte-rendu de lecture par R. Missire)
5- Appels : Colloques et revues
- Seminaire CEDP "Le traitement du discours dans des recherches
en communication", Tours, 3-4 juin 2002.
111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees
111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111111
BIENVENUE AUX NOUVEAUX ABONNÉS
[information réservée aux abonnés]
222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222
Carnet Carnet Carnet Carnet Carnet Carnet Carnet Carnet Carnet Carnet
222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222222
{FR, 14/04/2002}
NOUVELLES DES LISTES
Sur la liste Context : Beum-Seuk Lee wrote:
Hello Contextists,
I'm looking for books on Context. If you know any good ones, would you
mind sharing the information with me? Thank you very much!
- What is the context in which you are looking for the book? It is hard
to suggest books unless we know the context:-)
Chandra
333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333
Textes electroniques Textes electroniques Textes electroniques Textes
333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333333
{FR, 14/04/2002}
BEAUX SITES
Cher(e)s collègues,
J'ai le plaisir de vous informer que le site web
Text Semiotics
est accessible au :
http://www.text-semiotics.org
L'objectif du site Text Semiotics est de cerner le domaine de la
sémiotique textuelle sur la Toile, en permettant l'accès rapide à un
grand inventaire de ressources en ligne. Le site Text Semiotics est un
projet international multilingue qui se veut démocratique et ouvert à
tous ceux qui désirent référencer ou exposer leurs publications.
Vous êtes cordialement invités à indiquer des liens, annoncer des
événements, signaler des publications et autres ressources en ligne
concernant la Sémiotique textuelle.
Actuellement la consultation est disponible en anglais, en français, en
russe ; des pages en d'autres langues seront rajoutées au fur et à
mesure de la collecte d'informations. Pour mener ce projet, le site a
besoin d'une équipe internationale composée des coordinateurs des
différentes sections. Nous recherchons des coordinateurs de sections en
anglais, en allemand, en italien, en russe et en espagnol.
Dans l'attente de vos suggestions, je vous prie d'agréer mes sentiments
les meilleurs.
Rossitza Milenkova-Kyheng
Rossitza.Kyheng@text-semiotics.org
444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444
Publications Publications Publications Publications Publications
444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444
{FR, 14/04/2002}
VIENT DE PARAÎTRE
METRE ET RYTHMES DU VERS CLASSIQUE
Corneille et Racine
Valérie Beaudouin
Cet ouvrage explore, avec des méthodes issues de la linguistique
informatique et sur des ensembles de vers d'une taille inédite
(80 000 vers du théâtre de Corneille et Racine), les relations
qu'entretiennent le mètre et le rythme dans le vers. Prenant appui sur
la théorie du rythme de P. Lusson et J. Roubaud, il propose un modèle
métrique hiérarchisé de l'alexandrin, où chacun des niveaux du modèle
est constitué d'une unité métrique qui se répète. Les unités (position
métrique, hémistiche, vers et rime) donnent chacune lieu à une analyse
approfondie de la relation entre le modèle abstrait et sa réalisation.
La distribution des composantes linguistiques (phonologiques, lexicales,
morpho-syntaxiques, sémantiques) dans ce modèle montre comment la
langue, en informant le modèle métrique, introduit du rythme. Des
dépendances métrico-rythmiques entre les différents niveaux d'analyse
sont également mises à jour, ainsi que des éléments sur les liens entre
le rythme et le sens, utiles dans une perspective stylistique.
Parallèlement, l'examen systématique de la rime chez Corneille et Racine
a permis de montrer l'existence de variations fortes dans l'extension de
la rime selon le type de terminaison et de proposer, sur des bases
empiriques, une nouvelle théorie de la rime. Celle-ci définit de manière
contextuelle les concepts de rime riche, suffisante ou pauvre, qui
dépendent du type de terminaison examiné, alors que ces concepts ont
jusqu'à présent été définis de manière générale. Le dictionnaire des
rimes attestées chez ces auteurs, ou Rimarium, est proposé en annexe.
L'ampleur sans précédent des corpus étudiés et le détail de la
description des différents niveaux d'analyse du vers permettent de
fournir aux métriciens, aux spécialistes de la littérature et aux
linguistes des données de référence indispensables à l'étude du vers
français.
Prix EUR TTC : 80.00
Editions CHAMPION : PARIS - Collection LETTRES NUMERIQUES
Format 16X23,5 - 634 pages - Relié 1 volume
N° SERIE: ISBN: EAN: 0002 2745305093 9782745305091
444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444
{FR, 14/04/2002}
METHODOS
Sommaire du n°2
L'esprit. Mind/Geist
"Mind/Geist" exprime la dualité des figures de l'esprit, ensemble
de phénomènes naturels objectivables ou instance immatérielle de
la pensée. La dichotomie est-elle, et a-t-elle, toujours été
considérée comme radicale ? La tension entre dimensions physique
et intentionnelle de la psychologie est déjà présente dans
l'Intellect ('Nous') d'Anaxagore, le premier philosophe de
l'Esprit ; chez lui l'action cosmogonique de l'Intellect est à
comprendre comme une métaphore du processus cognitif. Entre le
Geist hégélien et le Mind des empiristes anglais, l'"Esprit"
d'Auguste Comte résout la dualité en prenant une double dimension
: naturelle et historique. La philosophie transcendantale de
Husserl rejoint la psychologie descriptive de Dilthey dans sa
recherche d'un fondement des sciences de l'esprit. Peut-on mieux
définir aujourd'hui le domaine de la philosophie de l'esprit ?
Pour répondre à la question, il est nécessaire de déterminer le
statut de la 'philosophy of Mind' et les enjeux, historiques et
philosophiques, de sa constitution. Il faut aussi revenir sur la
polarité Mind/Geist, plus complexe en fait qu'il n'apparaît, si
l'on analyse le rapport constitutif qu'entretiennent l'un et
l'autre avec les mathématiques.
André LAKS - Les fonctions de l'intellect.
À propos, derechef, du 'Nous' d'Anaxagore
Laurent CLAUZADE - Auguste Comte et la naturalisation de l'esprit
Wioletta MISKIEWICZ - Vers un fondement psychologique transcendantal
des sciences : l'enjeu gnoséologique de la
rencontre de Husserl avec Dilthey
Sandra LAUGIER - Mind, esprit, psychologie
Jean-Michel SALANSKIS - Mathématiques, 'Mind' et 'Geist'
Analyses et interprétations
Perrine SIMON - Du langage à l'histoire des langues.
La théorie du langage d'Ernest Renan
Jean LASSEGUE - Note sur l'actualité de la notion de
forme symbolique
Frédéric KECK - Les théories de la magie dans les traditions
anthropologiques anglaise et française
Guillaume SIBERTIN-BLANC - Pour un naturalisme vitaliste :
les devenirs et la culture
Pierre MACHEREY - Descartes, est-ce la France ?
Éric DUBREUCQ - Méditation et pratique de soi chez Malebranche
Luca BIANCHI - "Interpréter Aristote par Aristote" : parcours
de l'herméneutique philosophique àla Renaissance
Denis THOUARD - Qu'est-ce qu'une "herméneutique critique" ?
Travaux
Compte rendu des activités de l'UMR "Savoirs et textes" pour les années
2000-2001 (Séminaires, Colloques, Thèses, Publications).
_____________________
Conditions de vente
Cette revue est en vente en librairie, ou peut être commandée
directement aux
Presses Universitaires du Septentrion
rue du Barreau B.P. 199
59654 Villeneuve d'Ascq Cedex - France
Internet : www.septentrion.com ; email : sinaoui@univ-lille3.fr
Prix à l'abonnement : 39,70 euros (pour deux numéros) (frais d'envoi
inclus) ; Prix au numéro : 24,40 euros (frais d'envoi inclus)
_____________________
Le projet scientifique
Issue de la rencontre de philologues, de philosophes et
d'historiens des sciences réunis dans l'Unité Mixte de Recherche
"Savoirs et textes" (UMR 8519, CNRS, Universités de Lille 3 et
Lille 1) par leur intérêt commun pour une relecture critique des
textes, Methodos, dont le deuxième numéro vient de paraître, est
une revue scientifique annuelle à caractère résolument
interdisciplinaire. Elle publie des articles qui relèvent de la
philologie classique, de l'histoire des sciences et de la
philosophie. Le but n'est pas de présenter, par simple
juxtaposition, des résultats de la recherche dans les domaines
mentionnés, mais d'ouvrir un espace de discussion véritablement
interdisciplinaire, où est relativisée l'opposition traditionnelle
entre cultures littéraire et scientifique, entre les actes de
comprendre et d'expliquer, au profit d'une réflexion sur les
opérations par lesquelles on arrive à un savoir donné. L'attention
portée aux méthodes pratiquées dans les trois disciplines, ainsi
qu'aux enjeux théoriques qui sous-tendent l'interprétation des
textes et les analyses des modes de savoir, permet de retrouver
une visée commune à travers la diversité des champs et de poser
les questions fondamentales d'une rationalité diversifiée, mais
non dispersée.
Présentation de la revue
La première partie de Methodos, qui donne son titre au numéro, est
thématique. Le choix du thème permet d'élargir encore le champ
interdisciplinaire en ouvrant les pages de la revue aux travaux
issus d'autres domaines de recherche qui peuvent nourrir la
réflexion commune. La deuxième partie, "Analyses et
interprétations", privilégie les contributions qui relèvent de ces
trois rubriques : (1) la lecture littérale de textes (littéraires
-grecs et latins-, philosophiques et scientifiques) et leur
interprétation ; (2) l'histoire des modes de lecture et de
compréhension de ces textes, les théories de l'interprétation ;
(3) la réflexion épistémologique sur les procédures et les
opérations de la recherche. Les articles ont pour point commun de
mettre en évidence les problèmes méthodologiques et théoriques
évoqués ci-dessus, dans le projet scientifique. La troisième
partie ("Travaux") est un état annuel des recherches effectuées
dans l'UMR "Savoirs et textes". Il vise à créer un espace de
discussion pour ceux qui veulent poursuivre, au sein de la revue,
le débat dans les différents domaines abordés (étant entendu que
les sujets des articles n'ont pas à se limiter aux thèmes
présentés dans cet état des recherches).
Conditions de publication
Les articles proposés (de 70 000 signes maximum) ne doivent pas avoir
été déjà publiés, ni être soumis simultanément à d'autres revues dans la
même langue. Ils peuvent être rédigés en français ou en anglais. Ils
doivent être remis en un exemplaire-papier, accompagné d'une disquette
ou d'un envoi par e-mail (thill@univ-lille3.fr), d'un résumé bref
(10 lignes maximum), en français et en anglais, et des coordonnées de
l'auteur. Les articles sont à adresser au secrétariat de la rédaction :
Florence Thill, UMR "Savoirs et textes"
Université Charles de Gaulle-Lille III, B.P 149
F-59653 Villeneuve d'Ascq Cedex
Tél. [33] (0)3 20 41 65 12 ; e-mail : thill@univ-lille3.fr
www.univ-lille3.fr/www/recherche/set
444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444
{FR, 14/04/2002}
VIENT DE PARAÎTRE
Yves Chanteux
La langue, le talon et la paume.
Approche anthropologique de la classification nominale en peul
2001, 314 p., 16X23, 2 cartes, 32 fig., ISBN 2-914719-01-9.
La problématique des classes nominales dépasse le seul cadre des langues
africaines. Appliqué au peul en effet, le concept de classe nominale ne
semble pas tant le fruit d'une réalité observable que la mise en oeuvre
d'un concept linguistique. L'ouvrage d'Yves Chanteux ouvre ainsi sur
l'analyse de cette énonciation grammaticale où se découvre l'élaboration
historique d'une sorte de mythe linguistique des classes nominales.
444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444
{FR, 14/04/2002}
VIENT DE PARAÎTRE
Covandonga Lopez Alonso, Arlette Séré
La lectura en lengua extranjera
Hambourg, Buske, 2001.
Cet ouvrage, résultat de nombreux travaux menés par l'équipe de
recherche de linguistique générale de l'Université Complutense de Madrid
(Espagne), constitue un importante apport à l'étude de la compréhension
et de la lecture en langues étrangères.
Les auteurs fondent leur analyse à partir de trois interrogations
principales :
1) Quelles sont les stratégies de lecture utilisées par un lecteur face
à un texte en langue proche, mais peu ou pas connue, à partir de ses
connaissances acquises en langue maternelle et dans d'autres langues
étrangères ?
2) Quelles sont les opérations interprétatives réalisées par le lecteur
à partir de la forme et de l'organisation du texte ?
3) Quel est le rôle du contexte dans l'interprétation du texte ?
Ce livre se compose de deux grandes parties : la première,
essentiellement théorique, offre une révision des trois axes qui
vertèbrent l'activité de lecture -texte, lecteur et contexte- ; la
seconde partie, essentiellement descriptive et explicative,
présente les processus de compréhension en fonction des différents
nieveaux de lecture et connaissances linguistiques. Ces processus
sont analysés dans les langues romanes mais peuvent être
transposables à d'autres langues.
Ce livre s'adresse à tout public s'intéressant aux problèmes que
posent la lecture en langues étrangères. Il s'adresse en tout
premier lieu aux spécialistes de linguistique textuelle et de
didactique des langues étrangères mais sa lecture est aussi
spécialement recommandée aux étudiants de linguistique, de langues
modernes, de psychologie et de pédagogie.
444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444444
{FR, 14/04/2002}
COMPTE RENDU
Compte rendu de lecture par Régis MISSIRE de :
Pour une théorie des formes sémantiques
(motifs, profils, thèmes)
Pierre CADIOT et Yves-Marie VISETTI, Paris, PUF, 2001
A bien des égards, l'ouvrage de Pierre Cadiot et Yves-Marie
Visetti se situe à la croisée des chemins : (i) entre linguistique
et sciences cognitives tout d'abord, puisqu'il prolonge, en les
réévaluant, les travaux des linguistiques cognitives
contemporaines qui visent à décrire et à expliquer "une communauté
d'organisation liant intimement perception et langage" ; (ii)
entre un imaginaire kantien critiqué -mais dont on ne se départit
jamais totalement-, et une conception phénoménologique et
gestaltiste de la perception ; (iii) entre le mot et le texte
ensuite, car si l'attention des auteurs se porte principalement
sur la sémantique lexicale, une sémantique des textes délimite
l'horizon de leurs propositions ; (iv) entre les attendus
légitimes des sémantiques cognitives, notamment regardant la
question de la référence, et l'assomption du caractère
différentiel de la signification linguistique. Loin que ces
oppositions (on en trouverait d'autres) engagent les auteurs sur
la voie moyenne de l'oecuménisme ou de l'éclectisme, on observera
un penchant pour le second terme, avec le souci constant d'y
reverser les problèmes soulevés par le premier.
Matériellement, l'ouvrage est divisé en quatre chapitres. Le
premier procède à un examen critique du schématisme kantien et du
rôle déterminant qu'il revêt dans l'économie des linguistiques
cognitives ; sa légitimité est remise en cause dans le cadre d'une
sémantique linguistique. Le deuxième chapitre présente alors les
concepts de 'forme' et de 'perception' tels qu'ils ont été
élaborés dans la psychologie des gestaltistes, et souligne les
analogies avec la phénoménologie husserlienne. C'est ensuite le
concept de 'champ thématique' qui est détaillé à partir d'une
lecture de Gurwitsch. Le troisième chapitre négocie les modalités
d'une transposition adéquate de ces concepts dans une sémantique
linguistique : le concept de forme se diversifie alors en
'motifs', 'profils' et 'thèmes'. Le dernier chapitre réexamine à
cette aune des problèmes linguistiques classiques (motivation,
affinités lexicales, polysémie, métaphore et sens figurés, formes
schématiques et grammaire, dénomination).
S'il fallait qualifier le style épistémologique des auteurs, on le
dirait volontiers de facture herméneutique : le lecteur ne
trouvera en effet pas dans l'ouvrage une présentation de type
axiomatique et déductif. Bien au contraire, le principe général
qui veut que le global détermine le local est exemplairement
illustré et l'un des effets concrets en est par exemple que si la
dernière section du troisième et avant-dernier chapitre s'intitule
"Tentatives de définition" (pour les concepts de motifs, profils
et thèmes), les termes mêmes apparaissent dès le début du livre. A
l'aspect programmatique de l'ouvrage sténographié par la
préposition du titre, correspond ainsi sur le plan pratique une
élaboration progressive des concepts, rythmée par des phases
protensives et rétensives qui, pour être constitutives de toute
lecture, n'en distinguent pas moins l'ouvrage au sein de son genre
d'appartenance. A un autre niveau, cette spécificité semble une
conséquence logique du statut privilégié accordé par les auteurs
au concept d'instabilité : son effet immédiat est d'affaiblir
significativement la possibilité d'un métalangage stabilisant et
de favoriser la voie de la glose intralinguistique. Si cette
économie générale est une réalisation en acte des positions
théoriques, la brieveté d'un compte rendu dissuade toutefois
d'emprunter le même parcours. On a donc choisi d'organiser la
présentation de façon non linéaire autour d'une dialectique
unification/diversification omniprésente dans l'ouvrage, et bien
connue des linguistes : de l'instance sigma-parole chez Heger à la
praxis énonciative des sémioticiens, en passant par l'espace des
normes chez Coseriu ou Rastier, la dichotomie langue/parole léguée
par Saussure n'a en effet cessé d'être creusée par les linguistes,
sans doute à proportion de sa possible homologation avec d'autres
couples philosophiques non moins célèbres. En l'occurrence, bien
des discussions présentées par les auteurs semblent justiciables
d'une telle reprise, avec cette spécificité que le primat ici
accordé au concept d'activité sémantique déstabilise la relation
généralement reconnue entre les termes aboutissants de la
traditionnelle dyade pour les déployer comme corrélats d'une
perception sémantique au sein de laquelle ils identifient des
régimes de sens différenciés. La présentation procédera donc de
l'unification vers la diversification, avant d'aborder leur
dynamique et la reprise de problèmes linguistiques dans ce cadre.
1. Unification (motifs)
Au titre de l'unification en langue, le propos des auteurs vise à
débusquer le schématisme dont sont diversement empruntes les
linguistiques cognitives contemporaines (le corpus convoqué
concerne essentiellement Langacker, Talmy, et les linguistiques de
l'énonciation d'inspiration culiolienne). Le parcours critique
part du postulat fondamental des linguistiques cognitives
("l'enracinement perceptif et plus généralement sensori-moteur et
kinesthésique de tout effet de sens"), pour aboutir à une mise en
exergue des insuffisances théoriques inhérentes à ces conceptions.
Regardant une problématique de l'unification, on retiendra la
séparation forme/substance et son corrélat technique, la
représentation essentiellement configurationnelle du niveau
schématique (le terme de configurationnel a chez les auteurs une
acception générique et désigne principalement le cadre
nécessairement spatial du déploiement de la signification, qu'il
soit explicité et modélisé géométriquement, diagrammatiquement ou
encore topologiquement). Pour donner corps à cette critique, les
auteurs mettent en évidence la filiation kantienne des
linguistiques cognitives, qu'elle soit alléguée ou pas. Deux
thèmes se dégagent de la discussion :
(i) La dimension conditionnelle du schématisme kantien reconduite
dans les linguistiques cognitives : de même que les schèmes sont
des conditions a priori assurant l'application des catégories de
l'entendement aux objets qui se présentent dans l'intuition, les
"catégories et schèmes les plus génériques d'une langue valent
comme [...] conditions d'une énonciation réussie dans cette
langue, ouvrant sur une expérience langagière spécifique, souvent
conçue à la façon d'une scène." (p.11) ;
(ii) une interprétation (trop ?) productive de la hiérarchie des
catégories chez Kant, d'abord mathématiques (qualité et quantité)
puis dynamiques (relation et modalité). Ainsi, à partir de
l'axiome kantien "Tous les phénomènes, au point de vue de leur
intuition, sont des grandeurs extensives" (Critique de la raison
pure, p.164), une tradition interprétative, dont seraient
tributaires les auteurs concernés, se serait crue fondée à
dissocier d'une part un répertoire réduit de schèmes purs de
l'imagination (que l'on trouvera transposé dans les linguistiques
cognitives sous la forme de "schèmes formels configurant une
intuition formelle-grammaticale, géométrisant ainsi une sorte
d'espace-temps sémantiquement homogène" p.44), d'autre part "une
expérience faite d'objets en bonne et due forme : c'est-à-dire,
dans les transpositions en linguistique, des syntagmes intégrant
des valeurs dites lexicales, ou de contenu, autour de ces schèmes
purement configurationnels." (p. 45).
D'épistémique au sens foucaldien, la suite de la discussion
devient proprement épistémologique, et les auteurs montrent que la
reconduction des prémisses du schématisme kantien en linguistique
engage une triple réduction du sémantique au grammatical, du
grammatical au schématique, et de ce dernier au configurationnel,
celui-là étant censé être traité indépendamment de la substance du
contenu, de tout investissement "notionnel". Des modulations sont
cependant apportées : si on trouve en effet un pur schématisme
configurationnel chez Langacker (topologico- dynamique), on note
toutefois un certain investissement substantiel du schématisme
dans d'autres modèles (p.ex., le concept de 'force' chez Talmy,
celui de 'contrôle' chez Vandeloise). Pour autant, la question
n'en reste pas moins posée : comment asseoir le répertoire des
dimensions articulant et décrivant le niveau d'unification
schématique ? Car soit l'imaginaire localiste l'emporte
(Langacker) et, paradoxalement, se trouve soustraite au
schématisme sa fonction constitutive qui est d'assurer une
médiation, soit on introduit des "grandeurs substantielles" dans
le schématisme, mais celles-ci procèdent d'ontologies (un espace
physique perçu pour Talmy, un espace physique qualitatif de type
aristotélicien chez Vandeloise) dont le primat est tout sauf
acquis, a fortiori pour une sémantique linguistique.
Sans contrevenir à la recherche d'un principe d'unification en
langue, l'obstacle du schématisme contraint les auteurs d'abdiquer
la perspective schématisante (ainsi que le terme de 'schème') pour
lui substituer une problématique de la perception sémiotique qui
trouvera plutôt ses fondements dans la phénoménologie husserlienne
et celle expérimentale des gestaltistes (principalement l'école de
Berlin). Globalement, la recherche s'annonce comme une tentative
de transposition des recherches en phénoménologie et en théories
de la constitution des formes dans une sémantique linguistique (et
non, les auteurs y insistent, une recherche de fondations).
Concernant le type de perception requise, elle doit, pour être
qualifiée de sémiotique, être nécessairement "une perception qui
se constitue comme 'relation à...', 'accès vers...', 'chemin
pour...', une perception d'identités qualitatives et de valeurs,
qui discerne corrélativement, comme sens incorporés à
l'apparaître, des motifs d'agir et des mouvements expressifs [...]
une perception [...] qui soit un accès immédiat à la médiation
sémiotique." (pp.63-64). Les auteurs mentionnent à cet égard la
réduction fréquente de la perception gestaltiste à une simple
perception de morphologies sensibles, alors qu'il faudrait
concevoir une saisie solidaire des formes et des valeurs, dont
l'effet immédiat est de grever sérieusement la séparation de la
forme et du sens. Aussi, fidèles au principe de la requiredness
chez Köhler, les auteurs insistent sur l'unité de la perception,
de l'action et de l'expression (le raisin que je vois sur l'étal
du maraîcher n'est pas que la saisie de la multiplicité floue des
grains dans l'unité de la grappe : c'est la promesse d'une saveur
éventuellement mnésique, d'une fonction peut-être roborative, une
invitation à l'ivresse, etc.). La perception, outre son aspect
proprement morphologique, devient donc d'emblée praxéologique et
expressive et il faut alors prévoir une diversification radicale
des dimensions articulant la description de la signification en
langue. A titre indicatif les auteurs présentent quelques exemples
de sémantique lexicale illustrant une telle différentiation des
axes sémantiques : accès sur le mode de perception morphologique
(visuelle) plus ou moins liée à un cadre fonctionnel (de
'aiguille', 'flûte', '...à bouche', 'boîte'...) ; accès sur un
mode d'interaction pratique et social ('client', 'touriste',...) ;
accès par la qualité de la sensation et/ou de l'évaluation
('prison', 'ennui', 'fouillis'...). Plus généralement, il importe
de ne pas faire obstacle à la prolifération des axes sémantiques
et les auteurs proposent de retenir (de manière non exhaustive) :
"perception, action, fonction, propension, axiologie, sensibilité,
expressivité, intériorité, spontanéité, passivité,..." (p.102).
Sans opérer un retournement radical où la dimension
configurationnelle n'aurait plus qu'une fonction ancillaire, cette
approche relativise son importance et montre que sa considération
dans notre aire culturelle, et dans les langues qui lui sont
associées, a pu la faire passer pour une condition, voire une
cause. Même pour les prépositions du français à emploi spatial
('sur', 'sous', 'contre', 'dans', 'en', 'par', 'chez'), a priori
les moins rétives à la réduction configurationnelle, les analyses
proposées dans le premier chapitre montrent que cette dimension
doit bien souvent être secondarisée.
Les auteurs proposent d'appeler 'motif' le principe d'unification
de ces dimensions, et relèvent que l'on peut bien souvent en
trouver trace au niveau du mot. Cependant, cette possibilité
d'unification étant notamment redevable d'une gestalt forte sur le
plan de l'expression, le mot, bien qu'ayant un statut privilégié,
ne sera pas nécessairement la seule grandeur à présenter un
principe unitaire sous forme de motif : on pourra aussi en
percevoir au niveau des lexies, des syntagmes, voire d'unités plus
étendues, pour peu qu'elles soient suffisamment stéréotypées. Pour
ne donner qu'un exemple (lexical), le motif de 'école'(analyse
pp.108-112) pourra se décrire ainsi autour de trois pôles
solidaires : "a) télique : programme/projet/perspective de
transmission ; b) configurationnel : agglomération, rassemblement
; c) sérialité, production conforme." (p.111).
Au niveau des motifs, l'une des conséquences majeures de l'unité
de la perception, de l'action et de l'expression, est
l'indétermination constitutive des dimensions évoquées dans cette
phase du sens : il faut concevoir une instabilité fondamentale à
cet endroit où toute dimension est susceptible de valoir pour une
autre, ne se différenciant -si l'on consent provisoirement une
représentation étapiste-, que plus en aval. Cette coalescence
nécessaire des motifs déstabilise une afférence (bien stabilisée)
de l'unification vers la stabilisation et l'abstraction : les
auteurs nous enjoignent en somme de surpasser ce qui pourrait
apparaître comme un oxymoron en concevant une unification instable
(conformes en cela à la perspective catastrophiste, les auteurs
s'en éloignent néanmoins sur d'autres points (cf. infra)). Cet
aspect détermine l' "ouverture morphémique" caractéristique de
l'unité lexicale pour laquelle on aura pu déterminer un motif,
ouverture qui ne se restreindra que dans d'autres régimes de sens,
dont le plus immédiat est le profilage.
II. Différentiation et identification (profils/thèmes).
A ce titre, c'est la fonction du motif qui va être interrogée,
toujours rapportée au rôle conféré à l'instance d'unification dans
les linguistiques cognitives contemporaines. Car outre l'obstacle
de la réduction configurationnelle, les auteurs notent également
un problème lié directement au statut accordé aux schèmes quand
les unités (le plus souvent lexématiques) qui leur correspondent
sont mises en syntagme : c'est la question (largement débattue
dans le cadre des études sur la polysémie) de la fonction
déterminative des schèmes. En deux mots, on se trouve confronté à
une double contrainte : l'aspect fonctionnellement déterminant des
schèmes, envisagés comme des types délimitant des potentiels
donnés en langue, ne peut se satisfaire par ailleurs de la
sous-détermination d'emploi empiriquement attestée des mots.
Plutôt donc que considérer la mise en syntagme comme une
stabilisation d'un potentiel ou la déformation contextuelle d'un
prototype donné en langue, les auteurs proposent d'envisager les
motifs comme "les composants immédiats d'une dynamique
constituante pour des sens à constituer, comme un principe
dynamique qui peut trouver à s'appliquer, à se transposer
immédiatement dans les dynamiques de constitution d'une infinité
de domaines." (p.13). C'est là un point théorique fondamental : il
consomme la rupture avec un imaginaire kantien aprioristique et
s'éloigne par là d'une épistémologie étapiste (du genre
type/occurrence) en introduisant le concept gestaltiste de
transposabilité des formes, soutenant ainsi une approche dynamique
de l'activité de langage où la strate des motifs coexiste (dans
une synchronie qualitative et différenciée) avec d'autres phases
de production et d'interprétation linguistique. Leurs relations
dépendent alors étroitement du concept de perception sémiotique et
d'une théorie générale du champ (cf. infra). Les auteurs le
formulent clairement : "C'est ainsi que nous tranchons le dilemme
habituel : il y a bien, dans de nombreux cas, une unité invocable
du mot, mais cette unité n'a pas le type de générativité qu'on lui
prête, elle ne s'identifie pas à un potentiel interne déterminant
a priori les modalités d'une stabilisation en syntagme." (p.97)
S'il faut prévoir une instabilité sémantique constitutive au
niveau des motifs, c'est dans le changement de phase qui mène aux
'profils' que s'amorce un début de stabilisation corrélatif d'une
différentiation des axes sémantiques. Cette déhiscence signale la
prise en compte de la nature différentielle de la signification et
de la problématique saussurienne de la valeur. C'est donc à ce
niveau que les auteurs situent l'articulation des classes
lexicales qui profilent chacune à leur manière les motifs, en
eux-mêmes relativement indifférents à ces classes. C'est là une
conséquence somme toute logique de l'unification de la perception,
de l'action et de l'expression constitutive des motifs : à la
nature relationnelle et transactionnelle de leur définition
s'oppose celle différentielle des profilages, qui peut également
s'interpréter comme une mise en saillance d'un nombre réduit de
dimensions stabilisant partiellement le motif. Les auteurs y
insistent, le profilage d'un motif par transposition sur des
classes de définition ne doit pas se voir comme "la stabilisation
d'une collection de potentiels par mise en couplage, [mais comme]
la mise en exergue, dans un champ, de formes et de dimensions
d'appréciation qui résultent d'une cascade interprétative globale
ou régionale, qui ne peuvent être la propriété des unités
résultantes (qui n'en sont que des effets, ou des indices de
déclenchement)." (p.131). Assomption de la nature différentielle
de la signification sur le plan linguistique, le profilage
engagera des remaniements des motifs par virtualisation ou
enrichissement, et la répartition entre fond et forme en est la
contrepartie sur le versant gestaltiste. Si, comme les auteurs le
soulignent, les motifs ne vont pas sans évoquer les sèmes
inhérents de la sémantique interprétative de F. Rastier,
l'analogie s'arrête là où les premiers formulent une problématique
de l'instabilité, alors que le second reprend la dichotomie
type/occurrence. La distinction entre motifs et profils permet
alors aux auteurs de reformuler l'opposition entre langue et
lexique : "On opposera ainsi langue (au sens de noyau fonctionnel
instable) et lexique (comme mémoire des chemins de stabilisation,
organisant profils et anticipations thématiques)." (p.37). Car si
le profilage doit d'entendre comme une "dynamique de
caractérisation différentielle", ce n'est qu'à un autre niveau que
l'on voit apparaître des grandeurs positives en l'espèce des
'thèmes'.
Derniers membres de la triade, les 'thèmes' se présentent comme le
pendant molaire des profils, où ils s'intègrent et se stabilisent
plus avant. C'est à ce niveau que s'articulent les grandeurs à
valeur ontogonique qui préparent la sortie du langage sur le
monde. On trouvera notamment la question de la référence
reformulée dans ce cadre. L'opposition profil/thème peut sans
doute se lire comme une autre guise de ce que Saussure relevait
déjà au sujet des deux aspects de la valeur, 'simile : similia'
(valeur systémique) et 'simile : dissimile' (valeur interne du
signe), que l'on retouve également dans le CLG sous la forme du
distinguo différence/opposition. L'enrichissement ici provient de
l'introduction des motifs, puisque l'on a désormais deux niveaux
instanciant des grandeurs non différentielles et "encadrant" la
strate des profils. On serait d'ailleurs tenté de voir dans le
couple motif/thème deux niveaux qui accueillent chacun certaines
caractéristiques généralement attribuées à la substance : aux
motifs reviendraient le pendant notionnel (dans une opposition au
formel), aux thèmes l'attribut de la permanence : la substance en
effet, d'un réceptacle de contraires qui l'affectent sans entamer
son identité à soi chez Aristote, à son schème chez Kant, conçu
comme ce qui a de permanent et d'invariable dans les choses,
présente régulièrement ce profil (ici enrichi d'une dimension
'fluctuante', affaiblissant sensiblement une permanence
monolithique (cf. infra)). Les thèmes se caractérisent donc au
niveau de l'identité et "cumulent les dimensions de l'accès et de
l'existence, dans leur globalité et dans la durée, à travers la
confrontation aux motifs et aux profils incidents." (p.138). Un
acteur par exemple s'identifie comme thème à la classe d'actants
qui le profile. Caractériser plus finement les thèmes et les
parcours thématiques nécessite préalablement de présenter
synoptiquement la dynamique qui organise les relations entre les
trois phases évoquées.
III. Activité de langage.
Que l'on considère motifs, profils et thèmes comme des grandeurs
objectivées ou comme des phases de l'activité perceptive (i.e
perception sémantique), leur évolution, dans une théorie
gestaltiste des formes, devrait être régie par un certain nombre
de caractères généraux articulant l'économie du champ perceptif.
Les principaux sont un "temps de constitution interne à la forme
(intégration, stabilisation, présentation par enchaînements
d'esquisses) impliquant une structure non ponctuelle du Présent
[...] ; organisation par figures se détachant sur un fond ;
caractère transposable des formes [...] transposition ne signifie
pas ici opération en deux temps, allant d'un domaine A à un
domaine B, mais renvoie à la disponibilité immédiate des schèmes
dans une variété indéfinie de milieux ; type des unités : pas de
type formel assurant la duplication des occurrences, mais un
rapport schème/instance, respectant l'écart potentiel/actuel. Le
cas échéant, évolution du potentiel à la faveur de ses
actualisations." (pp.53-54). La saisie concomitante des formes et
des valeurs ne doit pas masquer en effet que toute perception de
figure ne peut se faire que sur un fond, également sémantique.
C'est là un point qui signale la distance que les auteurs prennent
avec la plupart des modélisations catastrophistes : quand les
fonds sont pris en compte, ce qui n'est pas toujours le cas, le
passage du fond à la forme se conçoit comme la stabilisation d'un
germe instable (par exemple passage de la généricité à la
spécificité (cf. Piotrowski 1997)), et le parcours de
stabilisation s'effectue alors au fil d'un temps formel inadéquat
pour les auteurs qui se préoccupent davantage de processus
productif et interprétatif, donc d'emblée confrontés à un temps
historiquement et socialement normé. La relation fond/forme est
alors creusée à partir d'un commentaire de la "Théorie du champ de
la conscience" de Gurwitsch qui propose une lecture d'Husserl (en
particulier de la théorie du noème perceptif) à l'aune des
recherches gestaltistes. Sans entrer dans le détail, la
confrontation permet de mesurer la lointaine analogie que les
profils peuvent entretenir avec les esquisses husserliennes et les
thèmes avec les noèmes perceptifs. Les auteurs abandonnent
toutefois les concepts husserliens : là où les data hylétiques
apparaissent encore comme une rémanence du dualisme perceptif et
de l'élémentarisme, incongrues donc aux motifs qui bien
qu'instables sont déjà organisés, la cohérence de gestalt forte
(dans la reformulation gurwitschienne) des noèmes perceptifs
s'accommode mal de la plasticité des thèmes relativement aux fonds
sur lesquels ils se manifestent. C'est principalement la
description de la structure du champ de conscience que les auteurs
mettent à profit pour la dialectique fond/forme. Gurwitsch : "Nous
trouvons un premier type de conjonctions dans celles qui lient les
constituants du thème. Pour les conjonctions de ce type nous avons
proposé le terme 'cohérence de forme'. Nous apercevons un second
type de conjonctions dans celles qui lient le thème et le champ
thématique, ainsi que les éléments du champ thématique. Basées sur
des relations entre les contenus matériels [comprendre ici les
contenus noématiques] qu'elles lient, les conjonctions de ce type
constituent l'unité de contexte ou l'unité par relevance." (p.81
(Cadiot/Visetti)). Sommairement, le premier type de conjonction
intéressera les relations internes à la forme, le second les
relations fond/forme, et plus précisément le rôle instituant du
champ thématique dans la stabilisation des formes. On peut sans
doute interpréter l'unité par relevance comme une formulation
phénoménologique du principe herméneutique qui veut que le global
détermine le local. Les identités thématiques, et donc dans une
certaine mesure les profilages, ne s'affirment qu'en relation avec
le champ thématique : on pourrait dire avec les objectifs de la
pratique en cours. C'est ce dernier aspect qui défend d'envisager
les trois régimes de sens de façon étapiste ou déterministe mais
impose au contraire une salutaire circularité. Les cycles
particuliers au long desquels les changements de phases viennent
s'inscrire sont plongés dans le bain du champ thématique : "La
thématique obéit [...] surtout à des normes révocables :
rhétoriques, tactiques, stylistiques, typiques de genre textuel,
de domaines de discours, de pratiques socialement établies. Il ne
s'agit pas là d'une herméneutique seconde, au sens où elle
viendrait seulement 'après' les motifs et les profils : elle est
toujours déjà là, en tant que condition, toujours renégociable, de
la transaction en cours. En particulier, elle conditionne d'emblée
les profilages, et ne se contente pas de les rectifier dans un
après-coup (ce qui est aussi possible, naturellement)." (p.140).
Pour autre exemple de cette circularité, loin que les motifs
soient des grandeurs conditionnelles et "ante-perceptives", il
faut reconnaître aux locuteurs la capacité de leur saisie, "de
perception de leur diversité interne." (p.119). On pourra alors
décrire les sens figurés comme des déploiements particuliers de
motifs dans le champ thématique (et non comme des dérivations d'un
type) ; à l'inverse on identifiera des types thématiques,
c'est-à-dire des organisations qui condensent une thématique au
travers d'un ensemble de profilages liés et cohérents susceptibles
de reprises (ex : le type de Don Juan). Dans le champ thématique,
la perception sémantique est ainsi l'objet de stratifications
qualitatives entre les trois régimes de sens, que le sémanticien
n'a pas à anticiper ou à générer a priori, mais qu'il peut tenter
de décrire dans certaines de leurs régularités. A cet égard, les
auteurs caractérisent leur "style épistémologique" comme tel :
"Nous ne cherchons pas des théories qui s'appliquent mécaniquement
à un objet réduit, mais plutôt des théories qui définissent un
type de thématique scientifique, une méthode générale de mise en
forme de l'analyse, qu'il faut reprendre et transposer à chaque
étude nouvelle." (p. 188). La mise en place de ce cadre général
permet de reprendre à nouveaux frais (en l'occurrence
'transposer') un certain nombre de problèmes classiques légués par
la tradition linguistique.
IV. Reprises et ouverture
Les sept sections du dernier chapitre s'intitulent respectivement
: "Motifs et motivations", "affinités et anticipations lexicales",
"polysémie lexicale et méréonymies enchevêtrées", "dénomination",
"formes schématiques et grammaire", "motifs et sens figurés",
"mythe et métaphore". Faute de place, nous ne ferons que
caractériser rapidement les analyses proposées dans le dernier
chapitre de l'ouvrage (bien qu'elles représentent un quart de
l'ouvrage et soient essentielles pour intégrer la portée des
propositions).
La première entend la motivation dans le contexte d'une théorie
des formes comme une dynamique de stabilisation au niveau des
profilages et plus généralement comme "une relation unissant un
motif linguistique aux profils et aux thèmes à la constitution
desquels il est censé contribuer." (p.156). -- Affinités et
anticipations lexicales sont traitées comme des associations
privilégiées existant dans les trois phases sémantiques :
"affinités pour les motifs, horizons pour les profils, jusqu'au
enchaînements et transformations structurant les formes proprement
thématiques." (p.163). -- Pour les deux grands types de polysémie
généralement reconnues (transposition d'une forme sur des fonds
distincts ('gorge', 'aiguille', 'vague') et différentiation par
esquisses selon des principes synecdochiques, méréonymiques ou
aspectuels ('école', 'livre', 'maison')), le traitement proposé
tend vers une unification graduelle, distinguant les cas de
figures en termes de dynamiques de profilages (notamment les
diverses possibilités de répartition entre fond et forme à ce
niveau) et de thématisation. Cette unification est rendue possible
par le point de départ qui ne s'appuie pas sur une ontologie ad
hoc. -- L'étude de la fonction dénominative permet justement de
caractériser un mode d'activité de langage où la strate thématique
semble toujours première et "boucler" sur elle-même, occasionnant
un retrait relatif des motifs et profils. C'est l'occasion pour
les auteurs de revenir sur la toujours lancinante question de la
référence : "En résumé, la fonction dénominative consiste à
étiqueter une identité, c'est-à-dire un ensemble de rapports qui
nous lient d'emblée (même si nous n'y entrons pas effectivement) à
un thème appréhendé dans un cadre thématique réputé originaire
(i.e. reçu)." (p.181). -- La section intitulée "Formes
schématiques et grammaire" prolonge le premier chapitre et propose
de considérer la grammaire comme "l'ensemble des moyens et des
formats les plus génériques de profilage, rendant possible le
cycle entier du langage dans le champ de la parole." (p.193). --
Les deux dernières sections ("Motifs et sens figurés" et "Mythe et
métaphore") se suivent logiquement. La première rapproche dans
leurs principes sens figurés et polysémie, les distinguant
qualitativement par la prégnance plus ou moins figurative des
strates thématiques qu'investissent les motifs et la façon dont
elles y font retour : "Ainsi pouvons-nous, passant à travers les
sens figurés, les répartir selon leur type d'élaboration et
d'exploitation des motifs : on ira ainsi de la condensation
thématique encore figurative, toujours partiellement ancrée dans
des thématiques originales, jusqu'au motif émancipé, en passe de
gagner un statut générique, donc de se faire oublier dans une
polysémie de bon aloi." (p.198). Enfin, la dernière partie,
prolongeant la compréhension des sens figurés, détaille à partir
de la figure de la métaphore ce qui est non pas un cas particulier
du fonctionnement sémantique mais ce qui se présente plutôt comme
le point de départ de l'analyse : "Il faut renverser le sens de
l'explication à donner : ce qui est à expliquer ce ne sont pas ces
'tropes' omniprésents, mais le fait que nous puissions avoir
l'impression de leur absence. La sémantique linguistique doit
rendre compte de leur blocage éventuel, et non justifier leur
possibilité, qui lui arrive comme une donnée originaire."
(pp.168-169). Une reprise des travaux de P. Ricoeur dans le cadre
de la théorie des formes sémantiques permet de préciser deux
aspects essentiels de la métaphore non thématisés dans "La
métaphore vive" : (i) la question de la vérité métaphorique qui
est reversée à la dimension mythique du langage, entendue comme
transgression confirmatrice des normes, décrites ou non, de
profilage et de thématisation ; (ii) la dimension textuelle de la
métaphore, et de son identification, qui rappelle les affinités
entre la théorie des formes sémantiques proposée et la sémantique
textuelle, en particulier celle que développe F. Rastier. Les
allusions à la sémantique interprétative sont d'ailleurs
fréquentes dans l'ouvrage et nous avons fait le choix de ne pas
les mentionner systématiquement. Nous avons pris le parti de la
spécificité, ne cherchant pas particulièrement à valoriser les
homologations ou associations possibles : ce serait là un tout
autre travail, qui excède largement le cadre d'un compte rendu.
Nous conclurons toutefois sur deux brèves remarques qui, sans
prétendre initier cette comparaison, ont peut-être valeur
indicative. Ces deux remarques sont liées et intéressent le statut
conféré au plan de l'expression.
La première concerne la question de la temporalisation des
parcours thématiques. Les thèmes ne présentent en effet pas de
cohérence de formes fortes (proprement gestaltistes) : ils sont
fluctuants, "intuitivement approchables comme des entités
mélodiques et rythmiques ouvertes, réalisant donc, par rapport aux
cohérences de profils, une unité plus fluente, toujours
susceptible de décompositions ou compositions, de requalifications
imprévisibles." (p.143). Cet "aspect" des thèmes interroge les
auteurs, car si l'on distingue le thème de son parcours de
constitution, il devient difficile de faire relever celui-ci d'une
théorie des formes, sauf pour les thèmes "ponctuellement" donnés.
De manière générale, "la notion de parcours thématique brouille
les distinctions de type noèse/noème, ou procès
sémantique/résultat du procès." (p.147). Pour assurer le statut de
forme aux thèmes, les auteurs admettent alors "que les thèmes
s'identifient et se stabilisent socialement, dans la parole ou
dans les textes, par la médiation de parcours normés, ou du moins
privilégiés. Leur temps propre est, pour ce que la sémantique peut
en dire, un temps normé, social et intersubjectif, et non le temps
d'un sujet (serait-il celui de l'énonciation). [...] Par voie de
conséquence, transcrite dans les termes d'une théorie des formes,
cette notion de parcours comporte une indétermination originaire
de sa répartition sur le versant 'espaces' ou sur le versant
'temps' des formes thématiques." (p. 147). Pourtant, sans
assimiler le sens linguistique au sens du vécu et le locuteur à un
sujet philosophique, il semble qu'on puisse relativiser au moins
partiellement cette indétermination des parcours thématiques. Au
palier mésosémantique, on sait par exemple le rôle thématisant de
la prosodie et de l'accentuation. Si les grandeurs sémantiques
paraissent s'autonomiser au palier textuel, elles n'en restent pas
moins justiciables a priori d'une description sans solution de
continuité (donc unifiée) avec le palier inférieur (la question de
la concordance dans l'écriture versifiée classique par exemple
montre bien l'interrelation de normes relevant de niveaux
distincts).
Ce qui prépare la seconde remarque : si l'horizon de la théorie
des formes sémantiques est celui d'une sémantique textuelle, il
faut essayer de mesurer les conséquences qu'emporte la perspective
sémasiologique corrélative de la sémantique lexicale qui est le
point de départ des auteurs. Pour faire bref, est-ce que
l'attention portée à l'aspect différentiel de la signification ne
devrait pas mutatis mutandis être reportée également sur le plan
de l'expression ? On sait le problème : une linguistique purement
différentielle s'interdit tout simplement le concept de polysémie,
et les linguistiques "structurales" qui ont voulu en traiter ont
dû affaiblir la perspective différentielle, notamment en
reconnaissant des identités sur le plan du signifiant (K.
Baldinger par exemple), ou bien alors considérer que la polysémie
est un artefact du linguiste (F. Rastier). Si l'on autorise la
transposition des concepts développés par les auteurs au plan de
l'expression, on pourrait dire que le signifiant lexical est
toujours déjà thématisé, ce qui lui asssure son identité et sa
cohérence de Gestalt forte : "Ainsi, bien que sémantiquement
hétérogène, le mot serait quand même, de par la seule identité de
son signifiant (tant qu'elle est reconnue et donc élaborée par le
locuteur) un lieu critique d'unification tendancielle." (p.118).
On pourrait cependant arguer à l'inverse que cette identité est
problématique, doit être problématisée, ne serait-ce qu'à cause
des facteurs prosodiques, et, comme le propose F. Rastier, que les
signifiants ne sont pas plus donnés que les signifiés, procédant
les uns et les autres de discrétisations au cours de parcours
interprétatifs qui sont (devraient être) hautement déterminés par
le discours et le genre d'appartenance du texte considéré. Cette
focalisation sur le signifiant permet alors de caractériser
sémantiquement la recherche de motifs -et plus généralement
d'unification-, comme une subsidence momentanée de l'ordre
herméneutique qui va caractériser une inversion morphologique : le
motif subodoré devient le fond sur lequel vont se succéder des
formes domaniales et le motif s'élabore comme le modulo des
transformations occasionnées par la traversée imaginaire de champs
thématiques hétérogènes (ce rôle de l'imagination ne va d'ailleurs
pas sans évoquer la variation husserlienne). L'opposition n'est
peut-être pas irréductible pour autant, puisque d'une part la
sémantique lexicale distingue la polysémie de l'homonymie, ce qui
signale bien un rapprochement sémantiquement qualifié, et d'autre
part une sémantique textuelle doit rendre compte de textes qui se
caractérisent par une négation de l'appartenance générique, ou,
formulé positivement, comme relevant de genres qui prescrivent
l'indétermination des domaines sémantiques, et un attachement
particulier au signifiant (du calembour au cratylisme sophistiqué
d'un Renaud Camus). Rapporté à la dernière citation concernant
l'identité du signifiant, on émettra donc quelques réserves sur le
terme 'reconnue' (qui présupposerait une identité) et on insistera
sur le 'élaborée' qui caractérise un affaiblissement local du
thème différentiel corrélatif d'une assimilation sur le plan
perceptif, d'une stratégie sur le plan herméneutique. Ainsi,
centrées sur l'activité de langage, les propositions des auteurs
permettent de redistribuer les rôles et statuts d'instances
épistémologiques liées par une circularité qui faisait parfois
voir l'une comme le point aveugle de l'autre. A un autre niveau,
l'approche défendue permet de caractériser des modalités
hétérogènes de la description linguistique, promouvant, en levant
momentanément les fonds génériques identifiant divers cadres
théoriques, un motif commun à la polysémie et à la syllepse.
555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555
Appels Appels Appels Appels Appels Appels Appels Appels Appels Appels
555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555
{Laügt, 08/03/2002}
Séminaire CEDP
Le Centre d'Etude du Débat Public (Université François Rabelais, Tours)
organise les 3 et 4 juin 2002 un séminaire de recherche :
Le traitement du discours dans des recherches en communication
Intervenants : François Rastier, CNRS Paris X, Yves Jeanneret, CELSA
Paris IV, Max Reinert, CNRS Versailles Saint Quentin en Yvelines,
Jean-Maxence Granier, Thalès, Valérie Delavigne, CVC Orsay, Martine
Versel, ISIC Bordeaux III, Olivier Laügt, CEDP Tours.
Lieu : IUT de Tours, 29 rue du Pont Volant, 37000 Tours.
La participation ouverte et libre, sous réserve d'une inscription
obligatoire avant le 17 mai 2002. Les repas de midi du lundi et du
mardi pourront être pris sur place, avec une participation de 10
Euros par repas (chèque accompagnant l'inscription, à l'ordre de
l'Agent comptable de l'Université de Tours). Les inscriptions sont
à envoyer à :
CEDP - IUT de Tours - 29 rue du Pont Volant - 37000 Tours
555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555555