OÙ EN EST LA LINGUISTIQUE ?

Entretien de Arlette Séré de Olmos avec François Rastier

(Paru en 1992 dans C. Lopez Alonso et A. Séré de Olmos, éd.
Où en est la linguistique - Entretiens avec des linguistes
, Paris, Didier, pp. 99-108)

(Traduction espagnole en 1997 : Entrevista a Arlette Séré de Olmos,
Semiosis
, nouvelle série, I, 2, trad. Raquel Gutiérrez Estupinan, pp. 38-45)

 

A. Séré de Olmos : Comment vous situez-vous parmi les courants de la linguistique contemporaine ?

F. Rastier : Je ne revendique pas d'appartenance à un courant. J'ai été exposé à de la philologie romane et à de la sémantique structurale, et il m'en est resté des affinités avec des auteurs comme Pottier ou Coseriu.
Au reste, la linguistique contemporaine a souvent fait passer les théories avant les problèmes, et l'on assiste encore à des manifestations de dogmatisme (sur le plan scientifique) comme de sectarisme (sur le plan académique). Cela rend l'unité de la linguistique difficile à saisir : les divers courants, sans parler des écoles, encore moins des chapelles, ne communiquent pas assez entre eux. Un effort d'approfondissement épistémologique me paraît nécessaire, pour que la discipline puisse pleinement exploiter la richesse qui réside dans la diversité des courants et des approches.

A. Séré de Olmos : Qu'appelez-vous théorie linguistique ?

F. Rastier : Le mot théorie prend un sens différent selon que l'on considère la linguistique comme une discipline descriptive ou comme une discipline formelle.
Un auteur comme Chomsky n'hésitait pas à écrire : "Le centre d'intérêt est la grammaire ; le langage est une notion dérivée et probablement inintéressante". Depuis une quarantaine d'années, on a beaucoup parlé des grammaires, notamment formelles, mais trop peu des langues, qui cependant continuent de disparaître dans une sorte d'indifférence. Pendant que l'on discourt de l'universalité des grammaires, la diversité interne et externe des langues décroît ; et l'universalisme ne fait peut-être que refléter, voire précéder, l'uniformisation culturelle.
À mes yeux, le problème principal reste celui de la diversité des langues, et une linguistique scientifique ne peut être qu'historique, générale et comparée. Faute de reconnaître cela, on tombe dans la philosophie de langage ou la technologie. Il faut veiller par exemple que la linguistique cognitive ne devienne pas un mixte de métaphysique et d'informatique.
Pour la théorie linguistique, l'outillage conceptuel n'est pas nécessairement défini par une axiomatique, car le rationnel ne s'identifie pas au formel. Permettez-moi ce paradoxe : qu'importe la théorie si elle reflète correctement les problèmes. Ils ont leur objectivité. Sur l'anaphore, par exemple, diverses théories parviennent à poser les mêmes questions dans des termes différents. Il reste à mener le débat pour évaluer les diverses solutions. Des tests comparatifs seraient bien utiles.
Imaginons un petit apologue : pendant des décennies, on a pratiqué l'himalayisme lourd, des dizaines de porteurs se sont épuisés à monter vers les camps de base ; aujourd'hui, deux personnes bien entraînées font l'ascension dans la journée. Avec une théorie descriptive et un matériel conceptuel léger, on peut arriver à l'objectif plus tôt qu'avec une méga-théorie trop lourde.

A. Séré de Olmos : Quels sont d'après vous les apports de vos travaux à la linguistique contemporaine ?

F. Rastier : Je ne suis pas le mieux qualifié pour vous répondre.
En premier lieu, je souhaite accorder une prééminence de fait au niveau sémantique sur les autres niveaux. La morphosyntaxe constitue depuis longtemps le "noyau dur" des recherches linguistiques. Or, même pour mener correctement des recherches en morphosyntaxe, on a besoin d'une sémantique plus élaborée que celle dont on dispose.
En second lieu, il me semble que la description du texte ne devrait pas être séparée des autres paliers de la description linguistique. Aussi je cherche à relier la sémantique lexicale et la sémantique de l'énoncé à la sémantique du texte. Au-delà, je souhaite relier la sémantique du texte aux autres sciences sociales qui traitent des textes.
Or le niveau sémantique communique avec les représentations psychologiques et sociales, les conditions historiques de la production et de l'interprétation des textes. La linguistique doit occuper tout son espace, et aller au contact des disciplines voisines — ce qu' une morphosyntaxe aurait du mal à faire. Des recherches pluridisciplinaires peuvent alors être engagées sur des problèmes précis.
Par exemple, comment un texte suscite-il et contraint-il des représentations mentales? Cela intéresse aussi bien les collègues psychologues que les collègues littéraires. Ces représentations diffèrent selon les sujets, mais leurs éléments communs confirment à leur manière l'objectivité du sens.
Certes, le sens n'est pas immanent au texte, mais à la situation de communication. Des lecteurs qui se trouvent globalement dans le même type de situation vont se forger des représentations apparentées. Par exemple, si vous demandez à des élèves de repérer dans un texte les récurrences d'un trait sémantique, chacun obtiendra un score différent, mais cela confirme paradoxalement l'objectivité de ce trait, car chacun trouvera quelque chose. J'ai fait cette expérience sur le trait /vulgarité/ dans un texte de Zola. Les scores diffèrent en fonction de la connaissance des niveaux de langue et des normes— mais le texte demeure lisible, pour quelque temps encore.

A. Séré de Olmos : Quels sont les termes clé que vous utilisez ?

F. Rastier : J'essaie de créer le moins possible de termes, car la linguistique est encombrée de superfluités terminologiques. Chaque école a voulu rebaptiser à sa manière tous les objets pensables, et l'on se surprend à faire des cours de traduction intralinguistique pour expliquer aux étudiants que tel mot chez Untel signifie exactement la même chose que tel autre chez son collègue.
Un rappel pour préciser dans quel cadre se situent les termes clé que vous attendez. Pour décrire le niveau sémantique, j'ai proposé de distinguer quatre composantes :
(i) La thématique rend compte des contenus investis et de leurs structures paradigmatiques.
(ii) La dialectique rend compte des intervalles temporels, de la succession des états entre ces inter­valles, et du déroulement aspectuel des processus dans ces intervalles. Les interactions entre ac­teurs sont de son ressort.
(iii) La dialogique rend compte des modalités et des évaluations, bref, dans cette mesure, de l'énonciation représentée.
(iv) La tactique rend compte de la linéarité du signifié, et donc de l'ordre dans lequel les unités sé­mantiques à tous les paliers sont produites et interprétées.
Aucune directionnalité n'est imposée à ce dispositif hétérarchique, et chacune des composantes peut être simultanément en interaction avec toutes les autres. Les seules composantes dont l'interaction soit obligatoire sont la thématique et la tactique. Bien entendu, je ne formule aucune hypothèse réaliste sur ce dispositif théorique.
Dans l'espace de la thématique, j'ai notamment travaillé sur l'isotopie — et je remercie Greimas d'avoir créé ce concept, sinon ce mot. C'est un facteur de cohésion textuelle qui résulte de la récurrence de traits sémantiques. Par exemple la récurrence du trait /navigation/ crée une impression référentielle simple dans L'amiral ordonna de carguer les voiles. Tandis que dans Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin, la récurrence des traits /ville/ et /campagne/ crée une impression référentielle complexe.
Pour définir ce qu'on appelle intuitivement un "thème" (notion souvent utilisée mais rarement définie), j'ai proposé le concept de molécule sémique. Il s'agit d'un ensemble structuré de traits sémantiques, qui peut être lexicalisé de différentes façons.Par exemple, dans l'Assommoir, le groupement /chaud/+/jaune/+/visqueux/ +/néfaste/ se trouve lexicalisé par goutte, alcool, graisse, huile, morve, jus, pipi, casse-gueule, etc. La récurrence de ces molécules, indépendantes des domaines sémantiques, est certainement un facteur important de cohésion textuelle.
Les isotopies et les molécules sémiques relèvent au même titre de la composante thématique. J'ai utilisé ce concept de composante pour décrire les secteurs de structuration du texte. La relation entre composantes n'est ni hiérarchique si séquentielle (à la différence des théories génératives en linguistique et en sémiotique). Aucune composante n'en domine une autre, mais elle sont en interaction constante et pourtant variable. On peut définir un genre comme une interaction normée entre composantes. Par exemple, quand Dante écrit que le sonnet "convient aux amours et aux armes", il met en relation la composante thématique (dont relève la topique) et la composante métrique qui définit le sonnet sur le plan de l'expression.
Le problème qui se pose ici n'est plus seulement le problème fondateur de la linguistique, celui de la diversité des langues : c'est celui de la diversité des types de textes. Il faut reconnaître d'une part qu'il n'existe pas de texte sans genre, et en outre que tout genre relève d'un discours (ex. politique, juridique, religieux, etc.). Même les échanges linguistiques qui paraissent les plus spontanés, comme la conversation, sont réglés par les pratiques sociales dans lesquelles ils prennent place. Comme les textes ne sont pas gouvernés par des règles, au sens trop fort du terme qui est d'usage en linguistique, mais par des normes, la description des genres est un objectif primordial pour la typologie des textes. Elle permet en outre d'articuler les connaissances sur la structure de la langue avec les observations sur la structure des textes particuliers. Les linguistiques textuelles sont sous-estimé ces problèmes : la plupart sont universelles, sans doute par facilité, et se révèlent trop puissantes en théorie pour être utiles en pratique.

A. Séré de Olmos : Comment effectuez-vous vos observations, et quel est pour vous le statut de l'exemple ?

F. Rastier : Pour l'analyse de textes, l'essentiel des observations se résume à des lectures patientes et documentées. J'ai lu certains textes pendant dix ou vingt ans avant de les décrire. Klinkenberg m'a fait le reproche extrêmement flatteur, à mes yeux, d'avoir une intuition à la Léo Spitzer. Mais l'intuition n'est qu'un raisonnement encore informulé.
Le jeu des exemples et des contre-exemples, qui amuse beaucoup certaines écoles linguistiques, reste futile tant qu'ils ne sont pas attestés dans des corpus. Les exemples forgés ne sont que des créations théoriques, des artefacts sans valeur descriptive. Les prendre au sérieux conduit à négliger la valeur déterminante du contexte et de la situation. D'ailleurs, les phrases les plus absurdes, les plus "asémantiques" deviennent anodines dès qu'on les place dans un contexte adéquat.
En outre, les exemples, qu'ils soient attestés ou non, ne sont généralement que des phrases ; or l'objet de la linguistique n'est pas fait de phrases, mais de textes oraux ou écrits. Seule une linguistique restreinte peut se satisfaire d'exemples. Certains ne sont d'ailleurs que des signes de ralliement dont l'utilité sociale ne compense pas l'inanité scientifique.

A. Séré de Olmos : A partir de quelles langues travaillez-vous ?

F. Rastier : J'ai essentiellement travaillé sur des textes français, mais aussi d'autres langues, surtout des langues romanes. Quand je travaille sur des textes étrangers, ce sont toujours des textes littéraires.

A. Séré de Olmos : Travaillez-vous sur l'oral ou sur l'écrit ?

F. Rastier : Essentiellement sur l'écrit, qu'il s'agisse de textes littéraires, scientifiques ou techniques. J'ai cependant analysé des textes oraux transcrits, des interviews d'experts.

A. Séré de Olmos : Que pensez-vous de la formalisation ?

F. Rastier : La théorie des stades a connu des revers en politique, mais garde un certain lustre en épistémologie... Je ne crois pas que la formalisation soit le stade suprême de la linguistique. Au delà, pourquoi les sciences sociales devraient-elles se formaliser pour garder un droit à l'existence?
La formalisation de la linguistique reste toutefois une entreprise intéressante, qui doit être jugée à ses résultats. Mais nous avons d'abord et surtout besoin d'une bonne linguistique descriptive, dans tous les domaines d'application.
Par exemple, en Intelligence Artificielle, on essaye sans grand succès d'utiliser les grammaires les plus formelles. Il est troublant de voir un auteur comme Sowa, responsable de la recherche chez IBM, assurer que la grammaire générative n'est qu'un formalisme ennuyeux. Je lui laisse évidemment la responsabilité de ce jugement sévère, mais il reste que l'implantation informatique a plutôt besoin aujourd'hui de théories descriptives que de grammaires formelles.

A. Séré de Olmos : Quels sont les textes et les personnalités linguistiques sur lesquels vous vous appuyez ?

F. Rastier : J'ai eu la chance d'avoir pour maîtres Hagège, Greimas et Pottier. Mais je ne revendique pas une orthodoxie, et je ne crois pas aux arguments d'autorité. Le doute est d'ailleurs le devoir le plus strict du chercheur.
Le concept d'école a épuisé sa mission historique depuis l'invention de l'imprimerie, et celles qui subsistent sont des archaïsmes flagrants.
Je m'appuie sur les auteurs qui peuvent à l'occasion étayer ce que je cherche à démontrer, ce qui me conduit souvent à sortir du domaine de la linguistique pour aller dans ceux de la philosophie ou de l'histoire des idées.

A. Séré de Olmos : En dehors des linguistes, quels sont les auteurs qui vous inspirent ?

F. Rastier : Des historiens (comme Guinzburg), des philosophes (comme Schleiermacher ou Cassirer), des anthropologues (comme Sahlins). Mais surtout, certains écrivains, comme Proust, témoignent d'une réflexion sur le langage qui a sans doute eu sur moi beaucoup d'influence. Ils ont développé, dans la pratique, une inestimable connaissance de la perception sémantique, de la même façon que les peintres ont discerné les lois de la perception visuelle bien avant qu'elles ne soient formulées. Les linguistes ont beaucoup à apprendre des arts du langage, parce qu'ils mettent à nu des fonctionnements fondamentaux.

A. Séré de Olmos : Quelles sont les questions sur lesquelles vous avez travaillé et sur lesquelles vous travaillez actuellement ?

F. Rastier : J'ai travaillé longtemps sur la cohésion textuelle et la textualité, entendue comme ce qui rend un texte irréductible à une suite de phrases. Cela m'a conduit à étudier le problème de l'interprétation, y compris dans les traditions exégétique et herméneutique.
Si le sens est immanent à la situation de communication, la variation des conditions historiques de la lecture modifie les conditions d'assignation du sens. La sémantique interprétative peut décrire les différentes lectures d'un texte au cours de l'histoire comme une série de réécritures. Mais en décrivant les opérations interprétatives, elle ne produit pas pour autant d'interprétation. En cela, elle ne se constitue pas en herméneutique. Elle donne simplement les moyens de décrire et de hiérarchiser les différentes lectures.
Je travaille aussi à une critique de la philosophie du langage, qui constitue encore l'obstacle épistémologique principal à la création de sémantiques spécifiques à des langues. Elle véhicule en effet de nombreuses thèses liées à notre tradition métaphysique, d'où son universalisme constant.
Enfin, comme je me trouve depuis plusieurs années dans le milieu des recherches cognitives, j'ai étudié l'interaction de la linguistique avec l'intelligence artificielle, la psychologie cognitive et les neurosciences ; cela constitue la matière de mon dernier livre.

A. Séré de Olmos : Et quels sont les domaines dans lesquels vous ne travaillez pas ?

F. Rastier : Je ne travaille pas assez en morphosyntaxe ; quant à la phonétique, je ne l'ai abordée que par le biais de la stylistique. Je m'intéresse notamment à la sémantique de la prosodie.

A. Séré de Olmos : Est-ce que vous vous intéressez à un domaine d'application linguistique ?

F. Rastier : La description sémantique peut trouver des applications en didactique. On peut très bien pratiquer la sémantique textuelle dans les classes primaires. Si l'on donne des consignes précises aux élèves, cette sorte d'analyse peut prendre un aspect ludique. En tout cas, il faudrait dépoussiérer l'explication de texte, chétive héritière de la lectio médiévale.
Comme je travaille dans un laboratoire d'informatique, je m'occupe de traitements automatiques du langage, en particulier dans le domaine du dialogue homme-machine. Mais les applications les plus intéressantes à mes yeux concernent l'aide à l'analyse sémantique de grands corpus. Je collabore d'ailleurs en ce moment avec des collègues à un projet d'analyse thématique assistée par ordinateur. Nous avons commencé à étudier les sentiments dans trois cents romans français du siècle dernier. [1]

A. Séré de Olmos : Quel est le statut de la linguistique au sein des recherches cognitives ?

F. Rastier : C'est la seule science sociale qui soit incluse, au moins pour une part, dans ce regroupement de disciplines, et cela lui confère une responsabilité particulière à l'égard des autres sciences sociales. En particulier, les linguistes sont de fait les seuls, dans le milieu des recherches cognitives, qui pourraient faire valoir l'importance des facteurs culturels dans la cognition.
Il reste que le paradigme dominant dans les recherches cognitives est résolument universaliste et anticulturaliste. Pour la linguistique, cela entraîne l'abandon des recherches historiques et comparatives. Rappelons par exemple que l'Intelligence Artificielle ne concerne qu'environ 1% des langues vivantes.
On peut d'ailleurs s'attendre à une scission de la linguistique : l'informatique linguistique irait rejoindre les sciences "dures", et la linguistique générale retrouverait la philologie dans quelque glorieux conservatoire, doré mais désargenté.
Aussi est-il crucial de réaffirmer et de renforcer l'unité de notre discipline, en commençant par reconnaître sa diversité. Sinon la conception technocratique de la science qui inspire aujourd'hui bien des décideurs aurait vite fait de l'informatique linguistique le parangon de toute linguistique.

A. Séré de Olmos : Mais les recherches dans ce domaine ne sont-elles pas limitées ?

F. Rastier : Elles le sont au regard des effets d'annonce que les ténors de l'Intelligence Artificielle ont prodigué depuis trente-cinq ans. Ces effets sont liés aux mœurs académiques américaines, qui imposent de savoir se vendre, comme à une complaisance certaine à l'égard de médias friands de futurisme. Mais l'on devient plus prudent, et par exemple on ne parle plus de traduction automatique, mais de traduction assistée par ordinateur.
Cependant les recherches avancent, notamment dans le domaine de l'analyse et de la synthèse automatiques de la parole (serrures vocales, dialogue automatique pilote-avion, standards intelligents, etc.). Toutes sortes d'applications sont en train de naître, auxquelles la linguistique a sa part. Leur intérêt pratique dépend toutefois d'enjeux industriels qui nous échappent.

A. Séré de Olmos : Peut-on espérer des débouchés pour les étudiants en linguistique ?

F. Rastier : C'est déjà le cas, notamment s'ils ont une formation pluridisciplinaire.
En premier lieu, il y a des besoins énormes pour le recueil et l'analyse des corpus linguistiques liés à des applications (dialogue homme-machine, création de systèmes experts). Mais bien des linguistes ne sont formés ni à recueillir des corpus, ni à faire leur analyse sémantique. Il faudrait donc une formation particulière à ce que je me suis permis d'appeler l'ergonomie linguistique.
Par ailleurs, les linguistes devraient participer plus qu'ils ne le font à la formation des informaticiens qui travaillent dans le domaine du "langage naturel" (c'est un anglicisme). En effet, la conception spontanée du langage et des langues qui fait partie des idées reçues dans les milieux de l'I.A. reste assez rudimentaire.
J'espère que notre discipline saura s'adapter à cette situation nouvelle.


[1] NDLR. Cette recherche a donné lieu à la publication de L’analyse thématique des données textuelles — L’exemple des sentiments, Paris, Didier, 1995 ; rééd. Texto ! (http://www.revue-texto.net).


©  juin 2006 pour l'édition électronique