LE MÉTALANGAGE D'APRÈS HJELMSLEV. ÉPISTÉMOLOGIE SÉMIOTIQUE

Sémir BADIR
Université de Liège

(Résumé de thèse)

 

SECTION I. Déstin des concepts de connotation et de métalangage en France

Les concepts de connotation et de métalangage n'ont pas trouvé dans la théorie de la linguistique structurale qui s'est le plus diffusée la place que Hjelmslev avait définie pour eux. Ils en ont trouvé une autre, à partir d'une interprétation de Roland Barthes. Or, les difficultés théoriques rencontrées dans cette interprétation sont symptomatiques de problèmes généraux auxquels est exposée la linguistique structurale. Les chapitres de la première section sont consacrés à leur exposition.

SECTION II. Lecture de Hjelmslev

La deuxième section propose une lecture attentive du chapitre 22 des Prolégomènes à une théorie du langage (1943) dans lequel Hjelmslev a avancé les concepts de connotation et de métalangage. Toutefois, il n'a pas été possible, et il aurait d'ailleurs été regrettable, que le commentaire se limite à cet unique chapitre. En réalité, c'est la totalité du système théorique élaboré par le linguiste danois qui y est convoquée. Mais la lecture, en dirigeant l'interprétation de ce système vers deux concepts particuliers, lui donne un sens générique que Hjelmslev n'a pas cherché à souligner. C'est là en effet que la finalité de la théorie hjelmslevienne devient clairement épistémologique. Cette interprétation - la nôtre - n'est sans doute qu'une parmi d'autres possibles; elle a en tout cas l'avantage d'expliquer le peu de résonance, voire l'incompréhension, que la théorie hjelmslevienne a trouvé auprès des linguistes. Ceux-ci pensaient en effet lire un système méthodologique qu'ils ont été très nombreux à juger "impraticable" à cause de la déraisonnable exigence formelle dont il fait part. En lui assignant au contraire une fonction épistémologique, on serait tenté de penser que la théorie présentée dans les Prolégomènes poursuit un tout autre but, déjà fixé par Saussure, que celui attendu par les linguistes. Ce but, pour lequel il ne s'est trouvé depuis pratiquement aucun relais, est de rendre au langage la priorité qui doit être la sienne dans la réflexion épistémologique.

SECTION III. Portée théorique de la notion de métalangage au sein de la linguistique structurale

Le projet d'une science linguistique est lié à la nécessité du renouvellement de la réflexion épistémologique. C'est à ce lien - difficile, instable et peu apparent - que l'on doit dans le Cours de linguistique générale (1916) de Ferdinand de Saussure la création d'une série inédite de concepts. Et comme il s'est agi aussitôt de les faire servir dans une méthodologie particulière, devenue celle de la linguistique structurale, l'attention nécessaire à leur portée épistémologique a pu faire défaut. De là ont découlé les problèmes théoriques, les lacunes dans les applications et les dissensions internes qui ont finalement marqué le déclin de cette tendance, historiquement très importante, de la linguistique. Le pari tenté dans les chapitres de la troisième section est de parvenir à redéfinir de façon cohérente les principaux concepts employés dans la méthodologie générale de la linguistique structurale sans modifier, ou si peu, les applications que permettent ces concepts dans l'analyse proprement dite. La section est divisée en deux volets de questions. Les chapitres du premier volet sont focalisés sur la problématique de l'articulation entre langue et parole; les concepts, apparemment bien connus, de signifiant, de signifié et de signe y sont tour à tour examinés, ainsi que la notion d'arbitrarité. Dans les chapitres du second volet, ce sont les concepts de paradigme et de syntagme qui font l'objet de l'attention la plus soutenue; en route, se voient également redéfinies les notions de sème, de classe et de dénotation. Le concept de métalangage permet de rendre toutes ces questions beaucoup plus claires et de contrôler la cohérence de leur organisation.

SECTION IV. Actualité épistémologique de la notion de métalangage

Les analyses structurales et poststructurales du langage se voient ainsi pourvues d'une " théorie formelle ", comme on se propose de la désigner, dont il importe d'évaluer les possibilités de résistance vis-à-vis des théories linguistiques concurrentes qui ont permis à d'autres méthodes d'analyse de supplanter les analyses structurales. Les chapitres de la quatrième section mènent des débats avec ces nouvelles théories en fonction de critères de cohérence, d'adéquation et de simplicité. La théorie formelle y est confrontée d'abord avec la théorie de la pertinence, telle que Luis Prieto l'a présentée, elle aussi, comme un effort de redéfinition de la théorie saussurienne, ensuite avec la sémantique cognitive, enfin avec l'analyse pragmatique du langage.

SECTION V. Conclusions

Mais la théorie formelle n'offre pas une assise épistémologique consistante au seul bénéfice des sciences du langage. Car, pour réaliser ce projet, elle se présente nécessairement comme l'esquisse d'une nouvelle épistémologie générale, qu'on s'est proposé d'appeler, en raison de l'attention qu'elle porte au langage, épistémologie sémiotique . Bien sûr, l'examen de cette ambition dépasse largement la limite des compétences disponibles pour notre recherche. À tout le moins, dans la cinquième et dernière section, a-t-on voulu montrer que la théorie formelle a retrouvé, en se mesurant à d'autres théories linguistiques, les mêmes arguments critiques que ceux qu'ont produit, par des biais différents, Jacques Derrida, d'une part, Gilles Deleuze et Félix Guattari, d'autre part, à l'encontre du discours de la métaphysique et de la tradition logicienne de l'épistémologie. Et si, cependant, la théorie formelle trouve à se distinguer du travail critique de ces philosophes, c'est par son souci de reconstruction d'une nouvelle épistémologie générale.


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©  mars 1998 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : BADIR, Sémir. Le métalangage d'après Hjelmslev. Epistémologie sémiotique. Texto ! mars 1998 [en ligne]. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Inedits/Badir/Badir_Metalangage.html>. (Consultée le ...).