LES FONDATIONS DE LA SÉMIOTIQUE ET LE PROBLÈME DU TEXTE.
QUESTIONS SUR LES
PROLÉGOMÈNES À UNE THÉORIE DU LANAGAGE DE LOUIS HJELMSLEV

François RASTIER
C.N.R.S.

(Texte paru dans Zinna, A. (éd.), Hjelmslev aujourd’hui, Brepols, Turnhout, 1997, p. 141-164.)


Plus d'un demi-siècle après la parution des Prolégomènes, il convient de mesurer le chemin parcouru et de questionner les formes présentes de la sémiotique, discipline toujours énigmatique. Je le ferai du point de vue d'une sémantique des textes, partie intégrante d'une sémiotique des cultures. Je commencerai par questionner les Prolégomènes sur le texte. Mais mon point de vue ne sera pas historique : je prendrai certes le parti de la tradition, mais pour apprécier ce qui vit aujourd'hui du projet hjelmslévien. Cela n'ira pas sans une réflexion historiographique, qu'impose la temporalité propre des sciences humaines.

I. Le geste de fondation

1. Fallait-il fonder la sémiotique ?

Le geste de fondation suppose une rupture avec une tradition déniée plutôt que dépassée. Un sémioticien français affirmait naguère que la sémiotique était née en 1966 ! Délimiter un objet impose certes de nécessaires refus, mais une discipline peut-elle s'édifier sur la dénégation de son histoire ? Sans doute le geste de fondation suppose-t-il une conception axiomatique des théories scientifiques, qui permettrait de les créer ex nihilo, décisoirement.

L'historiographie de la sémiotique a-t-elle dépassé les deux formes archaïques que sont le mythe de fondation, et les généalogies subséquentes ? Le geste de fondation est un tic contemporain. Il accuse les traits archaïques ou barbares du scientisme moderne, qui entend réitérer le geste newtonien des Lumières, et remet indéfiniment en scène les sciences dures et les disciplines molles, nous sommant de choisir entre la physique mathématique et le bavardage, comme si la sémiotique devait culminer dans la mathématisation du concept, ou sombrer dans un ressassement humaniste.

Toute fondation est tout à la fois héroïque et mythique : que l'on songe à celle de Rome par Enée, ou à celle de Lisbonne par Ulysse. Naturellement, la fondation ne devient effective que par le récit, et l'épopée intellectuelle que nous narrons prend alors la place du mythe d'origine. Mais les fondateurs de la sémiotique contemporaine n'ont pu achever leur programme, ils ont sombré dans l'océan de leurs brouillons. Nous devinons leur projet par un patient travail d'édition posthume. Si les sources manuscrites du Cours ont commencé à être publiées dans les années soixante, la plupart des manuscrits de Saussure restent cachés dans ce que Parret, par allusion sans doute à la mythologie germanique, a appelé le trésor de Harvard. Le résumé de la théorie du langage de Hjelmslev est une oeuvre posthume reconstituée voire constituée patiemment par Whitfield. Et avant que le programme d'édition des oeuvres de Peirce ne soit suspendu, on en prévoyait l'achèvement pour l'année 2.025. Les sémioticiens les plus fervents, naturellement fascinés par le décryptage, s'emploient ainsi à divers travaux exégétiques, sur des corpus assez étendus et obscurs pour y faire de longues carrières. Ils chantent ainsi une fondation déjà faite, mais restée inconnue. Leur art légendaire s'appuie sur la tradition orale, les manuscrits énigmatiques, et laisse libre cours aux écoles ou aux sectes. Leur prophétisme reste inévitablement rétrospectif. Puissent-ils reconnaître tout ce qu'ils doivent, pour la reconstruction de leurs textes fondateurs, à la philologie par ailleurs tant vilipendée pour son historicisme...

Le modèle généalogique, biblique par excellence, a longtemps tenu lieu d'histoire. Chaque fondateur donnait naissance à une lignée. Ainsi, l'école de Paris s'est tenue jusqu'à sa disparition à : Saussure genuit Hjelmslev, qui genuit Greimas, qui genuit Courtés et Fontanille. Par l'invocation rituelle des aïeux, les Pères et Docteurs proposaient à leurs disciples un modèle généalogique de la pensée. Mais étendu sur trois générations seulement, il ne pouvait tenir lieu de la tradition déniée par ailleurs. En outre, il cachait non sans ingratitude une foule d'oncles influents : Husserl, Merleau-Ponty, Jakobson, Benveniste, Coseriu, mais aussi Wölfflin, Panofsky, Cassirer.

Bref, comme tous les fondateurs modernes de la sémiotique, Hjelmslev est un auteur légendaire. Il a peu publié de ce qui l'a rendu célèbre, et sa grande oeuvre, le Résumé, est restée inachevée, bien qu'il y ait travaillé sans relâche pendant les vingt dernières années de sa vie. Les Prolégomènes n'étaient qu'un début, sans doute indépassable.

Deux questions s'élèvent alors, que nous laisserons sans réponse. Fallait-il fonder la sémiotique ? Si c'est le cas, était-il possible de le faire ? L'inachèvement n'est pas par lui-même une réponse, mais peut-être une conséquence du projet.

2. Le geste discursif des Prolégomènes

Le geste de Hjelmslev est d'abord discursif, ou du moins peut être étudié comme tel, car l'oratio commande la ratio. Par les formes de l'exposé théorique, Hjelmslev affirme, bien plus nettement que Saussure et Peirce, la volonté de jouer l'origine absolue et de rompre avec l'histoire - alors même que ses ouvrages antérieurs, notamment les Principes de grammaire générale, et de La catégorie des cas, tenaient à se situer dans l'histoire des idées linguistiques, et souvent y contribuaient remarquablement. Mais ici, la théorie du langage s'affirme explicitement contre la théorie humaniste (cf. 1971 a, p. 15). Une théorie axiomatique ne peut d'ailleurs être doxographique. Dans le même mouvement, Hjelmslev rompt avec la problématisation. La théorie du langage ne revêt pas de caractère critique, elle n'est pas exposée à débats et conjectures, ce dont témoigne la brutale brièveté des chapitres, cinq pages en moyenne dans l'édition de référence. Le laconisme a toujours séduit les défenseurs d'une vertu scientifique incompatible avec les blandices de la rhétorique. Il s'oppose ici implicitement à la copia humaniste - bien qu'il soit une des formes suprêmes de l'éloquence, et que les Prolégomènes lui doivent sans doute une part de leur autorité.

La conception de la science ici mise en oeuvre est issue des Seconds Analytiques qui la définissent comme un corps de connaissances rationnelles obtenues déductivement. Dans les sciences du langage, nous lui devons tous les projets de grammaires universelles, depuis le milieu du treizième siècle.

Le modèle contemporain est sans doute celui des Principia Mathematica, comme en témoigne la présentation axiomatique du Résumé. Dans l'entre-deux-guerres, il faut en outre rappeler l'entreprise de Bloomfield (`A set of postulates for the science of language', 1926), et celle de Bühler (Die Axiomatik der Sprachwissenschaften, 1933). La présentation du Résumé comme un corps dogmatique de définitions et de règles s'inspire de ces programmes. N'y a-t-il pas quelque adamisme dans ce geste de dénomination répété des centaines de fois ?

La volonté de rupture dans l'histoire est redoublée par une rupture avec la diachronie. Enfin, le geste de constitution, caractéristique du progressisme moderniste, se traduit par l'absence de bibliographie qui signale une volonté de faire table rase, et d'effacer ainsi le problème du caractère historique de la science.

En somme, l'erreur géniale de Hjelmslev aura été de fonder, une fois de plus, la sémiotique, sans tenir compte de la tradition antique et classique, indissociable - jusqu'à Peirce inclus - de la métaphysique. Mais cela lui aura permis en particulier de rompre avec le réalisme qui caractérise cette tradition.

3. Les Prolégomènes comme programme pour les sciences

Les deux premiers chapitres et les deux derniers mots du livre, Humanitas et universitas, n'ont pas peut-être assez retenu l'attention des chercheurs. Au début de l'ouvrage, Hjelmslev, pourtant excellent philologue, prend parti contre la philologie et l'humanisme, jugés relativistes. Pour assurer aux sciences humaines un fondement sžr, il propose une fondation formelle de la linguistique, aussitôt étendue aux autres sciences humaines (1971 a, p. 18). Cette extension n'est pas sans incidence sur leur type épistémologique. Par exemple, l'histoire peut devenir prédictive : " sa théorie permettrait de décrire tous les événements possibles (c'est-à-dire toutes les combinaisons possibles d'éléments), et les conditions de leur réalisation " (p. 16).

Dans une seconde étape, à la fin de l'ouvrage, la théorie du langage passe des lettres aux mathématiques par la linguistique (p. 137), puis à toutes les sciences, voire au " savoir humain dans son entier ", ce qui justifie les deux derniers mots de l'ouvrage (Humanitas et universitas, p. 160). Ce programme, dont je ne discuterai pas les modalités, fait ainsi de la théorie du langage l'unificatrice de toutes les sciences. Hjelmslev reformule à sa façon la thèse néo-positiviste de l'unité de la science, que Morris et Carnap reprenaient en 1938 dans l'Encyclopaedia of Unified Science ; mais il place cette unification sous l'égide de la linguistique et non de la logique.

À la volonté d'unification théorique répondait déjà dans La catégorie des cas l'unité des objets : " La linguistique, dont les objets sont du même ordre objectif que les objets de toute autre science, et soumis aux mêmes conditions générales de la connaissance " (1935, p. 86). Cette notion de conditions générales suppose la thèse de l'unité de la science, aboutissement de la prétention du rationalisme dogmatique à régler toute connaissance.

Si le projet de Locke a pris une valeur initiatrice pour la sémiotique moderne, ce n'est pas par sa conception de la sémiotique, somme toute traditionnelle, puisqu'il concevait les signes comme de simples instruments de l'esprit ; mais parce qu'il a adapté la tripartition stoïcienne des connaissances en physique, logique et éthique, marquant simplement le rôle des signes dans la logique. L'intérêt de cette tripartition consiste précisément à rompre avec le dualisme de la matière et de l'esprit. Le sémiotique est en effet un mixte intolérable de sensible et d'intelligible, qui ne se laisse réduire ni à l'un ni à l'autre. Et la sémiotique joue un rôle épistémologique positif dans la mesure précisément où elle peut s'opposer au réductionnisme dont témoigne la thèse de l'unité de la science.

La sémiotique de Morris et Carnap, comme celle de Hjelmslev ont connu des échecs. Mais alors que la première élevait par la tripartition syntaxe / sémantique / pragmatique l'obstacle principal au développement des sciences du langage pendant le demi-siècle qui vient de s'écouler, la seconde, assurément moins sommaire, devait sans doute à son origine linguistique une meilleure adéquation à son objet. Et surtout, en refusant le réalisme naïf de la dénotation et des valeurs de vérité, elle reconnaissait obliquement la spécificité ontologique du sémiotique.

a) Le problème de l'adéquation est-il soluble par la méthodologie ?

Une première aporie prend sa source dans le principe d'immanence. Rapporté à la sémantique, il a été compris comme si le sens était inhérent au texte, et qu'il suffisait de le mettre en évidence par la méthode appropriée. On peut, on doit contester cette interprétation, mais dans la théorie hjelmslévienne, la méthode constitue l'objet. Ainsi, une sémiotique est définie comme une mutation  - terme générique qui regroupe la commutation et la permutation - liée au même plan et au même rang. La commutation est un mode de donation des unités, et remplace en cela tout à la fois l'évidence positiviste et la construction herméneutique. De l'atomisme du positivisme logique demeure cependant le postulat que les unités linguistiques sur les deux plans sont discrètes. On peut douter qu'il convienne à l'étude des textes ; par exemple, Hjelmslev prévoit d'utiliser l'épreuve de commutation pour l'analyse des genres et des oeuvres (cf. 1971 a, p. 229) : il serait surprenant que cette épreuve, déjà fort critiquable au palier du morphème, soit applicable à de grandes unités, car elle repose sur l'invariance de contextes immédiatement adjacents à l'unité définie. Que serait par exemple la commutation des grandes unités textuelles (notamment celles qui n'ont pas de position isolable) ou des unités décalées (fonctions narratives enjambant deux chapitres, effets de contretemps, etc.) ? Non seulement la commutation se limite à des contextes linguistiques minimaux (les seuls qui puissent être comparables), mais elle ne tient évidemment pas compte des contextes non linguistiques. Ils ont pourtant, semble-t-il un caractère constituant, de sorte que le sens n'est pas immanent au texte, mais à la pratique d'interprétation.

Produit d'une linguistique du signe, la commutation culmine dans l'analyse morphologique. Etendue à la sémiotique, elle permet de discerner la signification de signes isolés, et de les grouper en paradigmes minimaux. Mais pour rendre compte du sens d'un texte ou de toute autre performance sémiotique complexe, les procédures d'analyse ne suffisent pas, car l'interprétation ne se réduit pas à une analyse. En d'autres termes, la commutation est utilisable, dans d'étroites limites, pour une analyse de la signification lexicale, mais non pour une interprétation du sens textuel.

b) Le refus de l'interprétation

Si la notion d'interprétation n'a pas été retenue par Hjelmslev, même parmi les 454 définitions du Résumé, c'est assurément qu'elle ne lui était pas utile. En effet, " ce qui décide s'il y a signe ou non n'est pas le fait qu'il soit interprété " (1971 a, p. 140). Cette prise de position semble liée au statut ancillaire, ou plus précisément inessentiel, de la sémantique dans la théorie hjelmslévienne. La distinction entre forme et substance sépare l'analyse de l'interprétation, sans pertinence pour une analyse définie comme formelle. Le formel est considéré comme au delà du phénoménal : les procédures s'appliquent objectivement, par une méthodologie sans sujet qui ne tient compte ni de l'énonciation et de la génération, ni de la compréhension et de l'interprétation.

Certes, à la différence du signe, le symbole est interprétable ; mais à strictement parler ne relève pas de la sémiotique, car il fait partie des " grandeurs non sémiotiques interprétables " (1971 a, p. 143).

L'interprétation, comme en logique, est exclue du système : " Il n'y a, pour le calcul de la théorie, aucun système interprété, mais seulement des systèmes interprétables. Il n'y a donc aucune différence sur ce point entre l'algèbre pure ou le jeu d'échecs d'un côté et par exemple une langue de l'autre " (1971 a, p. 141). L'interprétation d'un texte ou d'une autre performance sémiotique ne jouerait donc aucun rôle dans sa description. Cependant, comme nous l'avons souligné par ailleurs, on ne peut faire l'économie du problème de l'interprétation puisqu'il gouverne celui de l'identification des unités. En d'autres termes, l'interprétation conditionne la description.

c) Pour une critique philologique

En effet, les simples précisions philologiques sur la date, le genre, l'auteur et les destinataires d'un texte, conditionnent au sens fort sa compréhension et au sens faible son interprétation (en tant qu'elle relève de la sémantique interprétative). Le parcours de l'interprétation part de ces conditions herméneutiques pour reconstituer les formes sémantiques du texte, puis fait retour de ces formes vers ces conditions, pour soumettre leur pertinence à examen critique. Ces deux mouvements dessinent le rudiment d'un cercle herméneutique.

Cependant Hjelmslev considère que les facteurs jugés externes (dont les normes et les styles) doivent être considérés après la description des sémiotiques dénotatives et connotatives. C'est l'objet respectivement de la métasémiologie et de la métasémiotique. La première, identique en pratique à la description de la substance, traite du son et du sens ; la seconde analyse les multiples " sens du contenu " (nationaux, régionaux, stylistiques, personnels, etc.) : " de même que la métasémiologie des sémiotiques dénotatives traitera en pratique les objets de la phonétique et de la sémantique sous une forme réinterprétée, la majeure partie de la linguistique sociologique et de la linguistique externe de Saussure trouveront dans la métasémiotique des sémiotiques connotatives leur place sous une forme elle aussi réinterprétée " (1971 a, p. 156).

La relation du langage au métalangage a été théorisée par la logistique russellienne, dont Hjelmslev reste ici tributaire. La coupure qu'elle instaure doit être problématisée. Les usages métalinguistiques d'une langue ne la transforment pas pour autant en métalangue : ils diffèrent simplement par leurs normes des autres usages. Hjelmslev reconnaît que la langue est sa propre métalangue, mais veut toutefois créer un code symbolique propre à la théorie du langage. Une ambiguïté demeure, car la théorie n'est pas un métalangage. Elle consiste en définitions : or, en termes hjelsmsléviens, la définition est une division, dans la même langue, et sur le même plan. L'équivalence entre le défini et le définissant ne peut être confondue avec une identité, et dépend de conventions locales. Or la théorie hjelmslévienne ne distingue pas sur ce point l'équivalence de l'identité pas posée : elle postule l'identité du défini et du définissant, et par là l'adéquation du langage et du métalangage.

Selon nous, la réflexivité que permet la définition par équivalence reste le propre des sciences humaines et témoigne de leur circularité vertueuse : celle qui tient à leur caractère herméneutique et critique. Aussi élevons-nous deux objections. La première intéresse la séparation entre métasémiologie et métasémiotique. Celle-là étudie la substance du contenu en tant qu'elle est constituée d'objets irréductibles par l'analyse, mais on n'a pas assez remarqué que ces objets sont tout simplement les objets physiques, susceptibles en tant que tels d'une étude statistique (cf. p. 150). La métasémiotique, en revanche, accueille les contributions de l'ethnologie, de la sociologie et de la psychologie (cf. p. 151). Mais la sémantique telle que nous l'entendons ne saurait distinguer l'objet du phénomène, elle n'a affaire qu'à des phénomènes, et à des contraintes linguistiques sur la phénoménalité : aussi les programmes de physique du sens restent réductionnistes, alors que pour une sémiotique des cultures, les objets sont constitués par des évaluations sociales, et non par des données physiques. Si l'on convient de cela, la métasémiotique devrait absorber la métasémiologie.

Une seconde objection touche les relations entre disciplines et métadisciplines. D'une part, la métasémiologie devrait commander l'étude des sémiotiques dénotatives, pour les raisons par exemple que la sémantique gouverne la syntaxe, ou que la commutation est fondée sur la reconnaissance d'équivalences sémantiques dont le fondement reste implicite. D'autre part, la métasémiotique devrait commander l'étude des sémiotiques connotatives, car la situation du texte aussi bien que celle de l'interprète régissent l'interprétation -sans d'ailleurs la déterminer strictement. En somme, ces métadisciplines ne peuvent être rejetées dans le futur : elles sont en effet présupposées par toute interprétation réglée, car l'interprétation conditionne la description.

II. Le texte chez Hjelmslev et le paradigme du texte

Eclairons la perspective herméneutique de notre propos en posant la question du texte et de son analyse. Le texte fait problème pour la sémiotique, dans la mesure où elle est l'héritière de philosophies logiques de la signification, qui s'attachent avant tout à la définition et à la typologie des signes, plutôt que des théories du sens issues de la pratique herméneutique (juridique, religieuse et littéraire notamment).

La manière la plus simple d'éluder la question consiste à considérer le texte comme un signe. C'est la solution que choisissent Peirce, comme Greimas ou Eco (cf. 1988, p. 32 : " le Message équivaut au Signe " ). Cette esquive fait évidemment peu de cas de la différence de niveau de complexité entre le signe et le texte, mais surtout empêche de penser l'incidence du global sur le local, en l'occurrence du texte sur chacun des signes qui le composent.

En revanche, elle s'accorde parfaitement avec le principe logique (attribué à Frege) de la compositionnalité : si la signification d'une expression est composée de la signification de ses sous-expressions, on dérive le sens du texte de la signification des signes, et l'on annule en fait la distinction entre signification et sens.

La problématique du signe s'oppose pourtant, sur les plans historique et épistémologique, à la problématique du texte. Le signe, pourrait-on dire, c'est le contraire du texte.

a) L'objet texte et le concept de texte

Parmi les linguistes, qui généralement s'arrêtent à la phrase, voire comme Benveniste théorisent cette limite de fait, Hjelmslev garde le rare mérite de considérer que la théorie du langage est une théorie des textes (cf. 1971 a, p. 26) : " Il est certain que l'analyse du texte [...] échoit au linguiste comme une obligation irréductible " (1971 a, p. 28). Si les données du linguiste se résument au texte " dans sa totalité absolue et non analysée " (1971 a, p. 21), cela n'entraîne pas qu'il soit par lui-même l'objet de la théorie. En d'autres termes, il peut être un objet empirique transitoire, sans être considéré pour autant comme un objet de connaissance.

La définition des Prolégomènes ne permet pas de trancher sur ce point : " Un texte peut être défini [...] comme une syntagmatique dont les chaînes sont manifestées par tous les sens " (1971 a, p. 138). En cela, le texte s'oppose au langage, qui est la paradigmatique correspondante. Or l'objectif de la théorie hjelmslévienne, héritière en cela encore de la vulgate saussurienne, est de décrire le langage, non le texte.

Le Résumé précise en outre qu'un texte est la syntagmatique d'une sémiotique dénotative (cf. 1975, p. 14). Donc les syntagmatiques des sémiotiques connotatives, parmi lesquelles la critique d'ascendance barthésienne ou greimassienne a rangé les textes littéraires, ne seraient tout simplement pas des textes. Cela suscite une difficulté supplémentaire, à moins d'admettre que la théorie du langage s'édifie sur des textes dénotatifs, ce qui serait à tout le moins normatif.

Ainsi, pour la théorie hjelmslévienne du langage, le texte est primordial, mais non fondamental : il sert simplement de point de départ à l'analyse. Mais cette décomposition, que Hjelmslev appelle déduction, permet-elle ensuite d'y fait-elle retour ?

b) Le texte est-il une unité linguistique ?

Il reste à préciser encore si le texte est une unité. Selon Conte (1985, p. 174), ce n'est pas le cas : tout ce qui est dit ou écrit en danois serait un texte. Elle se réfère pour affirmer cela au passage des Prolégomènes que nous venons de citer (1971 a, p. 138). Pour désigner le texte comme unité, Hjelmslev parle d'oeuvre (1971 b, p. 228 ; work dans l'original anglais, cf. 1973, p. 151). Dans une conférence de 1947, il critique même la philologie pour n'avoir pas étudié les grandes unités du contenu, en donnant pour exemple la poésie ou la littérature scientifique, les écrits d'un même auteur, les oeuvres considérées isolément, puis les parties de ces oeuvres. Cet usage évite alors l'ambiguïté ordinaire qui donne à texte deux antonymes : en tant qu'il s'oppose au langage le texte n'est qu'une manifestation (d'une étendue quelconque) ; en tant qu'il se distingue par exemple du chapitre ou de la phrase, c'est une unité, ou selon nous un palier de complexité.

Mais dans les Prolégomènes, texte au singulier (text) désigne une syntagmatique, alors que textes au pluriel (texter) désigne des unités linguistiques - qui ne sont pas seulement des unités empiriques, puisqu'elles peuvent être engendrées par la théorie.

Remarque. - Sémir Badir (1998) a très clairement analysé les raisons et les enjeux de cette contradiction : " La situation de la notion de texte demeure toutefois ambigu' dans les Prolégomènes, car il est l'équivalent tantôt de la manifestation linguistique tantôt de la réalisation linguistique. Nous l'avons considéré jusqu'à présent comme réalisation, en fonction de certains développements explicites des Prolégomènes, tels encore que :Il est donc impossible d'avoir un texte sans qu'une langue le sous-tende: ` Une langue peut, au contraire, exister sans qu'il se trouve de texte construit dans cette langue. Cela veut dire que cette langue est prévue par la théorie du langage comme un système possible, sans qu'aucun processus correspondant en ait été réalisé. Le processus textuel est virtuel.' "  (1971a, p. 56.)

Mais, plus loin dans les Prolégomènes, Hjelmslev apparente le texte à la syntagmatique, sans se soucier d'établir si cette dernière est ou non réalisée. La définition du texte est alors seulement la définition d'une syntagmatique linguistique, dont la particularité n'est dépendante que d'une propriété de manifestation : `Une langue peut être définie comme une paradigmatique dont les paradigmes se manifestent par tous les sens, et un texte peut être défini de manière semblable comme une syntagmatique dont les chaînes sont manifestées par tous les sens. [...] En pratique, une langue est une sémiotique dans laquelle toutes les autres sémiotiques peuvent être traduites, aussi bien toutes les autres langues que toutes les structures sémiotiques concevables. Cette traductibilité résulte de ce que les langues et elles seules sont capables de former n'importe quel sens [...]'(1971 a : pp.137-138.).

Cette définition, on le voit, est assez éloignée de l'acception de texte comme " donnée d'analyse ". Hjelmslev  explique la discrépance en ces termes : `Si l'on peut parler de données [...], ces données sont, pour le linguiste, le texte dans sa totalité absolue et non analysée (undivided and absolute integrity). Le seul procédé possible pour dégager le système qui sous-tend ce texte (to order a system to the process of that text) est une analyse qui considère le texte comme une classe analysable en composants'. (1971 a, p. 21).

La traduction française masque un élément important de la pensée hjelmslevienne : le texte est une syntagmatique en tant qu'il est soumis à l'analyse. Le texte rassemble alors l'avant et l'après de l'analyse. Avant l'analyse, il est une donnée; pendant, il est reconnu pour sémiotique, et, dans ce cadre d'analyse, pour une syntagmatique. Le texte est ainsi à la fois une condition et l'un des résultats de l'analyse - l'autre résultat étant la langue, c'est-à-dire, pour Hjelmslev, une paradigmatique ".

c) Le texte sans textualité

Trois obstacles de généralité décroissante s'élèvent ici.

(i) Les textes générés ne sont pas interprétés. - La théorie, qui s'appuie sur l'analyse de textes attestés, a un caractère prédictif et définit des textes possibles : " Grâce aux connaissances linguistiques ainsi acquises, nous pourrons construire, pour une même langue, tous les textes concevables ou théoriquement possibles [...] Il faut encore [...] faire de même pour les textes de n'importe quelle langue " (1971 a, p. 27). Le projet dépasse en ampleur le programme bien ultérieur de la grammaire générative, qui se limitera aux phrases. Mais il se heurtera aux mêmes difficultés de principe. La première est que les textes attestés et les textes possibles n'ont pas le même statut : les premiers sont des occurrences, et les seconds sont des types. Les premiers sont situés, et donc interprétables. Les seconds sont dépourvus de situation, et donc dépourvus de sens.

(ii)Le texte est homogène mais non polysémiotique et polysystématique. -  Mais pourquoi la théorie générerait-elle des textes, et non du texte, ce partitif désignant une syntagmatique infinie ? Selon nous, elle ne pourrait générer que du texte, car son objectif unique est de décrire " la langue, d'après laquelle est construite la structure de tous les textes d'une même nature supposée " (1971 a, p. 27). Or un texte n'est pas simplement le produit d'un usage du système linguistique (pour autant que l'on admette l'homogénéité ou l'isonomie structurale de ce système), mais de l'interaction entre ce système et d'autres systèmes de normes socialisées, dont le discours, le genre, voire l'idiolecte. En particulier, les normes qui permettent d'individuer un texte, et pour ainsi dire de mettre fin à sa génération, ne relèvent pas du système de la langue. Une théorie du langage ne peut produire des textes dès lors qu'elle se limite à décrire le système fonctionnel des langues.

En outre, le texte est réduit à un seul ordre, puisqu'il est défini comme une syntagmatique (op. cit.. p. 138). Or, il nous semble nécessaire de tenir compte de quatre ordres, qui correspondent à autant de modes de description linguistique : les ordres paradigmatique, syntagmatique, herméneutique et référentiel. L'assimilation du paradigmatique au système de la langue entra”ne de fort lourdes conséquences, car les paradigmes textuels, comme les genres, ne relèvent pas de la langue.

Enfin et surtout, une contradiction s'élève entre le postulat méthodologique d'une homogénéité structurale et le constat courageux que tout texte dépend de plusieurs systèmes (styles, tons, mouvements ; cf. op. cit. p. 145). Hjelmslev l'a lucidement formulée : " nous avons travaillé en supposant que le texte donné présente une homogénéité structurale [...] Au contraire, tout texte [...] contient d'habitude des dérivés qui reposent sur des systèmes différents " (1971 a, p. 145). Mais cette constatation in fine, à l'avant-dernier chapitre des Prolégomènes, devrait conduire à refondre les vingt-et-un qui précèdent : le caractère polysémiotique et polysystématique de tout texte doit selon nous être reconnu au principe de la théorie de la textualité.

(iii) La totalité sans globalité. - Si Hjelmslev n'emploie pas à propos du texte le mot d'unité, il emploie l'expression totalité absolue (absolutte helhed). Cela ouvre la question du rapport entre global et local au sein du texte. La méthode d'analyse a chez Hjelmslev une fonction définitoire ; or " le seul procédé possible pour dégager le système qui sous-tend ce texte [comme totalité] est une analyse qui considère le texte comme une classe analysable en composantes " (1971 a, p. 21). On objectera sans peine que l'élément n'est pas en lui-même local, et que le global ne saurait se définir comme une classe. Mais malgré l'apparence, Hjelmslev se garde de confondre le rapport ensembliste entre la classe et ses éléments et le rapport méréologique entre la partie et le tout. Contre le " réalisme naïf " de la logistique, il souligne que l'analyse a pour but d'identifier non des parties de l'objet donné (ici le texte) mais les relations qui les définissent, si bien " qu'une totalité ne se compose pas d'objets mais de dépendances " (1971 a, p. 37). Entendons bien qu'il ne s'agit pas seulement des rapports et des dépendances entre les parties, mais également entre les parties et le tout.

Il reste cependant que " la totalité de l'objet examiné n'en est que la somme " (1971 a, p. 36), ce qui définit une sorte de compositionnalité structurale, et interdit nous semble-t-il de décrire l'incidence du local sur le global, d'autant plus que les relations structurales fondamentales (interdépendance, détermination, et constellations) s'établissent entre les parties de l'objet, non entre l'objet et ses parties.

En somme, Hjelmslev tient compte du texte, mais les procédures qu'il lui applique ne tiennent pas compte de la textualité. Si donc la distinction entre le texte comme syntagmatique et le texte comme unité n'est pas problématisée, c'est nous semble-t-il parce que la théorie ne rend pas compte de la textualité, et sans doute ne pouvait pas la concevoir. Les procédures descriptives sont en effet de type morphosyntaxique et étendent au palier du texte les concepts et les méthodes du palier inférieur.

Outre l'épreuve de commutation que nous évoquions plus haut, l'analyse du texte garde également de l'analyse morphosyntaxique le principe de l'homogénéité structurale, qui lui permet d'opérer une segmentation en unités de même rang. Ce principe est définitoire de l'objet, même si le concept d'homogénéité compte parmi les indéfinissables de la théorie. Or l'approche morphosyntaxique ne rend pas compte des inégalités qualitatives entre les unités de même rang. Pour une sémantique interprétative, tous les sémèmes par exemple n'ont évidemment pas la même connectivité, et certains sont au centre de faisceaux isotopiques complexes. Les relations qu'ils entretiennent ne se résument pas aux dépendances inspirées du modèle syntaxique, notamment quand elles sélectionnent des contextes lointains. Généralement, les formes sémantiques saillantes dont ils sont les points remarquables correspondent à ce qu'on pourrait appeler des noeuds herméneutiques, au croisement de plusieurs moments de parcours interprétatifs.

Entendons bien que l'analyse hjelmslévienne du contenu en étudie la forme, et non la substance - qui est notamment l'objet de la sémantique. Elle postule en effet que le système linguistique est une forme qui peut être étudiée indépendamment de la substance. Mais la sémantique étudie les normes, et non ce système. Elle doit donc rendre compte des inégalités qualitatives, des positions remarquables, bref de tout ce que l'ancienne rhétorique nommait la convenance et l'occasion (kairos).

Enfin, bien qu'elle prévoie la génération de textes possibles, la théorie ne fait pas retour aux textes dont elle est issue. Comme elle ne produit pas d'interprétation, elle n'a pas à décrire les parcours différenciés du global au local, puis du local au global. L'analyse décrit un processus inverse de celui qu'autorise et impose le principe de compositionnalité. Cette décompositionnalité  n'apporte pas plus, dans le passage du tout aux parties, que la compositionnalité n'apporte dans les opérations inverses. Ce déficit doit être rapporté à l'objectivisme maintenu de la théorie hjelmslévienne du langage, comme aux liens épistémologiques qui l'unissent à la philosophie du positivisme logique, notamment dans le projet de fondation formelle de la sémiotique.

III. La fondation formelle et le fondement herméneutique

Nous sommes à présent en mesure de revenir au problème de la fondation, non plus comme geste discursif, mais comme corps de principes épistémologiques.

1. La fondation formelle

La fondation formelle de la sémiotique a suivi en ce siècle deux voies principales : la fondation logique chez Morris et Carnap, la fondation linguistique chez Hjelmslev. La première voie est issue de Peirce (dont s'inspire Morris) et de Frege (que suit Carnap). Elle conduit à la philosophie formelle de Montague et à la pragmatique formelle chez Lewis, Stalnacker, Vandervecken notamment. La gnoséologie qui la sous-tend, dans sa version ordinaire, est celle du positivisme logique. La linguistique y est fondée à partir de la sémiotique des langages formels (cf. Chomsky, Montague). La sémiotique du paradigme dit symbolique des recherches cognitives constitue le développement majeur de ce courant.

La voie suivie par Hjelmslev procède d'une logique d'inspiration husserlienne, que son non-réalisme oppose décisivement au positivisme logique. La dénotation y est définie comme une relation entre le contenu (grandeur sémiotique) et l'expression, et non comme relation entre une expression et un objet. D'où la légitimité et l'importance de l'analyse du contenu, là où le positivisme logique privilégie le calcul syntaxique.

L'incompatibilité des deux courants éclate à propos du signe : pour Hjelmslev, toute sémiotique est biplane, à l'image des langues ; aussi, selon lui, la " conception logistique de la sémiotique comme monoplane " aurait conduit à une généralisation prématurée à partir de structures non sémiotiques. Le débat - qui en est resté à son début - porte donc sur le concept de symbole et sur la semiosis. La sémiotique hjelmslévienne garde certes par son refus du réalisme une portée exemplaire, qui lui permet de penser l'autonomie du sémiotique. Corrélativement, en se refusant à rapporter la signification à d'énigmatiques choses ou états de choses, elle amorce une rupture avec la métaphysique.

Les difficultés auxquelles elle s'est heurtée tiennent cependant à des présupposés communs avec le positivisme logique. Ils sont propres à la fondation formelle en tant qu'elle est logique, ou plus exactement logiciste. En voici trois. a) Les objets sont discrets et identiques à eux-mêmes. b) Leur identification et leur catégorisation sont le fait la méthode scientifique - cela indépendamment de tout sujet, car le monde phénoménal ne relève pas de la théorie. c) L'empirique et le formel sont distincts, de manière que les objets sont résumés à leur forme relationnelle.

Aussi, elle se heurte à trois apories.

a) La dissociation entre validité et adéquation ; si " la théorie ne dépend pas de l'expérience " (1971 a, p. 24), si sa validité est distincte de son applicabilité, quelle est la garantie de sa valeur empirique, hors de l'Intellect Archétype?

b) La puissance de la théorie est telle qu'elle ne peut être employée que par restriction. Rançon de son ambition formelle, elle doit rendre compte du possible (phrases, textes et langues possibles), et Hjelmslev sur ce point anticipe Chomsky. En outre, elle parvient d'emblée à une telle généralité qu'elle excède les spécificités de son objet initial : la théorie linguistique se développe inévitablement en sémiotique. En effet, les axiomes que présupposent les prémisses de la théorie du langage ne peuvent, à cause de leur généralité, être spécifiques à cette théorie (cf. 1971 a, p. 25).

c) En manquant la spécificité de l'objet, on manque aussi la spécificité de la discipline sémiotique, qui se trouve ramenée au standard du scientisme, issu de modèle de la physique newtonienne : " Une science s'efforce toujours d'appréhender les objets comme les conséquences d'une raison ou comme les effets d'une cause " (1971 a, p. 108). Cette thèse de l'unité de la science (nous y avons insisté par ailleurs) ne convient pas aux sciences sociales, car elles ne peuvent prétendre qu'à décrire des conditions, non à identifier des causes.

La problématique du texte peut ici encore nous éclairer. Pour décrire les textes, il nous faut disposer d'une théorie de la norme (et non seulement du système au sens fort) : là où les règles exigent ou excluent, les normes suggèrent et permettent. Les règles d'un système formel n'ont pas de diachronie, et leur application n'est pas en principe soumise à des conditions externes. Là où les règles stipulent le possible in abstracto, les normes en restent au probable. En outre, l'inventaire, la hiérarchie et l'application des normes dépend non seulement de conditions historiques changeantes, mais de situations variables même en synchronie. Aussi les règles linguistiques, loin d'avoir le caractère apodictique des règles des langages formels, pourraient bien n'être que des normes invétérées érigées en règles par la tradition normative de la grammaire. Comment expliquer sinon qu'elles ne soient pas toujours nécessaires, ni jamais suffisantes pour rendre compte des régularités d'un corpus textuel ?

Il faut donc interroger le désir de règles absolues qui a présidé aux fondations formelles de la sémiotique. La formalisation ni les formalismes ne sont aucunement en cause, mais le pouvoir de fondation qu'on leur confère. La conformité des formalismes logiques classiques avec le rationalisme dogmatique ne suffit pas à expliquer ce lustre. C'est bien plutôt leur indépendance à l'égard de l'expérience qui fait leur prix. Ce caractère constitutivement transcendantal en fait l'organon privilégié d'un programme de naturalisation de la philosophie transcendantale, dont la sémiotique serait un lieu privilégié de formulation. L'ambition formelle n'est peut-être alors qu'une forme moderne, non critique, de l'ambition transcendantale.

De façon converse, le positivisme conjugue le formalisme au physicalisme le plus chosiste. Ainsi, l'empirisme du positivisme logique n'a rien d'inductif : il s'agit d'un programme de normalisation du réel, qui commence par son assimilation au matériel, selon une ontologie objectiviste pauvre.

Le principe d'empirisme de Hjelmslev se réduit pour sa part à un voeu d'adéquation, qui malheureusement n'a guère été exaucé. Son refus explicite du transcendantal vise certaines formes d'irrationalisme, mais le caractère a priori de sa démarche ne se justifie que parce qu'il suppose une raison scientifique pure.

A présent, les grammaires cognitives, la sémiophysique thomienne s'opposent au cognitivisme classique non sur le principe du fonctionnalisme, mais sur la nature des formalismes et l'ontologie qu'ils supposent : le programme de naturalisation, réduction du sémiotique au physique, reste jusqu'à présent commun à tous les paradigmes cognitifs.

2. Les fondements herméneutiques

a) Herméneutique philosophique et herméneutique philologique

On peut distinguer, après Jean Ladrière, trois sortes de sciences : formelles, empirico-formelles, et herméneutiques. Les sciences humaines et / ou sociales, dont le nom signale sans plus la coexistence de l'humanisme et du marxisme dans nos universités, seraient mieux dites des sciences herméneutiques. Bien que le grand courant de la positivité scientifique ait tenté de négliger leur spécificité et de les rabattre sur les disciplines formelles ou empirico-formelles, les sciences herméneutiques se distinguent par le type d'objectivation qui leur permet de constituer leur domaine, et corrélativement par une position propre du sujet scientifique. Il est condamné à comprendre, faute peut-être de pouvoir expliquer au sens causal du terme. La description est alors une interprétation, et l'explication scientifique consiste à discerner, situer et hiérarchiser les conditions de la compréhension.

Deux voies se présentent. Soit l'on considère que la situation d'interprétation doit être caractérisée transcendantalement, et l'on lie le problème de l'interprétation au problème de l'ætre, comme la tradition métaphysique y invite. Cette solution choisie par Heidegger conduit à une dénégation, travestie en dépassement, de l'historicité des textes, à négliger les conditions philologiques de leur lecture, voire chez Heidegger au projet explicite de leur faire violence.

Soit l'on choisit de rendre aux langues, comme formations historiques et culturelles, un rôle constituant, et l'on pose en fonction d'elles le problème de l'interprétation. Cette solution peut se recommander de Cassirer, et conduire d'une philosophie des formes symboliques à une sémiotique des cultures.

Mais il convient de l'articuler avec une théorie des textes. Le programme de Schleiermacher tentait jadis de concilier l'herméneutique philosophique et l'herméneutique philologique. Cependant au cours du XIXe siècle la première a subi une involution spéculative et la seconde une involution positiviste. Les linéaments de l'herméneutique matérielle projetée par Szondi préparent une rupture décisive avec le positivisme, que pourrait approfondir une sémantique générale des textes. C'est là du moins notre projet.

Selon la voie choisie, la question de la fondation se formule diversement. L'herméneutique philosophique ne peut fonder la sémiotique que dans l'ontologie, et rencontre par là certains partisans de la fondation formelle.

Cependant, la fondation philologique est à proprement parler un fondement. Elle repose sur la tradition historique, sur trois plans : l'histoire des textes, l'histoire de leurs interprétations qui en est indissociable, l'histoire des méthodes historiques et des méthodes d'interprétation. La tradition est ce qui du passé reste vivant dans le présent : elle est toujours une translation, c'est-à-dire la remise en jeu, dans des conditions nouvelles, d'acquis refigurés par là (cf. l'auteur, 1996). Sa fécondité se mesure à l'étendue de ces refigurations.

Si l'on voulait maintenir le terme de fondation, il faudrait préciser que cette fondation ne peut être rapportée à une rupture originaire, mais que chaque interprétation nouvelle peut en préfigurer d'autres, et ne les fonde qu'en les permettant. Ces `fondations' toujours recommencées ne méritent pas leur nom, car elles ne légitiment rien : sans dessiner, comme les postulats des fondations formelles, un espace de validité décisoire, elles ouvrent seulement des lignées interprétatives qui peuvent disparaître où se cumuler, mais ne tirent leur richesse d'aucune vérité préétablie.

b) Sémiotique et herméneutique

Sans revenir sur les gestes de fondation de la sémiotique, ni sur les pressions du conformisme positiviste, il faut souligner le déficit herméneutique de la sémiotique contemporaine. Eco a pu opposer la sémiotique et l'herméneutique, en la réduisant à sa caricature : " Si ce point de vue prévaut [que le langage est la voix de l'être], alors, il n'y a plus de place pour une sémiotique, ou une théorie des signes. Il ne subsiste plus qu'une pratique continuelle et passionnée d'interrogation des signes : l'herméneutique " (1988, p. 193). L'herméneutique philologique, bien qu'elle récuse le préjugé ontologique, se trouve de fait exclue.

Ce déficit n'est pas par lui-même un déficit philosophique ; il suffit pour s'en convaincre de reconnaître l'incidence du néo-thomisme sur la sémiotique contemporaine - qu'elle soit revendiquée (chez Kalinowski, Deely, Beuchot), ou non (chez Greimas, Courtés, Eco).

La sémiotique contemporaine a aussi hérité son déficit herméneutique des sciences du langage, qui à l'aise pour traiter du signe et de la phrase, répugnent à traiter du texte. Benveniste formulait ainsi cette oppositon célèbre : " La sémantique, c'est le `sens' résultant de l'enchaînement, de l'appropriation à la circonstance et de l'adaptation des différents signes entre eux. ‚a c'est absolument imprévisible. ‚'est l'ouverture vers le monde. Tandis que la sémiotique, c'est le sens refermé sur lui-même et contenu en quelque sorte en lui-même " (1974, p. 21). Le paradigme du signe, propre quant au contenu à la logique et à philosophie du langage, et quant à l'expression, à la tradition grammaticale qui culmine dans la morphosyntaxe contemporaine, se trouve ainsi rattaché à la sémiotique, alors que la sémantique se trouve à bon droit associée au paradigme du texte.

De fait, il n'y a pas de paradigme sémiotique du texte ; ou du moins, la pratique descriptive des sémioticiens contemporains excède les théories dont ils se réclament. Ils ont créé la sémiotique discursive, la narratologie, pour dépasser le cadre confiné de la linguistique. Et cependant leurs théories restent gagées sur la signification (propre au signe), non sur le sens (propre au texte). Hjelmslev, en choisissant l'épreuve de la commutation pour définir les unités linguistiques à tous les paliers, a unifié la définition du contenu sur le paradigme du signe (la signification ou dénotation étant définie comme rapport entre une unité du plan du contenu et l'unité correspondante du plan de l'expression). Plus complexe en l'espèce, la théorie greimassienne distingue la signification du sens, mais fait procéder l'un de l'autre. En particulier, le parcours génératif greimassien, par toute une suite de conversions, tente de dériver le sens textuel de la structure élémentaire de la signification, emblématiquement résumée à un carré booléen affaibli - qui témoigne encore de l'origine logique du concept de signification.

Alors qu'elles avaient toujours été séparées, la sémiotique et la linguistique ont pu s'unir chez Saussure puis chez Hjelmslev. Mais ce fut apparemment sur la base d'un déficit herméneutique commun, et au prix d'un objectivisme croissant.

Aussi cette unité ne portera ses fruits que si l'on restitue la dimension herméneutique de la connaissance propre aux sciences humaines. Un approfondissement de la problématique du texte pourra sans doute y contribuer. Cela permettra en retour de rapporter la sémantique des textes et la linguistique qui l'inclut à une sémiotique générale des cultures.

c) Epistémologie et gnoséologie

Leur ambition transcendantale conduit inévitablement les sémiotiques à fondation formelle à devenir des transsémiotiques, c'est-à-dire des sémiotiques qui unifient tous les systèmes de signes sous les mêmes principes rationnels : le même formalisme, ou du moins les mêmes axiomes valent pour tous les systèmes de signes, comme on le voit chez Hjelmslev. Elles sont ainsi universelles, et seul leur point de départ, logique ou linguistique, les différencie et parfois les oppose.

En revanche les sémiotiques à fondement herméneutique conçoivent le champ de la sémiotique sur le mode de la diversité, et l'on peut les dire plurisémiotiques. Dans leur perspective, la pluralité des systèmes de signes ne se laisse pas réduire à un principe commun : on renonce au concept général de signe proposé par les scolastiques puis par Eco, aliquid stat pro aliquo (pour une discussion, cf. l'auteur, 1996). Parallèlement on renonce à la conception instrumentale du langage et des autres systèmes de signes : comme il n'existe pas, sauf pour la tradition rationaliste, de niveau conceptuel neutre à l'égard de toute représentation, il n'existe pas de tertium comparationis entre les systèmes de signes, pas plus que d'interlangue entre les langues, ni de `langage de la pensée' (du logos endiathétos des Stoïciens à la lingua mentalis de Occam, ou au language of thought de Fodor).

Dans la tradition occidentale, Lessing, dans son Laocoon, a été le premier à refuser l'unicité de la chose-à-dire, qui préexisterait à son énonciation, comme à admettre que les divers systèmes de signes ouvrent des mondes différents. Surtout dans sa postérité chez F. Schlegel, il est à nos yeux un initiateur d'une sémiotique des pratiques artistiques, liée à la critique et à l'herméneutique, et dont l'iconologie de Panofsky, par exemple, a montré la grande fécondité.

Dans ce siècle, deux traditions auront rivalisé pour refonder la sémiotique : la tradition linguistique avec Saussure, la tradition philosophique avec Peirce (qui s'inscrit à sa manière dans la tradition de Locke et de ses prédécesseurs médiévaux, notamment Duns Scot et Ockham).

Ces deux traditions ont de fait trouvé leur unité dans la problématique logico-grammaticale, les philosophes peirciens penchant pour la logique et les linguistes saussuriens pour la grammaire (nous avons vu comment la théorie hjelmslévienne étend les méthodes grammaticales à l'étude des textes). Le programme d'une fondation formelle de la sémiotique reste propre à la problématique logico-grammaticale - d'ailleurs dépassée diversement par Saussure comme par Peirce.

Cependant, depuis une vingtaine d'années, le recul du positivisme logique et du cognitivisme orthodoxe qui le prolongeait, se traduit particulièrement en linguistique par le recul des grammaires formelles et des sémantiques vériconditionnelles.

L'essor de la pragmatique a été un des symptômes de l'intérêt renouvelé pour les problèmes de contexte et d'interprétation. Mais la pragmatique, héritière pour une part de la rhétorique disparue (par sa théorie des actes de langage, notamment) restait prise dans les contradictions de la sémiotique logico-positiviste de Morris et Carnap, qui l'avait instituée en discipline.

Depuis quelques années, on assiste, activement pour ce qui me concerne, à un essor de la problématique rhétorique-herméneutique, qui prend pour objet les textes et les autres performances sémiotiques.

Cette évolution est sensible, toutes proportions gardées, chez divers auteurs : le plus important d'entre eux, en philosophie, est sans doute Wittgenstein : comme l'a noté Simon Bouquet, du Tractatus aux dernières oeuvres, on peut suivre jusque dans la forme de l'exposition, ce qui sépare les deux problématiques ; en sémiotique, on peut mentionner l'évolution de Eco, du Trattato de semiotica generale (1975), aux Limiti dell interpretazione (1992). En linguistique, l'évolution de Greimas, de la lexicologie (cf. sa thèse de 1948 sur le vocabulaire de la mode) vers la sémantique du texte (cf. son Maupassant, 1976).

De fait, les auteurs qui ont su unir l'analyse de la langue et l'étude des textes ont su dépasser la contradiction entre les deux problématiques. De tradition philologique, les travaux de romanistes comme Spitzer, Pagliaro, Coseriu, Heger qui ont apporté du nouveau. A présent, le développement sans précédent, avec l'essor des banques textuelles, de la linguistique de corpus, des entreprises internationales comme la Text Encoding Initiative, conduisent à la création d'une philologie électronique, qui avec l'essor du multimédia favorise une nouvelle sémiotique. En effet, le paradigme du texte ne concerne pas que les langues mais aussi d'autres sémiotiques, à l'opéra, au cinéma, etc. Faisons le pari qu'il pourra aussi apporter à ces domaines d'étude un nécessaire supplément herméneutique, voire de nouveaux fondements.

La sémiotique logico-grammaticale et la sémiotique rhétorique-herméneutique relèvent en effet de types épistémologiques différents : la première a une ambition prédictive (règles et lois, phrases voire textes possibles), la seconde reste descriptive et tend vers une conception idiographique plutôt que nomothétique de la science ; la première penche vers le dogmatisme, celui des postulats et des axiomes, la seconde vers l'empirisme, celui des contextes et des situations ; enfin, alors que la première vise une fondation transcendantale, la seconde assume un fondement historique.

En outre, au-delà de ces types épistémologiques, deux conceptions gnoséologiques s'affrontent ou se complètent.

(i) La conception métaphysique pose que pour parvenir à la connaissance, il faut s'abstraire du contingent, et poser en principes des éléments. Ce principe aristotélicien dérive des cosmologies présocratiques, pour lesquelles l'explication de l'univers dérive de la combinaisons d'éléments simples : on lui doit d'une part la théorie des nombres dans le pythagorisme, puis le platonisme, d'autre part l'atomisme des matérialistes antiques.

Le positivisme logique puis le cognitivisme orthodoxe auront conjoint ces deux courants : le formalisme de la tradition idéaliste, et le physicalisme de la tradition matérialiste. Dans les deux traditions, la connaissance est considérée comme le reflet d'une ontologie et les divergences ne portent que sur le site, mondain ou spirituel, de cette ontologie. Le programme de naturalisation du sens a au demeurant pour objectif de neutraliser cette contradiction.

(ii) La conception historico-critique considère la connaissance comme un apprentissage au sein de pratiques sociales, et la rend indissociable de ses modes de transmission. En ce cas, c'est la déontologie qui l'emporte sur l'ontologie. Le sémiotique devient le lieu de la connaissance, ce pourquoi on taxe volontiers cette conception de relativiste, façon de reconnaître obliquement que les principes de la déontologie trouvent leur origine non dans une métaphysique mais dans une anthropologie culturelle.


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©  1997 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : RASTIER, François. Les fondations de la sémiotique et le problème du texte. Questions sur les "Prolégomènes à une théorie du langage" de Louis Hjelmslev. Texto ! 1997 [en ligne]. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Fondations.html>. (Consultée le ...).