POUR UNE SÉMANTIQUE DES TEXTES
Questions d'épistémologie
[*]

François Rastier
C.N.R.S.

(Extrait de Rastier, F. (éd.), Sens et Textes, Paris : Didier, 1996, p. 9-35)

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Les sciences sociales sont à un tournant. Au plan épistémologique, le sociologisme issu de certaines formes périmées du marxisme a perdu les moyens théoriques de leur servir de langage commun ; elles sont affrontées à des tentatives de réduction venant des neurosciences et des sciences cognitives ; enfin, la technologisation croissante de la recherche scientifique conduit à ne plus vraiment subventionner que les programmes susceptibles d'aboutir à des brevets. [1]

Quant à l'objet des sciences sociales, on accumule des connaissances sans précédent sur la diversité des langues et des sociétés humaines ; et l'effort sans précédent lui aussi d'inventaire et de conservation du patrimoine culturel à l'échelon mondial appelle à présent une réflexion théorique pour penser la diversité de ce patrimoine, dans le temps comme dans l'espace. Nous sommes affrontés au défi de mettre en valeur la diversité culturelle d'aujourd'hui, pour éviter qu'elle ne se réduise encore.

Cela n'exige pas d'opposer un relativisme frileux à un universalisme dogmatique ; mais, loin des réductions biologiques ou

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sociologiques qui ont tenté ce siècle, cela conduit à affirmer l'autonomie et la spécificité de la sphère culturelle, et à poursuivre, dans la direction tracée notamment par Cassirer, l'entreprise d'une philosophie des formes symboliques. Elle trace les contours d'une sémiotique des cultures, fédérant en premier lieu la linguistique, l'histoire et l'anthropologie. Elle pose la question d'un projet refondateur pour les sciences sociales, naguère encore tentées par diverses idéologies.

L'étude des objets culturels complexes apporte en ce sens de multiples enseignements. Aussi, j'aborderai ces questions par quelques réflexions sur un domaine de ma compétence, la sémantique du texte. J'ai formulé ailleurs des propositions de méthode et des catégories descriptives [2] et mon propos présent se situe en-deçà.

La linguistique en reste bien souvent à la phrase, et la morphosyntaxe constitue de l'avis général son domaine de prédilection. Elle doit encore beaucoup à l'héritage séculaire de la grammaire : la linguistique historique et comparée fondait ses comparaisons sur l'analyse morphosyntaxique ; le positivisme contemporain a renforcé encore cette prédilection.

La place marginale tardivement concédée à la sémantique lui est encore contestée. En effet, la sémantique déborde naturellement le cadre morphosyntaxique. Elle fait le lien entre les paliers morphosyntaxiques du mot et de la phrase, et, plus remarquablement encore, entre le palier de la phrase et celui du texte - qui n'a pas, comme on le sait, de définition morphosyntaxique. Les pratiques d'expansion paraphrastique témoignent de ces liens sémantiques entre les paliers de description linguistique, quand par exemple elles autorisent une relation d'équivalence entre un mot et le syntagme, la phrase, voire les phrases qui le définissent. À l'inverse et complémentairement, les pratiques de résumé permettent d'établir une équivalence sémantique entre le texte et la phrase, voire le mot.

Le statut d'une sémantique des textes dépendra bien entendu de l'évolution de la linguistique. Si celle-ci demeure centrée sur la morphosyntaxe, elle reléguera la sémantique des textes à ses confins, ou la déléguera à d'autres disciplines. J'ignore si une sémantique des textes pourra se développer au sein de la linguistique ; elle demeurera néanmoins nécessairement fondée sur des critères linguistiques. Elle devra tenir compte des connaissances acquises dans d'autres disciplines, juridiques, religieuses, littéraires notamment, et entretenir des relations réglées avec ces disciplines jugées peu scientifiques ­ ce qui paraît à tout prendre meilleur que des relations confuses avec des sciences dites dures.

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Cesserait-elle pour autant d'appartenir à la linguistique ? Cela dépend de la linguistique académique, où un courant scientiste s'en tient à une restriction positiviste de l'objet. Si l'on convient du caractère empirique de la linguistique, on doit distinguer entre son aspect nomologique et son aspect descriptif. Quand l'aspect nomologique l'emporte, la linguistique reste une discipline normative, qui par le jeu des exemples et des contre-exemples cherche en fait à instaurer ou maintenir des normes de grammaticalité voire de sémanticité. Quand à l'inverse l'aspect descriptif domine, la linguistique n'est plus normative, et accorde aux faits une place tout autre, en s'interdisant de leur imposer un ordre sous la forme de règles absolues [3]. Or de telles règles sont de l'avis général exclues au palier du texte.

Cependant, malgré l'autorité de la tradition grammaticale, tout engage la linguistique à prendre les textes pour objet [4] : elle affronte alors des problèmes d'une autre échelle, en vraie grandeur pourrait-on dire. Elle n'abandonne pas pour autant le palier de la phrase, mais se prépare à y faire retour d'une façon nouvelle, dans la mesure où le global détermine le local. On ne peut réduire un texte à une suite de phrases, mais une phrase reçoit évidemment du texte où elle figure des déterminations inoubliables, jusque sur sa syntaxe, voire sa phonétique.

1. Qu'est-ce qu'un texte ?

Nous entendrons provisoirement le mot texte au sens large, comme palier de la description linguistique. Cette acception se heurte à une double résistance.

D'abord, les traditions philologiques et herméneutiques ont transmis une conception quelque peu sacralisée du concept de texte. Pour elles, un texte est tout d'abord un écrit ; et, sa lettre fixée, il fait référence (pour la philologie), il fait autorité (pour l'herméneutique juridique), il fait foi (pour l'herméneutique religieuse). Bref, le texte a évidemment une fonction institutionnelle dans nos sociétés de droit écrit et dans nos religions du Livre.

Par ailleurs, la tradition grammaticale et linguistique s'est bornée au mot et à la phrase et n'a jamais considéré le texte comme un palier de

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description. La textualité reste à définir et à spécifier, en dépassant les objectifs restreints de la rhétorique et de la poétique [5].

Explorons donc l'espace qui unit le texte, considéré comme palier de complexité linguistique, et les textes, définis comme des unités empiriques.

1.1. Les pôles extrinsèques du texte

Les théories sémantiques du texte sont évidemment tributaires de la façon de concevoir la signification linguistique. Par exemple, la théorie réaliste de la signification définit le signe par rapport à un référent et tendra à définir le texte de même [6].

La tradition occidentale a toujours défini la signification relativement au signe et non au texte, comme si l'on pouvait conclure de l'un à l'autre. En outre, le signe a toujours rapporté aux représentations mentales ou aux choses, plutôt qu'aux autres signes [7].

Bref, le signe n'est pas encore sorti de sa pesante solitude. Nous allons préciser les difficultés soulevées par l'approche traditionnelle de la signification en examinant l'incidence du modèle de Bühler sur la conception fonctionnelle du texte.

Bühler part de l'affirmation du Cratyle que le langage est un organon, un instrument, mais reproche à Platon de s'en être tenu au rapport entre sons et choses. Au modèle de la représentation qui va du mot à la chose par l'intermédiaire du concept, il ajoute donc deux pôles, émetteur et récepteur, et spécifie trois relations sémiotiques qui élèvent conjointement le phénomène acoustique à la dignité de signe : (i) la représentation (de choses et d'états de choses ou relations) en tant que le signe est un symbole ; (ii) l'expression en tant qu'il est un indice ou symptôme de l'émetteur ; (iii) l'appellation en tant qu'il est un signal pour le récepteur (Sprachtheorie, I.1.2). Le signe se trouve alors réduit à une épiphanie simplement matérielle qui n'a de sens que rapportée à trois relata non linguistiques : le monde de référence, l'émetteur et le récepteur. Le modèle de Bühler ajoute au modèle

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aristotélicien présenté au début du Peri hermèneias [8] les deux pôles de l'émetteur et du récepteur, ou plus précisément assigne des sites psychologiques au concept, en l'affectant, sous des espèces sémiotiques différentes, à ces deux personnages. Il conjoint ainsi un modèle de l'expression (peri hermèneias signifie de l'expression plutôt que de l'interprétation) et un modèle de l'interprétation de type indiciaire, issu de la tradition rhétorique et repris par l'augustinisme [9].

S'il est certes utile de reconnaître ces trois pôles extrinsèques de la signification, il faut souligner que leur correspondent trois réductions classiques :

1) Un modèle de la référence n'est pas un modèle du texte : même si l'explication extrinsèque que propose ce modèle s'appuie sur la longue et puissante tradition du réalisme philosophique [10], la référence demeure une propriété du signe et de la proposition.

2) Un modèle de l'intention ou de la production n'est pas un modèle du texte, du moins tant qu'il n'est pas articulé à un modèle linguistique. Même alors, l'intention demeure une conjecture.

3) Un modèle de l'interprétation n'est pas non plus un modèle du texte. Les abstractions comme le Lecteur-Modèle (Eco) ou le Superreader (Riffaterre) hypostasient les performances bien attestées de ces deux auteurs, mais ne peuvent prétendre, nous semble-t-il, à une validité plus étendue.

Ces trois réductions s'appuient sur deux simplifications ordinaires dans les sciences du langage, toujours fascinées par les sciences de la nature ou de la vie :

-- La simplification causale voudrait qu'il y ait des causes isolables, et que l'effet se connaisse tout entier dans la cause (ici, l'intention de l'émetteur ou du récepteur). . Cette simplification témoigne du prestige

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des sciences physiques, que le positivisme avait exalté [11]. Elle permet la réduction des faits humains au psychologique, du psychologique au neurologique, puis au physico-chimique. Elle repose sur l'idée d'un déterminisme universel, qui voudrait régir par les mêmes lois tous les niveaux de la réalité, ou toutes les « couches de l'Être ».

-- La simplification fonctionnelle dépose en creux dans le langage l'empreinte de la maîtresse qu'il sert, la pensée, traditionnellement considérée comme autarcique et dominatrice. On convient que le langage est un instrument, puis qu'il est déterminé par ses fonctions. On reconnaît là le modèle des sciences de la vie, et le précepte adaptationniste que la fonction crée l'organe. La linguistique fonctionnelle procède de cette autre forme de déterminisme [12]. En linguistique textuelle, le fonctionnalisme sous-tend de nombreux modèles qui classent les textes selon leur fonction dominante (cf. par exemple le modèle de Beaugrande et Dressler, 1984).

Le modèle de Bühler a fondé les principales typologies fonctionnelles contemporaines, notamment celle de Jakobson. Ce modèle est sémiotique au sens où il définit le signe en soi, seul, ou plutôt isolé on ne sait comment de tout contexte linguistique, mais défini comme signe par son rapport à trois relata extralinguistiques. Or, c'est précisément la subordination à ces trois pôles extrinsèques qui empêche de concevoir la textualité. Dans les trois cas de réduction en effet, le texte est rapporté à un autre niveau ontologique que celui du langage, ce qui empêche de concevoir son statut propre. La tradition de la philosophie du langage se méprend ordinairement sur la signification textuelle en la définissant d'après des critères sémiotiques - sémiotique étant entendu ici au sens étroit de théorie du signe.

La démarche linguistique que nous mettons en oeuvre va au contraire du texte à ses pôles extrinsèques ou corrélats non linguistiques. Elle s'écarte alors des autres approches, qui sont soit philosophique (en partant du référent), soit psychologique ou sociologique (en partant de l'émetteur ou du récepteur), et qui

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procèdent des pôles extrinsèques vers le texte, pour en rendre compte en faisant l'économie coûteuse de sa description [13]. Le pari d'une sémantique des textes ne consiste pas à nier l'incidence de ces pôles en misant sur une sorte de solipsisme linguistique, mais à régler le recours à ces pôles en fonction du sens textuel, qui détermine au demeurant les conditions de ce recours.

L'interaction des signes dans un texte définit une tout autre problématique sémantique. On peut distinguer voire opposer les problématiques du signe, comme modèles de la signification, in abstracto et hors contexte, à la problématique du texte, fondée sur l'analyse différentielle et qui définit le sens par l'interaction paradigmatique et syntagmatique des signes linguistiques, non seulement entre eux, mais avec le texte dans sa globalité.

La réflexion sur les pôles extrinsèques du texte permet de poser les problèmes de leur site commun et de leur interaction. Dans le cadre limité d'une sémantique linguistique, ces pôles ont une incidence sur le texte par la médiation d'un genre, car tout texte procède d'un genre. Le genre définit la place de l'énonciateur et du destinataire ; il circonscrit celle du référent. Ces trois places sont des pôles intrinsèques : leur rapport avec l'énonciateur réel, le destinataire réel, et le monde réel, qui constituent les pôles extrinsèques figurés dans le modèle de Bühler, reste énigmatique, ou du moins excède l'ambition d'une sémantique des textes. Ce modèle nous semble relever en effet de la philosophie, et l'on pourrait lire dans l'oeuvre de Ricoeur le triple parcours qui va de ces trois pôles extrinsèques jusqu'au texte et retour, façon exemplaire de « médiatiser le Cogito par tout l'univers des signes ».

Nous adoptons la démarche inverse, volontairement limitée mais peut-être complémentaire, qui part du texte pour en discerner les pôles intrinsèques et faire retour vers lui. Il nous faut alors rompre avec les trois mimésis que met en scène Ricoeur, en désancrant le texte du réel (par une théorie de l'impression référentielle), de l'auteur (en définissant le style comme un type de phénoménalité sémantique) et du lecteur (comme opérateur du parcours des trois mimésis).

Le lecteur réel s'imagine seulement un monde, un auteur, et sans doute lui-même. Sa construction fantasmatique, rapportée à la réalité supposée des pôles extrinsèques, devient elle-même le réel, objectivité et subjectivité cessant ainsi d'être séparées. À cet égard, nous adoptons naturellement une position agnostique, liée au non-réalisme méthodologique qui nous paraît indispensable aux sciences du langage, et à notre volonté de parler des oeuvres en termes d'oeuvres, non de

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sujets et de mondes. Nous proposons ainsi une désontologisation qui se poursuit selon trois directions : (i) remplacer le problème de la référence par celui de l'impression référentielle ; (ii) celui de l'énonciateur, par celui du foyer énonciatif, tel qu'il est représenté dans le texte et/ou situé par les règles du genre ; (iii) et celui du destinataire, par celui du foyer interprétatif, dans des conditions analogues [14].

1.2. Trois définitions discutées

Comparons à présent trois définitions du texte qui résument à leur manière diverses approches et nous permettront de préciser notre problématique. Nous les empruntons successivement à un philologue, un philosophe analytique, un phénoménologue.

1) Jacques Perret dit s'exprimer en philologue quand il écrit : « Un texte d'écriture présente et implique toujours un certain nombre de réalités distinctes : 1. Le monde - ou plutôt quelque chose du monde, et en entendant par monde une collection d'objets existant ou censés existant indépendamment du texte : les Idées de Platon, Dieu, les astres, la bataille de Waterloo, etc. ; 2. Une langue (anglais, allemand, etc.) dont le texte est un échantillon ; 3. Un auteur ; 4. Le texte lui-même. » (1975, p. 14). Dans cette définition oblique, le texte se trouve défini par son rapport à la langue et à deux pôles extrinsèques, le monde et l'auteur.

2) Francis Jacques, qui prolonge la philosophie analytique, présente pour sa part cette « définition indicative du texte écrit » : « Soit un ensemble de phrases douées d'une cohérence globale, présentant un début, un milieu et une fin. Ajoutons que son unité transphrastique peut devenir l'objet d'un surcodage qui en fait une totalité » (1992, p. 93). Cependant :

(i) Un texte n'est pas un ensemble de phrases. Il n'est pas un ensemble, et la phrase, unité syntaxique, n'a aucun privilège à le définir.

(ii) Le fait d'avoir un début, un milieu et une fin, définit ce qui forme un tout, au chapitre VII de la Poétique d'Aristote. Mais cela vaut pour la tragédie, et les « histoires bien agencées ». Pour les genres brefs, gnomiques ou parémiologiques notamment, souvent dépourvus de structure narratives, il est douteux que ce critère puisse être pris en considération.

(iii) Par cohérence globale, distinguée ici de la co-référence, il faut sans doute entendre cohésion, ou « unité transphrastique ». En quoi se distingue-t-elle d'une totalité ? Ce caractère additionnel lui viendrait d'un surcodage. En fait, ce n'est pas le texte qui est surcodé, mais la phrase (artificiellement isolée) qui est sous-codée dès lors que l'on ne tient pas compte des normes de genre propre au texte.

Cette définition a toutefois le mérite de poser le problème du caractère définitoire des structures textuelles, en présentant le texte pour ainsi dire en lui-même,

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indépendamment de l'auteur, du lecteur ou du monde [15]. Mais elle n'est qu'indicative, et reçoit elle-même des déterminations de son contexte : F. Jacques entend montrer plus loin qu'elle est incomplète, et que tout texte crée un monde [16] qui pointe vers le monde réel. Il définit donc le texte par rapport à ce pôle extrinsèque.

3) Ricoeur a formulé la définition la plus intéressante à nos yeux : « Le paradigme du texte est caractérisé par : 1. La fixation de la signification ; 2. Sa dissociation d'avec l'intention morale de l'auteur ; 3. Le déploiement de références non ostensives, et 4. L'éventail universel de ses destinataires » (1986, p.199). Non seulement le texte est ainsi lié aux trois pôles extrinsèques qu'on peut lui reconnaître d'après le modèle de Bühler (l'auteur, le monde, et le destinataire), mais d'un même mouvement il prend à leur égard trois formes différenciées d'autonomie : s'il garde un auteur, il est dissocié de son intention ; il pointe vers un monde, mais sans le désigner directement ; il avait des destinataires, mais à présent s'adresse à tous.

On pourrait reconnaître dans le thème de l'éventail universel des destinataires un thème chrétien, voire dans celui de la fixation de la signification un thème plus précisément luthérien, mais ce serait faire recours à l'intention morale. On pourrait encore objecter que cette définition, appliquée sommairement, écarterait les textes ambigus, moralisants, ou ostensifs (lyriques, notamment). L'essentiel demeure le retrait du texte à l'égard de son entour, et notamment de ses trois pôles extrinsèques, qui ne peuvent plus prétendre le déterminer directement. Toutefois, cette définition du paradigme du texte vaudrait aussi bien pour tout objet sémiotique complexe, et il faudra lui adjoindre des critères linguistiques pour en restreindre la puissance.

Malgré leurs choix philosophiques divers, les trois auteurs que nous venons de commenter s'en tiennent à une conception réaliste de la signification : le texte prend son sens relativement à des corrélats non linguistiques. Même quand l'incidence de l'auteur ou du destinataire prête à discussion, la signification reste conçue comme référence à un monde, conformément à la tradition pour laquelle les mots représentent des choses par l'intermédiaire des concepts [17].

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1.3. Définitions négatives

De nouvelles conceptions du texte sont apparues dans les domaines de l'intelligence artificielle et de la linguistique cognitive. Il nous faut les discuter avant de proposer une définition positive [18].

1. Un texte est-il une chaîne de caractères, comme on l'admet ordinairement en informatique linguistique ? En convenir le réduirait à sa seule substance graphique, encourager son traitement séquentiel ou plus exactement déterministe (au moyen d'une fenêtre de lecture déplacée linéairement, comme c'est souvent le cas dans les analyseurs syntaxiques) ; enfin le couper de son entour local (sa situation) et global (la culture dont il procède).

On réduirait ainsi le langage à son signifiant, comme le fait délibérément la diplomatique. Encore ne s'agit-il que des mots, à quoi correspondent dans le meilleur des cas ces chaînes. De fait, la sémantique se trouve éludée : on croit pouvoir passer tout uniment de la chaîne de caractères au concept.

2. Un texte n'est pas non plus une suite d'instructions, algorithmique ou non, comme le voudraient la sémantique procédurale et la psychologie qu'elle a influencée (celle de Johnson-Laird, par exemple). En fait, cette conception conçoit le texte à l'image d'un programme informatique (qui est bien une suite d'instructions) et assimile la compréhension à sa mise en oeuvre (par l'esprit computer). Une instruction informatique est nécessairement exécutée par l'ordinateur, tandis qu'un interprétant, tel qu'il est défini par la sémantique interprétative, n'est qu'un indice - qui doit être reconnu comme tel par le lecteur, et peut malgré tout être négligé.

Par ailleurs, si un programme consiste bien en une suite d'instructions, elles sont collectivement nécessaires et suffisantes à son exécution. En revanche, les interprétants d'un texte peuvent lui être extrinsèques, à commencer par le pacte générique que son lecteur ou son auditeur scelle en lui donnant sens [19].

La notion d'instruction suppose, nous semble-t-il, une conception normative de l'interprétation, car elle fait droit à des règles, mais non à des normes.

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3. Enfin, un texte n'est pas une suite de schémas cognitifs (propositions mentales, modèles mentaux, scripts, plans, etc.). Sa lecture suscite certes des corrélats mentaux, mais sa structure ne consiste pas en de tels corrélats. Par rapport à la psychologie, il apparaît non pas comme un ensemble de représentations, mais comme un ensemble structuré de contraintes sur la formation des représentations (définition négative). À ces contraintes qui bornent les parcours interprétatifs s'ajoute et s'oppose un réseau de récepteurs sémantiques, qui ne sont pas des marques au sens linguistique du terme, mais des lieux d'accomplissement des attentes ou du moins d'épreuve des présomptions.

1.4. Définition positive

La notion de texte n'appartient pas à la tradition rhétorique, mais à la tradition philologique. Le texte alors s'opposerait au discours comme l'écrit à l'oral [20]. La notion de discours est antérieure à celle d'écriture, celle de texte contemporaine de l'imprimerie. À l'heure de la troisième révolution technico-matérielle, celle de la dématérialisation, il faut songer à un remaniement. L'opposition entre écrit et oral doit être dépassée par la notion de support.

Résumons-nous en une définition. Un texte est une suite linguistique empirique attestée, produite dans une pratique sociale déterminée, et fixée sur un support quelconque. Un texte peut être écrit ou oral, voire présenté par d'autres codes conventionnels (Morse, Ascii, etc.), et en interaction avec d'autres sémiotiques (film, etc.). Ces trois conditions définitoires s'entendent ainsi :

1. Le texte est attesté : il n'est pas une création théorique comme l'exemple de linguistique forgé par le linguiste ou coupé de son contexte. Cette première condition énonce un principe d'objectivité.

2. Il est produit dans une pratique sociale déterminée : c'est là un principe d'écologie. La connaissance ou la restitution hypothétique de cette pratique est nécessaire, bien que non suffisante. Elle dépend des pratiques sociales qui codifient les textes et les catégorisent et identifient les textes. La délimitation d'un texte est assurée par la pratique sociale dont il procède [21].

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3. Il est fixé sur un support : c'est la condition de son étude critique, supposant débat des conjectures. Cette condition empirique rompt avec le privilège exclusif de l'écrit et rappelle que la substance de l'expression n'est pas définitoire du texte.

L'unité empirique du texte ne préjuge pas de la fixité de sa signification, de l'intention de son ou ses auteurs, de ses références non ostensives, ni de l'interprétation qui en est donnée par ses destinataires ; au sein de la sémiotique des cultures, il revient à la linguistique considérée comme science des textes de caractériser ces quatre pôles par des conjectures rationnelles sinon formelles. L'analyse du sens permet des conjectures sur le rapport du texte au monde physique (tel qu'il trouve des corrélats dans ses références non ostensives), comme sur son rapport au monde des représentations (tel qu'il trouve ses corrélats dans les intentions de son auteur et dans les interprétations de ses destinataires).


Nous n'évoquons pas ici de traits structurels qui définiraient la textualité, car il nous semble que le texte en soi n'existe pas, et que la textualité est une abstraction (comme d'ailleurs le langage) [22]. Nous ne postulons pas d'universaux textuels. Certains genres régissent des textes composés d'une phrase, d'un mot, d'une énumération ; et de nouvelles pratiques sociales peuvent demain susciter des genres aujourd'hui imprévisibles.

S'il existe des règles de bonne formation [23], elles sont relatives aux genres, non à la textualité. Les universaux en la matière ne sont que des essences nominales au sens lockien du terme, en somme des

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universaux de méthode qui paraissent utiles pour décrire les discours [24], les genres et les textes.

2. Le statut d'une science des textes : objet et objectifs

Quel que soit son statut au sein de la linguistique, une sémantique des textes se voit affrontée à deux ordres de problèmes qui définissent son objet et ses objectifs : d'une part, lier la « lettre » du texte, entendue au sens philologique et grammatical, avec son « esprit », c'est-à-dire les diverses interprétations qu'il contraint et suscite.

L'objectif de décrire la lettre est assumé aujourd'hui par une linguistique restreinte, dominée par le positivisme et le formalisme, qui se conjoignent dans le positivisme logique et la philosophie du langage anglo-saxonne. L'objectif de décrire l'esprit est revendiqué par une herméneutique regrettablement coupée de son substrat textuel. Or il existe une place entre une philologie positiviste et une philosophie spéculative : celle d'une linguistique ouverte sur les textes et consciente de son statut herméneutique. Elle entend contester, réduire, voire annuler, la séparation de la lettre et de l'esprit, gagée sur l'allégorisme paulinien, qui prolonge lui-même le dualisme platonicien. Entre la forme matérielle du texte et ses interprétations, tout un système de normes, dont témoignent les structures textuelles, assurent la médiation indispensable. Mieux, l'identification même des moindres signes n'échappe pas aux conditions herméneutiques ; et la reconnaissance des contraintes linguistiques à leur tour peut seule libérer l'herméneutique de son involution spéculative.

2.1. Les contradictions de la philologie

Ce point du vue permet d'apprécier certains moments remarquables de l'histoire de la philologie. La tradition philologique, longue et complexe, est née de la première sophistique, qui seule en son temps attachait au texte assez d'importance pour l'étudier en lui-même sans le soumettre à des critères éthiques ou ontologiques. La Poétique et la Rhétorique d'Aristote témoignent indirectement de cette première philologie à peu près disparue.

Les liens de la philologie et de la grammaire se précisent à Alexandrie. Deux opinions se complètent : la grammaire est une annexe de la philologie ; la critique est l'aboutissement de la grammaire. Denys le Thrace, élève d'Aristarque, précise : "La grammaire est la connaissance empirique de ce qui se dit couramment chez les poètes et les prosateurs"(Technè grammatikè, I, 1) [25]. La

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critique (krisis poèmatikon) en constitue la dernière partie, et la plus belle [26]. À cette époque, la philologie n'est pas coupée du problème de l'interprétation, comme le montrent notamment les exégèses allégoriques pratiquées par les stoïciens. Mais Cratès, adversaire et rival d'Aristarque, refusait par avance la synthèse dionysienne, et tenait, selon Sextus Empiricus, à distinguer le critique du grammairien : « le critique doit être au fait de la science du logos tout entière, tandis que le grammairien se contente d'expliquer les mots rares, de rendre compte des accents et ne connaît que ce genre de choses » (Contre les grammairiens, § 79).

Les Pères de l'Église, soucieux de n'en pas rester à la lettre, ont pratiqué brillamment l'allégorisme, sans chercher d'équilibre entre la philologie et l'herméneutique [27]. Les médiévaux à leur suite se soucieront peu d'exactitude linguistique, et ne distingueront pas toujours le texte de ses gloses.

En revanche, l'essor des études médicales et juridiques, qui exigent des textes sûrs, la recherche et la critique des manuscrits antiques, l'apport des lettrés byzantins concourent dès le XIVe siècle à faire de la philologie le fondement pratique de l'humanisme. Elle encourage tout à la fois des recherches formelles sur la structure des textes, et des recherches encyclopédiques sur l'histoire des langues et des sociétés [28].

À partir du XVIIe et XVIIIe siècles, elle s'étend de l'antiquité à l'ensemble du patrimoine européen en langue vulgaire. Son historicisme engage parfois à contester le cartésianisme (cf. Vico, De constantia Philologiae, 1725) ; d'où les réserves formulées à son égard par les courants scientistes, notamment en France [29].

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Le thème critique [30] de l'humanisme réformé, puis de l'herméneutique piétiste des Lumières, restera incompris des Lumières françaises. L'ambition totalisante de la philologie allemande, qui cherche à saisir la totalité de la culture antique (Boeckh) subit très vite une involution spéculative (chez Schelling par exemple).

Inversement, la pratique philologique subira tout au long du XIXe siècle une involution positiviste, qui conduira à séparer académiquement les disciplines qui étudient la matérialité du texte (la paléographie, par exemple) de celles qui traitent de son interprétation (comme la stylistique). La philologie se réduisit donc, pour l'essentiel, à l'étude minutieuse de textes écrits dans des langues mortes.

Par ailleurs, la linguistique s'en distinguait progressivement en séparant l'étude des textes de l'étude des langues [31] ; et bien que la philologie fut réputée avoir donné naissance à la linguistique, ses méthodes exigeantes lui laissèrent la réputation d'une mère abusive, selon le mot de Culioli. Mais les rudesses de la mère justifient-elles l'ingratitude de la fille ?

2.2. Les contradictions de l'herméneutique

L'herméneutique n'a jamais été une discipline autonome, et s'est toujours divisée entre des réflexions philosophiques et un corps technique rarement théorisé de préceptes et de règles d'interprétation. Dans notre tradition, elle fut d'abord un art d'expliquer les textes fondateurs, qu'ils soient littéraires, juridiques ou religieux. L'ange fut parmi les premiers herméneutes.

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L'explication a généralement obéi à des objectifs éthiques ou religieux. Des interprétations stoïciennes d'Homère à celles des premiers Pères de l'Église, c'est la conformité à la morale ou à la foi qui guide et justifie l'interprétation. Les méthodes de l'allégorèse, extrêmement puissantes, servent l'affermissement du magistère dogmatique de l'Église.

Pendant que l'humanisme préconisait un retour aux textes sources et leur rétablissement philologique, la Réforme mettait fin au magistère dogmatique, en affirmant que l'Écriture s'interprétait par elle-même (scriptura sui ipsius interpres). Refusant l'allégorèse, la méthode proposée par Flacius Illyricus permettait de redéfinir et redécrire le sens littéral, même dans les passages les plus obscurs, en l'éclairant par le contexte global (Clavis scripturae sacrae, 1567). Ce principe, sans doute d'origine rhétorique, reconnaissait au texte une totalité que l'allégorisme ne pouvait concevoir, ou du moins qu'il affaiblissait en se livrant à des lectures partielles, bien que (ou parce que) conformes à la foi. Flacius remplaçait pour ainsi dire le magistère dogmatique de l'Église par celui du texte lui-même, en application du mot d'ordre luthérien scriptura sola. Quels que soient ses attendus théologiques, cette décision a justifié une attention extrême au texte, parce qu'elle unifiait en quelque façon la lettre et l'esprit, et permettait ainsi de concevoir des critères descriptifs en quelque sorte internes au texte.

Elle allait connaître un grand retentissement, par son extension à d'autres textes que les Écritures. Par exemple, l'herméneutique générale de Dannhauer (circa 1630) unifiait les herméneutiques théologique, juridique et médicale. Elle distinguait clairement sens et vérité, marquant ainsi l'incidence d'un ordre interne au texte [32]. Les herméneutiques spéciales, notamment théologique, littéraire et juridique furent florissantes aux XVIIe et XVIIIe siècles. Il reviendra à Schleiermacher (1768-1834) de formuler un ambitieux programme général. D'une part, il étend le champ de l'herméneutique du religieux au littéraire, du littéraire à l'écrit, de l'écrit à l'oral, posant ainsi pour la première fois le problème herméneutique de la conversation (cf. Szondi, 1975, p. 295). D'autre part, passant du général à l'universel, il trace le projet d'une herméneutique qui exposerait les principes universels de la compréhension. Il prolonge alors une évolution subjectiviste qui au siècle précédent avait présidé à la théorie des affects chez A.H. Francke, ou celle des points de vue (Sehepunkte) chez Chladenius. Cela le conduit, sur la fin de sa vie, à déplacer l'accent principal de l'herméneutique de l'interpretandum, le texte, vers son interprète, le lecteur, en dessinant une théorie transcendantale des conditions subjectives de l'interprétation. D'une façon toute

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problématique, Schleiermacher a tenté d'unifier une science générale des textes et une philosophie transcendantale de la compréhension. Le problème de la genèse nous offre ici un exemple éclairant : tout en reformulant l'objectif fichtéen de mieux comprendre l'auteur qu'il ne s'est compris lui-même, Schleiermacher fait le projet de reconstruire la genèse du texte. La critique génétique, telle qu'elle a été pratiquée par Szondi (cf. e.g. 1975, p. 190 sqq.) illustre le développement scientifique de ce projet [33].

Les successeurs de Schleiermacher choisiront volontiers la voie spéculative. Dilthey a ainsi écrit l'histoire de l'herméneutique moderne, ou du moins retracé son origine, mais ce fut pour la spiritualiser passablement, en effaçant d'ailleurs le nom de Humboldt - qui précisément donnait à l'herméneutique toute sa dimension linguistique. Avec Dilthey, le paradigme du texte s'affaiblissait, et le sentiment vécu devenait l'origine et la fin de toute compréhension. Enfin, avec Heidegger, l'ontologisation de l'herméneutique allait conduire à faire fi des contraintes philologiques, à délibérément « faire violence au texte », ouvrant la voie à l'antinomisme dérisoire des déconstructionnistes.

Héritier du thème transcendantal, le lecteur idéal que l'esthétique de la réception perpétue aujourd'hui devient peu à peu la figure moderne de l'ange herméneute ; mais s'il en inverse la fonction, puisqu'il n'est plus porte-parole, il reste le garant du sens. Si l'on veut mettre fin à l'involution spéculative de l'herméneutique et l'émanciper notamment de la phénoménologie heideggerienne, il faut la désontologiser, et mettre en oeuvre le programme d'une herméneutique matérielle (cf. l'auteur, à paraître), naguère magistralement présenté par Szondi.

2.3. Les contradictions de la linguistique

La linguistique n'est pas considérée comme une science des textes, et pour compléter notre enquête épistémologique il convient de rechercher pourquoi.

A. La rareté du mot texte. -- Le mot est absent de la terminologie linguistique de Marouzeau, pourtant marquée par la tradition philologique. À vrai dire, il est rare en linguistique française. D'après l'étude statistique de Brunet, il est moins fréquent en linguistique que dans la plupart des autres disciplines : sa fréquence relative dans le corpus de la banque Frantext a un ratio de 2,20, contre 2,30 en histoire, 2,30 en ethnologie, 13,50 en philosophie et 78,52 en droit. Les usages terminologiques récents peuvent expliquer ce fait singulier : « En linguistique française, le concept de texte est peu utilisé. On lui préfère les concepts de discours et d'énoncé » (Arrivé et al., 1986,

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p. 670). Le mot texte est employé selon ces auteurs dans le sens de corpus, le plus souvent écrit, ou de parole (saussurienne). Faudrait-il alors conclure avec Coquet que le texte « n'est pas l'objet d'étude du linguiste, ni du logicien, ni du pragmaticien » (1988, p. 91) ?

B. La réduction du texte. -- Le texte est au mieux conçu comme une suite d'énoncés (cf. Bellert, 1971). Horst Isenberg affirmait ainsi : « nous entendons par texte une séquence cohérente d'énoncés qui s'emploie dans la communication linguistique » (1970, p. 1-21) ; et il proposait ailleurs comme exemple de texte : "Pierre a brûlé le livre. Il ne lui plaisait pas". Ce point de vue perdure (cf. Stati : « On se limitera, dans le présent ouvrage, aux enchaînements de deux énoncés et de deux répliques dialogales » 1990 , p. 12 ; ou chez Danlos, la définition du discours comme une paire de phrases).

C. Les causes de la réduction

(i) La vérité et la limite de la phrase. -- La limitation de la linguistique à l'espace confiné de la phrase est nous l'avons vu une situation de fait et non de droit (contra Molino, op. cit.). Elle témoigne du poids de la logique ou du logicisme sur la contruction même de la morphosyntaxe, dont la phrase est l'unité la plus grande. Et, au-delà, de la grande question platonicienne, qui tourmente encore la sémantique vériconditionnelle : comment le langage peut-il dire le vrai ?

La solution ordinaire de ce problème consiste dans la conception représentationnelle du langage, telle que la liaison entre les choses elles-mêmes fonde la vérité de la prédication [34]. On sait que seules les propositions décidables sont susceptibles d'une valeur de vérité. La définition de la phrase comme totalité de sens en découle. Sur cela s'accordent les principaux grammairiens qui ont fixé notre tradition (cf. Denys, Technè, 11 ; Apollonius Dyscole, Syntaxe, 2, 10 ; Priscien, II, 53, 28).

L'évolution du sens même du couple logos / lexis paraît de ce point de vue passablement symptomatique. Alors que chez Platon et Aristote, logos s'oppose à lexis comme le contenu à l'expression, les Stoïciens tendent à opposer le logos comme unité complexe (jugement ou phrase) à la lexis comme unité simple, c'est-à-dire comme mot. Il ne restera plus aux grammairiens alexandrins qu'à assimiler l'unité complexe à l'unité complète, logos désignant la phrase comme totalité sémantique, et lexis le mot comme partie de la phrase. En cela, les grammairiens ont borné à la phrase le sens du mot logos, qui chez Aristote pouvait désigner un texte aussi long que l'Iliade [35].

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Les modernes en ont hérité la notion de totalité de sens, mais elle reste particulièrement trompeuse. Selon Benveniste (1966, p. 130), la phrase serait « une unité complète, parce qu'elle porte à la fois sens et référence : sens parce qu'elle est informée de signification, et référence parce qu'elle se réfère à une situation donnée ». Le caractère distinctif de la phrase serait celui d'être un prédicat : « Il n'y a pas de fonction propositionnelle qu'une proposition puisse remplir. Une phrase ne peut donc pas servir d'intégrant à un autre type d'unité. Cela tient avant tout au caractère distinctif entre tous, inhérent à la phrase, d'être un prédicat » (p. 128). L'argument de Benveniste est purement logique, et témoigne de la sujétion de la grammaire à la logique : « On situera la proposition au niveau catégorématique [...] Il n'y a pas de niveau linguistique au-delà du niveau catégorématique » (p. 128-129, je souligne).

L'analyse du discours [36] à la française a maintenu de fait la borne phrastique, puisque l'analyse de Harris se fondait sur elle. Les références à Benveniste n'ont fait que la confirmer, puisqu'il séparait nettement la phrase du discours, la langue comme système et la langue comme instrument de communication. Le discours est ainsi rejeté hors de la linguistique de la langue (cf. 1966, p. 130) [37], et les apories propres à une linguistique « de la parole » ne peuvent trouver de solution dans ce cadre théorique.

(ii) Le discours pédestre et la normalisation de la langue. -- Denys le Thrace définissait déjà la phrase (logos) comme « une composition en prose qui manifeste une pensée complète » (Technè, 11). Pourquoi donc se limiter à la prose, littéralement l'énoncé pédestre (pezè lexis) ? Certains scoliastes ont argué à bon droit que la prose représente le langage sans apprêt, naturel (kata phusin). Cette limitation reste certes sans raison grammaticale, mais reprend vraisemblablement, comme le suggère Claude Imbert, une définition d'origine stoïcienne, qui pour les besoins de la logique faisait du logos un énoncé strictement normé, sans travestissements rhétoriques (cf. Lallot, 1989, p. 122). Cet énoncé est d'abord l'énoncé assertif, et l'on ne s'étonnera pas qu'Aristote ait d'emblée renvoyé les énoncés non assertifs à la poétique et à la rhétorique (cf. Peri hermèneias, 17 a). Les tenants de la sémantique vériconditionnelle procèdent aujourd'hui de façon comparable, en renvoyant ces énoncés à la pragmatique, qui s'est substituée à la rhétorique.

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Bref, c'est à la domination millénaire de la grammaire par la logique que l'on doit sans doute aujourd'hui la restriction des études linguistiques à la phrase la plus déclarative et la plus banale possible.

(iii) La solitude de la phrase. -- L'usage systématique et invétéré des exemples et des contre-exemples comme moyens de validation montre encore s'il le fallait que la linguistique a gardé de la grammaire traditionnelle le statut d'une discipline normative, mais surtout que l'espace de validation se limite à la phrase, puisqu'en règle tout à fait générale les exemples se limitent à la phrase. Cette technique suppose un préjugé positiviste généralement implicite : la proposition, en tant que totalité de signification ne reçoit pas de détermination de son contexte, et peut donc être étudiée isolément. Cette dénégation de la textualité rend inconcevable la détermination du local par le global, et s'oppose ainsi à toute approche herméneutique du langage.

En fait, la phrase ainsi définie n'a aucune existence, et Harris en convenait avec lucidité : « la phrase n'existe pas dans l'utilisation réelle que l'on fait du langage, où il y a toujours un contexte d'énonciation » (1969, p. 10). Elle est bien un artefact des grammairiens. Culioli affirmait cependant : « Le texte écrit nous force, de façon exemplaire, à comprendre que l'on ne peut pas passer de la phrase (hors prosodie, hors contexte, hors situation) à l'énoncé, par une procédure d'extension. Il s'agit en fait d'une rupture théorique, aux conséquences incontournables » (1984, p. 10). Cette rupture est double, car elle engage à la fois le contexte et la situation.

La linguistique de la phrase doit bénéficier en retour des effets de cette rupture. On ne saurait négliger par exemple que même la morphosyntaxe varie selon les genres de textes. Joelle Tamine a montré par exemple que l'apposition prend un déterminant ou non selon qu'elle se trouve dans le roman ou dans le journal, et conclut justement que la typologie des textes doit éclairer l'analyse syntaxique. Même la phonétique varie avec les genres (comme le montre l'étude des genres câlins, connus pour leur fricatives et leurs voyelles antérieures).

(iv) La réduction mentaliste et l'universalisme logico-ontologique. -- La prétendue souveraineté de la « pensée » sur le langage a toujours conduit à sous-estimer voire à négliger la diversité des langues et des textes. Elle a conduit aussi à faire de la phrase l'expression d'une proposition mentale. Elle n'est pas exclusivement liée à la sémantique logique, car il existe plusieurs formes de mentalisme : elle s'exerce encore plus fermement, quoique sous d'autres formes, dans la sémantique cognitive.

Les notions d'énonciation et de mise en texte témoignent aussi de la pression du mentalisme. La façon de concevoir le niveau conceptuel a certes évolué, mais le sens linguistique continue d'être rapporté à la manifestation de concepts ou d'opérations mentales. Le processus d'engendrement qui conduisait des contenus et opérations mentaux à leur expression linguistique, et par là-même liait la théorie des idées à la grammaire, se retrouve aussi, sous d'autres formes, dans la psychomécanique de Guillaume, dans le parcours génératif de Greimas, dans la théorie de l'énonciation de Culioli, dans divers modèles psycholinguistiques, comme celui de Levelt, etc. La sémantique cognitive poursuit aujourd'hui cette longue tradition spéculative, qui part

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du mental pour aller au linguistique, et retrace ainsi, en diverses étapes, l'infusion de l'esprit dans la matière [38].

La tradition ontologique, et spécialement l'ontologie néoplatonicienne, a permis d'éluder la question de la textualité par le principe de compositionnalité : le tout est une totalisation des parties (Plotin) [39], ce que reprendront Leibniz puis Frege. Ce principe fonde toute théorie logique du texte (Montague, Kamp, etc). Cependant il ne peut s'appliquer au texte, encore moins qu'aux paliers inférieurs, puisqu'il n'y pas, au sens strict, de syntaxe du texte.

La linguistique formelle contemporaine est l'héritière des grammaires universelles du XIIIe au XVIIIe : la science est un corps de connaissances rationnelles démontrées déductivement. Cette conception dogmatique de la science est liée à la métaphysique, et à l'ontologisation du langage, qui a toujours rapporté ses mots à des êtres et ses phrases à des propositions dotées de valeurs de vérité. Si donc la linguistique n'est pas une science des textes, cela tient aussi au poids de la philosophie du langage, qui par le biais de la philosophie analytique en particulier, et de son père fondateur Stuart Mill, a transmis jusqu'à nos jours les cadres théoriques de la pensée médiévale, mais privés de Dieu, et sans rapport spécifique aux langues. D'où la persistance ou la rémanence de problèmes, comme celui de l'effabilité, révoqués ou périmés par la philologie de la Renaissance, puis par la linguistique historique et comparée.

3. La désontologisation des textes

3.1. La philologie et l'ontologie

Pour pouvoir décrire des textes en eux-mêmes et pour eux-mêmes, il faut les soustraire à l'ontologie sur laquelle leur sens a toujours été gagé, par l'effet de la conception réaliste de la signification.

La désontologisation des textes, au moment exemplaire de la Renaissance, suit plusieurs lignes :

(i) L'abandon de la démarche déductive pour une démarche inductive et le remplacement de la démonstration par la conjecture

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ouverte à la réfutation [40] conduisent à redéfinir le type de vérité auquel peuvent prétendre les sciences du langage.

(ii) L'abandon du référent, gage de la vérité, ouvre la recherche sur l'entour, ensemble des conditions de production et de réception du texte, et gage de l'authenticité. Ainsi, on a pu parler de la désontologisation du langage par Valla (Lardet, 1992) : louant les Institutions de Quintilien, Valla fait l'éloge de l'usage, et débouche sur ce qu'on a appelé un « empirisme lexicographique » et un « relativisme historique ». D'un même mouvement, la ratio grammaticale voit sa pertinence minimisée, et « on enlève à la grammaire un appareil de catégories pour lui rendre un corpus d'exemples » (Lardet, 1992, p. 200).

Ce changement de perspective se traduisit dans l'enseignement. Si la logique, garante de la vérité, et pièce maîtresse du cursus universitaire médiéval, se trouve écartée des studia humanitatis, la grammaire se maintient et agrège à une rhétorique amplifiée et revalorisée à la fois la poétique, l'histoire, la philosophie morale et l'enseignement du grec (Lardet, 1992, p. 189). Le grammairien, selon Politien, peut ainsi agir comme le criticus antique (cf. la sylve Lamia, 1492).

La pensée sortie de l'éternité et du présent, on assista à la naissance de la raison historique et de la conscience historique : la Renaissance fut la première époque à se penser comme telle. Contre l'universalisme de la ratio, certains humanistes reconnurent la pluralité irréductible des textes, des langues, puis des cultures. Elle constitue l'objet de la linguistique et des autres sciences sociales [41].

3.2. Les textes et l'unité du langage

Le concept de texte relie historiquement et permet de faire communiquer la linguistique, la philologie et l'herméneutique. Dans la mesure où l'objet des sciences sociales appartient au sémiotique, la problématique du texte unit encore aux sciences sociales d'autres disciplines qui ne se prétendent pas scientifiques.

Le développement contemporain des sciences du langage et des disciplines qui traitent du texte permet aujourd'hui de formuler un nouveau projet de connaissance : unifier la pratique philologique et la

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théorie sémantique de l'interprétation. Une question cruciale et restée en suspens commande cependant l'unification de l'herméneutique et de la philologie : comment concevoir l'unité des deux plans du langage, mixte jugé intolérable de sensible et d'intelligible ? On peut bien entendu proposer une réponse fonctionnelle : le langage a de fait sinon par vocation une fonction médiatrice entre ces deux sphères [42]. Encore cette réponse doit-elle faire droit à l'unité des deux plans du langage, contenu et expression.

Une conception non dualiste se doit d'intégrer signifiants et signifiés dans les mêmes parcours : ils sont discrétisés d'ailleurs par les mêmes types d'opérations, et les signifiants ne sont pas plus « donnés » que les signifiés. En étudiant les relations sémantiques en contexte, nous avons par exemple détaillé les analogies entre le traitement des contrastes en perception sémantique et en perception visuelle et auditive (cf. 1991, ch. VIII).

La notion de parcours interprétatif permet de rendre compte du lien problématique entre les deux plans du langage. En effet, la sémantique interprétative a maintes fois souligné que l'actualisation de traits sémantiques exigeait le passage par ces interprétants que sont selon elle les signifiants. Par exemple, la rime est ordinairement l'indice d'une relation sémantique entre sémèmes. Le rôle des rythmes et de la prosodie souligne en outre que sont établis entre les plans du langage non seulement des homologies, mais des contacts constants, tels que les intonations peuvent répéter, suppléer, voire contredire le contenu de lexies, voire de périodes. Enfin, partout les traditions mythiques et poétiques ont codifié avec les genres des types de rapports entre les deux plans du langage. Les formes de ces rapports varient naturellement avec les langues, mais le principe qui les gouverne a sans doute une portée anthropologique : partout l'accord de l'expression et du contenu par homologie structurale semble associé à un effet de vérité, même si elle ne la définit pas. Il impose des parcours interprétatifs spécifiques, propres aux textes hiératiques, qu'ils traitent des héros ou des dieux.

Comme la sémantique des textes n'est pas dualiste, on conçoit qu'elle souligne les contacts constants qu'établissent entre les plans du langage les parcours interprétatifs, non seulement pour affirmer l'unité du langage, mais pour affaiblir le préjugé millénaire que le sens est indépendant des langues.

3.3. La conception monadologique du texte et l'immanentisme contemporain

Un doute s'élève. Affirmer l'autonomie du sémiotique et celle du texte en particulier pourrait conduire à une réontologisation du texte. Il trouverait en lui-même son sens, et

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pourrait faire l'objet d'une étude immanente. Quand Adorno affirme dans sa Théorie esthétique que l'oeuvre d'art est une monade, tout à la fois centre de forces et res, il se réclame de la monadologie leibnizienne et, par delà, reconduit la question des entéléchies scolastiques.

La sémiotique structurale, malgré son apport à la problématique du texte, a mis en oeuvre un nouvel immanentisme (cf. l'auteur, 1994 b) qui paraît conduire à une nouvelle sorte d'ontologisme, car l'immanentisme suppose toujours une autarcie de l'objet. Il semble au demeurant conforme à la définition hjelmslévienne de la structure comme « entité autonome de dépendances internes ». Mais l'autonomie n'est pas l'indépendance, et si les rapports internes priment certes, ce sont les rapports externes qui permettent de les discerner ; en d'autres termes, ils en sont l'interprétant. Aussi, l'on ne peut établir les relations internes que par le biais des relations externes. Cette thèse de l'interprétance externe est particulièrement forte pour ce qui concerne les valeurs : par exemple, les évaluations qui permettent d'identifier les acteurs et d'identifier un récit sont en général implicites.

Après la question des dépendances internes, posons celle de l'autonomie. La décision de clore le texte et de l'étudier comme globalité pourrait toutefois échapper à l'ontologie, mais à la condition de poser les questions de l'établissement et de la caractérisation des relations structurales. Si chaque type, voire chaque occurrence de relation suppose un point de vue capable de la discerner, la structure peut se définir comme une globalisation de ces points de vue.

La conception ontologique de l'objectivité efface le problème des points de vue et le cache sous des « procédures » méthodiques qui en seraient indépendantes, sans poser le problème des canons herméneutiques, ni même la question de la reconnaissance des relations structurales. De fait, par son objectivisme, le structuralisme dans les sciences de l'homme n'a pas pu poser le problème de la constitution de ses objets scientifiques.

Par contraste, la conception critique de l'interprétation ne reconnaît pas d'autre objectivité qu'une subjectivité multipliée. Elle est propre à la multiplicité des interprétations et des « horizons d'attente » ou présomptions qui les commandent : l'objet textuel, en tant qu'il est interprété, est le substrat sur lequel s'appuient les diverses interprétations, de la même façon que l'objet « physique » non sémiotique est le substrat de divers horizons [43].

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La multiplicité n'entraîne pas nécessairement un partage : elle ouvre aussi une voie polémique, et l'on doit souligner qu'il n'est pas de véritable dialogisme sans éristique. La conception critique peut échapper aux théories iréniques de l'Einfühlung, qui doivent sans doute beaucoup aux théologies du piétisme.

3.4. La fédération des sciences herméneutiques

L'oeuvre exemplaire des grands philologues que furent Spitzer et Auerbach montre cependant la fécondité du projet d'unifier l'herméneutique et la philologie. Étudier les textes au sein d'une sémiotique des cultures ne conduit pas à dissoudre leur étude dans une philosophie de la culture, ni même à étudier les structures culturelles dans leurs manifestations linguistiques.

Il importe de reconnaître que le sens des textes ne leur est pas immanent, et que pour l'établir il faut tenir compte de leur caractère de formations culturelles. Maintes disciplines participent par vocation et de droit sinon de fait à cette entreprise fédérative : la littérature comparée, la stylistique, la poétique, la linguistique, mais aussi l'ethnologie et l'histoire. Le développement de ces disciplines herméneutiques doit permettre de mieux comprendre le caractère sémiotique de l'univers humain.


NOTES

[*] Ce document présente les deux premières parties d’une conférence prononcée à l’Université Paris IV le 19 novembre 1992, en ouverture du séminaire Sémantique des textes., organisé en collaboration avec G. Molinié. En voici le préambule : « L’objectif de ce séminaire est clair : donner la parole aux gens du texte, épars dans diverses diasporas et divisés en maintes tribus académiques. Le texte est entendu ici comme une dimension du langage. Elle intéresse un peu les linguistes et les psycholinguistes, beaucoup les littéraires. Toutes les sciences sociales ont à en traiter, en fonction des objectifs qui leur sont propres ».

[1] Je lis dans une lettre circulaire du ministre de la recherche que « le programme-cadre européen présente des inflexions sur les priorités thématiques. Ces inflexions laissent cependant peu de place aux sciences de l’homme et de la société, sauf à les voir prises en compte dans les programmes à dominante technologique ». Le même utilitarisme à courte vue veut de longue date réduire la part des études littéraires.

[2] Cf. l’auteur,1989 ; l’auteur et al., 1994.

[3] A la conception normative de l’interprétation, nous préférons une conception normale, au sens où il ne s’agit pas d’imposer des normes, mais simplement de les décrire. Dans un cadre général de prohibitions et de prescriptions, l’activité interprétative ne se déploie pas selon un système, mais dans le cadre de ce qu’on pourrait appeler, par allusion à Donat, une grammaire permissive.

[4] Même si cet objet, tout comme d’ailleurs le langage, se voit aussi étudié par d’autres disciplines qui ne partagent pas ses objectifs.

[5] On objectera que le mot de discours eût alors mieux convenu à notre propos : non, car le mot discours, s’il suppose quelque étendue, garde une acception générale et peu déterminable, alors que texte peut désigner une production linguistique particulière. Par ailleurs l’école française d’analyse du discours a donné à ce mot une acception politique devenue à présent vaguement sociologique.

[6] Je conserve ici la distinction ordinaire qui oppose le signe et le texte comme le simple au complexe, bien que certains sémioticiens, comme Peirce et Hjelmslev aient considéré le texte comme un signe.

[7] Le paradigme différentiel en linguistique définit certes les signes les uns par rapport aux autres, et notamment, par le concept de valeur, les signifiés les uns par rapport aux autres.

[8] Pour une présentation de ce modèle qui a donné naissance au triangle sémiotique classique mot / concept / chose, cf. l’auteur, 1990.

[9] Sur ce modèle indiciaire de l’inférence, cf. l’auteur, 1991, ch. III. La force et l’originalité du modèle de Bühler réside dans la synthèse des deux paradigmes de la signification, référentiel et inférentiel, auxquels on peut associer symboliquement les noms d’Aristote et d’Augustin.

[10] Jacques (1992, p. 94) prête à Aristote ces deux critères : « Un texte est un parce qu’il parle d’un seul et même objet, dont il est question, ou bien parce qu’il est tenu ensemble (sundesmô) par des conjonctions » et renvoie au Peri hermèneias, 17a 15-17(?), Poétique 1457 a 28 sq, Métaphysique, 1045 a, 12 sq). Le premier critère est extensionnel, et suppose que le référent détermine la cohérence ; le second est intensionnel, et fait dépendre d’articulations logiques ou syntaxiques ce que l'on appelle aujourd'hui la cohésion, voire la connexité.
La présentation est séduisante, mais il est délicat de traduire logos par texte ; en outre, il faut noter la différence d’étendue entre les deux acceptions du mot logos dans le texte d’Aristote : la définition sert d’exemple pour la  première, l’Iliade illustre la seconde. La première est d’inspiration logique, référentielle, et anticipe l’acception de logos comme proposition déclarative ; la seconde est d’inspiration rhétorique et poétique.

[11] Cf. par exemple la déclaration célèbre de Taine : «Que les faits soient physiques ou moraux, il n’importe, ils ont toujours des causes [...] Le vice et la vertu sont des produits comme le vitriol ou le sucre » (Introduction à l’Histoire de la littérature anglaise, apud Molino 1989, p. 16).

[12] Cf. la première thèse du Cercle de Prague, 1929 : « Produit de l’activité humaine, la langue partage avec cette activité le caractère de finalité. Lorsqu’on analyse le langage comme expression ou comme communication, l’intention du sujet parlant est l’explication qui se présente le plus aisément et qui est la plus naturelle. Aussi doit-on, dans l’analyse linguistique, prendre égard au point de vue de la fonction. De ce point de vue, la langue est un système de moyens d’expression appropriés à un but. » (trad. fr. in Change, 3, 1969). Cette conception courante s’est poursuivie notamment dans le fonctionnalisme de Martinet ou celui de Halliday (« Language is as it is because of what it has to do »,1978).

[13] Le parcours des réductions diffère, mais dans tous les cas elles gagent le texte, qui relève du sémiotique, sur une ontologie du monde (réferent) ou des représentations (de l’émetteur ou du récepteur).

[14] L’indifférence à l’égard de l’ontologie, ou du moins de ses déterminations univoques, est rendue manifeste quand les pôles intrisèques se multiplient : les énonciateurs, les destinataires et les mondes représentés peuvent se multiplier sans que rien d’essentiel ne change.

[15] Encore que la suite de l’étude consiste précisément à rétablir le pôle mondain, en utilisant la théorie des mondes possibles.

[16] F. Jacques estime ainsi que « le langage littéraire est orienté vers une réalité extérieure qu’il atteint ou qu’il n’atteint pas » (1992, p. 119). Cette référence suspensive ne reste pas suspendue, car les prédicats applicables à l’objet du discours permettent « d’engendrer le monde textuel » (p. 120). Mais les mondes textuels des textes de fiction pointent vers le monde réel : « les référents littéraires qui font partie des mondes fictionnels sont accessibles à partir du nôtre. Et réciproquement le monde réel est accessible à partir d’eux » (p. 114). La référence est ainsi relayée par une relation d’accessibilité entre mondes. Mais le monde réel reste un parangon, et permet si l’on peut dire d’étalonner la référence fictionnelle. Ainsi, tous les grands romans « dénoncent le principe de la fiction qui les a nourris. Ils s’avancent vers une référence dans le monde réel qui est leur terminus ad quem » (p. 112). Ce détour par les mondes possibles permet ainsi de « préserver le ‘contenu de vérité’ du texte » (p.109) et de ne pas « renoncer au réalisme philosophique de la référence » (p. 97).

[17] Pour un débat sur ce point, cf. l’auteur, 1990, 1992.

[18] Dans ce paragraphe, nous reprenons des éléments de l’auteur et al., 1994 .

[19] Il conviendrait de discuter la notion d’instruction telle qu’elle est utilisée chez Eco (Lector in fabula), voire par l’école de Constance : « Le texte est un ensemble structuré d’instructions de lecture » (Rutten, 1980, p. 73). La notion parfois avancée de résolution de problèmes (Adam, 1990, p. 114) appartient au même paradigme computationnel et calculatoire.

[20] Cela apparaît chez Perret, 1975, p. 14 : « Un texte d’écriture », aussi bien que chez les kristéviens : « Un texte est un discours écrit, fixé » (T. Le Gouaziou, in Encyclopédie Philosophique, Paris, PUF, 1990, II, 2, p. 2578).

[21] La définition empirique de Weinrich : « Un texte […] peut être défini comme une suite signifiante de signes entre deux interruptions manifestes de la communication » (1974, p. 198) rompt certes avec l’écrit, mais repose sur la notion de communication. La notion d’interruption manifeste appelle des précisions. Par exemple, un dialogue doit être considéré comme un seul et même texte : sa clôture dépend de rituels d’interlocution qui dépendent du genre conversationnel dont il relève.

[22] Gérard Genette définit le texte comme une « suite plus ou moins longue d’énoncés verbaux plus ou moins pourvus de signification » (1987, p. 7). Feignons de prendre au sérieux cette définition pince-sans-rire, pour rappeler qu’un texte est un énoncé (produit d’un acte d’énonciation). Le nombre des « énoncés verbaux » qui le composent n’est pas pertinent pour le définir, sauf pour certains genres qui prescrivent ce nombre. Enfin, le plus ou moins de signification, à supposer qu’elle puisse se quantifier, n’appartient pas au texte, mais à son interprétation.

[23] Selon Slakta, le texte se définit ainsi : « Séquence bien formée de phrases liées qui progressent vers une fin » (1985, p. 138). Cette définition nous paraît susciter plusieurs questions et objections :
(i) Un texte n’est pas une séquence de phrases, fussent-elles liées. (ii) Qu’est-ce qu’une séquence bien formée ? La notion d’expression bien formée suppose des règles syntaxiques strictes, au sens logico-mathématique du terme. On se souvient du débat dans Cognitive Science au début des années 80 : il a montré, pour qui en doutait encore, que les grammaires de textes ne produisaient pas de règles de bonne formation au sens technique. (iii) Tendre vers une fin est, selon la tradition aristotélicienne, le propre des genres narratifs, ou du moins clos. On peut douter que ce soit une propriété de tout texte.

[24] Au sens de sociolecte propre à un type de pratique sociale (discours religieux, politique, etc.). Pour une présentation de catégories conceptuelles propres à décrire la textualité, et leur mise à l’épreuve dans des descriptions, cf. l’auteur, 1989.

[25] Sextus Empiricus donne cette variante : « la connaissance empirique poussée le plus loin possible » (Contre les grammairiens, § 57 ) et Di Benedetto (1958, pp. 197 sq.), estime cette définition authentiquement dionysienne ; elle reflète en tout cas l’activité des philologues alexandrins. Le texte ordinaire s’accorde mieux avec la tradition de la grammaire scolaire, qui loin de vouloir étudier les auteurs pour eux-mêmes, y cherche simplement une norme écrite.

[26] Gardons nous des anachronismes : la critique (krisis) qu’il avait en vue ne jugeait pas de la valeur esthétique, mais de l’authenticité. Denys rend ici hommage à l’école de Pergame, dont les auteurs revendiquaient le titre de kritikos, l’école d’Alexandrie se contentant ordinairement de grammatikos.

[27] Un africain, Martianus Capella, décrivit dans une allégorie plaisante les noces de Mercure, dieu des herméneutes, et de Philologie, accédant au rang d’une déesse. À nous de savoir célébrer ces époux toujours jeunes, dont l’union millénaire ne paraît pas encore consommée.

[28] On peut associer symboliquement au premier courant Jules-César Scaliger, et au second son fils Joseph-Juste.

[29] L’Encyclopédie de d’Alembert et Diderot la définit ainsi : « Espèce de science composée de grammaire, de poétique, d’antiquités, d’histoire, de philosophie, quelquefois même de mathématiques, de médecine, de jurisprudence, sans traiter aucune de ces matières à fond ni séparément, mais les étudiant toutes en partie ».

[30] La méthode de la critique textuelle, élevée au plan théorique, est à l’origine de la philosophie critique depuis Kant. Mais le projet philosophique dérive, par une involution spéculative, de la critique philologique. Par le triple précédent de Spinoza (Traité théologico-politique), de Richard Simon (Histoire critique du vieux testament, 1678) — cet oratorien qui s’attira les foudres de Bossuet en discernant des genres dans la Bible — et du Dictionnaire historique et critique de Bayle.
La notion de critique garde quelque chose de son origine judiciaire, car le critique, dit Bayle « soutient successivement le personnage d’un avocat demandeur, d’un avocat défendeur » (art. Archélaos, 290 b). Pour Kant, cette activité deviendra celle de la Raison, qui assumera les rôles non seulement du procureur, de l’avocat et du juge, mais encore de l’accusé. Elle sera d’abord acquittée, puis condamnée par ses successeurs. Du discours juridique, il restera le thème de la légitimation.

[31] Cf. Saussure : « La langue n’est pas l’unique objet de la philologie, qui veut avant tout fixer, interpréter, commenter des textes. La philologie use de sa méthode propre qui est la critique. Si elle aborde les questions linguistiques, c’est surtout pour comparer les textes de différentes époques, déterminer la langue particulière à chaque auteur, déchiffrer et expliquer des inscriptions rédigées dans une langue archaïque obscure » (Cours, 1971, pp. 13-14).

[32] Cette distinction fondamentale réapparaît au septième chapitre du Traité théologico-politique de Spinoza (1670).

[33] Szondi fut en philologie l’élève de Staiger, et en philosophie celui d’Adorno.

[34] Comparer l’exemple d’Aristote : « Ce n’est pas parce que nous pensons avec vérité que tu es blanc, que tu es blanc, mais c’est parce que tu es blanc, qu’en disant que tu l’es, nous sommes dans la vérité » (Métaphysique, 10, 1051 b 6 ; cf. Catégories, 12, 14 b 16 ss) et la célèbre formule de Tarski : « La neige est blanche est vrai si et seulement si la neige est blanche » (pour une discussion, cf. Kempson, 1981, ch. 3).

[35] Ces remarques inévitablement sommaires, même si elles doivent beaucoup à Lallot (1989, pp. 119-125), ne doivent pas faire oublier que logos est resté l’un des mots les plus polysémiques qui soient, même chez les grammairiens. Mais soulignons, le mot logique en témoigne encore, logos a souvent eu partie liée avec la raison et le raisonnement. Chez Platon par exemple, il désigne la faculté de raisonner (Parménide, 135 e ; République, 582 e). De cette acception, on passe souvent à celle de jugement ou de prédication.

[36]  La distinction entre texte et discours, présente chez Slakta, puis Fuchs et Adam, qui définit le texte comme un discours abstrait de ses conditions de production (cf. Adam, 1990, p. 23) reformule en fait, à un autre niveau, la distinction phrase / énoncé et s’attire les mêmes objections.

[37] Reste le problème du rapport entre sémiotique du mot, la sémantique de la phrase, et la métasémantique du discours (cf. Benveniste, 1974, pp. 64-66). La théorie de Benveniste a eu un impact important, car elle s’appuyait sur des préjugés fort partagés. Barthes, par exemple, les résume ainsi : « on sait que l’objet de la linguistique, celui qui détermine à la fois son objet et ses limites, c’est la phrase (quelles que soient les difficultés de la définir) : au-delà de la phrase, point de linguistique, car c’est alors le discours qui commence et les règles de combinaison des phrases sont différentes de celles des monèmes ; mais, en deçà, pas de linguistique non plus, car on ne croit alors trouver ques des syntagmes informes, incomplets, indignes » (1984, p. 154).

[38] Il y a lieu de s’interroger sur le caractère génératif des grammaires générales et universelles depuis le treizième siècle. Elles ont diversement subi l’influence du néoplatonisme, aussi bien par saint Augustin que par divers commentateurs qui ont transmis l’héritage aristotélicien. Comme on sait, Plotin et son école ont décrit toutes sortes de médiations graduelles entre l’esprit et la matière, médiations que fonde la théorie de la participation.
Enfin, n’oublions pas l’importance historique des écrits du Pseudo-Denys, qui passa jusqu’à la Renaissance pour le converti de saint Paul, et dont le néoplatonisme influença durablement la scolastique, par la médiation d’Albert le Grand, notamment.
Si la séparation des formes et des substances est bien platonicienne, la gradualité des médiations ou conversions qui permettent de passer des premières aux secondes nous paraît caractéristique du néoplatonisme.

[39] Cf. l’auteur, 1992 a.

[40] Par contraste, dans une axiomatique, on peut modifier par pétition de principe les axiomes et les règles, non les conclusions, car elles suivent nécessairement.

[41] De l’hétérogénéité des textes, et notamment que des textes réfèrent à d’autres textes, en particulier quand ils sont un usage métalinguistique comme ceux de la linguistique du texte, on ne peut conclure à l’impossibilité d’une science des textes, mais bien au contraire à sa nécessité (cf. contra Molino, 1989, p. 40, sur « l’hétérogénéité des textes, pour lesquels nous ne croyons pas […] qu’il existe de science unique » appelée plus loin Science Magnifique des Textes). La relation des textes avec d’autres domaines d’objectivité n’entraîne aucunement que la linguistique devienne la Science Universelle (cf. contra, Molino, 1989, p. 42).

[42] Et la théorie kantienne du schématisme ne sert sans doute qu’à pallier l’absence du langage dans son criticisme philosophique.

[43] Pour redéfinir l’objectivité en physique, Gonseth puis Cohen-Tannoudji ont employé l’image de l’horizon : il appartient à notre champ de vision, qu’il paraît borner. Le réel objectif n’en existe pas moins comme ensemble de conjectures : dans un langage unitaire, il est ce sur quoi nous traçons notre horizon ; et dans un langage infinitaire, il est fait de tous les horizons possibles.
Cette situation est le lot commun de toutes les sciences, leur minimum herméneutique. Mais si dans les sciences de la nature, du moins les sciences physiques, la situation de l’observateur est déterminée par des coordonnées elles-mêmes physiques, repérables dans l’espace-temps, dans les sciences sociales l’espace est médiatisé par la culture, dont la langue ; et le temps par l’histoire. La situation spatio-temporelle de l’observateur est redoublée par la situation historico-culturelle de l’interprète.
Or le linguiste n’est pas seulement un observateur, mais aussi un interprète. La critique philologique joue pour ainsi dire le rôle de la méthode expérimentale, non pour éliminer illusoirement toute subjectivité, mais pour hiérarchiser les subjectivités.
En disant que le sens du texte est immanent, non au texte, mais à la pratique d’interprétation, nous reconnaissons que chaque lecture, “savante” ou non, trace un parcours interprétatif, qui correspond à l’horizon du lecteur. La sémantique des textes propose une description des parcours interprétatifs. Le sens actuel du texte n’est qu’une de ses actualisations possibles. Le sens complet serait constitué de l’ensemble des actualisations, en d’autres termes l’ensemble des horizons possibles (cf. l’auteur, à paraître).


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©  1996 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : RASTIER, François. Pour une sémantique des textes : questions d'épistémologie. Texto ! 1996 [en ligne]. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_PourSdT.html>. (Consultée le ...).