INTRODUCTION
à l'Introduction à la sémantique des textes. Paris : Editions Honoré Champion, 2001, p. 7-9.
Louis HÉBERT
Or, le sens, qu'il soit linguistique ou autre, est également l'objet plein ou partiel de la sémiotique, selon qu'on la définit comme étude des signes ou de la signification (par génération ou par interprétation). Ce livre procède donc du général, la sémiotique, passe à la sémantique et aboutit à une sémantique en particulier, la sémantique interprétative développée par F. Rastier (principalement 1987, 1989, 1991 et 1994). Pourquoi cette sémantique ? Elle présente à notre avis des caractéristiques précieuses qui lui permettent de franchir des obstacles que nous considérons comme des murs. Nous allons, sur-le-champ, en présenter quelques-uns et les franchir sommairement :
1. Le mur du signifié : le signifié se décompose en parties appelées sèmes.
2. Le mur du mot : la lexie, véritable unité fonctionnelle, comporte un ou plusieurs mots ; le morphème est le véritable signe minimal linguistique.
3. Le mur de l'énoncé : le palier textuel ne se résume pas à une addition d'énoncés (principe de non-compositionnalité absolue), de plus le palier textuel détermine le palier de l'énoncé et non l'inverse (c'est la "détermination principielle du local par le global" (Rastier, 1994 : 326)).
4. Le mur du référent : d'une part le sens détermine la référence et non l'inverse, d'autre part les sèmes ne sont pas des répliques des parties du référent.
5. Le mur du contenu dénotatif : le sens résulte de l'interaction des contenus dénotatifs et connotatifs, plus précisément inhérents et afférents.
6. Le mur de la langue : il faut prévoir des mécanismes de conversion, et non pas seulement d'héritage intégral, du contenu en langue en contenu contextuel, par exemple l'actualisation/virtualisation.
<page 8> 7. Le mur du "prosaïque" : une sémantique qui ne peut rendre compte du littéraire, lieu éminent de variété et de complexité linguistiques, reste incomplète. Une sémantique devrait permettre d'analyser et de caractériser des textes techniques, scientifiques, philosophiques, artistiques, etc.
* * *
Détaillons quelque peu chacun des chapitres. Nous dégageons d'abord, dans le cadre d'une sémiotique et d'une sémantique générales, les principaux termes et fonctions sémiotiques (internes ou externes au signe), et les représentons à l'aide d'un hyper-signe, le "rectangle sémiotique" (formé des termes signifiant, signifié, concept, référent). Nous étudions à partir de cette base plusieurs des choix théoriques auxquelles une sémantique est, implicitement ou explicitement, confrontée. Nous utilisons également notre dispositif pour dresser une typologie des parcours référentiels (un parcours référentiel est l'ensemble structuré des termes et fonctions menant du signifiant au référent). L'intérêt de cette section est de dresser un portrait schématique de l'obsédant débat occidental sur le référent et d'éclairer en quelque sorte le rapport entre les opposés que sont le sens et les sens (le référent idéalisé étant la chose).
Dans les chapitres deuxième et troisième, nous présentons, ponctuées de précisions et de compléments, des propositions de la sémantique interprétative. Nous n'avons évidemment pas restitué toute la richesse et la complexité de cette théorie. Notamment, nous avons négligé la mésosémantique (liée au palier de l'énoncé), nous consacrant surtout à la microsémantique (liée au palier de la lexie) et à la macrosémantique (liée au palier du texte). En simplifiant, on dira que la microsémantique et la macrosémantique se trouvent présentées respectivement au deuxième et au troisième chapitres.
Au deuxième chapitre, nous faisons état des principes et de la méthodologie propres à la sémantique interprétative. Ils valent pour les trois paliers sémantiques, bien qu'ils soient étudiés surtout dans une perspective microsémantique. Pour représenter les principales relations de décomposition et de classement de la systématique, nous avons élaboré <page 9> un "arbre de la sémantique interprétative". D'autre part, poursuivant le travail sur la référence entrepris dans le premier chapitre, nous dégageons dans le détail le parcours référentiel selon la sémantique interprétative.
Le troisième chapitre détaille les quatre composantes sémantiques : la thématique (les contenus investis), la dialectique (les états et processus représentés), la dialogique (les unités dans leur modalisation) et la tactique (la disposition linéaire des unités). Nous avons négligé la composante tactique, la composante la moins étudiée dans la sémantique rastiérienne. Les composantes, bien que développées à partir du palier du texte, s'appliquent également, avec des différenciations propres à chaque palier, en micro- et en mésosémantique.
Le dernier chapitre présente quelques analyses de textes littéraires : une analyse microsémantique de "Flûte" du poète québécois Saint-Denys Garneau ; une analyse dialectique de "La cigale et la fourmi" de La Fontaine et de "Jeu d'osselets" de la nouvelliste québécoise Aude ; une analyse dialogique de "Laquelle est la vraie" et de "Le chien et le flacon" de Baudelaire de même que de la nouvelle "Simplicité vaut mieux" du dramaturge québécois Normand Chaurette.
Vous pouvez adresser vos commentaires et suggestions à : louis_hebert@uqar.uquebec.ca |