BEAUDOUIN, Valérie. Mètre et rythmes du vers classique. Corneille et Racine. Paris : Honoré Champion, 2002, 620 p.,  (Coll. Lettres numériques)

COMPTE RENDU
par Gérald PURNELLE

(Texte publié dans Corpus, 2004, n°3, p. 251-257)

L’ouvrage que publie Valérie Beaudouin, tiré de sa thèse soutenue en 2000, se signale par de nombreuses qualités, parmi lesquelles on distinguera l’ampleur de la matière étudiée, l’originalité de la démarche et des méthodes, l’intérêt neuf et majeur de maints résultats, le renouvellement méthodologique qu’il apporte dans le domaine de la métrique française.

L’auteur s’est proposé de décrire le vers du théâtre classique, en s’appuyant sur un corpus constitué de la totalité des pièces de Corneille et Racine, tout en étant consciente du caractère, certes ample, mais limité, voire arbitraire, de ce choix, d’abord fondé sur la visibilité des deux dramaturges étudiés et sur les ressources électroniques disponibles. L’approche à laquelle elle se livre se veut systématique (p. 12) : « traiter systématiquement les phénomènes rythmiques sur un corpus [...] important » par le recours à l’outil informatique et, le cas échéant, aux méthodes statistiques. C’est donc bien de traitement de corpus qu’il s’agit, et non de théorisation ou d’application pure de modèles théoriques : l’auteur se fonde certes sur de tels modèles, mais sa démarche se veut avant tout empirique ; on verra comment elle adopte à plus d’une reprise une position neutre, aussi débarrassée que possible de tout présupposé, afin d’atteindre une description du vers toute entière tirée des faits qui permettent de le caractériser.

Une des particularités formelles de l’ouvrage, qui ne l’alourdit pas nécessairement, mais lui confère parfois un caractère composite, est la nécessité où l’auteur s’est vue de mêler constamment ou d’alterner l’exposé des méthodes, des principes et des instruments et celui des problématiques, des analyses et des résultats. Sans doute est-ce là une des contraintes et des limites inhérentes à tout traitement massif de corpus, surtout lorsqu’il est abordé de façon innovante : le marquage des unités du corpus, la formalisation de celui-ci imposent des choix qu’il convient de décrire et de justifier. En tout état de cause, ce double aspect de l’ouvrage (méthodes et résultats) le rend propre à intéresser les spécialistes du traitement de corpus autant que les métriciens et les stylisticiens. Ainsi, après un premier chapitre consacré au « Cadre historique et théorique », l’auteur décrit son corpus (chapitre ii), puis passe à la première question formelle examinée, la rime (chapitre iii), qui constitue un des moments les plus novateurs de l’ouvrage (cf. infra) ; les trois chapitres suivants reviennent à des questions méthodologiques : l’une plus théorique (la variation phonologique, chapitre iv), les autres plus pratiques : la description des marquages linguistiques (chapitre v) et de l’instrument informatique utilisé (chapitre vi). Les deux derniers chapitres sont essentiellement descriptifs et détaillent les résultats de l’analyse proprement dite, puisqu’ils sont consacrés aux figures rythmiques de l’alexandrin sur les plans phonétique, syntaxique, prosodique, sémantique et stylistique.

On peut synthétiser la démarche de l’auteur, pour décrire l’alexandrin dans son rythme, en y dégageant trois prémisses situées à trois niveaux différents. Sur le plan théorique, elle se fonde sur la théorie du rythme de Pierre Lusson, appliquée au vers et plus spécifiquement à l’alexandrin par Lusson et Roubaud. Elle conçoit le modèle métrique de l’alexandrin à rimes plates alternées comme constitués de plusieurs niveaux hiérarchisés, dont le plus atomique est la position métrique (la syllabe organisée autour d’un noyau vocalique) et le plus élevé le quatrain à rimes plates obéissant à la règle de l’alternance en genre des rimes ; les niveaux intermédiaires étant l’hémistiche, le vers et le distique (pp. 51-56).

Sa démarche consiste à ne pas considérer à priori que l’alexandrin est composé de deux hémistiches, à ne pas présupposer un principe accentuel dans le vers français, mais à se fonder sur des marquages linguistiques appliqués à chaque vers pour faire émerger de la description la figure métrique et les figures rythmiques du mètre. Elle pose l’« hypothèse forte » que « la structure métrique et rythmique du vers résulte d’un agencement particulier des éléments du discours et de cela seulement » (p. 208).

Pour ce faire, elle définit donc plusieurs niveaux de marquages linguistiques, selon lesquelles chaque position (syllabe, voyelle) du corpus est étiquetée et décrite : la voyelle, son environnement consonantique (la syllabe), les fins de mots (et donc l’accent dans le cas des mots pleins), la nature syntaxique des positions. Ces marquages sont produits par un outil informatique ad hoc, baptisé le métromètre, décrit (y compris dans ses limites) au chapitre vi et constitué de trois couches : l’analyseur syntaxique Sylex, développé par Patrick Constant, un phonétiseur du français contemporain dû à François Yvon et une batterie de règles spécifiques à l’alexandrin. À l’issue du traitement, chaque vers est transcrit phonétiquement et décomposé en syllabes ; chaque syllabe est affectée des marquages prévus.

Ces différents marquages linguistiques envisagés, décrits au chapitre v, produits par le métromètre et exploités quantitativement afin de dessiner la structure rythmique de l’alexandrin, nécessitent tous un examen préalable des réalités et questions qu’ils concernent. Ainsi, le repérage des positions métriques et le découpage du vers en syllabes amène l’auteur à reprendre trois questions d’ordre phonétique (chapitre iv) : la diérèse, l’e muet et la liaison. Certes, c’est d’abord par nécessité pratique qu’elle les envisage (il s’agit de définir les règles de syllabation imposées au métromètre), mais chaque question est réexaminée dans sa globalité et selon ses aspects théoriques et concrets ; la question de la diérèse, notamment, donne lieu à des tableaux récapitulatifs des règles qui la commandent, mais aussi, et préalablement, à un examen empirique de la pratique des deux dramaturges du corpus. La question de la liaison, quant à elle, pose problème à l’auteur, mais elle n’a qu’une faible incidence sur la suite du traitement, les observations phonétiques impliquées dans l’étude des figures rythmiques du vers ne concernant que les voyelles (noyaux des positions métriques). Quant à l’e dit muet, on peut regretter la façon dont l’auteur fait la distinction entre des e muets forts et d’autres dits faibles ; elle range dans la première catégorie les e des monosyllabes atones, les proclitiques, et ceux dont l’apocope devant une consonne entraînerait une succession imprononçable de trois consonnes (exemple : battre le fer) ; dans la seconde, les e post-toniques que la diction courante tend à frapper d’élision. Cette classification, dont l’incidence et l’utilité dans la suite de l’analyse sont d’ailleurs réduites voire nulles, a le tort, en répartissant les e post-toniques dans les deux catégories, de fabriquer deux classes dont l’une est hétérogène d’un point de morpho-phonologique voire morpho-syntaxique, au profit d’un angle de vue peu pertinent dans le contexte : il n’est guère intéressant de se fonder, pour classer les e, sur une hypothétique prononciation courante, favorisant l’élision d’e finals devant consonne initiale, dès lors qu’en métrique classique tout e apparaissant dans une telle position est régulièrement (et obligatoirement) prononcé et fait position. La conséquence de ce choix méthodologique est une scission des effectifs des e post-toniques dans le chapitre vii, où est notamment étudiée la répartition des phonèmes vocaliques dans le vers.

C’est donc l’étude quantitative des valeurs présentées par les différents marqueurs linguistiques aux différentes positions métriques du vers qui permet à l’auteur de dessiner, de façon totalement empirique, la « figure » de l’alexandrin chez Corneille et Racine. L’auteur appelle « figure » « la représentation multidimensionnelle du vers construite grâce à la projection sur ce vers des catégories de la langue (phonèmes vocaliques, catégories syntaxiques, accents…) » (p. 275). Tous les indices examinés lui permettent de valider « certaines propriétés connues ou déjà signalées » de l’alexandrin (p. 339), les unes étant métriques, les autres non, ce qui permet de « clarifier les relations entre mètre et rythme » (p. 18) : participent à la dimension métrique de l’alexandrin : le statut particulier des positions 6 et 12 (elles correspondent toujours à une fin de mot ; les e muets y sont exclus, les e post-toniques aux 1 et 7) ; partant, la nature spécifique de l’alexandrin, constitué de la conjonction de deux segments de 6 syllabes ; le caractère secondaire de l’accent : c’est parce que la dernière position de chaque hémistiche correspond toujours à une catégorie de mot plein qu’elle porte toujours un accent, accent de groupe ou de mot phonologique (d’un point de vue métrique, le vers français n’est donc pas accentuel, mais syllabique). Les propriétés non métriques relèvent « d’autres phénomènes qui ne sont pas métriques au sens défini précédemment, parce qu’ils ne sont pas systématiquement attestés, mais qui dessinent des tendances rythmiques dans le vers » (p. 340) ; ceci concerne le rythme interne des hémistiches : statistiquement, le premier et le deuxième hémistiches présentent une remarquable similitude dans les courbes produites par les différents marquages : large dominance d’un faible nombre de figures métrico-rythmiques, contraste entre les positions frontières d’hémistiches (6 et 7). Mais, issues des analyses quantitatives, d’autres observations montrent que l’alexandrin est bien un vers homogène : outre la rime qui, bien entendu, en marque la fin, des règles restrictives d’ordre phonétique gouvernent la jonction des deux hémistiches, et l’on constate une plus grande régularité des seconds hémistiches, où les figures les plus régulières (la figure dite anapestique en 001001 ou les figures assimilables au rythme ïambique en 010101) sont plus fréquentes que dans les premiers [1].

Le dernier chapitre, intitulé « Rythme et formes textuelles », est celui qui s’ouvre le plus à la stylistique en sortant quelque peu du strict domaine de la métrique. Mobilisant les méthodes de la statistique textuelle, l’auteur cherche « à mettre en évidence des liens entre des contenus sémantiques et le rythme des vers », en se demandant si « la structure rythmique [de ceux-ci] varie selon les champs sémantiques dont ces derniers relèvent » (pp. 354-355). Ce sont essentiellement les schémas rythmiques des hémistiches, répartis en réguliers (001001 ou 010101 et assimilés) et autres, qui servent de base à cette analyse, croisés avec deux grands champs sémantiques, l’amour et la mort, selon lesquels sont caractérisés les vers du corpus. Mais l’auteur s’intéresse également à la notion de genre, cherchant à caractériser le rythme propre de la tragédie et de la comédie ou celui de chacun des deux dramaturges. Ce chapitre est sans doute le plus aventureux de l’ouvrage, mais les résultats auxquels il mène, tout parcellaires qu’ils soient, sont toutefois riches en enseignements, en dépit de la prudence de l’auteur, qui confine même à l’autocritique (p. 406-407).

On l’a dit, l’un des chapitres les novateurs et les plus éclairants est sans doute celui que l’auteur consacre à la rime (chapitre III). L’outil informatique (le métromètre) appliqué à son corpus massif, lui a permis de produire ce qu’elle appelle un rimarium, répertoire ordonné des rimes, organisé selon ce que l’auteur appelle les rimèmes et selon les groupes de mots qui les actualisent : « L’objectif est de constituer des groupes, ou plus précisément des réseaux de mots-rimes sur la base d’attestations réelles » (p. 92) ; les mots formant un groupe riment donc entre eux dans le corpus, soit directement, soit par transitivité (si A rime avec B et B avec C, les trois forment un groupe) ; l’examen de ces groupes permet « d’abstraire des rimèmes, c’est-à-dire les segments graphico-phonétiques associés à chaque groupe », de façon à rapprocher les groupes qui participent du même rimème.

L’auteur opte pour une définitive simple et fonctionnelle de la rime, conçue comme un complexe d’équivalences (plutôt que d’identités) phonétiques mais aussi graphiques, selon un schéma en VCT, où V est la dernière voyelle prononcée du vers, C l’éventuelle séquence (potentiellement nulle) de consonnes prononcées ou graphiques qui suivent cette voyelle, et T la « terminaison », c’est-à-dire soit l’e muet, post-tonique, des rimes féminines, soit la consonne, généralement graphique, qui correspond en langue aux marques du pluriel (s, xou z). Cette notion de terminaison, purement pragmatique, correspond donc aux finales graphiques dont deux règles du vers classique requièrent la présence ou l’absence conjointe dans deux mots rimant ensemble : la règle du genre et celle du nombre (règle de l’s).

Sur ces principes, l’auteur aborde la question de la consonne d’appui (qui précède la voyelle de la rime) et, plus largement, celle de l’environnement gauche de la rime, en s’intéressant à la délicate question de la nomenclature des rimes. Après un rappel des nomenclatures prônées par divers traités du xxème siècle, qui classent les rimes en pauvres, suffisantes et riches (selon le nombre absolu de phonèmes participant à la rime ou selon le nombre de phonèmes impliqués dans la rime en amont de la voyelle finale), elle innove radicalement en proposant d’évaluer « ce qu’était pour chaque terminaison le contenu minimal indispensable pour qu’il y ait rime », ajoutant que « c’est par rapport à ce contenu minimal qu’éventuellement pourra être évaluée la richesse de la rime » ; « ainsi, selon les voyelles, l’extension de la rime pour qu’il y ait rime riche pourra être différente » (p. 91). Cette option constitue à mon sens une avancée capitale propre à débloquer et redynamiser une question ancienne et figée. Ses observations se fondent donc sur l’environnement de la rime et différents types de critères. À ce titre, elle teste quatre hypothèses, selon lesquelles il y aurait nécessité ou non de l’identité de la consonne d’appui pour faire rime : a) selon la nature des voyelles (certaines la requérant, les autres non) ; b) selon l’épaisseur graphique (le nombre de graphèmes) de l’environnement droit de la voyelle ; c) en fonction de la nature de morphème grammatical de la fin des deux mots-rime ; d) en fonction de la richesse de vocabulaire du rimème considéré. Avant même de les tester, l’auteur est consciente de la probabilité d’une interdépendance de ces quatre points de vue (les deux premiers sont directement ou indirectement fonction des deux derniers). Les observations qu’elle illustre montrent qu’il y a bien un traitement des voyelles différent, que les voyelles qui nécessitent davantage (voire obligatoirement) la consonne d’appui pour faire rime sont celles qui fournissent d’abondants morphèmes (la voyelle [e], moins fortement [i]) ; qu’une suite graphique plus longue nécessite moins la consonne d’appui qu’une courte ; et qu’il y a une dépendance inversement proportionnelle, conforme à la loi de Zipf, entre richesse lexicale d’un rimème et la fréquence de la consonne d’appui dans sa réalisation comme rime.

Ces observations aboutissent à une description synthétique du fonctionnement de la rime dans le corpus étudié : l’équivalence graphico-phonétique de la séquence VCT n’est pas suffisante dans deux cas : quand les deux séquences correspondent au même morphème grammatical (exemple : -er), surtout quand il est fréquent ; quand la voyelle V est [e] suivie d’une terminaison nulle ou féminine et/ou masculine (é, és, ée, ées) [2]. Ces règles étaient certes connues (surtout la première, selon l’auteur), mais ce chapitre trouve son originalité en se fondant sur la pratique des poètes et sur la fréquence des rimes en contexte (en corpus), et non plus sur une nomenclature préalable. L’auteur dégage enfin deux grands schémas généraux, quant au comportement du poète dans le traitement des différents rimèmes (p. 145) : pour les uns, une majorité d’attestations mobilisent la consonne d’appui, une minorité en sont dépourvues et une autre minorité présentent au moins un phonème supplémentaire en amont de la voyelle ; pour les autres, les rimes sans consonnes d’appui sont majoritaires, et minoritaires les équivalences plus longues à gauche de la voyelle. Concluant qu’« il ne peut y avoir de définition absolue de la qualité de la rime » (p. 145), elle propose une nouvelle définition « contextuelle » de la rime pauvre, suffisante et riche, où, pour chaque rimème, la deuxième catégorie correspondrait à la situation majoritaire, la première à celle qui lui est inférieure et la troisième à celle qui mobilise davantage de phonèmes. Elle conclut sur la nécessité d’effectuer cette évaluation au cas par cas et sur les possibilités que ce nouveau système ouvre pour les études diachroniques [3].

Tout au long de son ouvrage, l’auteur est constamment consciente des limites et des défauts de son entreprise. La plupart des critiques que l’on pourrait lui adresser sont déjà formulées par l’auteur elle-même : le corpus est restreint à deux auteurs ; le choix d’un texte fondé sur des éditions et un orthographe modernes a une incidence sur l’étude de la rime ; l’unité analysée par le métromètre étant le vers et non la phrase, les performances analytiques de celui-ci en matière de syntaxe sont limitées et ne permettent pas toutes les observations que l’auteur elle-même aurait souhaitées. D’un point de vue méthodologique, mais aussi analytique, on peut regretter que, dans la plus grande partie de l’ouvrage, elle amalgame les deux sous-corpus (Corneille et Racine) sans la plupart du temps les différencier (étudiant en cela « le vers classique »), mais elle reconnaît elle-même la chose à la note 2 de la page 60 : seul le chapitre stylistique (viii) distingue les deux poètes.

En conclusion, il faut à nouveau souligner l’originalité et les apports innovants de cet ouvrage : l’ampleur et l’exhaustivité du corpus (non tout le théâtre du xviième siècle, mais deux auteurs complets) ; l’instrument développé pour l’analyse (le métromètre) ; la démarche choisie (une description par marqueurs linguistiques, sans a priori théorique) ; la description métrique et rythmique du vers ; la clarté des distinctions opérées entre métrique et rythmique ; le chapitre consacré à la rime et les principes nouveaux qu’il introduit dans l’abord de cette question ; la validation empirique des conceptions actuelles de la métricité de l’alexandrin (6+6) — tout concourt à lui donner un place en vue dans les ouvrages de référence.


NOTES

1. On notera, à la fin de ce chapitre vii, un très intéressant appendice sur l’évolution du vers, qui ouvre des perspectives comparatives avec les xviiième et xixème siècles (Voltaire, Hugo, Baudelaire, Rimbaud et Mallarmé).

2. On notera que les rares exceptions à cette restriction, à savoir les couples envoyé/Pasiphaé, frappée/tombée, réservée/Nymphée (cités en note p. 149), si elles paraissent déroger au principe observé, n’en sont pas pour autant réductibles à une rime sans consonne d’appui : dans les deux derniers cas, la voyelle est respectivement précédée de consonnes partageant au moins un même point d’articulation ; une des deux est à chaque fois identique à l’autre, moyennant la perte du voisement ; ces rimes obéissent donc pour une part au principe de la consonne d’appui nécessaire pour la voyelle [e]. Cette pratique atténuée s’avérera d’un usage plus fréquent et productif ultérieurement, au xixème siècle notamment. De même, le premier couple se signale, pour les deux mots, par la présence directe d’une voyelle devant la finale rimante (semi-voyelle dans envoyé, hiatus dans Pasiphaé) ; on peut donc considérer que cette rime est marquée d’une consonne d’appui « zéro », identité suffisante pour, exceptionnellement, la rendre acceptable par le poète. L’auteur ne décrit pas suffisamment ces spécificités des exceptions.

3. Pour ma part, je regrette que l’auteur n’ait pas profité du bouleversement salutaire qu’elle introduit dans cette question pour abandonner la terminologie classique : les termes de pauvre, suffisante et riche ne laissent pas, en effet, de faire problème : une rime de qualité inférieure à une rime dite « suffisante » est ipso facto « insuffisante » (et appelée pauvre, ce qui ne l’oppose pourtant pas sémantiquement à la suffisante, mais à la riche) ; or, une telle rime, toute « pauvre » qu’elle soit, n’en respecte pas moins le principe d’équivalence de la suite VCT ; en outre, elle a paru suffisante au poète qui l’emploie. Une rime dite « suffisante » dans la terminologie tripartite, c’est-à-dire supérieure à une rime pauvre est donc… plus que suffisante. Il faudrait donc bannir la catégorie suffisante, surtout en position médiane de la nomenclature ; quant aux deux autres, elles ont le défaut de mêler le qualitatif au quantitatif. On pourrait songer, par exemple (mais cela demande réflexion), à une terminologie compatible avec la méthode de l’auteur, et rangée en rimes minimale, soutenueet recherchée.


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©  mars 2006 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : PURNELLE, Gérald. Compte rendu de Beaudouin, Mètre et rythmes du vers classique. Corneille et Racine (2002). Texto! [en ligne], mars 2006, vol. XI, n°1. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Parutions/CR/Purnelle_CR.html>. (Consultée le ...).