1996_02_23

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SdT volume 2, numero 3.

 

1- Coordonnees

2- Carnet

3- Bibliographie : Ouvrages recus

4- Publications : Avant-premiere

 

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1- COORDONNEES

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[information réservée aux abonnés]

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2- CARNET

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En deplacement a l'etranger (Inde, Autriche) jusqu'au 16 mars, F. Rastier

demande a ses correspondants de pardonner le retard qu'il mettra a leur

repondre.

 

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LES LETTRES DANS LA BIBLE ET LA LITTERATURE

Le travail de l'enonciation dans l'ecriture.

 

Lyon - 3-4-5 juillet 1996

Colloque organise par le

Centre pour l'Analyse du discours religieux

(Universite Catholique de Lyon - CNRS-GDR 1065)

en collaboration avec l'Equipe Langue, lexique et Representation des

Connaissances (Universite Lyon 2)

 

 

Nous faisons l'hypothese que les lettres, la correspondance, telles que les

manifestent la Bible et certains textes litteraires, sont un lieu

d'observation et d'etude important pour aborder la question de

l'enonciation dans sa specificite litteraire, qui differe sans doute de ce

que proposent les modeles empruntes a la communication orale.

 

Il peut arriver que des correspondances reelles soient devenues des oeuvres

litteraires. Des lettres sont parfois inserees dans des recits ou des

discours ; elles peuvent prendre place dans un parcours narratif a titre

d'objet. Plus largement des lettres s'inscrivent dans la litterature a

titre de motif. La lettre comme figure pose alors la question de

l'enonciation ecrite dans la litterature. Comme praxis enonciative,

l'ecriture de la lettre de serait-elle pas l'epreuve d'un investissement

passionnel du sujet de l'enonciation ? Cette epreuve ne serait-elle pas le

lieu ou le sujet de l'enonciation inscrirait sa propre marque a travers les

transformations affectant tout a la fois, par l'ecriture, la reference et

la communication du discours. La lettre semble etre un bon lieu

d'observation et de mise au point pour une recherche de semiotique

litteraire orientee vers la problematique de l'enonciation.

Autour de ces question, le CADIR souhaite favoriser la rencontre et

l'echange entre specialistes de la Bible, de la litterature, des sciences

du langage et de la signification. Ce colloque marquera en outre les vingt

ans du Centre pour l'Analyse du Discours Religieux.

 

Organisation du colloque : Francois MARTIN, Anne PENICAUD, Louis PANIER.

Renseignements et inscriptions aupres d'Elisabeth NICOLLIN, secretariat du

CADIR, 25 rue du Plat, 69288 - Lyon Cedex 02 - Tel : 73 32 50 30 -

Fax : 73 32 50 27.

 

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REVUE INFORMATION IN COGNITO : APPEL A RELECTEURS

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Bonjour a toutes et a tous,

 

L'association In Cognito a decide de lancer, dans les mois qui

viennent, une revue scientifique (Informations In Cognito) pluridisciplinaire

et reservee en priorite a la publication de travaux de jeunes chercheurs.

 

Concernant des domaines aussi varies que l'IA, les neurosciences,

la psychologie, les sciences du langage, la biologie, la philosophie,

l'epistemologie, la sociologie, la didactique et sciences de l'education

etc.., les publications soumises devront neanmoins se caracteriser

par un ouverture multidisciplinaire autour du theme de la cognition.

 

Les articles seront evalues en aveugle par deux relecteurs qui seront

respectivement un junior et un senior. Les juniors seront des jeunes

chercheurs deja experimentes, disposant generalement d'au moins

trois ans d'experience de recherche. Les juniros, comme les seniors

devront, de facon privilegiee mais non exclusive, effectuer leur

recherche dans la region Rhones-Alpes afin de s'accorder avec le

caractere regional de l'association.

 

Rappelons que la revue sera neanmoins diffusee dans toute la France.

 

Par ce courrier, nous  invitons toutes les personnes (junior ou

senior) pretes a s'investir dans cette tache de relecture a se

manifester aupres du redacteur en chef :

 

        Jean-Yves Antoine

 

        CLIPS-IMAG

        BP 53

        38041 Grenoble Cedex 9

        Email : Jean-Yves.Antoine@imag.fr

        Tel : 76 63 56 51 ou 76 62 70 62

 

Les membres du comite de lecture seront choisis par le comite

d'edition/redaction de la revue

 

Nous restons a votre disposition pour tout renseignement complementaire.

 

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3- BIBLIOGRAPHIE : OUVRAGES RECUS

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Hagege, C. (1996) L'enfant aux deux langues, Paris, Odile Jacob.

            (Plaidoyer convaincant pour l'apprentissage precoce des langues

etrangeres. Bien documente, ouvrage de noble vulgarisation).            {FR, 13/02/96}

 

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4- PUBLICATIONS : AVANT-PREMIERE

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{Louis Hebert, 03/02/96} (et {FR, 04/02/96}, {Louis Hebert, 07/02/96})

Je vous transmets, si cela peut etre utile au debat (en en appelant a la

bienveillance de la communaute), une version informatique et modifiee mais

non dfinitive de la fameuse (!) communication de Toronto.

 

 

            LE PARCOURS REFERENTIEL DANS LA SEMANTIQUE INTERPRETATIVE

                                    (VERSION PRELIMINAIRE)

 

La semantique interpretative de F. Rastier se veut une synthese et un

prolongement des semantiques linguistiques autonomes (de Pottier, Greimas,

Coseriu, etc.). Elle impose a la fois un remembrement theorique et

disciplinaire et un remembrement de l'objet semantique ( la theorie des

semes afferents. La reference est abordee par les concepts d'impression

referentielle et de simulacre multimodal (1).

 

Nous avons propose (Hebert, 1995), a partir d'un rectangle semiotique

(signifiant, signifie, concept, referent), une typologie des parcours

referentiels. Un parcours referentiel est l'ensemble de termes et de

relations qui menent du signifiant au referent. Il appert que la

semantique interpretative opte pour un parcours a terme mediateur, le

simulacre, lequel est tributaire, comme les autres, de la situation de

communication et de modalites culturelles.

 

Pour representer les principales relations de classement, de decomposition

et de dependance de la systematique de la semantique interpretative, nous

avons propose (1995) l'arbre de la semantique interpretative. Detaillons

la structure de sa cime :

 

"1 - Les textes attestes dans des conditions reelles de communication

constituent l'objet empirique de la linguistique. 2. Les textes sont

produits et interpretes au sein de pratiques sociales [activite codifiee,

qui met en jeu des rapports specifiques entre les trois spheres (1994 :

224)]. 3. A chaque type de pratique sociale correspond un type de discours

(ex. politique, technique, litteraire). 4. Chaque discours se subdivise en

genres (ex. dans le discours medical : l'article scientifique, le resume

d'observation, la lettre au collegue). Tout texte procede d'un genre, et

par la releve d'un discours et d'une pratique sociale." (1994 : 4).

 

Par ailleurs, "une culture peut tres bien etre definie comme un systeme

hierarchise de pratiques sociales." (1994 : 211)

La reference est "un processus complexe d'appariement entre une classe de

percepts, cune classe de representations (simulacre multimodal) et

une classe de signifies (associee a une classe

de signifiants). Cet appariement suscite l'impression referentielle, qui

constitue pour le sujet une objectivite." (1994 : 19). Ces ordres de

description interagissent de facon complexe. Une theorie donnee - a tort

ou a raison - pourra mettre l'accent sur un ou plusieurs ordres et les

unir par diverses relations de dominance. Dans la semantique

interpretative, l'ordre hermeneutique regit les trois autres ordres, et

l'ordre referentiel est regi par tous les autres ordres. Au sein de

l'ordre referentiel, la determination d'une reference presuppose donc

l'interaction des trois autres ordres (1994 : 19).

 

Rastier distingue, notamment, la reference intersemiotique au sein de la

sphere semiotique - rapport du texte aux autres semiotiques en jeu dans la

pratique (par exemple le rappssion referentielle. (1994 c : 327)(4) et,

ajouterons-nous, sur le parcours referentiel. Participent directement de

ce parcours, outre le signifiant et le signifie, les termes suivants :

l'impression referentielle (1987), l'image mentale (1989), le simulacre

multimodal (1991), les percepts (1991) ; on peut egalement distinguer les

percepts de leur objet.

 

Ces cinq notions de meme que leurs relations restent pour une part a

eclaircir. La notion d'image mentale, trop restrictive, se voit precisee

par celle, posterieure, de simulacre multimodal (5) (1991 : 207). Elle

s'interprete alors de trois manieres. Dans la mesure ou les modalites

sensorielles sont indissociables des modalites culturelles (6) (1991 : 207),

on peut la considerer, au sens restreint, comme l'une des especes de

simulacre multimodal : il s'agit d'une representation sensoriellement

monomodale, visuelle evidemment (7). On peut encore la considerer comme la

partie d'un simulacre multimodal qui met en jeu la modalite visuelle.

Enfin, en vertu de l'importance chez l'homme de la modalite visuelle, elle

devient, au sens large, synonyme de simulacre multimodal(8). Nous

retiendrons le premier sens pour nommer l'un des termes du parcours

simulacre multimodal, mais nous nous appuierons sur le troisieme pour la

fonction appelee imagisation. Un certain flottement semble subsister dans

la notion d'impression referentielle, dont l'appellation fut preferee a

celle, inutilement pejorative, d'illusion referentielle popularisee par

Barthes et Riffaterre (1989 : 245). Elle est tantt assimilee au simulacre

- "representation mentale contrainte par l'interpretation d'une suite

linguistique. Cette representation peut s'interpreter comme un simulacre

multimodal." (1994 : 222, au glossaire) -, fut-ce comme l'une de ses

especes - "L'impression referentielle, simulacre multimodal a caractere

perceptif, est le produit d'une elaboration psychologique des signifies."

(1991) -, tantot produite par un appariement dont participe le simulacre -

comme dans la citation plus haut (9). Dans la representation proposee du

parcours nous avons selectionne la troisieme interpretation.

 

  A partir de son sens trivial le plus large (incluant les animes), on

definira l'objet comme un individu sensoriellement et reellement

multimodal voire panmodal (dans le cas d'un feu de bois par exemple). Un

simulacre multimodal ne simule pas necessairement un objet : il lui faut

encore simuler l'individualite. Dans la representation que nous ferons du

parcours referentiel, nous placerons, pour simplifier, un objet comme

terme aboutissant.

 

Meme s'ils peuvent simuler l'individualite et/ou l'unicite, dans le cas

des simulacres associes a un anthroponyme, par exemple, les simulacres

possedent le statut de types : "Relativement aux percepts, ce sont des

types. Ils permettent la categorisation des percepts occurrences. A la

difference des conclusions de Rosch, la categorisation ainsi concue est un

processus descendant fortement socialise." (1991 : 212) Cependant, un

simulacre ne participe pas necessairement d'une simple reconnaissance : il

peut simuler des phenomenes jamais percus auparavant (1991 : 212). De

plus, bien que stereotypes, les simulacres ne varient pas moins

individuellement (1991 : 211). Enfin, le contexte contraint l'imagerie,

puisqu'il contraint la signification : "Le caractere differentiel des

unites semantiques peut etre apprecie aussi bien sur l'axe paradigmatique

que sur l'axe syntagmatique. Le principe interpretatif d'assimilation

generique rend ainsi compte de la modification des images mentales par le

contexte, et d'abord le contexte immediat : ainsi l'image mentale du

poisson dans le canari et le poisson n'est-elle pas la meme que dans le

cormoran et le poisson, car l'impression referentielle depend du

contexte." (1991 : 211)

 

Le probleme de la reference extrasemiotique varie avec les paliers de

complexite (morpheme, mot, enonce, texte notamment) et les types

d'isotopie et/ou de seme impliques (mesogenerique, microgenerique). Du

morpheme en langue au mot en contexte, Rastier (1994 : 60) voit trois

stades de fixation de la reference, c'est-a-dire de construction de

l'impression referentielle :

 

" (i) Les morphemes isoles tels qu'ils sont definis par le systeme

fonctionnel de la langue n'ont pas de reference determinable. (ii) Les

mots isoles tels qu'ils sont composes par les normes sociolectales peuvent

etre pourvus d'une ou plusieurs references. Mais alors ils ne referent au

mieux qu'a une ou plusieurs classes d'individus. En quoi ils sont

necessairement equivoques, puisque coupes de leur contexte. (iii) En

revanche, un mot en contexte peut referer a un individu, dans une

situation determinee. Et cela, meme s'il est repute posseder une

signification generique. Dans une famille qui en possede un, le chat

renvoie generalement a un et un seul felin domestique [normes idiolectales]."

 

L'unite minimale a l'origine d'un parcours referentiel apparat donc etre

le signifiant d'un mot (plus precisement d'une lexie). En effet, qui dira

la reference des morphemes "-e" ou "am-" (que l'on trouve dans les lexies

"amant", "amour")?  Il convient de preciser que certains morphemes libres

(plus precisement les lexemes libres), comme "eau", semblent dotes de

reference (10). Rastier parait prevoir cette possibilite (1991 : 82). D'autre

part, ajouterons-nous, hors contexte - et a plus forte raison en contexte

- les lexemes de certains noms propres a notoriete (cf. Hebert, 1995)

referent a un individu.

 

Contrairement a l'opinion de Frege, ce n'est pas la signification, mais le

sens (contenu en contexte) qui determine la reference : les morphemes en

langue, seuls pourvus de signification, sont depourvus de sens, et par la

de reference (1994 : 61). Cela precise le statut des termes du rectangle

semiotique dans la semantique interpretative. Les quatre termes, en

particulier le signifie et le concept, ont le statut d'occurrence (11). Il

existe deux grandes facons de concevoir la relation entre type et

occurrence. (i) Soit comme un simple heritage par l'occurrence des

caracteristiques du type (determination absolue par le type). (ii) Soit

comme une contrainte (mot sans doute trop fort) revocable. La semantique

interpretative privilegie la seconde approche. Par exemple, notamment dans

une definition antiphrastique, un morpheme-occurrence peut, par

virtualisation, ne plus contenir aucun de ses semes definis en langue

(semes inherents) ; au surplus tout seme peut y etre actualise en

afference (semes afferents). L'elasticite du type a l'occurrence est donc

a priori absolue (du moins en termes de composants).

 

En quoi l'impression referentielle produite, pour l'essentiel, a partir du

palier de la lexie differe-t-elle de celle des autres paliers

d'importance, l'enonce et le texte?

 

"(i) Au palier du syntagme, et particulierement du mot, une ou plusieurs

impressions referentielles peuvent etre evoquees ; elles correspondent aux

sens et acceptions repertories dans les dictionnaires, comme a des emplois

non repertories. (ii) Au palier de l'enonce, les impressions possibles

sont generalement restreintes par l'etablissement d'une isotopie generique

qui rend compte de la selection reciproque des sememes en contexte.

Exceptionnellement, dans les cas de figure mentionnes plus haut, on pourra

construire plus d'une isotopie generique ou l'on n'en pourra construire

aucune. (iii) Au palier du texte, et surtout dans le cas de textes

mythiques (litteraires et/ou religieux notamment), la production des

impressions referentielles peut se complexifier a nouveau, non plus par

une absence de determinations (comme au niveau du mot isole), mais par

pluralite de determinations. A l'incidence du contexte immediat viennent

en effet s'ajouter diverses incidences du contexte lointain. En somme, aux

paliers du mot, de l'enonce et du texte, les impressions referentielles

different. Au premier palier, elles sont potentiellement les plus

diverses, par absence de determination du contexte. Au troisieme palier,

elles sont potentiellement plus riches, par surcroit de determinations

venant du contexte." (1989 : 272-273?)

 

Enfin, l'impression referentielle varie selon le type d'isotopie et/ou de

seme implique :

 

"L'effet des isotopies generiques varie selon les classes qu'elles

manifestent. Les isotopies dimensionnelles (liees aux dimensions) sont

responsables des tons (niveaux de langue) et des points de vue globaux

(univers). Les isotopies domaniales sont responsables de l'impression

referentielle globale. Les isotopies taxemiques, de l'impression

referentielle locale.

Pour leur part, les isotopies specifiques assurent la conservation des

formes, qu'elles soient ou non l'effet de faisceaux anaphoriques. D'ou un

effet de cohe sion textuelle. Cette conservation des formes semantiques ne

les rend pas invariables (comme le montrent les cas d'anaphore sans

coreference), mais per met toutefois de les identifier a travers leurs

deformations." (1994 : 129)

 

Illustrons le phenomene d'impression referentielle. Au palier

mesosemantique, Une paupiere pavee paradait presbyteralement (Martin)

n'induit pas d'impression referentielle, car ses lexemes ne sont pas

indexes dans un meme domaine (classe semantique qui definit un seme

mesogenerique). A contrario, les lexemes de La truite fario se peche a la

mouche et au lancer leger s'indexent tous dans le meme domaine

par leur seme mesogenerique /peche/. Enfin, un enonce peut induire une

impression referentielle complexe. Ainsi Bergere  tour Eiffel le troupeau

des ponts bele ce matin (Apollinaire) entrelace les domaines //campagne//

et //ville//. La multiplicite de l'impression referentielle s'accompagne

d'un affaiblissement de son intensite : "L'impression referentielle peut

etre multipliee et, en meme temps, affaiblie, voire annulee, dans le cas ou

le texte renvoie a plusieurs domaines : ainsi, par exemple, dans les

textes "metaphoriques" ou l'on peut etablir plusieurs isotopies

generiques." (Rastier, 1989: 153)

 

Les termes participant directement du parcours referentiel etant

presentes, il s'agit maintenant d'etudier l'enchanement des fonctions qui

forme ce parcours. Convenons en premier lieu des denominations suivantes :

 

F1, du signifiant au signifie : semantisation. Dans la semantique

interpretative sens et signification possedent deja des... significations

precises.

 

F2, du signifie au simulacre : imagisation. Il faut entendre ici cette

appellation au sens large, c'est-a-dire sensoriellement multimodal. A

l'origine elle vise l'appariement entre un signifie et une image mentale

(1989), mais on lui appliquera le meme elargissement qu'a image mentale. A

defaut, on peut retenir le nom de simulation.

 

F3, du simulacre au percept : referenciation. A l'origine Rastier oppose

imagisation et referenciation, appariement entre l'image mentale et le

percept (1989). Par la suite il utilise plus volontiers le terme de

reference. Pour des raisons d'uniformite nous utiliserons ici

referenciation .

 

F4, du percept a l'objet : objectivation.

 

F5, suite de fonctions, du signifiant a l'objet : parcours referentiel.

 

F6 et T6 : impression referentielle. L'impression referentielle nait d'un

appariement entre tous les termes du parcours (cf. la citation plus haut),

sauf l'objet. Parler d'appariement fait ressortir une propriete du

parcours, la remanence des termes et fonctions qui assure une presence du

passe, pour reprendre saint Augustin. Nous considererons que l'impression

referentielle n'est pas (seulement) le nom du parcours referentiel moins

l'objet, une fonction, mais un effet de cet appariement interpretable

comme creation d'un terme.

 

La suite de fonctions qui forme le parcours, pour etre orientee, n'en

demeure pas moins susceptible d'ajustements retroactifs, et ce avant meme

le bouclage d'un cycle complet. La semantique interpretative rompt - dans

le parcours comme dans les relations entres composantes semantiques

(thematique, dialectique, dialogique et tactique, cf. 1989 : 104) - avec

un sequentialisme et un modularisme stricts, pour qui la sortie d'un

module commute pour devenir l'entree d'un autre sans possibilite de

retroaction. En outre, et cela semble correlatif a la retroaction, plutot

que de determinations d'un terme sur un autre et de regles qui en rendent

compte, il faut parler de contraintes et de normes (12) :

 

"Pour l'instant, nous formulons l'hypothese que le systeme semantique (si

complexe soit-il) [il est forme de l'ensemble des sous-systemes

semantiques linguistiques et autres] contraint aussi bien l'activite

perceptive (creation de signifies a partir de signifiants) que l'imagerie

(creation de "concepts" a partir de signifies). Ces controles ne sont pas

unidirectionnels, puisque dans le premier cas on observe des creations de

signifiants a partir de signifies, dans les lapsus, par exemple) et dans

le second une retroaction des images sur l'interpretation semantique (cf.

le role des representations dans l'etablissement de la coherence

textuelle)." (1991 : 210)

 

Dans la semantique interpretative, la sphere semiotique medie les

relations entre la sphere physique et la sphere representationnelle. Cela

ressort de la constitution meme du signe : le signifiant a des correlats

privilegies dans la sphere physique ; le signifie, dns la "boite noire" du

parcours, notamment en emettant l'hypothese d'une analogie entre la

perception sensorielle et la perception semantique, toutes deux

fondamentalement differentielles (cf.  1991). Cette invariance, au

moins partielle, donne sa coherence theorique au parcours referentiel, a

travers les trois spheres, et explique peut-etre qu'il puisse s'etablir

(cf. 1991 : 212) (13).

 

[suit un tableau]

 

BIBLIOGRAPHIE

 

-HEBERT, Louis (1995), Semantique interpretative et nom propre, these de

doctorat, Quebec, U. Laval.

 

-RASTIER, F. (1990a), "La triade semiotique, le trivium, et la convoquer

qu'un seul systeme de signes (une meme langue, par exemple, dans les

conversions automatiques graphemes-phonemes). Comme les notions de

multimodalite et de multimedia ne referent qu'au plan de l'expression, il

faut faire intervenir la notion de polysemiotique. Une relation

multimodale n'est pas necessairement polysemiotique, mais une relation

polysemiotique est-elle forcement multimodale? D'autre part, le terme de

polysemiotique semble s'appliquer non pas seulement aux relations entre

semiotiques mais aussi a celles entre des sous-systemes d'un systeme

semiotique quelconque. Ainsi, la langue possede un caractere

polysemiotique : un signe de ponctuation ne fonctionne pas comme un

morpheme; un type de morpheme comme un autre type de morpheme; un morpheme

comme une lexie; etc. (1994 : 213)

 

4 On opposera encore : la reference extralinguistique (inter- ou

extrasemiotique) - dont relevent l'hyponymie, l'hyperonymie, l'antonymie

et les relations entre sememes appartenant au meme domaine, mais a des

taxemes differents - a la reference intralinguistique (on y verra un type

de relations intrasemiotique), dont l'anaphore "syntaxique" constitue une

manifestation grossiere ; les references intratextuelles et

extratextuelles (1989 : 274). Enfin, l'entour n'est pas le referent, mais

l'"ensemble des phenomenes semiotiques associes a une suite linguistique ;

plus generalement, [le] contexte non linguistique, dit parfois

pragmatique." (1989 : 278) Il englobe le texte, l'emetteur et le recepteur

et contient les interpretants necessaires a l'actualisation de contenus du

texte.

 

5 Le choix de simulacre renvoie a Epicure et a Lucrece (1991 : 207).

 

6 Rastier distingue des modalites sensorielles reelles, liees aux "objets"

dont les signifiants ; des modalites sensorielles "imaginaires", attachees

aux simulacres ; et des modalites culturelles : "Un simulacre multimodal

n'est pas necessairement independant du langage, qui peut mettre en jeu

plusieurs modes (visuel, auditif, mais aussi - pourquoi pas - moteur),

mais n'est lie a aucun mode en particulier. [...] Il conviendrait

toutefois de distinguer la modalite de presentation du signifiant (visuel

ou verbal) et son traitement (generation ou interpretation) des modalites

"imaginaires" associees au signifie - evocateur de simulacres multimodaux.

[...] En outre ces percepts ne doivent pas etre rapportes seulement a leur

modalite sensorielle : a ces modalites physiologiques se surimposent,

inseparablement, des modalites culturelles". (1991 : 208) Un simulacre

resulte d'une elaboration psychologique des signifies linguistiques,

produits culturels. Ainsi, les structures semantiques d'un message

"definissent les conditions socialisees de la production des simulacres"

(1991 : 211).

 

7 En ce cas, un simulacre peut s'averer sensoriellement monomodal, et ce

type de simulacre pourrait reposer sur une modalite autre que visuelle.

Ajoutons qu'il n'existe pas, selon la semantique interpretative, de niveau

conceptuel amodal (1991 : 212).

 

8 Par exemple, precise Rastier a propos du traitement imaginatif (par

opposition au traitement perceptif), "Imaginatif est ici pris au sens

"multimodal" du terme ; meme si, comme le suggere la formation meme de ce

mot, la modalite visuelle a chez l'homme une importance primordiale."

(1991 : 212)

 

9 La citation suivante rassemble les trois notions problematiques : la

reference "s'etablit par la constitution d'impressions referentielles,

sortes d'images mentales que nous avons definies comme des simulacres

multimodaux." (1994 : 18). Plus precisement, "la construction d'une

impression referentielle est une condition, necessaire et non suffisante,

a l'etablissement d'une reference." (1991 : 210)

 

10 A moins de considerer que les morphemes zero (en particulier du genre

et du nombre) qui s'ajoutent au lexeme "eau" dans la lexie "eau" sont

necessaires a la production d'une reference. Alors la lexie "eau" serait

dotee d'une reference, pas le lexeme.

 

11 Sans doute faut-il prevoir des classes-occurrence et des classes-type.

 

12 Il convient d'eclairer les definitions de contrainte et de

determination. Les termes s'opposent notamment par l'intensite, comme dans

les distinguos rastieriens autonomie/independance et norme/regle : une

contrainte est une determination attenuee. De ce fait, elle semble plutot

negative que positive ; elle restreint les possibles plutot qu'elle ne les

stipule. En ce sens, comme ceux de presupposition et de determination, le

terme de contrainte s'applique plutot a des cas de selection que de

transformation. Il est possible de hierarchiser, dans un sens ou dans

l'autre, une contrainte (ou une determination) bidirectionnelle. Cette

hierarchisation peut reposer notamment sur un critere de sequentialite

(normale ou a rebours). La retroaction, forme de contrainte

bidirectionnelle sequentialisee, introduit la notion de cycle. Dans la

retroaction (par exemple l'effet Larsen en acoustique), l'output d'une

"boite" commute partiellement ou completement, en fin de cycle (ou si l'on

veut au debut du suivant), pour devenir l'input de la meme boite. Si l'on

prend en compte plus d'un cycle, l'output considere comme terminal apparait

alors comme determine ou contraint par les outputs des cycles retroactifs

anterieurs. Faut-il voir une contrainte retro-orientee dans la remarque

suivante de Rastier : "Au demeurant, la fleche qui va du signifie au

referent devrait parfois etre inversee: souvent, la presence, dans la

situation de communication, d'un referent possible pour un signe donne

permet d'identifier le signifie de ce signe" (1989 : 251)?

 

13 Sur le parcours referentiel interviennent donc, notamment, les

problemes de la signification, de l'imagisation et de la referenciation.

Or, l'imagisation pose le probleme de la fiction, dont est subsidiaire

celui de la referenciation. La philosophie du langage tient compte des

enonces fictionnels dans la mesure o elle peut leur attribuer une valeur

de verite (fut-ce par l'intervention de mondes possibles ou RNET

 

Le mercredi 20 mars, seminaire de l'equipe Semantique des textes (18h,

Bibliotheque de l'UFR de Langue Francaise, Universite Paris VI).

Expose par Jean-Pierre Malrieu. Theme : La coherence ideologique du

discours - une methode d'estimation. Texte de base : l'article homonyme

paru dans Intellectica, 20, 1995, pp. 185-217.