1997_04_16
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SdT volume 3, numero 4.
SOMMAIRE
1- Coordonnees
3 nouveaux correspondants.
2- Actualites - Carnet
Une question de Geneviève Caelen-Haumont
Appel a articles sur "Le lecteur dans l'oeuvre"
Annonce du dernier numero paru de "Semiotique et Bible"
3- Ouvrages recus
4- Une vie apres la these
Jean-Pierre Malrieu : "From Possible Worlds to Conflicting Worlds.
A sociological approach to semantics"
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Les numeros de SdT paraissent vers le debut de chaque mois.
Quelques bouleversements techniques ont retarde la sortie de ce numero :
en particulier le demenagement de l'automate semtext qui gere la distribution
des messages et le passage des accents. Ce numero-ci est exceptionnellement
diffuse sans accents, pour tout le monde.
* Pour passer un message dans le numero suivant (ou une annonce courante sur
SdT-Paris), s'adresser a Francois Rastier (lpe2@ext.jussieu.fr).
* Pour toute question technique (parution, reception des numeros, reception
des accents), s'adresser a Benedicte Pincemin (B.Pincemin@der.edfgdf.fr).
Rappelons que SdT a aussi son site WWW, "Texto !" :
http://www.msh-paris.fr/texto/
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1- COORDONNEES
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[information réservée aux abonnés]
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2- ACTUALITES - CARNET
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{Genevieve Caelen-Haumont, 13/03/97}
Une question :
Pour developper un travail sur le lexique en relation avec la prosodie,
j'aurais besoin d'un dictionnaire de définitions sur support informatique,
qui soit libre de droits. Qui aurait cette information ?
Adresser vos reponses a Geneviève Caelen-Haumont :
Genevieve.Caelen@imag.fr
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{FR, 23/03/97}
Appel d'articles
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La revue "La Lecture Littéraire" (revue de recherches sur la lecture des
textes littéraires) prépare pour son deuxième numéro (janvier 1998) un
dossier sur
"Le lecteur dans l'oeuvre".
Les propositions d'articles devront être adressées à
Vincent Jouve
Département de Français
Université de Reims
57 rue Pierre Taittinger
51096 Reims Cedex.
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{Louis Panier, 10/04/97}
Vient de paraître :
SEMIOTIQUE ET BIBLE, n°85 - mars 97
Sommaire :
- Stylistique et Sémiosis (Jacques GENINASCA - Zürich)
- Babel, la ville et la tour (Bruno AVITABILE - CADIR Lyon)
- Langues naturelles, informatique et Sciences cognitives (Pierre DARD -
CADIR Lyon -Saint Etienne)
- Matthieu 21 (Entrée de Jésus à Jérusalem) (François GENUYT - CADIR Lyon)
- Pour qui ce vin ? (Noces de Cana, Jean 2) (Ch. de Cidrac)
SÉMIOTIQUE ET BIBLE - CADIR - 25 rue du Plat - 69288 Lyon CEDEX 02
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3- BIBLIOGRAPHIE : OUVRAGES RECUS
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Coquet, J.-C. (1997) La quête du sens, Paris, PUF.
(Ce recueil d'articles clairs, informés, parfois inaboutis, contient
une rétrospection critique, inspirée par Benveniste et Merleau-Ponty, sur la
sémiotique greimassienne ; et aussi des analyses littéraires.) {FR, 23/03/97}
Dehaene, S., éd. (1997) Le cerveau en action - Imagerie cérébrale
fonctionnelle en psychologie cognitive, Paris, PUF.
(Ouvrage informatif, à jour, bien illustré, qui suppose malgré tout
qu'on en aura fini avec la psychologie quand on connaîtra mieux l'activité
du cerveau.) {FR, 23/03/97}
George, C. (1997) Polymorphisme du raisonnement humain, Paris, PUF.
(Bonne mise au point didactique sur les recherches sur le raisonnement
humain : l'hypothèse dite de la rationalité limitée en sort renforcée.)
{FR, 23/03/97}
Gineste, M.-D. (1997) Analogie et cognition - Etude expérimentale et
simulation informatique, Paris, PUF.
(De la création comme reconnaissance.) {FR, 23/03/97}
Otman, G. (1997) Terminologie de l'Intelligence artificielle, La maison des
dictionnaires, Paris.
(Peut être mis entre toutes les mains.) {FR, 23/03/97}
Piotrowski, D. éd. (1996) Lexicographie et informatique, Paris, Didier.
(Actes d'un colloque sur l'informatisation du Trésor de la Langue
Française.) {FR, 23/03/97}
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4- UNE VIE APRES LA THESE
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{FR, 24/03/97}
Jean-Pierre Malrieu
malrieu@ext.jussieu.fr
"From Possible Worlds to Conflicting Worlds.
A sociological approach to semantics"
I. RESUME de THESE
(version abrégée : la version complète sera publiée sur Texto ! :
http://www.msh-paris.fr/texto/, de même que pour le dialogue qui suit)
Les méthodes d'analyse du discours oscillent entre la tradition scientifique
et l'herméneutique, de telle sorte que les analyses pertinentes sont souvent
non scientifiques, et les analyses scientifiques souvent non pertinentes.
Ma thèse tente de sortir de ce dilemme en développant une nouvelle méthode
d'analyse du discours qui permet d'estimer la cohérence d'un texte avec une
idéologie. La cohérence dont il s'agit est celle des évaluations véhiculées
par le texte avec les valeurs de l'idéologie. Pour mener à bien ce projet,
il est nécessaire de posséder une théorie des effets de sens évaluatifs,
ce qui conduit à interroger les processus cognitifs sur lesquels ils reposent
et les déterminations culturelles et sociales qui pèsent sur eux.
[...]
Cette recherche est caractérisée par son caractère interdisciplinaire.
L'objectif poursuivi est principalement sociologique : mettre au point une
méthode d'analyse du discours qui, tout en étant d'essence sémantique et non
pragmatique, évite l'objectivisme et l'idéalisme constamment dénoncés par la
sociologie. Parties prenantes de ce projet, les considérations empruntées à
la psychanalyse et aux sciences cognitives aident à concevoir un rapport
entre sujet et idéologie qui ne soit pas nécessairement un rapport
d'aliénation. La linguistique, à son tour, permet de replacer le langage,
avec ses nuances et ses ressources propres, au coeur de la relation entre
idéologie et discours. Enfin, le recours à l'informatique ouvre des
perspectives pratiques et stimule la recherche théorique en linguistique,
en proposant de nouveaux instruments de modélisation.
II. DISCUSSION
François Rastier : - Sur la question de l'analyse du discours, quelques
remarques épistémologiques viennent à l'esprit.
L'antisémantisme de principe de l'analyse du discours à la française se
comprend fort bien, si l'on songe que la science des idéologies était le
matérialisme historique et non la sémantique. Les fondements théoriques
de l'Analyse du discours méritent attention. Surtout, le découplage de la
science et de l'idéologie n'est pas sans conséquences.
Le contenu des textes est rapporté aux idéologies, qui pas plus que les
formations discursives ne relèvent en fait de la linguistique. L'analyse
du discours à la française ne comprenant pas de théorie linguistique des
idéologies, elle s'appuie nécessairement sur une théorie politique (Althusser)
et/ou sociologique (Bourdieu) des idéologies. Elles seraient accessibles par
l'analyse du "discours social", notion somme toute énigmatique.
En fait, l'idéologie est une réduction de la culture à la politique, ou du
moins à toutes les représentations sociales qui jouent un rôle dans les
conflits de classes : cependant la définition de l'idéologie comme un ensemble
d'énoncés canoniques la réduit à une topique (en termes linguistiques) ou une
axiologie (en termes philosophiques). On comprend pourquoi le marxisme
officiel ou officieux s'est opposé à la sémiotique des cultures.
Pour résoudre l'aporie stalinienne, qui considère que le langage n'est ni
dans la base économique ni dans la superstructure idéologique, on a
identifié le sémantique à l'idéologique, sans se soucier de sa nature
linguistique, et en reconduisant, comme la tradition l'a toujours fait,
le sémantique au représentationnel.
Il me semble que les recherches sémantiques sur les textes, considérés
notamment dans leurs genres et leurs pratiques d'évaluation, permettraient
de combler cette lacune, ou du moins de la mesurer. L'internalisme que vous
prônez est un pas important dans cette direction, notamment quand vous
insistez sur les structures rhétoriques du discours, formes de textualité
irréductibles par les points de vue externalistes.
Jean-Pierre Malrieu : - A propos de l'analyse du discours à la française,
je crois que vous avez globalement raison, et que vous en faites une synthèse
plus claire et plus générale que celle qui se trouve dans ma thèse. Je ne
peux que confirmer l'antisémantisme foncier de cette discipline. Pêcheux
lui-même ne place-t-il pas la sémantique sous le haut patronage de Monsieur
La Palice et du Baron de Münchhausen ?
Cependant vous affirmez qu'il n'y a pas de théorie linguistique des
idéologies dans l'analyse du discours. Or je prétends, dans ma thèse, que
la faiblesse de l'analyse du discours (telle que Pêcheux l'a théorisée) est
peut-être d'avoir voulu penser le discours à l'aide de concepts purement
linguistiques (grosso modo, à l'aide de l'opposition paradigme-syntagme
transposée au discours). En outre, dans sa dimension culiolienne, l'analyse
du discours est éminemment linguistique (peu de théories du discours se
fondent d'ailleurs sur des données aussi exclusivement linguistiques). Il
faut donc peut-être distinguer entre les options théoriques fondamentales
de l'AD, et les outils utilisés, qui sont fatalement empruntés à la
linguistique de son temps, et l'enracinent donc dans la linguistique.
Je dirais donc qu'il n'y pas de théorie sémantique des idéologies dans
l'analyse du discours, sans être aussi persuadé que vous qu'il n'y ait
pas de théorie linguistique des idéologies. En outre, je ne me sens pas
capable de décider a priori des places que devraient occuper les données
linguistiques et les données sémantiques dans l'analyse du discours.
François Rastier : - Si l'on ne découple pas le sémantique et le
linguistique, comme le fait l'analyse du discours, les normes textuelles
qu'instaurent ou reflètent les différentes doxa relèvent de la linguistique.
Vous remarquez d'ailleurs la grande discrétion de l'AD sur la question des
genres.
Jean-Pierre Malrieu : - Oui, car même si Achard peut définir l'analyse du
discours comme l'étude du rapport entre registre et genre, seule la notion
de registre intéresse véritablement l'AD. Tout se passe comme si le genre
n'était pas porteur d'idéologie en soi, seulement le registre associé au
genre. Althusser est probablement partiellement responsable de cette
orientation, lui qui considérait qu'une idéologie pouvait s'exprimer
(en quelque sorte indifférement) dans différents genres.
François Rastier : - L'astuce consiste ici à distinguer le discours (objet
de l'analyse) et le texte : voir par exemple Sarfati, "Remarques sur la
notion de discours lexicographique", à paraître : "Nous admettrons, avec
les tenants de l'Ecole française d'AD qu'un discours est une production
linguistique formant avec ses conditions de production socio-idéologiques
un tout accessible à la description. Nous admettrons en outre à la suite
des théoriciens de la linguistique textuelle (J-M. Adam, 1990) qu'il convient
de distinguer le discours (entendu avec l'acception précédente) du texte
(objet empirique et tout à la fois objet de la réception)".
Qu'est-ce que cette totalité du discours ? et pourquoi la découpler d'avec
le texte ? C'est justement rompre cette "totalité", et faire de la
linguistique une science des apparences (des "marques"). Dans la
distinction entre discours et texte selon l'AD, on reconnaît la distinction
althusserienne de l'objet réel et de l'objet de connaissance : cela revient
a une conception purement "diplomatique" du texte, qui reste pur signifiant,
comme dans le positivisme logique. Ainsi l'AD, conçue au début des années 70
comme une science "matérialiste" (version française de la "science
prolétarienne") veut-elle se recommander d'une scientificité linguistique
tout en pratiquant la critique idéologique.
Jean-Pierre Malrieu : - Je suis un peu sceptique vis-à-vis des analyses
purement linguistiques fondées sur des substituabilités observées
(paraphrases -> Pêcheux, métaphores -> Lakoff) ou simplement possibles
(marques énonciatives, aspects -> Culioli et Fuchs).Je ne suis pas sûr du
tout que l'utilisation d'une métaphore amène nécessairement à concevoir le
métaphorisé comme réductible au métaphorisant par exemple. De la même
manière, je ne suis pas sûr que partager certaines propriétés linguistiques
ou paraphrastiques permette d'assimiler des termes comme masses ou femmes,
avec d'autres comme objets inanimés. Je suis, pour ma part, beaucoup plus
enclin à penser le sens comme un processus de composition d'éléments
polysémiques. Cependant, il y a une certaine faiblesse, dans ma thèse, au
niveau de la caractérisation sémantique des catégories purement linguistiques.
Je m'en suis tenu aux structures casuelles, restant assez loin du niveau
grammatical.
Vous dites que le marxisme, officiel et officieux, s'est opposé à la
sémiotique des cultures. Or je croyais que la sémiotique des cultures était
d'origine soviétique... S'agissait-il d'un mouvement déviant ?
François Rastier : - Oui, du moins jugé comme tel et marginalisé, y compris
géographiquement : Tartu était (jadis!) considéré comme le purgatoire de
Moscou.
En fait, on pourrait relier la théorie des idéologies aux recherches
sémantiques sur les évaluations (cf. par exemple les travaux de Greimas et
de Zilberberg sur les modalités thymiques). Certains (Zilberberg ou moi)
soutiennent même que tout contenu linguistique contient une modalité thymique.
En d'autres termes, on ne peut séparer la description sémantique et celle des
évaluations : elle n'ont été séparées que par la sémantique de la référence.
Si bien qu'on ne peut maintenir une distinction tranchée entre le sémantique
et l'idéologique, ou entre le conceptuel et le sociologique.
Jean-Pierre Malrieu : - Je confesse que j'étais ignorant de cette littérature.
Mes lectures des philosophes du langage m'avaient amené à identifier modalités
et logiques modales. Du coup je n'ai pas pensé à envisager les évaluations
comme un phenomène modal, et j'ai sans doute sous-évalué la contribution du
paradigme différentiel à la sémantique évaluative.
François Rastier: - [...] Dans votre dernier chapitre, vous éprouvez la
modélisation proposée sur un texte à structures argumentatives et évaluatives
complexes (le célèbre monologue de Marc-Antoine dans le Jules César de
Shakespeare). Vous donnez une représentation convaincante de l'ambiguité, en
superposant les deux isotopies évaluatives (pro- et anti-César). On aurait pu
attendre à ce point de l'exposé un retour critique sur les phénomènes qui ne
peuvent être captés par le formalisme proposé, non qu'il faille nécessairement
les capter, mais du moins l'on pourrait dire pourquoi ils peuvent être
négligés. Par exemple, l'ordre des affirmations, le retour périodique du nom
de César dans la première moitié du texte, remplacé par celui de Brutus à la
fin. L'analyse pouvait déboucher aussi, du point de vue plus technique d'une
sémantique interprétative, sur une description fine des parcours
interprétatifs, qui ne sont pas simplement superposés, mais connectés l'un à
l'autre : les indices de connexion sont les allotopies évaluatives. En outre,
si César reste en apparence l'objet du discours, c'est en fait le procès de
Brutus qui est mené, et donc deux autres isotopies évaluatives, pro- et
anti-Brutus, auraient pu être décrites.
Jean-Pierre Malrieu : - Vous suggérez que je n'ai pas pris en compte la
dimension pro-anti Brutus. Ce n'est pas parce que j'ai utilisé le terme
pro-César que je ne m'en suis pas occupé. En effet, l'idéologie pro-César
est anti-Brutus (Brutus y est négativement évalué), et l'idéologie anti-César
est pro-Brutus. Les calculs de cohérence idéologique prennent bien en compte
les variations d'évaluation des occurrences de Brutus. Et je ne crois pas que
distinguer entre quatre idéologies aurait apporté beaucoup à l'analyse.
François Rastier : - Soit, mais pourquoi les idéologies obéiraient-elles à
la loi du tiers-exclu ? Je ne sais si l'on doit poser cela en principe
- bien que j'en sois personnellement convaincu.
Jean-Pierre Malrieu : - Autre chose, j'ai vu le film de Mankiewicz. Cela
fait vraiment réfléchir sur la différence qu'il peut y avoir entre une
interprétation en situation et une interprétation textuelle. Ce ne sont
pas du tout les éléments sur lesquels je me suis fondé qui ressortent du
discours de Marc Antoine tel qu'il est prononcé par Marlon Brando. Il faut
dire que Mankiewicz a pris de réelles libertés de mise en scène. Ainsi César
repose-t-il à même le sol, ce qui n'empêche pas Brando de dire "My heart is
in the Coffin there with Caesar", alors qu'il n'y pas le moindre cercueil
en vue!
François Rastier : - Ainsi le cercueil de César est-il véritablement un
acteur du récit et non un objet du décor. Je défendrais volontiers Mankiewicz,
car, tour de force, il a évité le péplum, en même temps que l'idéologie
référentielle.
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