1998_12_10
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SdT volume 4, numero 10.
LA CITATION DU MOIS
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"Les mots du langage ne reproduisent pas les
essences determinées de la nature et du monde des
représentations, ils servent plutot à indiquer les
grandes directions de l'acte-même de déterminer"
Cassirer
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SOMMAIRE
1- Coordonnees
- Bienvenue a Ilinca-Andrada Nicolescu et Francoise Vernet-Leflaive.
- Changements d'adresse pour : Serge Mauger, Benoit Habert, Houssem
Assadi, Luisa Ruiz Moreno, Raul Dorra, Aicha Rouibah, Dominique Le Roux.
2- Textes electroniques
- Les reponses a la devinette sur le Grimoire.
- Presentation de logiciel : TACT.
3- Publications
- Quinze theses sur le texte, presentees par Simon Bouquet
au colloque de Toulouse "Analyse des discours et types de textes".
- Françoise Vernet-Leflaive :
Corps et ecriture a travers l'oeuvre de Tahar Ben Jelloun.
4- Une vie apres la these (presentation + debat)
- Houssem Assadi : Construction d'ontologies a partir de textes
techniques
5- Chronique
- Le mot branche d'oncle Gabriel : Reseau.
6- Colloques
- "Sciences cognitives et sciences de la culture", Geneve-Archamps,
19-23 juin 1999.
- Seminaire interdisciplinaire de sciences et technologies cognitives,
"Les signes et les techniques", UTC de Compiegne, 18-28 janvier 1999.
- Association des Chercheurs du Manuscrit Littéraire-Brésil,
VIº Colloque International "Frontières de la création",
Sao Paulo, 31 août - 3 septembre 1999.
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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees
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Textes electroniques Textes electroniques Textes electroniques Textes
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LA DEVINETTE DU MOIS : POURQUOI LE SITE LE GRIMOIRE S'INTITULE-T-IL AINSI ?
Site de didactique du français créé par Pascal Michelucci
pascal.michelucci@utoronto.ca
www.chass.utoronto.ca/french/vale
Trois réponses :
1- Grimoire est un fait une altération de grammaire, ce mot désignait
au moyen âge la grammaire latine, inintelligible pour le commun des
mortels; c'est pourquoi ce mot dans son évolution sémantique conserve
jusqu'à aujourd'hui le sème : difficile (à lire).
Quant à l'intention derrière le choix du titre : faut-il y voir de
l'ironie: signifier difficile pour dire facile ou encore le mode allusif
(grammaire latine) ou ( pour l'élite) ou encore un simple clin d'oeil
diachronique. Ou tout à fois.
C. Portelance
2- Pour la devinette...
L'hypothese trop simple de l'etymologie ("grammaire latine inintelligible pour
le vulgaire" qui motiverait la grammaire descriptive du francais) me fait
penser que le Grimoire en question a une presentation hypertextuelle
ensorcelante... Je prefere croire a la magie qu'au "discours obscur" !
Th. Mezaille
3- Le site a été créé par Pascal Michelucci, qui a fait sa thèse sur Valéry.
Nommer un site c'est endosser une paternité. Sur l'axe de la filiation
symbolique, Mallarmé est le père spirituel de Valéry. Le mot grimoire
renvoie alors à La Prose pour des Esseintes, v. 3 : "Hyperbole, de ma
mémoire / Triomphalement ne sais-tu / Te lever, aujourd'hui grimoire /
Dans un livre de fer vêtu : // Car j'installe, par la science, / L'hynme des
coeurs spirituels / En l'oeuvre de ma patience, / Atlas, herbiers et
rituels."
Ce livre de fer futur et virtuel, c'est le webmestre qui en parle, et qui a
eu la courtoisie de ne pas démentir cette interprétation aussi hermétique
que la reliure de métal.
F. Rastier
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PRESENTATION DE LOGICIEL : TACT
Le logiciel TACT (Text Analysis Computing Tools) est un système
de conception et de gestion de base de données textuelles. John
Bradley travaille depuis presque quinze ans comme concepteur et
programmeur principal du logiciel, et il continue à le maintenir et à le
développer, avec la participation d’autres programmeurs (en
particulier Lidio Presutti, Michael Stairs et Geoffrey Rockwell). Ian
Lancashire vient de publier le manuel de TACT 2.1 avec le Modern
Language Association aux États-Unis (Lancashire, Ian, avec la
collaboration de John Bradley, Willard McCarty, Michael Stairs, et
T.R. Wooldridge. Using Tact with Electronic Texts. New York:
MLA, 1996. 361 p.). Le livre inclut un CD avec plus de 2000 textes,
principalement en anglais. Même si TACT est sous le droit d'auteur de
multiples auteurs (John Bradley, Ian Lancashire, Lidio Presutti,
Michael Stairs, et le Centre for Computing in the Humanities,
University of Toronto), il est distribué gratuitement (voir le site
Internet : http://www.chass.utoronto.ca/cch/tact.html). La licence
permet en effet que tout chercheur puisse distribuer le logiciel avec les
bases de données qu'il façonne. Notez cependant que la licence
transfert pour ainsi dire le droit d'auteur du logiciel à sa
documentation: il est stipulé qu'on ne puisse distribuer le logiciel
avec aucun autre manuel que celui du Modern Language Association,
New York (la licence est donnée en ligne dans Help sous TACT
system licencing terms).
TACT a la fonctionnalité générale d'autres logiciels de gestion de base de
données textuelles, tels qu’Hyperbase, Oxford Concordance Package,
Texas (MacIntosh) ou Word Cruncher. L'interrogation d'un texte à
l'aide de TACT comporte plusieurs phases pratiques et logiques,
qu'on peut résumer sous les rubriques: Représenter, indexer et interroger.
La représentation concerne la transformation du texte imprimé en
texte électronique. Même si un texte imprimé est de moins en moins le
point de départ, la question de la spécificité du texte électronique reste
entière. Par exemple, certains caractères ont des valeurs différentes
selon le contexte. Pour des décomptes raisonnables, il faut distinguer
entre des usages différents des marques de ponctuation : ainsi
l'apostrophe à la fin d'un mot n'a pas la même valeur que l'apostrophe
dans "aujourd'hui". En plus, il faut coder des segments pertinents du
texte -- scènes, pages, paragraphes et phrases, ainsi que discours, et
segments thématiques. TACT n'offre que peu d'aide à cette phase de
représentation, dans laquelle le concepteur de la base décide ce qui est
pertinent, choisit un codage approprié des éléments textuels et ajoute
au texte électronique des informations et des structures utiles.
D'autres logiciels sont nécessaires ou conseillés pour faciliter la
représentation, dont un bon traitement de texte et un langage de
programmation pour les textes, tel que Perl. Deux modules de TACT
permettent cependant de parachuter des jalons et des éléments
descriptifs sur le texte et de créer également un dictionnaire à partir
d'un texte déjà jalonné. À l'aide de ces modules il est relativement
facile de réaliser une lemmatisation non-contextuelle (voir SIEMENS,
R. G. (February 1996). "Lemmatization and Parsing with TACT
Preprocessing Programs". CHWP A.1.
http://www.chass.utoronto.ca/epc/chwp/.)
Dans la deuxième phase, l'indexation, il faut expliquer à TACT la
logique représentationnelle que le concepteur a élaborée dans la
première phase. Avec cette description, TACT compile le texte
électronique en un format de fichier spécifique à TACT, conçu pour
rendre efficace la fouille du texte.
Avec l'interrogation de la base -- la phase vers laquelle s'achemine
tout le travail de représentation et d'indexation-- le chercheur
engendre des données de sorties qui servent à décrire d'une façon
synthétique certains aspects du texte. Certaines données globales sont
engendrées une fois pour toutes : décomptes et listes de tout genre --
fréquence des lettres et des mots. D'autres sont paramétrées et donc
dépend du choix particulier du chercheur : anagrammes partiels ou
complets d'une chaîne de caractères donnée ; graphiques de la
distribution des mots sélectionnés ; concordances de tailles variables ;
statistiques sur les collocations d'un groupe de mots. Les
interrogations paramétrées dépendent toujours d'une liste de mots
cibles et TACT permet de garder et organiser les listes définies par le
chercheur. Par exemple, une liste de mots concernant un thème donné
peut recevoir un alias et être utilisé comme une unité simple dans une
interrogation.
Ce qui rend TACT unique parmi les logiciels de ce type, c'est le degré
d'interactivité. Le logiciel est rapide, affiche les données différentes
(collocations, distributions, concordance) dans des fenêtres
indépendantes, et, ce qui semble une fonction introuvable ailleurs,
synchronise les fenêtres quand une donnée est choisie dans une des
fenêtres. Par exemple, un point dans le graphique de distribution
représente un mot particulier du texte ; sélectionner ce mot dans la
fenêtre du graphique et la fenêtre de la concordance sera alignée
également sur cette occurrence.
Une version Internet, TACT WEB, est disponible au site TACTweb
http://ilex.cc.kcl.ac.uk/Tactweb/doc/home.htm, avec une application à:
Wooldridge, Russon. FRBase: Bases textuelles.
http://tactweb.chass.utoronto.ca/french/. Université de Toronto.
John Bradley continue à encourager la collaboration sur TACT et
prévoit une nouvelle génération de logiciels ; voir son projet ELTA à
http://www.cse.fau.edu/~tom/elta (site miroir à
http://www.kcl.ac.uk/humanities/cch/elta) et l'article sur IconTACT
(ROCKWELL, Geoffrey & John BRADLEY (February 1998).
"Eye-ConTact: Towards a New Design for Text-Analysis Tools".
CHWP A.4. http://www.chass.utoronto.ca/epc/chwp/ ).
BILL WINDER, UBC (VANCOUVER)
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QUINZE THÈSES SUR LE TEXTE, PRÉSENTÉES PAR SIMON BOUQUET
AU COLLOQUE DE TOULOUSE ANALYSE DES DISCOURS ET TYPES DE TEXTES
1. - On appellera texte une suite linguistique fixée sur un support
quelconque.
2. - On appellera sens (dans l'acception textuelle de ce terme) une
pratique d'interprétation relative à cette suite linguistique (dont rend
compte, par exemple, la notion de « parcours interprétatif »).
3. - Le répondant empirique du sens textuel est le phénomène de l'homonymie
textuelle (autrement dit : le fait qu'à un même texte puissent
correspondre plusieurs interprétations -- ou parcours interprétatifs).
4. - Si les parcours interprétatifs distincts d'un même texte actualisent
des traits logico-grammaticaux distincts, cette actualisation est rendue
possible par le rattachement de ce texte (et de cette actualisation de
traits logico-grammaticaux) à des valeurs rhétorico-herméneutiques distinctes.
5. - La valeur rhétorico-herméneutique d'un texte est construite
dans le cadre d'un système d'oppositions : celui des jeux de langage --
qu'on peut encore nommer les contextes -- auxquels est corrélé ledit
texte.
6. - A l'origine, le contexte, ainsi défini, peut être considéré comme le
sens du texte.
7. - Du point de vue ontogénétique toujours, le sens d'un texte se confond
avec (et crée) un genre textuel.
7. 1. - Le contexte englobe notamment des déterminations référentielles
et socio-culturelles : il n'y a pas pour autant à ériger aucune de ces
déterminations en transcendance, sinon à réduire le fait du sens textuel,
c'est-à-dire à ne plus le considérer dans sa spécificité linguistique.
8. - Ultérieurement, on appellera genre d'un texte la part de son contexte
(de son sens) pouvant être construite comme commune à ce texte et
à un autre texte (non homonyme).
9. - Un genre est la partie du sens d'un texte suffisante à le distinguer
d'un texte homonyme.
10. - La sémioticité linguistique impliquant que le langage est propre à
s'interpréter lui-même, il s'ensuit que tout genre est corrélé à une
« description » prenant la forme d'un autre texte.
11. - On entendra par « description » à la fois un texte pouvant être
explicitement produit (par un locuteur à l'intérieur de son jeu de langage ou
par un observateur extérieur) et un texte « abstrait » sous-tendant le sens
textuel.
12. - Si le genre peut être considéré comme un texte interprétant
un autre texte, il s'ensuit que le texte « descriptif » du genre fait
partie à la fois du contexte et de l'intertexte du texte qu'il décrit.
13. - Un genre étant une description contextuelle, il y a, pour un
texte, autant de spécifications contextuelle que de descriptions possibles.
Il s'ensuit que les approches typologiques des genres sont multiples par
définition. Il en va de même des sous-catégorisations génériques
(séquences) pouvant être construites pour un texte donné.
14. - Les délimitations d'unités textuelles sont le résultat a posteriori
des « descriptions » génériques. Elles sont, par définition, multiples pour
un texte donné. En d'autres termes, il n'y a pas d'unité textuelle hors du
genre textuel.
15. - Les phénomèmes de plasticité linguistique, considérées au
niveau lexical, syntaxique ou textuel (que décrit traditionnellement la
rhétorique des figures) sont le produit des (et se fondent sur les)
opposition génériques. (La poésie en est l'exemple le plus immédiat.)
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Françoise VERNET-LEFLAIVE
CORPS ET ECRITURE A TRAVERS L'OEUVRE DE TAHAR BEN JELLOUN
(Université de Limoges, dir. J. Fontanille).
Le point de vue est celui d'une critique interne s'appuyant sur la
sémantique textuelle de François Rastier. Dans la première partie, les
sèmes pertinents isolés dans les sémèmes 'corps' et 'écriture' sont mis en
relation avec deux motifs prégnants : le miroir multiple et le funambule
sur son fil de manière à faire ressortir les trois volets de la
problématique : IDENTITE, MODERNITE et REALISME. La deuxième partie montre
comment l'écriture est vécue en tant que passion par l'énonciateur sujet en
accord avec les catégories thymiques ( v. GREIMAS et FONTANILLE) :
dysphorie, aphorie, euphorie, qui caractérisent les liens métaphoriques
entre l'écriture et le corps. Dans la troisième partie, le texte est étudié
comme le tracé d'un corps dont le mouvement est comparé au système
chaotique. L'étude des rythmes sémantiques et de l'impression
référentielle, associée ici à l'émergence d'un "être de langage", montrent
comment le principe de symétrie dynamique parcourt l'ensemble de l'oeuvre.
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Une vie apres la these ! Une vie apres la these ! Une vie apres la these ! Une
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PRESENTATION DE THÈSE SUIVIE D'UN MICRO-DÉBAT
Houssem Assadi : Voici un résumé [du résumé] de la thèse :
CONTRUCTION D'ONTOLOGIES A PARTIR DE TEXTES TECHNIQUES
(Université Paris VI, dir. Didier Bourigault)
Notre problématique est la construction d'ontologies régionales, c'est à
dire relatives à un domaine donné, à partir de textes techniques. Dans
notre modèle de l'ontologie régionale documentée, les concepts sont
organisés en réseau et sont reliés à des expressions linguistiques et au
corpus à partir duquel ils ont été construits. Nous avons conçu une
méthodologie et des outils pour la construction d'une ontologie régionale
documentée à partir de textes.
Notre méthodologie, baptisée " analyse conceptuelle interactive " (ACI),
adopte des principes issus de la sémantique différentielle. L'ACI comporte
deux phases : une phase d'amorçage, l'analyse macroscopique, et une phase
itérative de raffinement, l'analyse microscopique. L'ACI intègre
efficacement la dimension humaine représentée par le binôme cogniticien-
expert. Notre méthodologie est entièrement fondée sur le corpus, dans le
sens où elle ne fait pas appel à des ressources sémantiques ou
conceptuelles externes.
Deux outils informatiques ont été développés dans le cadre de la thèse :
(1) LEXICLASS, outil de classification automatique d'expressions
linguistiques en fonction de leurs relations syntaxiques ;
(2) les outils " d'induction de structures conceptuelles ".
Ces outils, indépendants du domaine, ont été validés sur plusieurs
corpus concernant des domaines techniques différents (planification des
réseaux électriques, génie logiciel, conception des centrales nucléaires).
La thèse s'est déroulée à la Direction des Etudes et Recherches d'EDF dans
le cadre des recherches sur les " Systèmes de Consultation de Documentation
Technique ". Notre méthodologie et nos outils ont été mis en oeuvre pour la
construction d'index structurés intégrés à de tels systèmes.
______________________
François Rastier : Permettez-moi de contester le choix du concept
d'ontologie pour caractériser les structures lexicales d'un domaine. Ce
reliquat de la sémantique dénotationnelle ne correspond pas aux choix
théoriques opérés ; il n'a de fait, depuis Bachimont, qu'une fonction
"politique" : ne pas heurter les habitudes terminologiques de la
collectivité de l'IA. Soit, mais le recours aux ontologies régionales de
Husserl pour caractériser la sémantique des domaines techniques conduit à
réintroduire une forme de métaphysique au moment même où l'analyse
textuelle permet d'en sortir.
Houssem Assadi : je voudrais répondre en trois temps, pour essayer
d'expliquer la cohabitation, que j'espère pacifique et fructueuse, dans mon
travail de la notion d'ontologie et du choix théorique de la sémantique
différentielle.
(1) Le choix du terme " ontologie " est peut être malheureux, compte-tenu
des options théoriques fondamentales de mon travail, à savoir l'adoption
d'une approche sémantique résolument textuelle. Il me semble néanmoins que
l'usage de ce terme, dans ce que l'on pourrait appeler une nouvelle
ingénierie des connaissances (IC) à la française (post-IA ?) lui donne un
sens différent de celui habituel en philosophie. Les cooccurrences,
attestées dans ma thèse et dans d'autres écrits du même genre, de ce terme
avec des termes tels que " corpus ", " contexte de production ",
" interprétation ", " utilisateur ", " expert ", etc. est un indice de ce
" glissement " de sens (on pourrait presque parler ici d'un détournement de
sens !).
Oui, l'ontologie (régionale) est constituée de concepts, d'où sa nature
référentielle (les concepts " visent " bien des objets du domaine, comme
l'a affirmé Bachimont dans sa thèse [NDLR : voir une présentation et un
débat sur le site Texto!, rubrique Une vie après la thèse]). La question
importante est alors de savoir ce que l'on entend par " concept ".
J'envisage la réponse de manière très pragmatique : les concepts ne
pré-existent pas au processus d'IC. Lors de ce processus, il y a une
confrontation entre différents acteurs du domaine (plus ou moins experts)
et, surtout, une confrontation de ces acteurs aux textes et aux résultats
des outils informatiques d'analyse de ceux-ci. Les acteurs cherchent un
consensus, en créant des concepts du domaine à partir de l'observation et
de l'analyse du lexique et de la structure de celui-ci, telle qu'elle
émerge du corpus. Pour dire vite, Les concepts de l'ontologie régionale
sont des constructions qui résultent du processus d'IC, de la volonté de
consensus et de l'objectif que constitue la modélisation du domaine.
(2) Quant au choix de la sémantique différentielle (SD) comme référence
théorique majeure dans mon travail, ceci soulève une question : la SD n'a a
priori pas vocation à être utilisée dans un contexte d'IC. Et pourtant,
elle a été reprise avec, je crois, un certain succès par nombre de travaux
récents dans ce domaine. Outre une première explication évidente, liée au
fait de placer le corpus et son analyse au centre de nos travaux, il me
semble qu'il y a une raison de fond. Il s'agit de l'abandon, par les
chercheurs en IC, qui rappelons-le ont " grandi " au sein d'une IA
triomphaliste (les 80's et leurs systèmes experts ne sont pas si éloignés
que ça !), de l'illusion de la pré-existence des concepts (ou des
structures lexicales et du sens des mots) à tout processus d'analyse de
texte (quelque soit l'objectif d'une telle analyse).
(3) J'ai retenu de la SD, outre les grands principes théoriques, une
démarche méthodologique qui m'a semblé très efficace étant donnés mes
objectifs. Malgré la différence entre les finalités d'un processus d'IC et
d'une démarche d'interprétation de textes littéraires à des fins critiques
ou philologiques (exemple, me semble-t-il, " prototypique " de
l'utilisation de la SD), nous parcourons, si je puis dire, un bon bout de
chemin ensemble. Pour être précis, nous analysons le corpus de manière
analogue, pour aboutir, dans un premier temps, à des classes lexicales
ayant des structures proches. Mais à un moment, les chemins se séparent :
en IC, nous nous orientons assez rapidement vers l'élaboration de
structures conceptuelles dotés d'un contenu prescriptif (possibilité
d'action, cf. la thèse de Bachimont pour les détails...). Ainsi, nous
quittons volontairement le linguistique. Pour finir, je constate que ce que
j'appelle ontologie régionale, construction conceptuelle qui résulte (et ne
pré-existe pas) au processus de modélisation, est rencontrée dans le milieu
industriel dans les démarches de type " mémoire d'entreprise " (sans pour
autant que le terme " ontologie régionale " ne soit utilisé). Dans ce type
de démarche, on déclenche un processus d'IC, en général suite à une
décision stratégique prise en haut lieu, en vue d'expliciter ce qu'il y a
de plus tacite dans le " patrimoine connaissances " de l'entreprise sur un
domaine donné. Dans ce cas, on construit bien de nouveaux concepts afin de
rendre explicites et exploitables des connaissances jusqu'alors demeurées
inexploitées, car elles étaient tout simplement " publiquement inexistantes ".
FR : Que l'on nomme ou nom une terminologie ontologie régionale, votre
entreprise, en tout cas, est déjà mémorable.
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Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique
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LE MOT BRANCHÉ D'ONCLE GABRIEL : RÉSEAU
L'électronique et l'informatique, et aujourd'hui l'Internet, sont largement
tributaires de la notion de réseau, aussi bien sur le plan des
infrastructures physiques que sur celui du lexique. L'emploi de réseau dans
le sens d'ensembles de lignes ou de voies de communication date de 1844, du
milieu du 19è siècle donc, considéré comme le siècle du machinisme et de
l'essor industriel. Cette acception de réseau est principalement liée, à
cette époque, à la construction du réseau ferré. Suivront ensuite le réseau
routier, les réseaux de distribution des eaux et de l'électricité et le
réseau téléphonique. Le 20è siècle en multipliera encore le nombre avec le
réseau de transport métropolitain, le réseau radiophonique et plus tard le
réseau hertzien pour la télévision. Les réseaux informatiques sont des
ensembles d'ordinateurs reliés par des câbles ou des liaisons hertziennes
dans le but de permettre un échange d'informations numériques. Le réseau
Internet est d'ailleurs fréquemment désigné par l'expression "le réseau des
réseaux", création somme toute logique lorsque l'on sait qu'Internet
signifie "interconnexion de réseaux", ou encore par la forme ultime avec
majuscule "le Réseau". La racine, retiolus, de réseau fait référence au
filet et au piège. Cette référence se retrouve actualisée dans les textes
récents consacrés aux réseaux où l'on parle de maillage par exemple. On la
retrouve également dans le terme Web (littéralement toile d'araignée)
parfois francisé en "Toile" ou "toile d'araignée mondiale". Le monde des
électrons et des bits informatiques est marqué par le mouvement voire
l'agitation, la technologie informatique consistant à maîtriser ces flux
d'information par des canaux appropriés (réseaux, lignes...) et des outils
de circulation. Le vocabulaire lié aux transports de signaux est riche en
termes empruntés à la circulation et cette famille d'emprunts métaphoriques
vient renforcer la métaphore du vivant évoquée plus haut. Dans ce domaine
sémantique, on trouve aussi bien des termes ayant trait aux transports
routiers et ferrés qu'aux transports maritimes, en particulier avec la
récente vague terminologique liée à la navigation. On appelle bus l'un des
dispositifs essentiels de transport de signaux entre différents éléments
d'un système informatique (avec une multitude de déclinaisons comme bus
d'entrée-sortie, bus de commande, bus de données, bus bidirectionnel...).
On parlera bien évidemment de trafic de données et de densité de trafic,
ainsi que de file d'attente. Les voies de communication informatique
imitent, sémantiquement au moins, l'infrastructure des voies ferrées avec
des voies principales et des voies secondaires ou auxiliaires, des voies
directes, des voies de déroutement et des voies de débordement, des voies
d'aller et des voies de retour. Pour maîtriser cet entrelacs de voies, la
technologie informatique dispose d'aiguillages, de passerelles et de ponts.
Les références automobiles situent l'ordinateur dans la famille des bolides
de course. Il ne dédaigne pas les démarrages à chaud et tourne à plusieurs
vitesses, vitesse de pointe, vitesse maximale, vitesse de transmission,
vitesse d'alimentation... Cette circulation exige des circuits, circuit
imprimé, circuit intégré, circuit d'entrée et circuit de sortie, circuit à
relais et une multitude d'autres. Le syntagme "autoroutes de l'information"
est l'un des avatars les plus récents de la métaphore routière. C'est Al
Gore, vice-président des États-Unis, qui a créé l'appellation autoroutes de
l'information au cours de la campagne électorale de Bill Clinton en 1992,
information highways en anglais. Les autoroutes de l'information sont des
réseaux électroniques à large bande passante et à haut débit, comme nos
autoroutes sont à voies multiples et permettent des déplacements à grande
vitesse. Elles assurent la circulation d'informations numérisées (des 0 et
des 1 électroniques) sous la forme de textes, d'images fixes ou animées, de
messages vocaux ou musicaux. En un mot, elles servent à véhiculer le
multimédia. On peut néanmoins s'interroger sur la validité d'une telle
image, qui, à l'origine, valait plus en tant que slogan électoral que
désignation descriptive, l'information circulant sur ces canaux par des
cheminements très peu directs et imprévisibles qui tiennent plus du
labyrinthe que de la voie express. Ce défaut explique peut-être la création
française du mot-valise inforoute, motivée avant tout par un souci
d'économie. Plus concis et plus maniable, il occulte quelque peu cette
métaphore bâtarde et bavarde. Au demeurant, c'est un calque parfait de
l'allemand Infobahn, très proche de Autobahn, aussi proche qu'est inforoute
d'autoroute. À ce titre, inforoute sort d'un moule déjà très productif où
l'on trouve infographie (informatique graphique), infogérance (gérance
informatique) ou infocentre (centre d'informations).
L'Internet et les réseaux de télécommunications ont élargi la métaphore de
la circulation en y intégrant l'image de la navigation. Au début du 20è
siècle, l'aéronautique naissante a adopté une bonne part de la terminologie
maritime : pilote, navigateur, steward pour désigner le personnel navigant,
gouvernail, hélice, voilure, soute pour certaines parties de l'avion et des
tournures comme monter à bord, embarquer, flotte aérienne ou encore des
noms propres comme Caravelle hérité des découvreurs du 16è siècle. Rien
d'étonnant à cela puisque l'on parlait alors de navigation aérienne par
opposition à la navigation maritime classique. Les marins au long cours
opposent aujourd'hui la navigation électronique (à base de satellites et
autres systèmes GPS) à la navigation astronomique consistant à se repérer à
l'ancienne par rapport à la lune, au soleil et aux étoiles à l'aide d'un
sextant. Plus tard, les premiers conquérants de l'espace ont été des
pilotes d'essai. Il ne faut donc pas être surpris qu'on ait choisi pour les
désigner un terme suffixé en -naute (astronaute, cosmonaute ou spationaute)
du grec nautês (marin, navigateur). Aujourd'hui, l'espace à conquérir est
un espace cybernétique, le cyberespace. Ses conquérants sont des
cybernautes ou internautes. D'ailleurs, le terme cybernétique a également
pour racine un terme de marine, le gouvernail de navire. On comprend donc
très bien que des expressions comme "naviguer sur Internet" ou "logiciel de
navigation" se soient aisément implantées en français. Le verbe surfer
employé dans le même registre ajoute une dimension sportive à l'activité de
navigation. Comme un vaisseau aérien a besoin d'un bon navigateur pour
arriver à bon port, le cybernaute dispose également d'un instrument de
navigation appelé logiciel de navigation ou navigateur. De plus, la notion
de navigation routière, qui combine les deux métaphores, désigne dans le
domaine informatique un ensemble de systèmes et de technologies conçus pour
faciliter les déplacements automobiles. Parmi ceux-ci, on peut citer les
systèmes d'aide à la navigation automobile, les logiciels de calcul
d'itinéraires, la cartographie numérisée et divers équipements GPS (antenne
GPS, récepteur GPS, satellite GPS).
Gabriel Otman
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Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques
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COLLOQUE SCIENCES COGNITIVES ET SCIENCES DE LA CULTURE
(GENÈVE-ARCHAMPS, 19-23 JUIN 1999)
Propos du colloque
__________________
Au lieu de penser les sciences de la culture, une bonne part de la
philosophie européenne s'est détournée des sciences, alors qu'un courant
cognitiviste reformulait le programme d'une naturalisation du sens.
Aujourd'hui, les préventions scientistes ou irrationalistes à l'égard des
sciences de la culture connaissent un recul salutaire. Un nouveau débat
s'ouvre, trouvant son inspiration dans les résultats récents de disciplines
comme les ethnosciences ou l'anthropologie, la paléoanthropologie,
l'éthologie humaine, la linguistique comparée. Les convergences sans
précédent de recherches dans ces domaines permettent de concevoir de façon
nouvelle la phylogenèse des cultures et l'émergence du monde sémiotique. A
travers la réintégration des disciplines logico-formelles dans les sciences
de la culture, c'est bien, dans un paysage intellectuel renouvelé, le
projet énoncé par Ferdinand de Saussure d'une « science des signes au sein
de la vie sociale » qui se poursuit.
Réunissant des penseurs qui participent, diversement, à la fondation
des sciences de la culture, le colloque vise deux objectifs : témoigner des
acquis et des hypothèses disputées de la recherche actuelle, et susciter
entre les principaux acteurs de cette recherche un débat de fond.
Comité d'organisation
Simon Bouquet, François Rastier, Vincent Rialle
Aperçu des communications
_________________________
Sylvain Auroux (Ecole Normale Supérieure - Fontenay-St. Cloud) :
« La révolution sémiotique en philosophie »
Marco Bischofsberger (Université de Bâle) :
« Quel constructivisme pour la linguistique cognitive? »
Jean-Paul Bronckart (Université de Genève) :
« La culture comme sémantique du social »
Jérôme Bruner (New York University) :
« Language as the formalisation of cultural communication »
Gian Paolo Caprettini (Université de Turin) :
« Protohistoire du symbolique et formation de la pensée mythique »
Rachel Ann Caspari (University of Michigan) :
« Human evolution and the concept of 'race' »
Boris Cyrulnik (Centre hospitalier de Toulon-La Seyne-sur-Mer) :
« Les objets saillants ou Historicisation de nos perceptions »
Gerald M. Edelman (The Scripps Research Institute, La Jolla) :
« Neuroscience, cognition, culture » (titre à valider)
Clifford Geertz (Institute for Adanced Studies, Princeton) :
« The role of culture in the working of the human mind »
Guy Jucquois (Université de Louvain) :
« L'émergence de la pensée comparative en Occident et les
fondements d'une épistémologie de la différence »
André Langaney (Université de Genève) :
« Les pratiques interdisciplinaires en anthropologie »
Emilia Masson (Collège de France) :
« Relations entre configurations naturelles, ensembles
architecturaux et mythologie »
Jean-Guy Meunier (Université du Québec, Montréal) :
« Niveau de représentation, information et culture »
Maurice Olender (Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris) :
(titre à préciser)
François Rastier (CNRS-Institut National de la Langue Française, Paris) :
« Langues et antropologie linguistique »
Denis Vernant (Université de Grenoble II) : (titre à préciser)
Aperçu des thèmes des débats : « Que reste-t-il de l'organe du
langage ? » ; « Epidémiologie des représentations et sociobiologie » ;
« Théories néo-lamarkiennes de la culture » ; « Généalogie du récit
mythique » ; « La cognition esthétique » ...
Dates du colloque :
du Dimanche 20 juin 1999 (14 heures) au Mercredi 23 juin (16 heures)
Sites : Université de Genève et Centre Universitaire et de Recherche
d'Archamps (French Geneva Campus). Navettes entre le Campus d'Archamps
et Genève. Soirées à Genève.
Frais d'inscription incluant participation au colloque et navettes :
tarif normal 1 500 FF (1 200 FF jusqu'au 1/3/99) ; tarif réduit sur justificatif
(étudiant de moins de 26 ans ou demandeur d'emploi) 750 FF (600 FF avant le
1/3/99)
Inscription (nombre de places limité) : IFS-Centre Universitaire et de
Recherche, 74166 Archamps, France (chèque à l'ordre de Gestion et Services)
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SÉMINAIRE
Séminaire interdisciplinaire de sciences et technologies cognitives.
Département Technologie et Sciences de l'Homme
Université de Technologie de Compiègne
Les signes et les techniques
18 janvier - 28 janvier 1999
Les technologies de l'information et de la communication sont
essentiellement des dispositifs de production, de manipulation et de
diffusion de signes. Leur développement actuel amplifie et renouvelle les
questions de l'interprétation et de la construction de formes
signifiantes.
Les supports numériques permettent de jouer librement sur les modes de
présentation spatiale, dynamique, iconique, ou linguistique. En même temps,
ces techniques, pénétrant le tissu social, transforment les dynamiques
culturelles collectives qui entrent en jeux dans tous les processus
interprétatifs. On rencontre là les problématiques très concrètes de
l'organisation de l'espace du travail intellectuel et de la gestion des
flux de signes dans les environnements liés aux réseaux mondiaux. Mais ces
implémentations dynamiques sont-elles un enrichissement ou bien le risque
éminent de la désorientation, chaque lecteur étant perdu dans une
interprétation purement contingente? Nous avons besoin de concepts pour
penser ces pouvoirs de signifier et leurs liens avec les supports d'inscription.
En effet, les technologies de l'information qui structurent l'ensemble du
système socio-technique contemporain correspondent à la concrétisation
d'une théorie particulière du signe (essentiellement compris comme un
signal). Depuis les idées de système formel et de machine de Turing, ce
sont bien des méthodes de manipulation de symboles (écriture, effacement,
combinaison) qui ont débouché sur l'ensemble des outils de communication ou
de commande, de représentation ou de simulation que nous connaissons. Ici,
l'interprétation est formelle, comprise comme décodage déterminé de chaînes
de symboles et exécution de programmes. Or l'usage de ces techniques met en
évidence des modes de production et d'interprétation des signes qui n'ont
rien à voir avec cette conception déterministe et réductionniste. Sur le
plan social, le développement d'une industrialisation des média affecte
directement notre mémoire collective. Le savoir semble devenir une
information-marchandise dont la valeur est toute entière dans la vitesse de
diffusion. L'inflation de signes produit plus la perte ou la fragmentation
du sens que son augmentation ou sa multiplication. Il faut donc mesurer les
implications idéologiques et techniques de l'idée de signe comme codage.
On peut parler d'une véritable métaphysique de l'information qui
s'opérationnalise dans des dispositifs techniques pour lesquelles le monde
et l'homme ne seraient que des "systèmes de traitement de l'information"
(au sens de la théorie de l'information).
Or, ces technologies, en permettant de produire et manipuler des signes
selon ces postulats, ont donné lieu à des usages et pratiques effectifs qui
débordent infiniment la réduction informationnelle. Plus généralement, il
s'est avéré que ces technologies et leurs usages s'inscrivent dans un flux
d'interprétation et d'action - une interprétation, individuelle ou
collective, qui passe par le corps et le sentiment comme par l'intellect,
et qui se réalise dans l'action.
Il s'ensuit qu'un réexamen des théories sémiotiques est aujourd'hui de
rigueur. Depuis la philosophie analytique et l'empirisme logique, portés
par une volonté de clarification et d'élimination de toute ambiguïté des
expressions linguistiques, et la philosophie de l'esprit qui sous-tend les
sciences cognitives computoreprésentationnelles, une même visée de
résorption de la sémantique dans la syntaxe et de réification du référent
s'est affirmée ; le structuralisme, qui a marqué l'avènement de théories
sémiotiques en sciences humaines, a participé entretemps à sa manière de
cet alignement de la sémiotique sur des critères purement formels. La
philosophie analytique du langage ordinaire comme la phénoménologie
herméneutique ont fait éclater ce cadre théorique et réhabilité la
dimension pratique et vécue de l'interprétation et de ses parcours. L'une
des questions fondamentales d'une théorie générale du signe (dont la
linguistique n'est qu'un sous-ensemble) est donc de comprendre la
dynamique du sens dans ses diverses modalités ainsi que l'activité que nous
nommons "interprétation", marquée par son caractère irrépressible : en
tant qu'êtres humains, non seulement nous avons la capacité d'interpréter
des signes, mais de surcroît cette capacité est irrépressible en ce que
nous ne pouvons pas nous empêcher de "comprendre quelque chose" à ces
signes. Mais savons-nous pour autant ce que nous faisons quand nous
interprétons ? Un retour à des approches plus riches du sens et des signes
sera nécessaire pour répondre à cette question.
Les techniques de manipulation, de conservation, de transport et de
production de signes sont aussi anciennes que la technique elle-même.
Depuis l'origine de l'écriture se sont développées des techniques
herméneutiques comme art de faire surgir du sens, techniques que l'on
rencontre dans l'exégèse religieuse, dans les traditions artistiques, dans
la sémiologie médicale, ou encore dans l'histoire de la philosophie comme
séries de commentaires emboîtés. Les techniques de divination (astrologie,
tarot, chiromancie,...), notamment, qui ont eu une importance considérable
dans les temps passés et subsistent comme une face obscure toujours
présente, sont des arts de "faire parler le monde". Dans de multiples jeux
combinatoires, elles ont exploré mille et une façons de stimuler et diriger
l'activité interprétative humaine. Il y a un lien direct entre les
techniques sumériennes de codage des circonvolutions de foie de mouton sur
des maquettes d'argile et l'invention de l'écriture. Comme d'ailleurs on
peut montrer les liens entre les "instruments du sort" comme technique pour
contraindre la nature à parler un langage humain, et la science moderne
expérimentale qui vise à faire apparaître, au delà des apparences, une
nature qui parle le langage formel des mathématiques.
Nous croyons donc que, pour instruire la question des technologies
sémiotiques, il ne faut pas hésiter à ré-ouvrir le dossier des liens
originels entre sens et signes, de même qu'entre ces deux types de
production artificielles humaines que sont les signes et les outils. Non
pas seulement pour les techniques destinées au travail de la parole
(techniques du corps: respiration, poésie, etc.) mais pour la technique en
général en tant que support de mémoire. Face aux archives lithiques,
l'archéologue peut interpréter les objets techniques avec leurs
dispositions spatiales (et temporelles suivant les profondeurs des
fouilles) pour retrouver les gestes et usages. Mais quel accès peut-il
prétendre avoir par là aux processus de production de sens? L'objet
technique comme support de mémoire externalisé, ressaisissable dans
l'avenir, contraignant les modes de couplage avec le milieu et les autres,
inscrit dans des systèmes historiques, peut-il être confondu avec le
langage ou avec d'autres systèmes de signes religieux ou artistiques
(peintures rupestres, bijoux, tatouages et autres inscriptions
corporelles,...). Pour comprendre l'immense pouvoir humain de reconnaître
dans les formes naturelles ou artificielles des signes chargés d'émotion et
de sens, faut-il alors remonter jusqu'aux origines biologiques ? Tout être
vivant n'est-il pas à chaque instant entrain de définir un monde pour lui
où, suivant son organisation spécifique, il discriminera des formes
signifiantes ?
C'est en prenant ainsi la pleine mesure de l'activité interprétative et en
interrogeant ses liens avec la constitutivité technique que l'on pourra
penser le foisonnement actuel des nouvelles interfaces. En sortant de
l'illusion de l'interprétation comme décodage d'un message reçu, il sera
possible de réfléchir à la façon dont les signes et leur inscription
matérielle offrent les moyens de produire du sens. Pourquoi choisir telle
organisation graphique, telle structure hypertextuelle, telle juxtaposition
de signes linguistiques, cinématographiques, ou schématiques ? Et quelles
sont les conséquences d'une inscription des signes sur des supports
numériques ? Quels sont les règles ou repères qui permettent de contraindre
ou guider l'interprétation dans ces systèmes sémiotiques en cours de
formation ou de transformation ? Comment mettre en forme graphique des
connaissances, comment donner accès à l'état d'un système, d'une
organisation ou d'un projet ? Quand l'action de cliquer sur un icône, un
mot d'un texte, ou une partie d'image dans une séquence, déclenche une
opération de transformation de cet espace de signes, on voit bien qu'il n'y
a plus de distance entre dire et faire, l'activité interprétative
transforme le texte...le mot est bien plus un outil d'accès ou de
construction de l'objet qu'une représentation de l'objet. Faut-il alors,
pour cela opposer l'univers du sens et celui de la technique, langage et
technoscience ?
Suivant la tradition de ce séminaire, nous associerons recherches concrètes
et abstraites, discussions philosophiques et recherches scientifiques,
descriptions des usages et témoignages sur les vécus dont ils sont
porteurs. En mobilisant la philosophie et les sciences cognitives, la
linguistique et la sémiologie, l'histoire et l'anthropologie, on tentera de
dégager, à travers la diversité des domaines et des langages quelques
principes d'intelligibilité entre dynamique du sens et technique du signe :
comprendre les effets de sens, cognitifs, émotionnels et sociaux, et donner
des pistes pour les développements techniques et sémiotiques à venir. Ce
faisant, de nouvelles approches se dessineront quant aux relations qui se
tissent entre sciences et technologies cognitives.
Charles Lenay
Responsable du groupe PHITECO (Philosophie, Technologie, Cognition)
Universite de Technologie de Compiegne
COSTECH, Departement Technologie et Sciences des l'Homme
BP 649 - 60206 Compiegne Cedex
Tel (++ 33) (0)3 44 23 43 68
Fax: (++ 33) (0)3 44 23 52 12
e-mail: charles.lenay@utc.fr
http://www.utc.fr/phiteco
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Association des Chercheurs du Manuscrit Littéraire-Brésil
(ASSOCIAÇÃO DE PESQUISADORES DO MANUSCRITO LITERÁRIO - APML)
VIº Colloque International
Frontières de la création
La Direction de l'APML invite les membres associés et les interessés à
participer de notre sixième colloque intitulé «Frontières de la création».
Les chercheurs qui travaillent en critique génétique sur les fonds artistiques
et littéraires ou qui préparent des éditions génético-critiques savent combien
les frontières entre l’histoire individuelle et culturelle, l'objet artistique
et sa réception, le manuscrit et l’oeuvre sont difficiles à tracer.
Nous savons aussi que nos recherches butent nécessairement sur d'autres champs :
la critique littéraire, la philologie, la critique historique, la psychanalyse,
la sémiotique, la sociologie, les sciences exactes et biologiques, etc.
Nous savons enfin que le Brésil et l'Amérique Latine ont des projets adéquats à
leur réalité qui, à la fois, nous distancent et nous rapprochent de la recherche
du pays d'origine de la critique génétique, la France.
Ce sont ces frontières qui, discernées et examinées, soutiendront les activités
du Colloque.
[...]
Informations
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Local : Faculté de Philosophie, Lettres et Sciences Humaines
Institut des Etudes Brésiliennes de l'Université de São Paulo
Dates : du mardi 31 août au vendredi 3 septembre 1999
Envoi des inscription avec noms, statut (professeur, titre, étudiant ou autre),
institution, nature et titre de la participation, e-mail ou fax à partir du
19 abril 1999
Envoi des résumés (posters, communications et conférences) em disquette ou
par attach, de 250 mots maximum jsuqu’au 14 mai 1999 aux adresses ci-dessous.
Sélection des résumés par le Conseil Scientifique jusqu'au 21 mai 1999
Adresses :
Pour envoyer les inscriptions, chèques, disquettes et résumés par voie postale :
VI Encontro da APML
a/c de Philippe Willemart, DLM FFLCH USP,
Cidade Universitária, Butantã ;
CP.2530 CEP 01060-970 São Paulo (Brésil)
Pour envoyer les inscriptions et résumés par attach ou pour informations: csalles@exatas.puc.sp.br
Web : http://utopia.com.br/apml/
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LA RÉDACTION SOUHAITE AUX LECTEURS, EN PREMIER LIEU CEUX QUI SONT PARVENUS
À LA FIN DE CE NUMÉRO, DE BONNES FÊTES DE FIN D'ANNÉE !
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