1999_02_04
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SdT volume 5, numero 2.
LA CITATION DU MOIS
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"L'écriture suggère par
des allusions et des ombres"
Alhazen
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SOMMAIRE
1- Coordonnees
- Bienvenue a Karine Gurtner.
- Nouvelle adresse pour Thierry Mezaille.
2- Publications
- These de Martine Cornuejols : "La memoire semantique et ses
modes d'acces (verbal, image) -approche pluridisciplinaire.
- These de Serge Mauger :
"L'interpretation des messages enigmatiques -Essai de
Semantique et de traitement Automatique des Langues"
- (Suite des) resumes des communications au colloque :
"Analyse des discours : Textes, Types et Genres"
(Toulouse, 3-5 decembre 1998)
3- Dialogue
- Entretien sur la semoitique et la semantique, de Francois Rastier
avec des étudiants du séminaire Sémiotique narrative et discursive
de C. Portelance, Université du Québec à Rimouski, octobre 1998
(suite).
4- Chronique
- Les mots branches d'oncle Gabriel : cybernetique et cyber,
prefixes et suffixes (dont : multi, poly et pluri), multimedia.
5- Colloques
- Colloque "Sciences cognitives et sciences de la nature"
Geneve - Archamps, 19-23 juin 1999 : adresse du site Internet.
- Workshop on Text, Speech and Dialog (TSD'99)
Marianske Lazne (Marienbad), 13-17 septembre 1999.
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SUR LE FRONT DES THÈSES
Martine CORNUEJOLS (UNIVERSITE PARIS XI)
LA MÉMOIRE SÉMANTIQUE ET SES MODES D'ACCÈS (VERBAL, IMAGÉ) :
approche pluridisciplinaire.
L'étude, basée sur la distinction signifiant / signifié, porte sur la
nature du stockage des représentations en mémoire sémantique et leurs
relations avec les modes d'accès (verbal et imagé). L'objectif est de
déterminer si les réseaux sémantiques activés par les images sont
similaires à ceux activés par les mots.
L'approche qui est utilisée est l'approche multidisciplinaire des
sciences cognitives faisant intervenir des données de psychologie
cognitive - domaine dominant de la thèse -, des données neurophysiologiques
d'imagerie cérébrale et des données issues d'études de neuropsychologie.
L'aspect connexionnisme est abordé pour son apport aux modélisations
envisagées à partir des données expérimentales ou pour conforter celles-ci.
L'ensemble reposant sur une étude psycho-linguistique.
Les expériences relatées ici utilisent le paradigme d'amorçage
sémantique automatique avec une tâche de décision lexicale ou une tâche
de décision d'objets. L'absence d'amorçage sémantique automatique d'un
mot par une image lorsque les associations sémantiques sont issues de
tables d'associations verbales conduisent à envisager que le réseau
associatif des images est différent de celui des mots. C'est ce qui a
été testé dans l'expérience consistant à établir une table
d'associations pour les images et à la comparer avec une table
d'associations pour les mots. Une typologie des liens associatifs a
révélé que les images évoquaient préférentiellement des associés
replaçant l'entité présentée dans un contexte (spatial, temporel), alors
que les mots suscitaient des associés de type descriptif. Une validation
de la différenciation des réseaux associatifs est obtenue par
l'utilisation de ces tables d'associations pour réaliser des expériences
d'amorçage réitérée en y adjoignant des conditions où la cible elle-même
pouvait être une image. Des expériences complémentaires ont permis de
tester le rôle de la nature de l'image (en la remplaçant par une icône),
de l'intervalle inter-stimulus, de la dénomination implicite de l'image
et de l'effet syllabique de sa dénomination.
Au total, sept expériences de psychologie cognitive ont été réalisées et
entrent dans le cadre de la discussion sur les modèles unitaire ou
modulaire de la mémoire sémantique et de sa nature modale ou amodale.
mc@limsi.fr
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Serge MAUGER (IUT de Caen)
L'INTERPRETATION DES MESSAGES ENIGMATIQUES
Essai de Sémantique et de Traitement Automatique des Langues
Oedipe, le personnage de la tragédie de Sophocle, résout l'énigme du sphinx
"par sa seule intelligence". Il est ici le point de départ d'une réflexion
générale sur le statut linguistique de certains jeux de langage, dont la
pratique est répandue à toutes les époques et dans toutes les cultures.
L'intelligence d'Oedipe se fonde sur une capacité à "calculer"
l'interprétation de l'énigme en abandonnant un raisonnement inductif (par
récurrence) pour adopter un raisonnement analogique.
En partant de ce constat, on tente de montrer, dans une seconde partie, que
le calcul du sens des messages plurivoques permet de proposer un modèle
d'analyse combinatoire qui est un outil de Traitement Automatique des
Langues (TAL), capable d'aider au calcul des jeux de charades et à
l'interprétation des définitions cryptées des mots croisés. Ce modèle sert
de pierre de touche à une analyse des Structures Sémantiques sous-Jacentes
aux interprétations et montre quels sont les items lexicaux qui sont
concernés par l'isotopie. L'isotopie n'est en l'occurrence pas considérée
comme une donnée du message mais comme un construit de l'interprétation.
L'ensemble de la démarche adopte donc le point de vue d'une sémantique
interprétative.
La troisième partie prolonge la réflexion en inscrivant le traitement des
messages énigmatiques dans la problématique du Dialogue Homme-Machine (DHM)
qui permet de traiter les ambiguïtés de certains énoncés et de comprendre
des "messages étranges" à partir des propositions d'interprétation
extrapolées du modèle. De proche en proche, on analyse ainsi le calcul du
récepteur des messages comme une activité qui consiste à analyser les
traces graphématiques ou acoustiques. La prise en compte des traces est une
confrontation avec les attendus du système linguistique qui permet de
procéder à une série de décisions aboutissant à l'identification d'un point
de vue cohérent. La découverte de cette cohérence et de ce point de vue
sont comparés à la démarche que l'on adopte dans la "lecture" d'une
anamorphose (en peinture) ou quand on déchiffre les règles d'organisation
des suites de cartes dans le jeu d'Eleusis. On retrouve une démarche
analogue quand il s'agit d'interpréter la "scriptio continua" des
inscriptions paléographiques, dont la technique sert de base à la fois à
certaines expériences de production littéraire sous contrainte et aux jeux
des mots cachés.
mauger@iutc3.unicaen.fr
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FLORILÈGE SUR LES GENRES (suite)
Du 3 au 5 décembre se tenait à Toulouse le colloque international :
Analyse des discours : Textes, Types et Genres
organisé par Michel Ballabriga et le CPST (Université de Toulouse le
Mirail). Etant donné son intérêt, nous proposons à nos lecteurs les résumés
des communications.
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Jean-Michel ADAM
(Université de Lausanne, Centre de recherches en linguistique)
De la séquence aux genres ou
pourquoi les textes ne sont pas typologisables
Après avoir travaillé sur le récit et sur la description et avoir été tenté
par l'acceptation pure et simple des théories des types de textes
anglo-saxonnes qui semblaient permettre une généralisation rapide, j'ai
consacré un livre, au titre volontairement ambigu, à expliquer (Les textes :
types et prototypes 1992) pourquoi il est, à mon sens, profondément erroné
de parler de "types et textes". L'unité "texte" est trop complexe et
trop hétérogène pour présenter des régularités typologiques globales,
linguistiquement cernables. A la différence de mes prédécesseurs
anglo-saxons, j'ai situé un certain nombre de faits de régularité dits
"récits", "descriptions", "argumentation", "explications" ou "dialogue" à
un niveau que j'ai proposé d'appeler séquentiel. J'ai défini les séquences
comme des unités compositionnelles à peine plus complexes que la simple
période, mais très inférieures -mis à part le cas relativement rare des
textes très courts mono-séquentiels- à l'unité globale que l'on peut
appeler texte. Le modèle de la structure compositionnelle des textes que je
propose rompt radicalement avec l'idée de "typologie des textes" et il n'a
de sens que dans la perspective globale d'une théorie des plans ou niveaux
d'organisation. En distinguant des plans ou niveaux d'organisation de la
textualité (dont les séquences prototypées ne sont qu'une composante), il
s'agit de rendre compte du caractère profondément hétérogène d'un objet
irréductible à un seul mode d'organisation, d'un objet complexe mais en
même temps cohérent.
Si l'on veut proposer une théorie d'ensemble et une théorie unifiée,
c'est-à-dire une théorie capable de rendre compte de toutes les
réalisations textuelles possibles, quelle que soit leur longueur, leur
époque, leur forme de l'expression orale ou écrite, monosémique ou
plurisémiotique, la formation discursive dont ils relèvent, en plus de la
dimension textuelle, il faut clairement donner une place dans le modèle à
la dimension discursive des faits de textualité : il ne saurait exister de
linguistique du texte hors d'une linguistique ou analyse des discours.
C'est ici que l'on rencontre la question des genres, qui s'est déplacée,
ces dernières années, du champ de la seule poétique littéraire en direction
de l'analyse des discours. Ma communication apportera des réponses aux
questions suivantes : le recours au concept de genre est-il nécessaire dans
le champ de linguistique des textes et discours ? Dans quel cadre théorique
et dans quel horizon épistémologique ce concept trouve-t-il une utilité
effective ?
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Sophie BERTOCCHI-JOLLIN
(Université de Versailles/Saint-Quentin-en-Yveline)
De la validité du concept de phrase romanesque (XIXe-XXe siècles)
Comme l'appelle de ses voeux Jean-Pierre Seguin dans L'Invention de la
phrase au XVIIIe siècle (1993), une exploration systématique du sentiment
de la phrase à l'époque contemporaine ne serait pas sans intérêt. Les
recherches récentes de la linguistique interactive et conversationnelle ont
par ailleurs remis en cause la pertinence même du concept de phrase dans le
langage oral. En admettant donc que l'écrit reste le seul champ
d'investigation possible pour la phrase, et compte tenu d'autre part des
limites d'une conception purement syntaxique de cette entité, il appartient
à l'approche textuelle de s'imposer comme une catégorie productive pour
l'étude de la notion. C'est pourquoi une réflexion sur la phrase en liaison
avec le genre de texte, en l'occurrence le genre romanesque, pourrait
contribuer à l'enquête sur la phrase contemporaine.
Les travaux portant sur l'évolution diachronique de la phrase littéraire
ont montré qu'il existe une "typicité" liée à l'époque historique.
Rappelons-le, l'émergence du concept de phrase tel que nous l'entendons
communément aujourd'hui est en fait relativement récente, puisqu'il succède
au règne de la période jusqu'à l'époque classique. Considérant ainsi que la
phrase au sens moderne n'a que deux cents ans d'existence, les études sur
des textes antérieurs relèveraient plutôt de l'archéologie. Il reste la
question de l'évolution de la phrase au cours de ces deux derniers siècles.
Croisant le découpage historique, un autre ordre de "typicité" de la
phrase, lié au genre de texte, a pu être relevé : outre les divergences
entre prose et poésie, des spécificités se dégagent à l'intérieur du champ
de l'écriture en prose :
Les auteurs de Lettres (...), les auteurs de mémoires, de romans,
de nouvelles, de contes, de pamphlets, adopteront la phrase brève
et chercheront l'effet. (...)
Toutefois la période reste en honneur chez tous les orateurs, et
un certain nombre d'érudits ou d'historiens, de juristes, etc.,
sont fidèles à la phrase longue (...)."
(F. Brunot et C. Bruneau, Précis de grammaire historique de la
langue française, Masson, 1969).
F. Brunot tend à évacuer la distinction historique fondatrice entre période
et phrase au profit d'une discrimination générique. Toutefois cette
approche s'avère bientôt relativement caduque : en effet, à partir du XIXe
siècle, toujours selon F. Brunot, la phrase apparaît de plus en plus
déterminée par le tempérament d'un écrivain, c'est-à-dire singulière. Un
mouvement d'effritement des caractéristiques génériques est engagé. En
multipliant ainsi les typicités de la phrase presque à l'infini, cette
tendance aboutit à ruiner la notion même de typicité, qui par définition
s'oppose à l'individuel. L'individualisation croissante des écritures
rend-elle inopérante la catégorisation transversale de "phrase romanesque" ?
S'il existe bien des typicités génériques, comment pourrait-on alors
spécifier celle de la phrase romanesque ? Existe-t-il des caractéristiques
communes par-delà les écarts historiques et individuels quelquefois majeurs ?
Quel est le patrimoine commun à la phrase de Balzac et de Proust et à
celle de Céline, Cohen ou Simon ? La réponse ne peut que s'énoncer sous la
forme d'un paradoxe : la phrase romanesque témoigne d'une infinie
diversité, d'incessantes fluctuations - ampleur, complexité, ordre,
modalités... - ; cette plasticité extrême en fait précisément la
spécificité, la définit à l'unisson de la plasticité du genre romanesque,
genre littéraire phare de la modernité.
_______________________
Jean-François JEANDILLOU
(Professeur de Sciences du langage à l'Université de Paris X-Nanterre)
Effets de texte
Sous le nom d'effets de texte on voudrait examiner un certain nombre de
phénomènes qui, inscrivant chaque texte dans un complexe générique
identifiable, permettent aussi d'opposer les paramètres de la discursivité
à ceux de la textualité. La grille ou le filtre de tel genre littéraire
favorise par exemple des organisations sémiotiques qui, pour n'être plus
rigoureusement cohésives ni strictement cohérentes, peuvent contrevenir aux
critères rassurants de la grammaire de texte et de l'analyse du discours.
Les effets en question, qui se laissent concevoir à la fois comme parure
ornementale (le texte étant constitué, en pareil cas, de formes
signifiantes à fonction " esthétique ") et comme leurre (le texte suscitant
avant tout une illusion interprétative), forcent à repenser la singularité
de chaque objet en ne le rattachant à des modèles que pour mieux l'en
distinguer ; ils obligent de même à sans cesse affiner les outils d'analyse
dont ils éprouvent l'efficace et les limites opératoires.
Indéfiniment répétable, échappant par nature à son contexte de production
et résistant aux assauts de la systématisation, l'objet textuel (littéraire
en particulier) sera finalement considéré sous le rapport de procédures
qui, outrepassant les communs impératifs fixés par la langue, lui confèrent
une textualité déceptive au niveau de la mise en discours proprement dite,
de la connexité, des chaînes de liage, de la séquentialité notamment. Si
règles il y a dans ce processus de signification, il s'agit d'élaborations
irrémédiablement tributaires de la fixité du support (quel qu'il soit) et
des conditions de son expérimentation (hors temps), de sa littéralité plus
encore, et surtout de sa dimension connotative qui, par-delà tous les
réseaux d'afférences sémantico-discursives, demeure par essence métatextuelle.
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Nedret Öztokat,
(Université d'Istambul).
La nouvelle brève et le contrat énonciatif.
Dans la littérature contemporaine la nouvelle brève est certes une des
formes les plus répandues. Couramment utilisée par des écrivains modernes,
cette forme de fiction jouit d'une grande popularité surtout dans la
tradition américaine et anglo-saxonne si bien que certains critiques
littéraires de ces pays considèrent cette forme comme un nouveau genre.
Par exemple, selon la classification typologique d'O'Connor, la nouvelle
brève occupe le premier rang devant la nouvelle, la nouvelle longue, le
roman bref et le roman. D'autre part, il existe également une autre forme
de nouvelle plus concise, c'est ce qu'on appelle en anglais le "short short
story" (nouvelles minimalistes) et dont on trouve un grand nombre
d'exemples dans la littérature mondiale. Cependant malgré les efforts
théoriques en la matière, le problème de la définition de la nouvelle brève
reste toujours à résoudre.
Dans notre exposé nous traiterons de la divergence des approches
discursives dans la production de la nouvelle brève, et ceci dans le cadre
d'un corpus varié qui comprend des exemples des littératures
latino-américaine (Borges, Cortazar), turque (Y.Kemal, S.Faik, F.Edgü) et
française (Tournier). Ce choix d'exemples nous permettra de voir à quel
point cette forme littéraire entreprend des relations étroites avec la
culture d'origine dont procède l'oeuvre. De ce point de vue nous aborderons
le problème de la définition dans le cadre de la "praxis énonciative". Nous
traiterons ensuite des instances énonciatives pour mieux cerner les
stratégies discursives propres à la nouvelle brève. Ainsi espérons-nous
apporter au moins quelques éclaircissements sur un genre si difficile à
délimiter.
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Roselyne KOREN
(Université Bar-Ilan, Israël)
La "grammaire binaire" de l'écriture de presse.
La mise en mots "objective" de l'information est l'une des fins
essentielles de l'écriture de presse et l'une des garanties de sa nature
démocratique. Ceci implique entre autres, en termes rhétoriques, la
juxtaposition linéaire d'énoncés "filmiques" et le rythme heurté d'une
syntaxe paratactique. Celui-ci est cependant fréquemment supplanté par une
autre cadence comparable à l'oscillation binaire du pendule ou du
métronome. Cette cadence est aussi fondamentale que la première, mais il
est assez rare que les journalistes et les chercheurs y réfèrent. Les pôles
symétriques constitutifs du mouvement oscillatoire n'y sont plus des
entités spatiales, mais des partis pris antithétiques : "des 'oui' aux
'non' " confondus, il y a dans la masse des informations d'un journal,
affirme Violette Morin, la mise en place d'une sorte de récit bipolaire"
(L'écriture de presse 1969 : 155). Cette cadence est la forme sémiotique
simplifiée que revêt la présentation pseudo-exhausive, "impartiale" et
prétendument pluraliste de témoignages ou d'opinions antithétiques. Elle ne
tire pas à conséquence dans le cas de deux alternatives purement techniques
ou de questions de goût, mais elle devient problématique lorsque les pôles
correspondent à des partis pris éthiques incompatibles. Mettre les
mensonges les vérités ou la condamnation et la légitimation "sur le même
plan" jette une ombre sur l'idéal démocratique d'information impartiale. Ma
communication souhaite problématiser la question suivante : la
juxtaposition systématique du pour et du contre est-elle un type de mise
en mots spécifique de l'écriture de presse ou est-ce l'une des voies que
peut suivre aujourd'hui tout discours qui pratique la dénégation
idéologique du parti pris grimé en jugement de fait impassible ?
L'engagement à rester neutre constitue actuellement le prix de l'obtention
du droit à la parole dans la vie civile et scientifique : la prose
journalistique n'est pas le seul genre discursif à alimenter le mythe du
rapport spéculaire transparent...
Je souhaite donc présenter ici, dans "tous ses états", la rhétorique de
cette "grammaire binaire" et tenter de définir en quoi elle diffère de
celle que l'on peut observer dans certains ouvrages didactiques ou dans
toute démarche idéologique qui systématise la politique du pour et du
contre concomitants pour neutraliser les velléités de réfutation.
_______________________
Marie RENOUE
(Docteur CPST/UTM)
Genre et style d'un « objet d'art » sémiotisé
Se jouant des limites, des genres et des cadres, entre la remise en
question des définitions acquises et la nécessité de marquer cependant son
identité artistique, l'art contemporain semble inviter ses spectateurs à
réajuster sans cesse leurs catégorisations conceptuelles et perceptives
tout en courant le risque de malmener l'économie communicationnelle. De
manière presque endémique, l'art pose donc au spectateur et à l'analyste le
problème de la réception des objets, de leur catégorisation et
compréhension, de leur visée et saisie. Tenter de traiter du genre et du
style des « sculptures de crins de collages » de Pierrette Bloch peut donc
apparaître à juste titre des plus hasardeux.
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Pierre SADOULET
(Maître de conférence sémiotique-linguistique,
université Jean-Monet à Saint-Etienne).
Entre texte, genre et discours : le cas du « livre d'artiste »
La théorie linguistique du texte proposée par François Rastier essaie
d'apporter un peu de clarté épistémologique à tout ce qu'a pu construire la
linguistique sur la question. Il faut bien reconnaître que certaines
données extrinsèques interviennent dans l'interprétation sémantique. Mais
on doit se garder d'oublier qu'il s'agit de représentations propres à une
culture particulière dont on ne doit prendre en compte que les élément
pertinents pour l'interprétation linguistique. C'est dans ce sens qu'il
faut travailler la notion de genre : tout texte ne peut être défini que
s'il est ramené à un genre et au régime herméneutique qui correspond à ce
genre. Tout texte ne peut être interprété que si l'on a une description de
la pratique sociale qui l'instancie. Mais ces données du genre et du
contexte pragmatique ne seront prises en considération qu'au niveau de leur
pertinence comme pôles intrinsèques qui conditionnent l'interprétation
sémantique.
Du fait que notre recherche ne concerne pas seulement la textualité
linguistique, mais s'intéresse à des objets artistiques, nous reprendrons
les modèles d'analyse de Jacques Geninasca qui donnent des outils pour
instaurer, à partir d'une oeuvre, une analyse discursive explicite qui
permet de mettre en évidence l'acte énonciatif original d'un sujet. Dans
cette approche, l'objet textuel puis le texte construit par
l'interprétation ne sont que des bases pour arriver à expliciter le
discours qu'ils permettent d'instancier. Dans le cas des oeuvres
artistiques, un tel discours ne peut relever seulement de la rationalité
pratique mais oblige à recourir à une autre forme de rationalité, la
rationalité « mythique » (ou « poétique ») qui conditionne la praxis
énonciative propre à ce type d'objets textuels. Sur la base de la
description des modes de mise en cohérence ainsi proposés sur des objets de
sens, on peut envisager qu'il existera, pour l'analyse des discours, des
types de discours différents qui dépendraient des praxis énonciatives qui
les constituent.
Mais que l'on essaie de décrire l'interprétation sémantique d'un objet
textuel, ou que l'on essaie d'instancier le discours et l'acte énonciatif
qui permet de le construire, on ne doit jamais oublier que tout texte
fonctionne dans un contexte, que tout discours s'insère dans un ensemble de
praxis énonciatives, qu'il existe nécessairement un dialogisme tant sur le
plan textuel que sur le plan discursif. Afin de penser dialectiquement ce
dialogisme, nous évaluerons l'intérêt intrinsèque de reprendre la notion
praxématique de marché du sens pour décrire les contradictions qui ne
peuvent manquer de se produire, surtout dans le contexte de l'art
contemporain, entre les nécessités textuelles et la visée discursive d'un
sujet.
L'analyse de la démarche descriptive d'Anne Moeglin-Delcroix montre que la
problématique d'une définition d'un genre nouveau apparu au début des
années soixante dans les pratiques artistiques, le livre d'artiste, doit
envisager son développement comme un lieu de conflits, car de nouvelles
règles génériques tentent de déjouer la transparence sémiotique imposée à
l'objet-livre par la praxis sociale de l'édition. La révolution qu'il
engage consiste dans le fait que l'objet-livre lui-même va être instauré
comme texte, dans sa matérialité même, à côté des textes linguistiques et
picturaux qu'il contient. Ce nouveau syncrétisme sémiotique, indexé par la
« monstruosité » de l'objet-livre ainsi proposé au lecteur, conduit ce
dernier à un discours original qui interroge la notion même de livre. Par
la suite, certains critiques se sont efforcés, pour en défendre la
nouveauté et la richesse propre, d'expliciter les particularités du genre.
L'existence, le développement, voire le succès de ces nouveaux types
d'objets artistiques ne manquent pas alors de créer des conflits entre
l'attitude de ces critiques et de nouveaux artistes et surtout des
marchands qui se sont emparés de l'appellation « livre d'artiste », devenue
à la mode, parce qu'il s'agit d'un argument de vente efficace.
Au niveau de l'épistémologie sémiotique, l'ensemble de ces analyses nous
conduisent à envisager comment des données extrinsèques doivent être prises
en compte pour l'analyse discursive. Les discours sur le genre, les
métadiscours des artistes et des écoles artistiques sur la démarche
d'élaboration de l'objet, les praxis énonciatives diverses ainsi affirmées
constituent un contexte pour l'interprétation de l'¦uvre. Ce sont des pôles
indispensables à l'explicitation la plus riche des opérations qui
permettent d'instaurer ces objets textuels comme discours.
..a suivre au prochain SdT...
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ENTRETIEN SUR LA SEMIOTIQUE ET LA SEMANTIQUE
Entretien de François Rastier avec : Diane Brière, Hugues Fournier, Mélanie
Joncas, Nathalie Landreville, Jean-Paul Lemoyne, Valérie Lizotte, étudiants
du séminaire Sémiotique narrative et discursive de C. Portelance,
Université du Québec à Rimouski, octobre 1998.
- Vous êtes celui qui a le plus approfondi la notion d'isotopie lancée par
Greimas en 1966. Croyez-vous que cette notion a atteint un point
d'équilibre ou sera-t-elle, comme beaucoup de notions de sémiotique,
appelée à se transformer ?
F.R. - Elle a évolué, notamment par la notion de parcours interprétatif, et
par l'ouverture herméneutique qu'il impose.
L'originalité du concept d'isotopie se trouve, à mon avis, dans le fait
qu'il permet de lier une microsémantique et une sémantique du texte.
L'isotopie permet donc de franchir la frontière de la phrase, ce qui en
fait un bon point d'entrée dans le domaine de la textualité. Ce n'est
évidemment pas le seul, car l'étude des isotopies n'est qu'une partie de la
thématique, et la thématique n'est elle-même qu'une des composantes qui
permettent la description d'un texte.
Le concept d'isotopie permet aussi de dépasser le problème du sens
littéral, qui devient l'isotopie dominante en cours ; or, si l'on n'a pas
de critère pour déterminer en quoi un sens est littéral, on en a qui
permettent de déterminer si une isotopie est dominante.
Un problème demeure, celui de l'économie descriptive, afin d'éviter de
faire proliférer des isotopies oiseuses et/ou extrinsèques. Pour établir
ou rétablir des isotopies justifiables et intéressantes, il faut une
déontologie générale de la lecture. Par exemple, on pourrait très bien
reconnaître une isophonie entre le e muet du premier mot de Un certain
sourire et le e muet de son dernier mot. Mais en quoi est-ce pertinent ?
Un problème analogue se pose différemment pour des isotopies sémantiques
peu denses, car une connexion isotopique entre le premier et le dernier mot
d'un texte peut se révéler légitime.
En somme, il faut fuir le bon sens. Par exemple, dans L'union libre de
Breton, il n'y a pas d'isotopie sexuelle, mais deux isotopies érotiques !
Autre exemple, l'isotopie animale dans La cousine Bette. Ce roman pullule
de noms d'animaux, et la Bette en est une, mais on aurait tort d'en
conclure qu'il comporte une et une seule isotopie animale. Ce récit
contradictoire en comporte plusieurs, car oppose les animaux domestiques,
le bichon, le chat, la chatte, etc. et les animaux prédateurs et sauvages.
Par exemple, sur l'isotopie animale apparente, la cousine Bette est une
chèvre, mais une lionne sur l'isotopie animale fondamentale.
Ainsi, il n'existe pas d'inventaire a priori des dimensions ou des domaines
à partir desquels les isotopies seront lues (je parle ici des isotopies
génériques, mais on peut étendre ce propos aux isotopies spécifiques).
La possibilité de constituer des isotopies dépend des stratégies
d'énigmatisation ou d'éclaircissement mises en oeuvre dans les textes. Par
exemple, chez Balzac, le rat est présent partout : l'homme, qui entretient
une fille et qui ne veut pas payer est appelé un rat, et le rat d'opéra, la
fille, est aussi un rat entretenu par le premier. Cette double polysémie de
rat en fait un connecteur entre l'isotopie animale apparente et l'isotopie
humaine. À partir de cette équivoque largement attestée à son époque,
Balzac tisse, entre autres, la toile de son univers romanesque.
- Vous êtes le "co-inventeur" avec Greimas du carré sémiotique, que
pensez-vous de la fortune de ce concept?
F.R. - Le "carré sémiotique" ne présente pas de graves défauts, mais sa
fortune a été exorbitante ; et il n'est pas complètement oublié, car des
auteurs travaillant dans le multimédia le redécouvrent actuellement. Cette
redécouverte est de bonne guerre, car il reformulait lui-même un modèle
courant en logique médiévale.
Je pense qu'il peut être utile, à condition de l'employer à bon escient ;
mais pour ma part je n'en ai pas ressenti le besoin depuis 1971. Et j'ai
reçu un jour un coup de fil qui m'a inquiété : " - Monsieur Rastier,
aidez-moi à finir ma thèse. - Que puis-je faire ? - Aidez-moi à faire mon
carré. - Mais quel carré ? - Mon carré pour finir ma thèse. - Vous faites
une thèse sur quoi ? - Sur un romancier péruvien. - Et vous ne voulez pas
me dire son nom? - Si... - Mais pourquoi il faut faire un carré ?" Mon
interlocuteur n'a pas su que répondre et semblait s'étonner que je lui
demande le sujet de sa thèse. Le carré était devenu un emblème vaguement
héraldique : je l'ai même vu tricoté sur un pull-over. Plutôt que
d'hypostasier cette figure close, il aurait mieux valu faire proliférer des
formalismes. Des modèles continuistes, par exemple, n'ont pas moins de
mérites.
Le carré sémiotique est des représentations possibles de certaines
structures taxémiques, mais pourquoi l'universaliser et surtout l'abstraire ?
Ce modèle d'oppositions lexicales devint le modèle constitutionnel de
toutes les manifestations sémiotiques.
Une théorie ne doit pas au demeurant être liée à tel ou tel formalisme : un
formalisme n'a d'utilité que pour une implantation, et doit varier avec les
applications. Par exemple, on peut représenter un sémème par un graphe
conceptuel à la Sowa, ou par une configuration globalement stable dans un
réseau connexionniste. Chaque formalisation ne retient qu'une partie de la
théorie, ce qui lui permet d'ailleurs de devenir opératoire.
A s'en tenir à un seul formalisme élémentaire, la théorie devient trop
puissante, et s'applique partout sans apporter grand chose. Par exemple,
le problème en sémiotique de l'image n'est pas d'y introduite des carrés,
mais d'y faire mieux que Panofsky.
Ce qui reste intéressant dans le carré sémiotique, c'est l'idée d'un
parcours : de l'espace topique à un espace utopique et retour, cela résume
abruptement une structure narrative mythique. La structure narrative
mythique, contrairement à la structure événementielle, suppose toujours une
médiation.
Il faut bien distinguer les deux. Voici par exemple ce que Schank appelle a
narrative : "Margie jette sa balle derrière le mur. Elle pleure parce
qu'elle ne l'a pas retrouvée." En fait, il ne s'agit là que d'un récit
événementiel.
Ce qui caractérise en revanche le récit mythique, c'est le passage par la
médiation de l'espace utopique. Dans les termes de la théorie des zones
anthropiques , cette médiation instaure entre la zone identitaire et à la
zone proximale (c'est-à-dire un point de repérage et ce qui l'entoure)
d'une part, et la zone distale : l'espace utopique est une figuration de la
zone distale. Le récit mythique permet ainsi une médiation par quelque
chose d'absent.
Anthropologiquement, cela paraît vraisemblable : or, la sémiotique des
cultures doit être fondée sur une anthropologie où le langage tient
évidemment une grande place.
- Est-ce que vous croyez que l'aide à l'interprétation que permettent les
banques textuelles va modifier la sémantique interprétative ?
F.R. - Ce sera plutôt dans son champ d'application que dans son principe,
encore qu'il reste beaucoup à faire sur les parcours interprétatifs
intertextuels. Je poserai plutôt le problème dans l'autre sens : la
sémantique interprétative est en train de modifier l'accès aux banques
textuelles, qui dans l'ensemble en restait aux méthodes lexicométriques.
Des concepts comme celui de diffusion sémantique, qui traduit des
phénomènes d'isotopies, permettent de sortir de la logique documentaire du
mot-clé.
L'usage des banques textuelles ne constitue pas par lui-même un progrès
théorique, mais il requiert des renouvellements de problématique, et permet
un nouveau rapport à l'empirique, je veux dire les textes - la linguistique
s'est trop vite satisfaite d'exemples forgés.
Par le changement d'échelle que permettent les banques textuelles,
certaines hypothèses informulables ou invérifiables deviennent testables.
J'avais fait, par exemple, l'hypothèse d'une corrélation entre les
sentiments romanesques et la ponctuation, supposant que les sentiments
imperfectifs, comme l'ennui, devaient être associés à des points de
suspension et les sentiments ponctuels, comme la joie, à des points
d'exclamation. C'était vraisemblable, à ceci près que la formulation des
hypothèses était en partie fausse. Par une remarquable étude, Evelyne
Bourion a mis en évidence des corrélations très fortes, mais a infirmé
l'association entre points de suspension et sèmes imperfectifs (cette
ponctuation est associée à l'aspect ponctuel). Je m'étais trompé, mais sans
l'accès à une banque textuelle, et le travail de Bourion, je n'en saurais
rien.
Autre exemple : Jean-Pierre Richard citait dans un colloque un mot
caractéristique de Balzac. Par malheur, ce mot ne figure pas dans l'¦uvre
de Balzac ; mais il était tellement balzacien que chacun l'a reconnu comme
tel. Méfions-nous de nos intuitions, il ne suffit pas de patrouiller dans
des textes ! Beaucoup reste à faire pour que les études littéraires
parviennent à concilier leur principe de plaisir - sinon de bon plaisir -
et le principe de réalité.
Avec les banques textuelles, on doit se soumettre à un impératif
philologique, et l'on est conduit à abandonner la conception monumentale de
la littérature ; comme, par contraste avec les textes non-littéraires, à
mieux comprendre la diversité des discours. Le point de vue critique qui
doit présider à la réunion des corpus doit guider aussi les parcours en
leur sein.
Il reste que pour formuler et tester des hypothèses, il faut avoir une
théorie de la textualité, afin par exemple d'utiliser à bon escient les
outils statistiques, qui ne tiennent compte que les chaînes de caractères.
Aux textes numérisés, on peut ajouter des balisages divers,
morpho-syntaxiques, sémantiques : vous pouvez étiqueter un texte ad
libitum. Cette possibilité concrétise l'idée que toute lecture accroît le
texte. Permettre des accès différenciés aux textes avec des moyens
informatiques légers peut grandement faciliter notre travail. C'est une
aide à l'interprétation, mais il reste toutefois à interpréter.
On peut concevoir dans cette direction une science des idéologies qui
serait tout simplement une sémantique de la doxa, et qui ne soit pas
simplement appuyée une théorie politique, mais par des analyses de gros
corpus de textes.
Il reste à adapter les stratégies interprétatives aux types de textes, et à
ce que l'on recherche. Plutôt que d'une démarche uniforme, nous avons
besoin d'une déontologie, en rupture avec les préoccupations ontologiques
de l'herméneutique philosophique - ce pourquoi je suis tenté de dire une
dé-ontologie. La dimension critique de l'herméneutique philologique devient
ainsi un impératif pour la sémantique de l'interprétation.
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Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique Chronique
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LES MOTS BRANCHÉS D'ONCLE GABRIEL
* Cybernétique et cyber
Le concept de cybernétique se situe aux deux extrémités de la période
historique considérée ici. Dans son acception actuelle, le substantif cyber
(le cyber) désigne génériquement le monde des réseaux informatiques, de
l'Internet, des jeux électroniques et des technologies modernes de
communication. Le mot grec kubernêtikê (piloter un navire et par extension
gouverner un pays) a connu deux transferts modernes, le premier français
avec la création du terme cybernétique en 1834 par le physicien André
Ampère avec un sens proche de son étymologie à savoir "étude des moyens de
gouvernement". Le pas vers la cyberculture que nous connaissons
actuellement n'est pas encore franchi. Il le sera en 1948 grâce au
mathématicien américain Norbert Wiener qui propose une nouvelle définition
de la cybernétique, à savoir "étude des processus de contrôle et de
communication chez l'être vivant et la machine". Le préfixe cyber est
certainement le plus fécond à l'heure actuelle dans le domaine sémantique
qui nous intéresse ici. Les mots forgés à partir de ce préfixe se comptent
déjà par dizaines, du classique cyberespace à l'ésotérique cyberrave en
passant pas cyberculture, cybercafé et cybernaute. Dans cette pléthore
néologique, il faut distinguer les formes correspondant à des notions
définies qui ont vocation à s'implanter dans notre langue en tant que
termes (comme cybercafé, cybercrime, cyberespace, cyberéconomie,
cybernaute, cyberpunk, cybersociété...), des inventions lexicales
assimilables à des néologismes d'auteur (comme cyber-héros, cyber-touriste,
cyber-canular, cyber-nausée, cybercréature de rêve, cyberpétition ou encore
Beatlecybermania...). On trouve également des dérivés adjectivaux
(cyberspatial, cyberculturel, cyberbiologique...) et un emploi en qualité
d'adjectif invariable (culture cyber, nuit cyber, réseau cyber, années
cyber...). On peut également mentionner des constructions où cyber remplit
une fonction de racine comme cybérie ou cyborg. De fait, la seule constante
qui se dégage des néologismes construits à partir de la base cyber est
celle des réseaux de communication et des technologies numériques. Le
phénomène a donné naissance à un mouvement culturel désigné par le terme de
cyberculture, la culture liée au monde des réseaux et à leur jargon.
* Préfixes et suffixes
La langue de l'informatique et des technologies de communication fait un
usage abondant de préfixes et de suffixes et va même jusqu'à en créer de
nouveaux. Nous examinerons ici quelques cas typiques : multi, télé, vidéo,
techno, info et e- pour les préfixes, tique, ciel, cien et eur/euse pour
les suffixes.
* Multi, poly et pluri
La langue française dispose de plusieurs préfixes pour désigner la
pluralité, en particulier multi, poly et pluri. Si, dans la langue
courante, on a pu noter un ralentissement de l'extension du préfixe multi
au profit de poly et pluri (exemples : polyculture, polyamide, polystyrène,
polycopie, pluridisciplinaire, plurilingue, pluriethnique, pluriactivité,
plurisaisonnier...), le phénomène n'est pas identique dans le domaine de la
langue des technologies de l'information et de la communication où multi
domine et est, de ces trois préfixes, nettement le plus fertile. Voici une
liste assez complète mais certainement pas exhaustive de créations à partir
du préfixe multi. Elle est classée par ordre alphabétique et tous les
composés sont orthographiés sans trait d'union, une graphie avec trait
d'union pouvant exister pour la plupart de ces occurrences : multiaccès,
multiadressage, multicâble, multicanal, multiclavier, multicible,
multicode, multicritère, multidestinataire, multidiffusion, multidisque,
multidomaine, multiécran, multifeuille, multifichier, multifonction,
multifréquence, multijoueur, multilangage, multiligne, multilocuteur,
multimode, multiniveau, multin¦ud, multipalier, multipériphérique,
multipiste, multiplate-forme, multipoint, multipolice, multipostage,
multiposte, multiprocesseur, multiprotocole, multirôle, multiservice,
multisession, multison, multistandard, multitâche, multitraitement,
multiutilisateur, multivision, multivoie. Le préfixe poly est très peu
fécond. Nous n'avons relevé que les adjectifs polytimbral (qui qualifie les
synthétiseurs capables de générer plusieurs timbres simultanément) et
polymorphe dans le terme composé virus polymorphe. La récolte autour de
pluri est encore plus maigre, puisque nous n'avons relevé que l'adjectif
plurilingue lié à un système de traduction automatique où il est également
concurrencé, comme dans la langue courante, par multilingue. Multi a ainsi
tendance à devenir le seul préfixe exploitable dans ce domaine au détriment
de tous les autres et on peut se demander si la force de pénétration du
terme multimédia n'est pas le facteur essentiel de cette domination.
* Multimédia
Le vocable multimédia, attesté depuis le début des années 1980, est un
terme qui marquera indéniablement la fin de la présente décennie.
Littéralement, il signifie "qui concerne plusieurs médias" ; plus
concrètement dans le composé ordinateur multimédia, il désigne un
ordinateur équipé d'un lecteur de CD-Rom, d'une carte-son et d'une paire de
haut-parleurs, et, dans le meilleur des cas, d'un modem et d'une connexion
Internet. Le Monde Informatique (19 janvier 1996) signale une étude selon
laquelle "multimédia" serait le deuxième terme le plus employé dans la
presse française juste derrière "présidentiel". Multimédia, ayant à la fois
le statut de nom et d'adjectif, pose problème lorsqu'il s'agit de
l'employer au pluriel. Techniquement media est le pluriel de medium mais
média avec "é" s'est aligné sur la norme du français. Il faut donc écrire
"un média" et "des médias". Le nom multimédia désignant un générique (un
ensemble de dispositifs interactifs capable de traiter du texte, du son ou
des images), il n'est que très rarement employé au pluriel où, bien
évidemment le "s" s'impose. Le problème est tout différent pour l'adjectif.
S'il est clair qu'il n'y a pas de marque du féminin (un ordinateur
multimédia, une encyclopédie multimédia), faut-il ou non adjoindre un "s"
au pluriel ? Les avis, autant que les usages, sont partagés. Si l'on
assimile multimédia à audio ou vidéo (le sens et l'origine latine nous y
incitent), il devrait rester invariable. Si, en revanche, on considère
multimédia comme un composé de multi et l'expression ordinateur multimédia
comparable à assurance multirisque ou agent multicarte (les pluriels de ces
deux expressions étant respectivement assurances multirisques et agents
multicartes), il y a lieu de dire également applications multimédias. Cette
seconde position, outre qu'elle est plus conforme à la règle générale de la
pluralisation en français, est celle qui a la faveur de la presse, souvent
hésitante sur ce point, où l'on trouve fréquemment et sur la même page des
expressions comme "supports multimédia" et "équipements multimédias".
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Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques Colloques
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COLLOQUE SCIENCES COGNITIVES ET SCIENCES DE LA CULTURE
(GENEVE-ARCHAMPS, 19-23 JUIN 1999)
Colloque inaugural de l'Institut Ferdinand de Saussure
Comite d'organisation: Simon Bouquet, Francois Rastier, Vincent Rialle
Visitez le site du Colloque : http://www-cami.imag.fr/~rialle/colloque/
(voir aussi SdT volume 4 numero 10)
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Cette annee a Marianske Lazne (MARIENBAD) :
A Workshop on Text, Speech and Dialog (TSD'99)
September 13--17, 1999
Detailed information is available from http://www-kiv.zcu.cz/events/tsd99
TSD'99 will be organized by the Faculty of Applied Sciences, University
of West Bohemia, Plzen (Pilsen), and the Faculty of Informatics, Masaryk
University, Brno, under the auspices of the Dean of the Faculty of Applied
Sciences of the University of West Bohemia.
Workshop theme:
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TSD'99 will be concerned with topics in the field of natural language
processing, in particular:
- corpora, texts and transcription;
- speech analysis, recognition and synthesis;
- their intertwinnig within NL dialog systems.
Workshop site:
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The workshop will take place in the comfortable hotel Krakonos (located
760 m above sea-level) in the beautiful West Bohemian spa town of Marianske
Lazne (Marienbad) nestled in a valley enclosed by wooded hills.
Registration fee:
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$100 - organizing costs, workshop proceedings
$20 - social events
$60 - meals
Total: $180
Student reductions will be available.
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March 10, 1999 - Preliminary registration and deadline for submission of
title and abstract
April 30, 1999 - Notification of acceptance or rejection
May 30, 1999 - Camera ready paper submission
September 13 - 17, 1999 - TSD'99
Workshop secretariat:
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All correspondence regarding the workshop should be addressed to:
Ms. Helena Benesova
University of West Bohemia in Pilsen
Faculty of Applied Sciences
Department of Computer Science
Univerzitni 22
CZ - 306 14 PLZEN
Czech Republic
Tel: (+420 19) 7491 212, 27 62 50
Fax: (+420 19) 7491 213
E-mail: benesova@kiv.zcu.cz
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1999_04_21
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ATTENTION : Vous venez de recevoir DEUX numeros de SdT DIFFERENTS :
- ceci est une rediffusion du precedent numero (avril - vol.5, n.3),
que beaucoup n'ont pas recu suite a un pb. technique ;
- l'autre envoi est le dernier numero de SdT (vol. 5, n.4).
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