2001_02_15

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SdT volume 7, numero 2.

 

 

                                                                                LES CITATIONS DU MOIS

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                                                     "La pluralidad de las lenguas

                                                       garantiza y enriquece

                                                       la cultura de la humanidad.

                                                       Yo te escribo en mi lengua,

                                                       contéstame tú en la tuya."

 

                                                     Juan Magariños de Morentin

                                                     Moderador de la lista Semioticians

                                                                                ________

 

                                                     "Si nous faisons de la sémantique,

                                                       Nous ne sommes pas près d'en finir"

                                                    

                                                     Alfred Sirven,

                                                     Audition auprès de la justice de Genève,

                                                     21/11/95

                                                     ________________________________________

 

                          

 

                                                     SOMMAIRE

 

1- Coordonnees

             - Bienvenue a Patrick Mpondo-Dicka, Ana Nunez, Giulia Ceriani,

               Eduardo Calil, et Anne Godard.

 

2- Carnet

             - Texto! a deux adresses.

             - Texto!, un site qui compte ! Chiffres du mois de janvier.

             - "Les nouvelles methodes d'analyse des entretiens",

               Journee d'etudes du CIDSP, Grenoble, vendredi 9 mars 2001.

             - Tom Landauer et Peter Foltz : "Latent Semantic Analysis"

               Paris 8 (Saint-Denis), mercredi 21 fevrier 2001.

             - "Sensibilisation aux outils informatiques et statistiques

                d'aide à l'analyse des textes", Journee scientifique du

                CIRLEP, Reims, vendredi 16 fevrier 2001.

 

3- Publications

             - Sommaire du dernier numero de la revue Informations In Cognito

             - A paraitre : Anne Godard, Le dialogue à la Renaissance, PUF.

 

4- Textes

             - Pastiche de F. Gobert : Celine a l'agregation.

             - article de F. Rastier : Vers une linguistique des styles.

 

5- Appels : Colloques et revues

             - Appel a communication pour la journee de l'ATALA

               "De la langue aux genres et aux types", samedi 28 avril 2001.

                          

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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees

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BIENVENUE AUX NOUVEAUX ABONNÉS

[information réservée aux abonnés]

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{FR, 14/02/2001}

 

NOUVEL ACCÈS - PAR UNE PORTE DÉROBÉE

 

Texto! a maintenant une double adresse :

             http://www.msh-paris.fr/texto/

ou          http://www.revue-texto.net/

Et quand un serveur vient à flancher, l'autre reste en général valide.

 

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{FR, 14/02/2001}

 

INDICES DE FRÉQUENTATION - CONFIDENTIEL !!!

L'AUTOSATISFACTION MENACE LA RÉDACTION

 

Janvier   2001

 

* Moyenne journalière

Hits   1379        Fichiers  1246              Pages 262        Visites  83

 

* Totaux mensuels                   Ko  183982

Hits   42752      Fichiers  38648                         Pages  8136     Visites  2600

 

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{Brugidou, 01/02/2001}

 

JOURNEE D'ETUDES du CIDSP

 

                           LES NOUVELLES METHODES D'ANALYSE DES ENTRETIENS

                                        Analyse assistée par ordinateur et

                capitalisation des entretiens non-directifs de recherche

 

9 mars 2001, Maison des sciences de l'homme, Grenoble (10h - 17h15)

 

Le recours à l'ordinateur, pour analyser et traiter les données

qualitatives recueillies en entretiens, s'est développé depuis les

années 80. Deux familles de travaux issus de traditions de recherche

diffÈrentes ont donné lieu au développement de plusieurs approches

méthodologiques et logicielles : les pays latins sont marqués par

l'analyse des données textuelles qui combinent les apports de la

statistique et de la linguistique, cependant que les pays anglo-saxons

et nordiques privilégient les CAQDAS, systèmes d'assistance au

dépouillement de données qualitatives, proches de l'analyse de contenu

pratiquée par les sociologues.

 

Ces travaux ont par ailleurs souligné l'importance de l'archivage des

entretiens et ont suscité de nombreux débats méthodologiques sur le

statut des "données qualitatives".

Des questions se posent en effet sur la frontière entre le qualitatif et

le quantitatif, la normalisation des "données", les procédures

d'analyses induites par les logiciels et plus largement sur le statut de

la "preuve" en recherche qualitative, les possibilitÈs de comparaison

etc.

Cette journée d'étude propose un premier panorama français de ces

questions en privilégiant une approche multidisciplinaire. Des

politologues, sociologues, linguistes et historiens présenteront des

dépouillements d'entretiens réalisés à l'aide des méthodologies

d'analyses textuelles, une approche de l'univers des CAQDAS et des

expériences de capitalisation et d'archivage d'entretiens.

 

Cette journée d'étude, ouverte aux chercheurs ou doctorants intéressés

par ces questions, sera l'occasion d'évoquer les outils utilisés et de

confronter les besoins et les expériences des personnes présentes.

 

 

Programme de la journée

_______________________

 

Accueil et présentation de la journée.

Bruno Cautrès (CIDSP) et Mathieu Brugidou (CIDSP/GRETS-EDF )

 

I- Analyse des entretiens

 

Dominique Le Roux (GRETS-EDF) :

             "Dépouiller des données qualitatives avec l'aide d'un CAQDAS :

             quelques exemples d'utilisation d'Atlas-ti"

L'apport des CAQDAS dans l'analyse des entretiens de recherche. Le point

sur ces questions à la suite de la conférence internationale Social

Science Methodology in the New Millenium (Cologne, octobre 2000).

 

Bruno Cautrès (CIDSP) : "Analyse comparative des entretiens"

 

Cyril Labbé (FT-R&D) et Dominique Labbé (CERAT) :

             "Repérage des thèmes dans les entretiens et classification"

Comment localiser les ruptures thématiques au sein de chaque entretien ?

Comment isoler plusieurs sous-groupes dans un ensemble d'entretiens sur

un même thème ?

 

Max Reinert (Laboratoire Printemps) :

             "L'analyse des entretiens par la méthodologie Alceste"

La méthodologie Alceste appliquée aux entretiens semi-directifs

(stemmatisation, découpage des unités d'information, classification

hiérarchique, analyse des résultats...).

 

Mathieu Brugidou (CIDSP/GRETS-EDF) et Pierre Le Queau (Université

Pierre Mendes France) : "L'analyse des entretiens non directifs de

             recherche par la mÈthode des rafales"

L'entretien est considéré comme un récit. On repère des "épisodes" en

observant la distribution des mots-thèmes au cours de l'entretien.

 

II - Capitalisation

 

Claude Dubar et Max Reinert (Laboratoire Printemps) :

             "Faisabilité d'une banque de données d'entretiens biographiques

             en sciences sociales"

Réflexions à partir du rapport remis au CNRS-SHS sur l'archivage et la

capitalisation des entretiens en sciences sociales.

 

Vincent Duclert (EHESS) : "Une histoire orale : la naissance de la

             Délégation générale du Premier ministre à la recherche

             scientifique et technique (DGRST, 1958-62)"

Un exemple d'histoire orale et d'archives vivantes à propos de la

naissance d'une administration.

 

Dominique Le Roux (GRETS-EDF) : "Un exemple de capitalisation des

             entretiens : 'Verbatim'. L'expérience d'EDF"

La constitution de la base d'entretiens du laboratoire en sciences

sociales d'EDF : les problèmes éthiques, juridiques et techniques, les

solutions adoptées.

 

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{FR, 09/02/2001}

 

LATENT SEMANTIC ANALYSIS

 

Tom Landauer et Peter Foltz de l'University du Colorado à Boulder

présenteront LSA, le mercredi 21 février à 14 heures, salle A 371

 

Equipe Propriétés, Sémantique et Catégorisation

Laboratoire CNRS Cognition & Activités Finalisées

Université de Paris VIII

2 rue de la Liberté

93526 - St Denis Cédex 02

 

Latent Semantic Analysis (LSA) est une théorie et une méthode pour

extraire et représenter la signification des mots dans leur contexte

d'utilisation. Elle est basée sur un ensemble de traitements

statistiques appliqués à de larges corpus de textes. L'idée sous-jacente

est que la totalité de l'information sur les différents contextes dans

lesquels un mot donné apparaît et n'apparaît pas fournit un ensemble de

contraintes mutuelles. Cet ensemble de contraintes détermine largement

la similarité de signification entre mots et groupe de mots.

L'adéquation de LSA à la cognition humaine a été établie de diverses

manières (tests de vocabulaires, classement de mots, tâches

d'amorçage,...). Les applications de LSA sont nombreuses : la mesure du

degré de cohérence d'un texte, la facilité d'apprentissage d'un texte,

la qualité et la quantité de connaissances contenues dans un texte.

 

contact : Charles Tijus (tijus@univ-paris8.fr)

             http://www.ipt.univ-paris8.fr/~psycog/indexb.htm

 

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{Pincemin, 13/01/2001}

 

JOURNEE SCIENTIFIQUE INFORMATIQUE ET ETUDES LITTERAIRES

 

Université de Reims Champagne-Ardenne

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

Centre Interdisciplinaire de Recherche

en Linguistique et Psychologie Cognitive (CIRLEP, EA 2071)

 

                             Sensibilisation aux outils informatiques

                           et statistiques d'aide à l'analyse des textes

 

                                        Vendredi 16 février 2001

 

Faculté des Lettres et Sciences Humaines

57, rue Pierre Taittinger - 51096 Reims cedex

salle 3137

 

Déroulement de la journée :

 

09h00-09h15 : Accueil des participants

 

09h30-10h30 : Maurice GROSS (LADL, Université de Paris VII)

             "Construction de grammaires locales au moyen du système INTEX"

 

10h30-11h30 : Jean-Pierre ADAM (GARS, Université de Provence)

             "Quelques remarques sur la morphologie verbale dans la

               langue parlée grâce au logiciel XCOR"

 

Déjeuner

 

14h00-15h00 : Etienne BRUNET (CNRS & Univ. de Nice Sophia Antipolis)

             "La quantification. Que peuvent en attendre les linguistes

               et les littéraires ?"

 

15h00-16h00 : Bénédicte PINCEMIN (CNRS & LLI, Université de Paris XIII)

             "Lettres, mots, textes. Clefs d'accès à l'écrit numérique"

 

16h00-17h00 : Débat général et clôture de la journée

 

Pour toute demande de renseignement complémentaire, prendre contact avec

Madame Ursula Marchal :

             ursula.freese@univ-reims.fr

 

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{FR, 06/02/2001}

 

VIENT DE PARAÎTRE

 

                  I N F O R M A T I O N S

                   I N    C O G N I T O

 

Revue en Sciences Cognitives editee par l'Association In Cognito

 

SOMMAIRE

 

             EDITORIAL

 

J.-E. Tyvaert (CIRLEP, U. Reims, France), Réflexions épistémologiques

et programmatiques sur la place des langues dans la cognition humaine,

p.1-10.

 

             COMMUNICATIONS

 

A. Spalanzani (Research Group of Artificial Life, CNR, Roma, Italie &

CLIPS-IMAG, Grenoble, France), Évolution lamarckienne versus évolution

darwinienne : pour l'adaptation des systèmes de reconnaissance

automatique de la parole en environnements changeants, p.11-26.

 

P. Dessus (LSE, UPMF, Grenoble, France), Constructions de connaissances

par exposition à un cours avec LSA, p.27-34.

 

N. Thomasson (Rush Medical Center, Chicago, Etats-Unis), L. Pezard (LNC,

Paris, France), B. Renault (LENA-CNRS, Paris, France), Rémission

d'épisodes dépressifs et réorganisation au sein de la dynamique

cérébrale, p.35-41.

 

             RESUMES DE THESE

 

             OUVRAGES RECUS

            

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Indiquez simplement votre adresse postale, et vous recevrez

ulterieurement un bulletin d'abonnement.

 

Directeur de publication : J.-Y. Antoine

Pour contacter l'association In Cognito :

             incognito@imag.fr

             http://www-leibniz.imag.fr/RESEAUX/incognito/

 

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{FR, 08/02/2001}

 

A PARAITRE

 

Anne Godard, Le dialogue à la Renaissance, PUF, "Ecriture", 2001 (mars).

196 pages, ISBN 2 13 051513 4, 128 FF

 

* 4e de couverture :

 

Le dialogue, qui doit à Platon, Cicéron et Lucien sa position

exceptionnelle au croisement de la philosophie, de la rhétorique et de

la littérature, est incontestablement le genre privilégié des grands

débats intellectuels de la Renaissance.

 

Il a été choisi par tous les humanistes, de Leonardo Bruni au début du

XVe siècle à Giordano Bruno à la fin du XVIe siècle, en passant par

Alberti, Bembo, Castiglione, Speroni, Léon l'Hébreu ou Le Tasse pour

l'Italie, mais aussi Érasme, Dolet, Juan de Valdés ou Thomas More dans

le reste de l'Europe.

 

Le dialogue fait partie du mouvement de redécouverte et d'imitation de

l'Antiquité par lequel la Renaissance se constitue. Mais il apporte

aussi, par le jeu sur la représentation des interlocuteurs, une

possibilité de distance critique et de remise en cause des pouvoirs du

discours.

 

Ce livre analyse la dimension autoréflexive de ces textes fondateurs.

Il met en perspective la réflexion sur la parole et l'écriture menée

dans les dialogues de la Renaissance avec une interrogation sur le rôle

du langage dans les relations civiles, mais aussi dans la transmission

de la connaissance.

 

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{FR, 06/02/2001}

 

PASTICHE

 

Louis-Ferdinand Céline : Moi, Céline ! à l'agrégation !...

 

Moi, Céline ! à l'agrégation !... Je m'enfure ! furerie ! pantèle !

bomine ! Tartuffes ! Salsifis ! Vous n'errerez pas ! Je l'avais bien

dit : dans trente-neuf ans : Céline, "chromo" ! Tout le monde fait du

Céline !... Bigre ! Bougre ! Btogre ! Céline à l'Académie !...

O Connessécradio ! Céline à l'agrégatio !... Bavez Céline ! Bissez

Céline !... vous serez fonctiofesseur ! À vie !... pour rebaver Céline !

À vie !... Allez-y ! Faut en profiter !... Ça sera pas tous les ans !...

Répétez après moi : ça a débuté comme ça !... Lecteurs, étudiants !

Professeurs !... Répétez après moi, prenez note... vous comprendrez plus

tard : l'écriture est serve ! l'agrégation, ça transpose pas !... Vous

vous en êtes encore à expliquer Balzac et Voyage !... et ma trouvaille !

la trouvaille du siècle !... Émasculée ! Éthèsée !... Je l'avais dit :

j'aurai de drôles de funérailles ! J'y pensais ! Je l'avais dit !

prédis !... Âcre-gachio ! Aigre-gâchis !... Les lecteurs français sont

snobs, gogos et serviles !... Céline a fait son temps !... On l'envoie à

l'agrégation ! à la trappe ! "Chromo", Céline !... Allez-y ! écrivez !

Prenez note ! Vous relirez tout ça plus tard !... Céline, il n'aimait

pas qu'on explique !... Aposiopèse ! Épanorthose ! Parastasiant !...

Tout est mal pris. Regardez le genre de cloaque que ça donne... ces

monstres... Parachème !... Simploque toi-même !... Allez-y ! prenez

note !... Je ne vais pas répéter !... Fini ! Céline ! Il a fait son

temps !... Chromo !... l'agrégation n'aime pas le génie !... c'est quand

il est bien pourri et qu'il pue ! que tout le monde l'a reconnu,

attendri par le Temps... cette boucherie... que son auteur est bien

crevé !... Pas de contestations, alors ! on peut dire ce qu'on veut !...

baver de la constiprétation !... on ne lit même plus le Voyage !...

Chromo ! Agregatio, agregationis !... l'École des Cadavres !...

l'Élite !... Et qu'est-ce qu'ils font de leur temps à l'école, élèves,

professeurs ?... Bigre ! Bougre ! Ils comptent les points ! la

retraite !... biglent des places aux jurys !... accumulent les

articles ! sur Céline !... le Voyage !... L'année Céline ! Ça fait

vendre... l'abne-captio !... Vite des colloques ! chromoter chez

Gaston !... cinq mille exemplaires ! minima !... Allez-y ! Prenez

note !... Je ne vais pas répéter ! La littérature est dans de beaux

draps !... au tout profond... pas racontable... On est en métamanque de

langage ! Quelle histoire !

 

Si j'étais pas tellement contraint... obligé... je ne laisserais pas

passer plus une ligne !... Vingt-cinq lignes ! pas plus moins qu'ils

disent, pour l' " explicatio de texte " !...

 

Si j'étais pas là tout astreint, comme debout... le dos contre ces

vingt-cinq lignes ! je vous pamphlèterais sans ambages !... Allez-y !

prenez note ! Vingt-cinq lignes ! toutes chaudes !... fumantes... un

petit oral vomi en trente minutes !... Vive Agrégation !...

funérailles !... ingrédiation pour un massacre !... Allez-y ! c'est

votre Bagatelle !... c'est rien à faire !... La vraie littérature est

ailleurs... dans le Voyage !... Je me comprends !... Le fonds

sensible !...

                                                                                F.Gobert

 

Auteur : Frédéric Gobert.

Extrait de : Bande de stylistes ! -Molière, Sade, Proust, Céline, Duras,

et autres pastiches ou parodies, Panormitis, Paris, 1999.

 

NB : Pour commander l'ouvrage :

- Une commande à

             panormitis@free.fr

permet un envoi franco de port sous 24 heures avec une facture à

acquitter à réception des ouvrages.

- Liste des librairies dépositaires et autres informations sur le site

             http://panormitis.free.fr

 

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{FR, 06/02/2001}

 

ARTICLE INÉDIT

François Rastier

 

                           Vers une linguistique des styles

 

Restons-en par provision à une conception minimaliste de la stylistique,

considérée comme un simple lieu de rencontre entre les sciences du

langage, les études littéraires et l'esthétique. Son éclectisme -qui la

rend fort accueillante- s'est accommodé de l'involution spéculative qui

a conduit les études littéraires à essentialiser l'Auteur et l'OEuvre,

l'Intertexte et la Littérarité. Ces essences imposantes sont objectivées

cependant au palier grammatical le plus restreint par divers "traits",

stylèmes, tropes, etc., d'où une disparate persistante entre des

ambitions théoriques globalisantes et les capacités descriptives qui

bien souvent ne rendent guère compte de la textualité.

 

Si la stylistique, discipline académique nécessaire et peu suffisante,

occupe une position importante pour le remembrement des sciences du

langage, elle reste moins intéressante que son problématique objet.

 

Comme la littérature est un art du langage, elle relève de la critique

en tant qu'art et de la linguistique en tant que langage ; mais ni la

critique littéraire et ni les sciences du langage ne sauraient prétendre

monopoliser son étude. Alors que la critique littéraire ne peut en

rester au principe de plaisir et aux promenades d'agrément, les sciences

du langage ne peuvent évidemment privilégier le discours littéraire, ni

d'ailleurs traiter des problèmes esthétiques.

 

Lieu de rencontre entre la critique littéraire académique et les

sciences du langage, la stylistique est l'endroit privilégié où

l'histoire littéraire peut devenir une histoire des formes, des genres

et des problèmes esthétiques, en s'appuyant sur l'analyse linguistique

des textes.

 

La distinction entre le critique et le grammairien nous renvoie certes

aux premiers différents entre Aristarque et Cratès, entre les écoles

d'Alexandrie et de Pergame. Ils n'ont jamais été tranchés, comme en

témoigne ce passage de Politien, revendiquant le droit pour un

grammairien de mener une activité critique : "Les grammairiens doivent,

en fait, expliquer et interpréter tout genre d'écrivain, les poètes, les

historiens, les philosophes, les médecins, les jurisconsultes. Notre

époque, qui s'y connaît si peu dans les choses anciennes, a relégué dans

un cercle étroit le grammairien ; mais, auprès des Anciens, cet ordre

avait tant d'autorité qu'ils (i.e. les grammairiens) étaient les seuls

censeurs et juges de tous les écrivains, si bien qu'ils étaient

également appelés 'critiques'. Ainsi, comme le dit Quintilien, ils ne se

permettaient pas seulement de marquer les passages dignes de censure

avec de petites virgules, mais aussi d'éloigner de la famille, tels des

enfants illégitimes, les livres apocryphes ; bien plus, ils décrétaient,

à leur guise, ceux qui faisaient partie de l'ordre des auteurs, et ceux

qui en étaient exclus. En effet, grammairien ne signifie rien d'autre en

grec qu'homme de lettres en latin" (Lamia, 1492 ; texte latin in 1971,

I, p. 460).

 

Cette contradiction immémoriale a été féconde, tant elle exige rigueur

et maîtrise de ceux qui osent assumer simultanément ces deux rôles.

Cependant la disciplinarisation de la stylistique n'est pas pour autant

souhaitable, car elle risque alors d'abandonner tant l'ambition

esthétique que l'ambition scientifique et tend à présenter leur

contradiction comme résolue par son existence autoproclamée.

 

                                                     ~ ~ ~

 

Sans préjuger des relations de la linguistique avec la stylistique ni

d'un éventuel remembrement disciplinaire, on peut souhaiter une

redéfinition linguistique du concept de style.

 

L'opposition langue / parole semble fondée quand on la ramène à

l'opposition système / procès, mais elle reste triplement inadéquate.

En effet, le système de la langue, certes contraignant aux niveaux

phonologique et morphosyntaxique, l'est bien moins que les linguistes

ne le croient, et ses règles pourraient bien n'être que des normes

invétérées. D'autre part, la parole au sens saussurien n'est pas l'effet

d'une pure liberté, et Saussure envisageait d'ailleurs explicitement une

linguistique de la parole (1). Pour développer la linguistique du texte,

il faut refuser la contradiction qui oppose le système de la langue,

pensé comme universel, identique à lui-même et partout à l'oeuvre dans

chaque production linguistique, à la parole, conçue comme purement

individuelle alors qu'elle n'est que particulière.

 

À cette relation aporétique entre contradictoires, l'universel et

l'individuel, il faut substituer une relation entre contraires, par

définition susceptibles de coexister. Comme la généralité des normes

globales ne contredit évidemment pas la particularité des normes

locales, l'espace des normes peut devenir celui d'une linguistique

unifiée, pour laquelle les règles linguistiques n'ont rien de commun

avec les règles des langages formels, car leur application est toujours

soumise à un faisceau de conditions qu'on ne peut ériger ni en axiomes

ni en postulats. En outre, comme les échanges linguistiques sont

précisément un lieu de socialisation, les variations individuelles ne

sont jamais purement idiosyncrasiques. Ainsi, la distinction académique

entre langue et style ne nous retiendra pas, car La langue et Le style

sont des fictions philosophiques, la première procédant du rationalisme

dogmatique, et la seconde d'un irrationalisme jadis idéalisant, naguère

et encore désirant. En somme, comme dans toutes les sciences de la

culture, les concepts de la linguistique ne sont -ne devraient être-

ni normatifs, ni purement idiographiques (2).

 

Si donc la langue, le genre et le style connaissent des différences de

degré et non de nature, ils diffèrent pour l'essentiel par la force de

leurs prescriptions et par le type de temporalité dans lequel ils se

meuvent : en gros, un dialecte a pour échelle de durée le millénaire,

un sociolecte le siècle, un style la décennie.

 

En tant que disciplines descriptives, la stylistique et la poétique

relèvent bien de la linguistique générale et comparée. Elles peuvent

apprécier la particularité et la généralité des formes textuelles par la

méthode comparative, et leurs résultats dépendent donc des corpus. Si

elles produisent des connaissances nouvelles, c'est en s'émancipant

également de la conception dogmatique de la langue et du mysticisme de

l'individu créateur.

 

Si au contraire on les considère comme des disciplines spéculatives, qui

prennent pour objet la Littérarité, et relèvent alors de l'esthétique

philosophique, la poétique et la stylistique dépendent encore de la

linguistique, mais par un autre biais. De même que la philosophie du

langage doit désormais se confondre avec une philosophie de la

linguistique (3), la philosophie des arts du langage, dont procèdent la

poétique et la stylistique quand elles prennent pour objet la

littérarité, doit maintenant s'appuyer sur la linguistique et la

psycholinguistique, voire la sociolinguistique.

 

Il reste à fonder le type d'objectivité propre aux normes linguistiques,

qu'elles soient globales ou locales. Pour le plan du contenu, cela exige

une théorie capable de penser et de décrire les formes sémantiques. Nous

avons abordé ce problème par deux voies complémentaires : dans le cadre

d'une théorie générale de la perception sémantique, en élaborant

conjointement une théorie des fonds perceptifs, par une recherche sur

les isotopies (notamment génériques) et une théorie des formes, par une

recherche sur les molécules sémiques (cf. l'auteur, 1989). Cela peut

permettre de reformuler, en les fondant linguistiquement, certains

acquis de la rhétorique, en particulier la théorie des figures tropes et

non-tropes. Il faut encore, en adoptant des conventions conceptuelles et

terminologiques communes, décrire de façon unifiée les diverses formes

sémantiques reconnues par les disciplines qui traitent du texte, qu'il

s'agisse des stylèmes selon Hjelmslev, des thèmes de la critique

thématique, des motifs de la folkloristique, des mythèmes de

l'anthropologie structurale, voire des idéologèmes barthésiens.

 

Cette unification s'entend de deux manières. En premier lieu, les trois

principaux paliers de la description linguistique, le mot, la phrase, et

le texte peuvent être décrits au plan sémantique en intégrant des unités

de même structure à des paliers de complexité différents. Par ailleurs,

les molécules sémiques sont des formes susceptibles de divers degrés de

généralité : quand elles sont élevées au rang de type, chacun de leurs

constituants peut recevoir diverses instanciations selon les

occurrences. Cela permet d'utiliser une méthodologie comparative

interne, par des homologations et des transformations au sein d'un même

texte, aussi bien qu'externe, pour reconnaître des relations

typologiques entre textes.

 

Une telle unification contribue à une théorie des formes symboliques,

qui relève de plein droit d'une sémiotique générale des cultures. Au

sein de notre tradition, il s'agit de mettre en rapport les morphologies

sémantiques propres aux genres et aux styles avec les théories

esthétiques, explicites ou non, auxquelles elles correspondent et dont

elles sont tout autant les causes que les effets. Convenons d'appeler

'esthésies' ces "visions du monde" suscitées et contraintes par les

divers types de morphologies sémantiques. Elles engagent, semble-t-il,

quatre grands domaines de caractérisation d'ampleur croissante :

- Les éléments de 'formes sémantiques', comme les tropes, codifient des

moments de parcours interprétatifs, dans le cadre de conventions de

genre.

- Les types 'd'impressions référentielles' sont liés à la thématique

comme aux parcours interprétatifs qui les construisent. La codification

des impressions référentielles dépend des cultures, où elles remplissent

diverses fonctions théogoniques et cosmogoniques.

- Les 'tons', qui sont des isotopies évaluatives situent les textes dans

des dimensions éthiques et pathétiques. Nous manquons encore d'une

linguistique des tons, et particulièrement d'études contrastives selon

les cultures.

- Les tons et les impressions référentielles déterminent des formes a

posteriori de la phénoménalité : elles engagent le vécu propre de

l'expérience culturelle, voire la forme culturelle de l'expérience

vécue. C'est en ce sens que Proust a formé notre vision du monde, comme

lui-même le remarquait à propos de Flaubert.

 

                                                     ~ ~ ~

 

Pour apprécier la situation épistémologique de ce projet, revenons aux

grands projets d'anthropologie qui ont présidé à la constitution

disciplinaire de l'étude systématique des littératures comme de la

linguistique historique et comparée.

 

Alors que l'étude des langues avait une tradition millénaire, la

linguistique comparée n'a formulé son projet scientifique qu'à la fin du

XVIIIe siècle. Il dépend d'une anthropologie générale, que Humboldt a

orienté vers la caractérisation des différences entre les langues, alors

même que les grammaires philosophiques contemporaines, restées de

Port-Royal à Tracy les héritières de l'aristotélisme scolastique,

postulaient l'universalité des opérations sous-jacentes de l'esprit.

Sans s'arrêter seulement à la différence des langues, Humboldt s'attache

à la diversité des usages singuliers qui les configurent (cf. Thouard,

2000, p.170).

 

Parallèlement, Frédéric Schlegel, pour unir critique, philosophie et

poésie conçoit un projet d'encyclopédie qui unirait le souci de la

totalisation et le respect de l'individualité des oeuvres (cf.

Athenaeum, fr. 116). Bien qu'avorté, ce projet contient une "théorie de

la culture", voire, comme l'a souligné Dilthey, une méthodologie des

sciences humaines, et il donnera naissance à des travaux d'histoire de

la littérature et notamment de la poésie, qui auront une incidence

déterminante sur tout le romantisme européen (4).

 

Ainsi, l'étude historique et comparée des littératures et la

linguistique historique et comparée sont toutes deux issues de grands

projets d'anthropologie culturelle orientés vers la description des

diversités. Ils se sont prolongés d'ailleurs dans la romanistique, qui a

toujours su unir les études de langue et de littérature (5). Aussi l'on

peut estimer que le problème des styles et des normes locales relève

pleinement de la linguistique historique et comparée ; les projets

d'anthropologie dont elle est issue, tant chez Frédéric Schlegel que

chez Humboldt, concordent parfaitement sur ce point. La description des

langues n'est en effet qu'une étape de la caractérisation des discours,

des genres et des textes singuliers. La description des styles,

notamment littéraires, constitue ainsi l'aboutissement du programme de

caractérisation qui a permis de passer des grammaires universelles à la

linguistique générale. En effet, chaque langue tire son "caractère" des

usages qui la configurent sans cesse.

 

Nous sommes ici au croisement de la linguistique de de la théorie

littéraire : à quelle condition un texte devient-il une oeuvre ? Cela

dépend de son caractère, qui le rend singulier et irremplaçable,  et lui

permet ainsi d'ouvrir la tradition interprétative qui peut l'ériger en

classique. Si l'on identifie ce caractère au style, une voie

subjectiviste le rapporte à l'auteur, et veut l'expliquer par sa

biographie psychologique, alors que la voie objective va le rapporter à

des formes textuelles particulières. Nous choisissons la seconde, car

nous avons à expliquer les oeuvres en termes d'oeuvres : un auteur,

docile reconstruction des biographes, peut sembler compréhensible, mais

cette compréhension empathique n'explique rien de son oeuvre, où il

s'aliène et s'efface non moins qu'il ne s'exprime. Il reste d'ailleurs

toujours plus facile de comprendre, du moins le croit-on, les auteurs

que les oeuvres. Pour devenir classiques, indéfiniment relues, elles

laissent supposer, à bon droit, qu'elles ne seront jamais complètement

comprises.

 

Si l'on convient que le style est dans les oeuvres et non dans les

auteurs, un style n'est peut-être que l'abstraction d'une oeuvre

particulière. On appelle 'style' ses régularités particulières : elle

répond de son style, et non l'inverse. Difficulté supplémentaire, au

sein même d'une oeuvre singulière, les particularités stylistiques ne

sont pas réparties uniformément : dans certains passages, l'auteur

s'écarte de la tradition ; dans d'autres, il souligne son appartenance.

 

Quand au "style d'auteur", il pose le problème des régularités au sein

même des ouvrages d'un même auteur : on y voit s'établir des lignées

stylistiques, les caractères des premières oeuvres se développant dans

celles qui suivent. D'une façon comparable, un genre peut être décrit

non comme un type ou une classe, mais comme une 'lignée' générique de

réécritures (cf. Rastier et Pincemin, 1999). Toutefois, les artistes ont

plusieurs styles, ne serait-ce qu'ils usent de plusieurs genres : ainsi,

Francesco di Giorgio Martini dérive de Lippi en peinture et de Donatello

en sculpture, bien que leurs esthétiques soient contradictoires (6). Il

reste rare qu'un grand auteur se soit cantonné à un seul genre.

 

Pour éviter l'involution psychologiste et poser correctement le problème

esthétique, distinguons cependant l'identification et la

caractérisation, ou si l'on préfère les traits "morelliens" et les

traits "spitzériens". Morelli, médecin italien, révolutionna à la fin

du XIXe siècle les attributions de tableaux en décelant des traits,

notamment anatomiques, comme les lobes d'oreille, dont la facture

caractéristique échappait jusque là aux faussaires comme aux experts.

Quant à Spitzer, on lui a maintes fois reproché de caractériser les

oeuvres par des traits formels qui paraissaient choisis arbitrairement,

et lui permettaient pourtant d'entrer dans le cercle d'une

interprétation révélatrice.

 

Ainsi, à l' 'identification' par les caractères morelliens, on peut

opposer la 'caractérisation' par les caractères spitzériens : les

premiers sont répartis régulièrement, se répètent d'oeuvre en oeuvre et

ne se signalent pas par une connectivité sémantique particulière ; les

seconds en revanche sont singuliers, à haut degré de connectivité, et

surtout font l'objet de transpositions à tous les paliers de complexité

de l'oeuvre : par exemple, l'usage singulier de l'hypallage renvoie chez

Borges à son ontologie négative et à la structure métaphysique de son

oeuvre entière (cf. l'auteur, à paraître b).

 

Cette distinction conduit à séparer les traits de facture des phénomènes

de style proprements dits. Certes, un auteur peut styliser ses propres

traits morelliens, quand par exemple il se parodie lui-même, ou plus

profondément quand il élabore son style pour ne plus rien laisser au

hasard de l'habitude ; c'est sans doute, par exemple, une des raisons de

l'étrangeté de Flaubert. Après tout, la stylistique, discipline

critique, peut  bien admettre que la stylisation soit aussi une activité

critique : l'auteur, qui est son premier critique, dépasse les critiques

futurs sur leur propre terrain.

 

                                                     ~ ~ ~

 

Cependant, une contradiction semble ruiner la reconduction du style à

l'auteur : ses oeuvres peuvent n'être immédiatement fédérées que par des

traits morelliens, et leur dénominateur commun se réduit alors à des

traits de facture : le "style d'auteur" serait ainsi ce qu'il y a de

plus superficiel dans l'oeuvre. Certes les styles des oeuvres d'un même

auteur peuvent partager des caractéristiques communes qui restent

généralement secondaires et relèvent de traits morelliens ; mais pour

l'essentiel ces styles varient avec les genres dont use l'auteur et les

divers projets esthétiques avec lesquels il s'y engage.

 

En revanche le "style d'une oeuvre" se définit par les traits

générateurs de la structure artistique, des formes particulières, qui se

transposent, tant au plan de l'expression qu'à celui du contenu, tant au

palier de la phrase qu'à celui du texte global.

 

En somme, l'identification morellienne permet de distinguer une oeuvre

singulière parmi celles des autres auteurs (7). Elle permet de l'isoler

dans son corpus de référence, mais non de décrire le fonctionnement

propre de ses parcours génétiques, mimétiques et herméneutiques. En

revanche, la caractérisation "spitzérienne" permet une caractérisation

interne, et conduit à identifier les contraintes que la forme artistique

exerce sur ces parcours. Elle suppose et permet tout à la fois une

interprétation. Par là, elle renoue avec le corpus de référence où

l'oeuvre se singularise, car les parcours interprétatifs requièrent

souvent des interprétants qui sont situés dans d'autres textes.

 

D'où proviennent les traits morelliens ? Ces habitudes pratiques de

facture ne manifestent aucun "écart" et restent parfaitement compatibles

avec les normes de langue, de discours et de genre. Elles en exploitent

les possibilités, par des choix récurrents au sein d'une norme

permissive. Cette sélection du matériau linguistique, discursif et

générique constitue une première phase, élémentaire, de la stylisation

qui cependant radicalise déjà certaines propriétés systématiques.

 

Quant aux traits spitzériens, ce ne sont pas à proprement parler des

traits, au sens atomiste du terme, mais des formes d'organisation,

transposables à différents niveaux de complexité, entre lesquels ils

établissent des solidarités d'échelle et deviennent ainsi des principes

organisateurs de la textualité. Par exemple, l'hypallage chez Borges

fait partie des traits spitzériens : plus exactement, le troc

indécidable d'attributs, qui se traduit par des hypallages, se traduit

au niveau séquentiel (tactique) par des formes en chiasme, au niveau

narratif (dialectique) par des récits où les acteurs échangent leurs

propriétés, au niveau énonciatif (dialogique) par l'indistinction du

lecteur et du narrateur, etc.

 

Les traits spitzériens sont propres aux textes littéraires, alors que

les traits morelliens se décèlent dans d'autres discours. Il reste que

ces deux modes de description stylistique sont tous deux compatibles

avec les objectifs d'une linguistique non restreinte.

 

Si, en revanche, outrepassant l'objectif déjà ambitieux d'une

'individuation', on fixe à la caractérisation le but ultime de conduire

à une 'individualisation', si l'on n'a de cesse de reconduire l'oeuvre à

l'auteur tel qu'on l'imagine, on la livre aux fades délices de

l'empathie universitaire.

 

 

[A paraître dans L'information grammaticale, 2001, mars, n° 89, pp. 3-6]

Texte légèrement modifié.

 

 

Notes

 

(1) Cf. ELG, à paraître. La célèbre formule finale du Cours de

linguistique générale, qui évoque la langue "en elle-même et pour

elle-même" et que l'on a tant reprochée à Saussure, n'est pas de lui,

mais de Franz Bopp (1816).

(2) Cf. Cassirer, 1991, p. 144 : "Chaque science particulière de la

culture forge certains concepts de forme et de style qu'elle utilise

pour systématiser dans une vue d'ensemble, classer et distinguer les

phénomènes dont elle traite. Ces concepts formels ne sont ni

'nomothétiques' ni purement 'idiographiques'. Ils ne sont pas purement

nomothétiques, car il ne s'agit pas d'en faire des lois générales

desquelles découleraient de manière déductive les phénomènes

particuliers. Mais ils ne se laissent pas non plus réduire à des

concepts historiques".

  (3) Cf. Auroux & Kouloughli, 1991.

  (4) Cf. les leçons de Vienne en 1812 sur l'histoire de la littérature,

publiées en 1815 et traduites en français par W. Duckett en 1829 sous le

titre 'Histoire de la littérature ancienne et moderne' ; et les leçons

de son frère August Wilhelm Schlegel sur l'art et la littérature

(1801-1804) puis sur l'art dramatique et la littérature (1809-1811)

traduites en français dès 1814 par Madame Necker de Saussure et vers

l'anglais en 1815 par John Black.

  (5) Cf. les grands noms de la stylistique, Leo Spitzer, Ersnt Auerbach,

Antonino Pagliaro (créateur de la 'critique sémantique'), Dámaso Alonso,

etc.

  (6) Le problème esthétique en sculpture était alors : que faire après

Donatello ? Et en peinture : Que faire après Filippo Lippi ?

  (7) Pour les problèmes d'attribution, les propositions qui précèdent

ont été mises à l'épreuve dans Malrieu et Rastier, à paraître.

 

 

Bibliographie

 

Auroux, S., Kouloughli, D. (1991) Why there is no 'true' philosophy of

linguistics, Language & Communication, XI, 3, pp. 151-163.

Cassirer, E. (1991) Logique des sciences de la culture, Paris, Cerf.

Malrieu, D. et Rastier, F. (à paraître) Genres et variations

morphosyntaxiques, Traitement automatique des langues.

Politien, A. (1492 [1971]) Lamia, in Opera, I, Turin, La Bottega

d'Erasmo.

Rastier, F. (1989) Sens et Textualité. Paris, Hachette.

Rastier, F. (1994 a) Tropes et sémantique linguistique, Langages, 101,

pp. 80-101.

Rastier, F. (1994 b) Le problème du style pour la sémantique du texte,

in Molinié G. et Cahné P. (éds.), Qu'est-ce que le style ?, Paris,P.U.F.

Rastier, F. (1998) Le problème épistémologique du contexte et le

problème de l'interprétation dans les sciences du langage, Langages,

129, pp. 97-111.

Rastier, F. (2000 a) Topoï et interprétation, Etudes françaises, 36, 1,

pp. 93-107.

Rastier, F. (2000 b) Philologie numérique, in Tyvaert, éd. Philologie

électronique et assistance à l'interprétation des textes, Recherches en

Linguistique et Psychologie cognitive, 16, pp. 117-149.

Rastier, F. (à paraître a) Indécidable hypallage, Langue française.

Rastier, F. (à paraître b) L'hypallage & Borges, Variaciones Borges.

Rastier, F. (à paraître c) Arts et sciences du texte, Paris, PUF.

Rastier, F., Cavazza M., Abeillé A. (1994) Sémantique pour l'analyse,

Paris, Masson.

Rastier, F. & Pincemin, B. (1999) Des genres à l'intertexte, Cahiers de

praxématique, 23, pp. 90-111.

Saussure, F. de (1968-1974) Cours de linguistique générale, tester la pertinence du classement initial des

documents de ce corpus en fonction de ces genres. On peut également,

dans une approche d'apprentissage non supervisé, développer une

typologie inductive des textes en les caractérisant par un ensemble de

dimensions organisant des traits linguistiques (Biber 88, 95).

 

Le traitement automatique des langues fait de plus en plus appel à de

volumineux corpus textuels pour l'acquisition des connaissances qui lui

sont nécessaires : cadres de sous-catégorisation des verbes,

collocations, enchaînement de catégories, acquisition de catégories

sémantiques... L'obstacle actuel n'est donc plus la disponibilité de

corpus, mais l'hétérogénéité des données qui sont rassemblées sous ce

nom. En effet la qualité des connaissances acquises dépend directement

de la maîtrise des caractéristiques du corpus utilisé, qu'il s'agisse de

l'étiquetage morphosyntaxique (Biber 93), du parsage (Sekhine 97) ou de

la recherche d'information (Karlgren 98). Il importerait alors de

(re)connaître les types de textes ou les genres présents dans les corpus

utilisés.

 

Les propositions de communication pourront en particulier apporter une

contribution sur les questions et les thèmes suivants :

 

* Le profilage de documents : comment répartir un ensemble donné de

  documents en sous-ensembles homogènes pour les traitements

  automatiques envisagés ?

* L'influence des genres ou des types de textes sur les performances des

  traitements automatiques : y a-t-il des tâches plus sensibles que

  d'autres à l'hétérogénéité des données utilisées ?

* Retrouve-t-on d'un domaine à un autre des genres ou des types

  similaires ?

* Quelle est la fiabilité d'une répartition d'un ensemble de documents

  en genres et en types par un ensemble d'individus ?

* La description syntaxique et sémantique d'une langue, y compris pour

  le TAL, doit-elle prendre en compte la variation en genres ?

* Les "genres" reconnus dans une communauté langagière donnée sont-ils

  identifiables de manière automatique ?

* Les "genres" reconnus dans une communauté langagière donnée

  constituent-ils les bonnes "variables" pour expliquer l'hétérogénéité

  d'un corpus ?

 

Soumission (modalités)

 

Un résumé de deux à quatre pages doit être envoyé avant le 28 février

2001 par courrier électronique uniquement à :

             François Rastier           (lpe2@ext.jussieu.fr) et à

             Benoît Habert              (habert@limsi.fr)

Les notifications d'acceptation seront données pour le 31 mars 2001

 

Pour plus d'informations sur l'ATALA et sur l'organisation des journées

d'études, consultez le site de l'ATALA à l'adresse:

             http://www.atala.org

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