Carine DUTEIL-MOUGEL : INTRODUCTION À LA RHÉTORIQUE

ANNEXE 3 : Tropes (Rhétorique à Hérennius)


TROPES / précisions

DÉFINITIONS

la création de mots (néologisme)
« Il faut se servir rarement de cette figure pour que le nombre de néologismes n’indispose pas. Mais si l’on s’en sert à propos et rarement, la nouveauté, loin de heurter, orne le discours. » (Livre IV, 42)

« nous invite, lorsqu’une chose n’a pas de nom ou n’en a pas qui convienne, à la dénommer nous-même d’un terme adéquat qui soit imitatif ou expressif. » (Livre IV, 42)

l’antonomase
« Nous pourrons ainsi parler non sans élégance, soit pour louer, soit pour blâmer, des traits physiques ou moraux ou des éléments extérieurs, en employant une espèce de surnom à la place du nom exact. » (Livre IV, 42)

« explique par une sorte de surnom emprunté, une chose qui ne peut être désignée de son propre nom, comme si l’on disait en parlant des Gracques : Les petits-fils de l’Africain ne se conduisirent pas ainsi. » (Livre IV, 42)

la métonymie
« l’usage en est constant non seulement chez les poètes et les orateurs mais aussi dans le langage de tous les jours. » (Livre IV, 43)

« emprunte à des éléments proches ou voisins une expression qui permet de comprendre une chose qui n’est pas désignée par son propre nom . On obtient cette figure en partant du nom de la découverte ou on y parvient en partant du nom de l’inventeur [...] Ou bien en désignant le possesseur par l’instrument [...] Ou en désignant l’effet par la cause [...] Ou la cause par l’effet [...] Le contenu sera désigné par le contenant [...] Ou bien la métonymie désignera le contenant par le contenu. » (Livre IV, 43)

la circonlocution

« la circonlocution est un tour qui énonce une chose simple au moyen d’une périphrase. »
Exemple : « La prévoyance de Scipion a brisé la puissance de Carthage. »

(Livre IV, 43)

l’hyperbate
« Un déplacement de telle sorte qui n’obscurcit pas l’idée, sera très utile pour les périodes dont il a été parlé plus haut. Il faut en effet disposer les mots des périodes de façon à obtenir une sorte de rythme poétique pour qu’elles puissent avoir une perfection et un fini achevés. » (Livre IV, 44)

« modifie l’ordre des mots par inversion ou par déplacement. »
Par déplacement : exemple : « Instabilis in istum plurinum fortuna ualuit. Omnes inuidiose eripuit tibi bene uiuendi casus facultates » 

(Livre IV, 44)

l’exagération



« figure qui force la réalité pour amplifier ou déprécier quelque chose. Elle est employée soit absolument soit avec une comparaison. »
- Absolument : exemple : « Mais si nous maintenons la concorde dans la cité, l’étendue de notre empire se mesurera de l’orient à l’occident. »
=> « Dans l’exagération la comparaison se fait sous forme d’égalité ou de supériorité. »

- D’égalité
 : exemple : « Son corps était aussi blanc que la neige et son regard aussi ardent qu’un feu. »
- De supériorité
 : exemple : « Les paroles coulaient de sa bouche, plus douces que le miel. »

(Livre IV, 44)

la suggestion (la synecdoque)

« désigne le tout par une petite partie ou la partie par le tout. » ; « Le tout est suggéré par la partie de la manière suivante : “Ces hautbois nuptiaux ne vous rappelaient-ils pas son mariage ? ”» ; « Le tout signifie la partie, par exemple si l’on disait à une personne qui exhibe une parure ou un habit somptueux : “Vous exhibez devant moi vos richesses et vous étalez vos opulentes ressources”. » (Livre IV, 44)

avec le singulier on fera entendre le pluriel / avec le pluriel on fera entendre le singulier
« Dans le premier cas le nombre sera réduit pour agrémenter le style, dans le second augmenté pour faire impression. » (Livre IV, 45)

Exemple : « Le Punique fut aidé par l’Espagnol et le cruel Transalpin ; en Italie aussi plus d’un citoyen eut les mêmes sentiments. » /
Exemple : « Un horrible malheur accablait les cœurs de tristesse. Aussi en proie à l’angoisse, il exhalait du fond de ses poumons un souffle haletant. » (Livre IV, 45)

l’abus de langage, l’abusio (la catachrèse)

« consiste à user librement, à la place du mot précis et propre, d’un mot similaire et approchant. »
Exemple :  « la force de l’homme est brève », « une petite stature »

(Livre IV, 45)

la métaphore
« On dit qu’il faut de la retenue dans l’emploi de la métaphore, de sorte qu’elle passe logiquement à une chose analogue et qu’elle ne semble pas se jeter sans raison, au hasard et précipitamment, sur une chose différente. » (Livre IV, 45)

« quand un mot sera transféré d’une chose à une autre parce que la similitude semblera autoriser ce transfert. On l’utilise pour mettre une chose sous les yeux. »
Exemple : « Cette insurrection réveilla l’Italie par une subite terreur. »

(Livre IV, 45)

Pour abréger
 : exemple : « L’arrivée récente d’une armée a soudain éteint le feu de la cité. » 
Pour éviter une obscénité 
: exemple : « Sa mère se complaît chaque jour dans un nouveau mariage. »
Pour amplifier 
: exemple : « Le désespoir, le malheur de personne n’a pu apaiser les inimitiés ni rassasier l’horrible cruauté de ce personnage. »
Pour minimiser
 : exemple : « Il prétend avoir été d’un grand secours parce que, dans des circonstances très difficiles, il a fait souffler une légère brise favorable. »
Pour embellir
 : exemple : « Un jour la prospérité de la nation, qui s’est desséchée par la perversité de gens nuisibles, reverdira grâce à la valeur des gens de bien. »

(Livre IV, 45)

l’allégorie







« l’allégorie est une manière de parler où signifiant et signifié ne désignent pas les mêmes choses. Elle se divise en trois catégories : la comparaison, l’argument, l’opposition. On l’emploie sous forme de comparaison quand on multiplie les métaphores tirées d’un même champ sémantique.
Exemple : “En effet quand les chiens jouent le rôle de loups, à quels gardiens confirons-nous les troupeaux ?”
Elle est utilisée sous forme d’argument lorsqu’on établit un parallèle à partir d’une personne, d’un lieu ou d’une chose pour amplifier ou minimiser , par exemple si l’on appelait Drusus “un Gracchus” ou Numitor “un loqueteux ”.
On la tire d’une opposition, par exemple si l’on traitait ironiquement d’économe et de parcimonieux un prodigue et un dépensier.
Dans cette dernière catégorie, tirée d’une opposition, et dans la première, empruntée à une comparaison, nous pourrons, grâce à la métaphore, obtenir un argument.

Exemple pour la comparaison : “Que dit ce roi, notre Agamemnon, ou plutôt, vu sa cruauté, notre Atrée ?”

Par l’opposition : si par exemple nous appelions “Enée” un impie qui aurait frappé son père et “Hippolyte” un libertin et un adultère. » (Livre IV, 46)

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