BRUNO QUÉLENNEC
Résumé : Leo Strauss est aujourd’hui considéré comme l’un des représentants les plus importants de la philosophie politique du XXème siècle. Alors que sa pensée fait l’objet de conflits idéologiques violents aux Etats-Unis, elle ne donne pas lieu, en Europe, à un débat d’interprétations. L’article propose de soumettre les textes de Strauss à une lecture double, à la fois philosophique et politique. Il s’agit ici – contre les lectures apologétiques – de situer Leo Strauss dans une tradition antilibérale et antidémocratique, mais en essayant de montrer en quoi il tente d’en renouveler les termes, particulièrement dans sa réappropriation d’une pensée rationaliste. L’article propose plus précisément d’explorer les implications politiques du « platonisme » de Strauss, notamment tel qu’il est articulé dans Philosophie und Gesetz (1935) en le resituant dans le contexte politique et intellectuel des années 1920 et 1930. Ce qui est à première vue un simple commentaire érudit sur la philosophie islamique et juive du Moyen-Âge, s’avère être une réflexion sur les rapports entre philosophie et État autoritaire. Philosophie und Gesetz ne théorise cependant ni une forme de ‘résistance’ philosophique ni ‘l’exil intérieur’, mais dresse plutôt le portrait d’un ‘fascisme idéal’ et de la fonction de la philosophie à l’intérieur de celui-ci.