Innovations du XVIIIè s. grâce à la Fronde des Lettres
- Siècle des Lumières : l’éclairement est d’abord dû à la raison humaine, dans son indépendance (le libertin est d’abord celui qui ne veut se diriger que par la raison, en suivant la nature). Lumières est alors un antonyme d’illuminisme qui se complaît dans les superstitions. Pas d’esprit de système : le philosophe "sait demeurer indéterminé en l’absence de raisons de juger".I. L’Encyclopédie
            Exemple
            remarquable de la hardiesse des idées, outre l’accumulation
            des connaissances. A retenir :
             - Développement et lutte, ce qui montre l’aspect
            contestataire derrière le didactique.
             - Aspect gigantesque de l’œuvre.
             - Aspect symbolique de l’entreprise : rejet de l’Ancien
            Régime par le philosophe.
        
II. Les moyens de la fronde : classification par genres
            1.
            Le
            pamphlet
            (écrit satirique d’actualité,
            polémique, bref et violent) : utilisé surtout par Voltaire qui
            veut associer l’opinion à ses luttes et harcèle ses
            adversaires. Par exemple la
            Relation
            de la maladie du jésuite
            Berthier
            s’en prend au
            Journal de
            Trévoux
            et à son rédacteur ; le malade est soigné à coups de pages
            de
            l’Encyclopédie
            . Art de l’anecdote et du trait
            qui ne pardonne pas : le diagnostic hésite entre une vésicule
            de fiel trop pleine ou une cervelle trop vide !
             2.
            L’
            article de
            dictionnaire
            : ses vertus didactiques permettent un exposé rapide et
            convaincant (par exemple "Philosophe" rédigé par Dumarsais
            dans
            l’Encyclopédie
            , ou Voltaire dans
            son
            Dictionnaire
            philosophique
            ). Jeu subtil des renvois d’un article à l’autre.
             3. Les
            contes
            : ils permettent de faire passer
            à travers des situations extraordinaires les préoccupations
            des philosophes (chez Voltaire,
            Zadig
            renvoie à la physique
            newtonienne ; Candide constitue un débat sur la question du
            mal). Par l’intrusion immodeste du conteur à tout propos dans
            le cours de son récit - et dont le pouvoir fantaisiste est
            tourné en dérision - (cf.
            Jacques le
            Fataliste
            de Diderot), ils détruisent l’illusion réaliste que vise
            normalement la narration. A cela s’ajoute la parodie ouverte
            des thèmes traditionnels du récit d’aventures.
             4. Les
            romans
            : Déjà avec
            Manon
            Lescaut
            , l’Abbé Prévost avait dénoncé la société fondée sur l’argent,
            le vice du jeu et la débauche, et avec la perspective du
            voyageur qui a l’audace de la critique, dans les
            Lettres
            persanes
            Montesquieu augmentait le recul de la fiction romanesque.
            Avec
            la
            Religieuse
            , Diderot poursuit la dénonciation des vices, en l’occurrence
            ceux qu’entraîne une réclusion monacale antinaturelle.
             5. Le
            théâtre
            : il est le lieu capital "où la
            nation se rassemble" (Voltaire). Il s’ouvre au monde réel,
            c’est-à-dire bourgeois (cf. Diderot :
            Le Fils
            naturel
            et
            Le Père de
            famille
            ). L’idée est que les malheurs domestiques de personnages
            issus de la classe moyenne peuvent être aussi tragiques que
            les catastrophes ayant touché les héros des tragédies du
            siècle passé (Corneille & Racine), et que leurs sentiments
            sont aussi élevés voire sublimes. Outre les échanges d’habits
            chez Marivaux permettant de jouer sur la dialectique Paraître
            / Etre et de remettre en question la condition sociale, le
            drame bourgeois multiplie les indications de mise en scène et
            libère l’émotion des personnages pour mettre au premier plan
            leur expressivité.
             6. La
            poésie
            elle-même se fait
            encyclopédiste, en devenant le lieu d’une méditation. Par
            exemple chez Voltaire sa plaidoirie épicurienne pour les
            raffinements de la civilisation dans
            Le
            Mondain
            – la Fronde n’est plus négative – ou au contraire sa
            dénonciation du problème du Mal par rapport à Dieu dans
            le
            Poème sur
            le désastre de
            Lisbonne
            . L’engagement poétique se traduit aussi par le lyrisme de
            Chénier, qui, après la Révolution, dénonce l’injustice de ses
            bourreaux : la fronde dans son cas équivaut à la sédition dans
            un cri de détresse.
             7. Si l’écriture en VERS n’est pas négligeable (cf. le
            triomphe de la tragédie
            Zaïre
            de Voltaire, qui maintient le
            goût classique), la PROSE se prête mieux à l’expression
            rigoureuse et à la diffusion des idées, non seulement au
            théâtre mais dans les textes de type narratif et
            démonstratif.
             8. Les ouvrages théoriques :
             ·
            Traités
            : celui de
            Montesquieu,
            De
            l’Esprit des
            lois
            présente des attaques acerbes où se renforcent argumentation
            et pamphlet, notamment contre les esclavagistes (cf. aussi
            le
            Traité sur
            la
            tolérance
            de Voltaire).
             ·
            Discours
            : notamment le
            Discours
            sur l’origine de
            l’inégalité
            , où Rousseau reconstitue l’évolution de l’homme primitif en
            remettant en cause la vision de la société (cf. la réponse de
            Voltaire, maître de l’ironie). Alors que le
            Discours
            sur la poésie
            dramatique
            de Diderot définit une esthétique opposée à la tradition
            classique, dont le caractère tourmenté se retrouve dans les
            tableaux de Fragonard ou de Vernet.
             · Ouvrages inspirés par une
            démarche
            expérimentale
            (l’expérience vérifie les résultats de l’observation des
            faits) : dans la Lettre sur les aveugles Diderot pose que nos
            connaissances viennent des sens et débouche sur le
            matérialisme athée (alors que Voltaire reste déiste ; cf. sa
            "Prière à dieu"). Ainsi selon lui, dans
            Le Rêve de
            d’Alembert
            qui remet en question les explications théologiques et
            métaphysiques, nous serions déterminés par une substance
            unique, la matière, laquelle, mise en mouvement et sensible,
            donnerait lieu à la pensée. Cela revient à nier une différence
            de nature entre l’homme et les autres
            organismes.
        
            En
            conclusion, si les philosophes du XVIIIè s. se sont livrés à
            une révision critique des notions fondamentales concernant le
            destin de l’homme et l’organisation de la société, il ne faut
            pas seulement retenir que la polémique, la satire et le
            travail d’érosion exercés par des esprits pénétrants et
            exigeants. L’esprit philosophique se définit aussi par
            une
            foi
            optimiste dans le
            progrès
            et souhaite pour l’homme un bonheur immédiat (lequel n’est
            plus antinomique de la vie du corps - avec la mise en scène de
            la pantomime et des larmes - et de notions associées :
            libertinage, volupté, sensualité, à l’image des
            Liaisons
            dangereuses
            de Laclos ou de la vie de Casanova, auteur aujourd’hui
            revalorisé par un écrivain comme Sollers).
             Il convient enfin de ne pas oublier que parallèlement au
            rationalisme critique, se développe en ce siècle un art plus
            affectif, dont le pouvoir réside dans
            l’évocation
            des sentiments et de la
            "sensibilité"
            (c’est le préromantisme de Rousseau dont on observe
            l’introspection liée au sentiment d’injustice
            dans
            Les
            Confessions
            , liée d’autre part à la perception intime de la nature
            dans
            Les
            Rêveries du promeneur
            solitaire
            . Ou bien c’est l’expression d’un fort tempérament qui fascine
            Diderot dans
            Le Neveu
            de
            Rameau
            , personnage à la fois pétri de contradictions et artiste dans
            ses jeux de physionomie, au cours de sa conversation à bâtons
            rompus avec "Moi" où s’élabore une satire de la société ; la
            fronde réside ici dans l’invention d’un genre narratif \
            dialogal nouveau ; on peut en outre rapporter à ce goût de la
            conversation la correspondance publiée –
            Lettres à
            Sophie
            Volland
            , et
            Lettre sur
            les
            aveugles
            de Diderot – mais surtout la transformation épistolaire du
            roman, de la
            Nouvelle
            Héloïse
            de Rousseau aux
            Liaisons
            dangereuses
            de Laclos.