2006_10_09 
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SdT volume 12, numero 4.
                        LES CITATIONS DU MOIS
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        Par définition ou presque tout texte est un hapax.
                Benoît Habert

        Ce que nous appelons une rose
        embaumerait autant sous un autre nom
                Shakespeare, Roméo et Juliette, II, 2.

        Si une chose peut exister dans l'opinion
        sans exister dans la réalité,
        et exister en réalité sans exister dans l'opinion,
        il faut conclure que des deux existences parallèles
        la seule nécessaire est celle de l'opinion,
        et non celle de la réalité.
            Joaquim Maria Machado de Assis,
            La théorie du médaillon et autres contes.
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                SOMMAIRE


1- Coordonnees
    - Bienvenue a Nasra MOHAMED, Jean-Claude JORGENSEN, Magali BIGEY, Corinne ZAOUI, et Pascal MARCHAND.
    - Jean-Pierre CAPRILE, Luc DEJANS-DERDE, Guido FERRARO, Olivier
      KRAIF, Massimo LEONE, Stephane MASSA, Frederic PIERRON, et Maryse SIKSOU changent d'adresse.

2- Carnet
    - Colloques d'Albi : 2006 et 2007
    - Programme du Seminaire de Francois Rastier
    - Echo du colloque CogSci2006

3- Textes electroniques
    - Beaux sites : Worldcat ; La Banque de dépannage linguistique ;
      EspaceFrancais.com ; Oral Tradition.
    - Humour : synonymes et antonymes pour "rouge", "bleu", "chien".

4- Publications
    - Trois ouvrages coordonnes ou ecrits par Maryse Siksou :
      "Variation, construction et instrumentation du sens" (2003)
      "Symetries et asymetries du vivant" (2005)
      "Introduction a la neuropsychologie clinique" (2005)

5- Dialogue
    - Entretien entre Philippe Mesnard et Francois Rastier, sur
      les techniques de la litterature de l'extermination

6- Textes
    - Florilège Varela (Autonomie et connaissance, 1989)
    - Catherine Clément et les Dogon

7- Appels : Colloques et revues
    - Congres de l'AFS -Semio 2007 : "Rencontres semiotiques :
      les interfaces disciplinaires, des theories aux pratiques
      professionnelles", Paris, 16-18 novembre 2007
    - Revue Corpus : Interpretation, contextes, codage
       
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Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees Coordonnees
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Rubrique réservée aux abonnés.
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{FR, 29/09/2006}

COLLOQUES D'ALBI

Le Colloque international et école d'été Albi, 10-14 juillet 2006,
organisé dans le cadre des Colloques d'Albi Langages et signification
(CALS) :
    Corpus en Lettres et Sciences sociales
    - Des documents numériques à l'interprétation
s'est bien passé de l'avis général !
Les actes (version de travail) sont en ligne sur Texto!
    http://www.revue-texto.net

L'année prochaine : XXVIIIe Colloque International d'Albi Langages et
Signification, du 9 au 12 juillet 2007, Centre Saint-Amarand, thème :
        Langage, temps et temporalité
Contact : beatrixmarillaud.cals@wanadoo.fr

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{FR, 02/10/2006}

Séminaire Sémantique des textes, année 2006-2007

François RASTIER
Directeur de recherche

Institut national des langues et civilisations orientales,
2 rue de Lille, 75007 Paris -- escalier B, premier étage, salle 124.
Métro : Saint-Germain, Musée d'Orsay ou Palais-Royal.

Les jeudis 11 janvier,
    1er, 8 et 15 février ;
    8, 15, 22 mars.
Horaire : de 17h30 à 19h15.

Agenda et documents : http://www.revue-texto.net

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{FR, 29/09/2006}

SCIENCES COGNITIVES

Retour du grand colloque annuel de sciences cognitives qui se tenait
à Vancouver, un de nos correspondant nous adresse cette carte postale :

Au colloque CogSci2006, j'ai deviné à quel point il était possible
(facile) de vivre sous une dictature [...]. Pour moi, le point culminant
de l'incroyable était le talk, applaudi debout par 500 personnes, du
lauréat du prix Rumelhart, où il égrenait les avancées majeures des
sciences mathématiques ou physiques (Euclide, Newton, Noether,
Einstein...), en les interprétant -sans justification- comme des
"expériences de pensée" (et non comme de bonnes nouvelles théories).
Il y a eu aussi des choses intéressantes, comme deux demi-journées de
"Whorfiens", concernant l'impact du langage et de la culture sur la
cognition. Certains présentaient les données habituelles sur les noms de
couleurs, d'autres sur les noms d'autres phénomènes. J'ai surtout aimé
les expériences présentées qui reposaient sur l'apprentissage de
nouvelles catégories "étiquetées" (d'étiquettes linguistiques ou non),
montrant qu'on pouvait établir en les manipulant les fondements
cognitifs d'approches Whorfiennes.

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Textes electroniques Textes electroniques Textes electroniques Textes
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{FR, 29/09/2006}

BEAUX SITES

* Worldcat
    http://www.worldcat.org/

Worldcat, le Catalogue collectif en ligne de l'OCLC (Online Computer
Library Center) constitue une ressource très importante en matière de
bibliographie. Il contient 70 millions de références bibliographiques
couvrant 400 langues. Ce catalogue est alimenté par les bibliothèques
adhérentes de 45 pays, signale tous types de documents (livres,
périodiques, manuscrits, cartes, enregistrements sonores, films, etc).
Il est mis à jour quotidiennement.

Il était accessible par Internet dans certaines bibliothèques (BNF,
entre autres). Worldcat vient d'être mis à la disposition de tous les
internautes à l'adresse :
    http://www.worldcat.org/
            ______________________

* La Banque de dépannage linguistique
    http://www.oqlf.gouv.qc.ca/ressources/bdl.html

Lorsqu'on écrit, il arrive parfois qu'on doute, qu'on hésite.
L'orthographe de ce mot est-elle correcte ? Cet adjectif est-il bien
accordé ? Cette tournure est-elle adéquate ? Devrait-il y avoir une
virgule après ce passage ? Ce verbe s'emploie-t-il dans ce sens ? Ce mot
prend-il une majuscule ? Quelle préposition devrait lier ces deux mots ?
Et surtout : où trouver une réponse claire à toutes ces questions ?
C'est pour répondre à toutes ces interrogations que l'Office québécois
de la langue française a conçu sa Banque de dépannage linguistique
(BDL).

S'inspirant des questions fréquemment posées au service de consultations
téléphoniques, une équipe de spécialistes de la langue française rédige
des articles sur divers points de langue. La BDL rassemble de nombreuses
données sur la langue française et ses particularités. Ces informations
sont résumées, vulgarisées et expliquées à l'intérieur d'articles
rédigés dans une langue simple et elles sont accompagnées d'exemples
clairs qui en facilitent la compréhension.
            ______________________

* EspaceFrancais.com
    http://www.espacefrancais.com/home.php

EspaceFrancais.com est un site libanais et francophone, voué, loin de
toute fin lucrative, à la vulgarisation de la langue et la littérature
françaises. Il propose des ressources linguistiques et littéraires
destinées principalement à la population scolaire, mais aussi à tous
ceux qui y sont intéressés. Parmi les (nombreux) sites consacrés aux
révisions de français, celui-ci semble le mieux documenté.
           
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* Oral Tradition
    
http://journal.oraltradition.org
    
On September 15, 2006, the academic journal ORAL TRADITION, founded in
1986 by the Center for Studies in Oral Tradition at the University of
Missouri, entered a new chapter in its existence as an international and
interdisciplinary forum for the study of worldwide oral traditions and
related forms.

As of this date the journal became available electronically and free of
charge at
http://journal.oraltradition.org as a series of pdf (Adobe
Acrobat) files, with key-word searching of all online texts and with
embedded multimedia. In addition to the current issue (volume 21,
number 1), four years of back issues have already been posted, and plans
are underway to include the entire twenty-two years of ORAL TRADITION by
the end of 2007.

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{FR, 29/09/2006}

A QUOI SERVENT LES RESSOURCES LINGUISTIQUES ? HUMOUR

Un dictionnaire des synonymes est disponible sur le site de l'université
de Caen :

Dictionnaire des synonymes

Ce dictionnaire des synonymes contient approximativement 49 000 entrées
et 396 000 relations synonymiques. La base de départ est constituée de
sept dictionnaires classiques (Bailly, Benac, Du Chazaud, Guizot,
Lafaye, Larousse et Robert) dont ont été extraites les relations
synonymiques ; ce premier travail, effectué par l'Institut National de
la Langue Française (INaLF) a produit une série de fichiers ; les
données de ceux-ci ont été regroupées et homogénéisées au sein du
laboratoire CRISCO (ELSAP à l'époque). Enfin, nous avons complété cette
procédure par un important travail de correction (par adjonction ou
suppression de liens synonymiques) sur le fichier final.

Les développements actuels résultent d'un projet qui a mis
en collaboration le CRISCO (Caen) et l'entreprise Memodata (Caen). Ce
projet a été retenu par le Comité Régional pour l'Imagerie et les
Technologies de l'Information et de la Communication.

rouge : amarante, andrinople, bolchevik, bordeaux, brique, capucine,
carmin, carminé, carotte, cerise, cinabre, coloré, communiste,
congestionné, coquelicot, corail, corallin, couperosé, cramoisi, cuivré,
écarlate, écrevisse, empourpré, enfiévré, enflammé, érubescent, fard,
feu, flamboyant, fraise, garance, géranium, grenat, groseille, gueules,
incandescent, incarnadin, incarnat, lie-de-vin, nacarat, orangé,
ponceau, pourpre, pourpré, purpuracé, purpurin, révolutionnaire, rosé,
rougeaud, rougeoyant, rougeur, rouquin, roux, rubescent, rubicond,
rubis, rutilant, safrané, sang, sanglant, sanguin, tomate, vermeil,
vermillon, vin, vineux, vultueux.

Antonymes : blême, livide, pâle

- par rapport à bleu ;-)))

bleu : ardoise, azur, azuré, azuréen, azurin, azurite, beigne, bizut,
blême, blessure, bleuâtre, bleu-bite, bleuet, bleuissure, bleusaille,
bleuté, câble, cache-poussière, céleste, cerne, cérulé, céruléen,
cérulescent, châtaigne, ciel, cobalt, combinaison, commençant, conscrit,
contusion, coquard, cotte, coup, cru, cyanose, débutant, Dieu,
ecchymose, écolier, éméraldine, gendarme, guède, hématome, indigo,
indophénol, induline, interdit, lapis-lazuli, lilas, livide,
meurtrissure, myosotis, non-initié, nouveau, novice, oeil au beurre
noir, pâle, pantalon, pastel, pers, pervenche, pierrot, pneu,
pneumatique, recrue, résorcine, roquefort, roussette, salopette, saphir,
smalt, soldat, souquenille, stupéfait, surtout, tache, télégramme,
torgnole, tournesol, tuméfaction, vert, vert de peur, violet.

Antonymes : ancien, expérimenté, vétéran

- Et l'antonyme de chien est "généreux" toutes acceptions confondues !

chien : allure, appas, attrait, avare, barre, berger, cabéru, cabot,
canaille, caniche, canidé, canin, cerbère, charme, chic, chiche,
chienchien, chienne, chiot, clabaud, classe, clébard, clebs, coriace,
corniaud, cyon, élégance, esclave, garde, gardien, grigou, houret,
impitoyable, ladre, lamie, laquais, larbin, lice, limier, lycaon,
molosse, montant, otocyon, pataud, pattu, piment, pingre, policier,
radin, rapiat, rat, roquet, sex-appeal, talon, toutou, valet, vautre.

Antonymes : généreux

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Publications Publications Publications Publications Publications
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{Siksou, 06/09/2006, FR, 29/09/2006}

OUVRAGES

Maryse Siksou signale trois ouvrages parus sous sa direction ou sa
plume :

Variation, construction et instrumentation du sens, 2003,
Lavoisier-Hermes Science (Collectif : André, Beust, Bruillard, Cadiot,
Kanellos, Lassègue, Léger, Mauger, Manes-Gallo, Nicolle, Nyckees,
Perlerin, Rouillard, Siksou, Thilivitis)

Symétries et asymétries du vivant, 2005, Lavoisier-Hermes Science
(Collectif : Bennequin, Berthoz, Dokic, Droulez, Joly, Longo, Mossio,
Policar, Richir, Roussié, Rozenberg, de Schonen, Siksou)

et
Introduction à la neuropsychologie clinique, 2005, Dunod.

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{FR, 29/09/2006}

SUR LES TECHNIQUES DE LA LITTÉRATURE DE L'EXTERMINATION
ENTRETIEN ENTRE PHILIPPE MESNARD ET FRANÇOIS RASTIER
(à paraître dans Champs du Signe, 2006)

L'USAGE DE LA PARATAXE

PM> Concernant les récits sur la déportation ou le génocide des juifs,
il y aurait les textes où l'usage de la parataxe asyndétique (Antelme,
Perec), même lorsqu'il y a un grand nombre de disjonctions, n'est pas
représentatif de la visée de l'auteur, ni du programme qu'il élabore
pour réaliser cette visée. Dans la réalisation même (l'écriture du
texte), c'est la cohésion qui prime avec la syntaxe, le rythme,
l'établissement de cadres narratifs, la convocation de normes.

Mais il y a aussi les textes où la parataxe est un des traits
rhétoriques de l'"exceptionnalisme" qui caractérisent les auteurs
philosophiques ou littéraires du sublime post-moderne. Alors, la
parataxe est représentative d'un dispositif structurant le discours et
congruent avec la visée, la stratégie de l'auteur. Mais choisir la
parataxe te paraît-il une entrée pertinente ?

FR> Selon chacun de ces deux projets antithétiques, la parataxe aurait
un rôle bien différent : dans le premier cas, c'est presque une figure
de participation, elle suppose que le lecteur saura suppléer ce qui
n'est pas dit, et elle participe du récit cursif où le survivant qui
témoigne se voit confronté à des événements qu'il relate sans
nécessairement pouvoir les articuler. Le témoignage fait de leur
identification et de leur succession la base de compréhension, sans
prétendre apporter une interprétation rationnelle ou providentielle qui
le légitimerait : comprendre ici n'est ni expliquer ni bien sûr
justifier, ni même, si l'on suit Levi, condamner.

J'ai l'impression que nous nous trouvons devant deux régimes différents
et il faudrait d'ailleurs examiner ce qui relève proprement de la
coordination et de la subordination : la parataxe du récit cursif (chez
Antelme par exemple) contraste avec les ruptures de l'exaltation, qui
détruisent l'intelligence narrative (voir le Monologue de l'insensé dans
"Le Gai Savoir"). Le premier fait fond sur l'intelligence narrative, le
second l'interdit. Dans le premier cas, le narrateur suppose une
compréhension voire une connivence, dans le second le lecteur se voit
confronté à des ruptures de construction qui vont à l'encontre d'une
pensée rationnelle.

PM> Cela signifierait que le premier type de texte contiendrait
majoritairement des isotopies génériques entrelacées sans qu'aucune
isotopie dominante (portant l'idéologie de l'auteur) ne s'y dissimule.
As-tu fait un constat de cet ordre à propos de Levi, Antelme, Améry ?

FR> Il me semble difficile d'assigner l'idéologie de l'auteur à une
partie de la thématique, une isotopie par exemple. Le récit événementiel
s'interdit toute isotopie mythique, même latente. C'est pourquoi sans
doute, les récupérations de Levi ou d'Antelme en termes de "grand récit"
politique ou religieux restent impossibles, même si Levi cite Dante ou
si Antelme parle du prolétariat des camps (il était d'ailleurs un
politique, et dans un camp de travail).

PM> En revanche, l'autre type de texte (quel que soit son genre : de
l'essai agambénien au récit du pseudo-Wilkomirski, relevant soit de
l'écriture blanche, soit du sublime) présenterait une isotopie
dominante, généralement cachée par des isotopies dominées mais rendue
survisible par le pathos dont elle construit la scène, ou par les
ruptures logiques. Si cela est le cas, il serait intéressant de noter
que le fonctionnement de ce type de texte (que j'identifie dans mon
travail à partir d'une configuration narrative spécifique) se trouverait
très proche des textes réalistes (même si leurs auteurs se positionnent
publiquement comme non réalistes, voire anti-réalistes).

La configuration pathique apparaît alors comme une sous-catégorie du
réalisme, une déviation comme l'anamorphose pour la perspective au XVIe
et XVIIe siècles. Mais, comme toute déviation, elle comporte une
dimension réflexive critique qui fait retour sur les conditions qui
l'ont rendue possible ou qui ont favorisé sa réception (notamment la
pathétisation des victimes qui caractérise le régime dominant de
représentation sous lequel nous vivons aujourd'hui).

FR> On peut interpréter cela comme une forme du réalisme transcendant :
il s'agit en effet de constituer un plan de lecture transcendant, en
l'occurrence, de donner une version théologique des évènements
politiques, ce qui est caractéristique des théories néo-apocalyptiques
actuelles. La théologie politique est la forme constituée de cette
entreprise idéologique -généralement plus mystifiante que mystique.

PM> C'est par ce plan de lecture transcendant que s'établirait
d'ailleurs la rupture entre pathos et rationalité à la fois propre aux
néo-apocalyptiques (anti-Lumières) et à la pathétisation des victimes.

FR> Le pathos contemporain est dirigé contre toute forme de rationalité
-et même contre toute entreprise de compréhension, en quoi il est plus
superstitieux que proprement théologique. On pourrait ici distinguer
entre le pathos sur l'extermination, qui joue les émotions instinctives
contre la rationalité, et le pathétique de témoignages qui font
indirectement appel aux sentiments d'indignation -comme chez Levi : "Un
témoignage fait avec retenue est plus efficace que s'il l'était avec
indignation : l'indignation doit venir du lecteur, pas de l'auteur, car
on n'est jamais certain que les sentiments du premier deviendront ceux
du second. J'ai voulu fournir au lecteur la matière première de son
indignation."

La pathétisation des victimes relève du pathos -non du pathétique ; et
leur iconisation entrave la compréhension historique de la violence
politique de masse qu'elles subissent.

CADRE D'INTERPRÉTATION ET IMPRESSION REFERENTIELLE

PM> J'insiste sur l'importance des "cadres d'interprétation" pour
analyser correctement les partis pris et les erreurs de certains auteurs
-ceux qui fournissent les exemples les plus flagrants sont réalistes
(Grossman, Jakubowska, Gatti, Rousset, Semprun), pris au piège de la
volonté de transparence du réalisme qu'ils pratiquent. Ces cadres
d'interprétation correspondent à un positionnement politique du témoin
et à une vision du monde précis d'où se déduit leur vision spécifique du
monde concentrationnaire.

FR> La notion de cadre (les "Frames" de Goffman) me semble (en général)
trop vague : on les invoque comme le contexte, pour situer des analyses
trop restreintes. Ici il s'agit plus, il me semble, de cadres de genre
(comme le roman réaliste socialiste), que de régimes herméneutiques. Le
réalisme socialiste a élaboré ses techniques pour narrer le chemin
difficile vers une réalité radieuse, et non l'impuissance des victimes
dans une réalité horrible. Ses dialogues sont déplacés, ses analyses
psychologiques peu convaincantes, ses adjectifs descriptifs inutiles.
"L'univers concentrationnaire", qui adopte le genre de l'essai, et rompt
avec la narration réaliste, me paraît pour ces raisons bien meilleur que
"Les jours de notre mort", qui a vieilli comme les romans d'André Spire.

En somme, une forme préexistante comme le roman réaliste socialiste,
telle que Rousset l'emploie dans "Les jours de notre mort", ou Grossmann
dans "Vie et Destin", même minée de l'intérieur par des formes de
hantise, concrétise des "cadres d'interprétation" inadéquats,
c'est-à-dire transporte avec elle un régime herméneutique marxisant. Par
contraste, Antelme, dans "Pauvre, prolétaire, déporté", méditation
puissante qui innove par sa forme, dépasse ce cadre qui n'est pas en
lui-même méprisable, mais reste toutefois réducteur.

PM> Ainsi, considérer que le Monde textuel de référence que ces discours
produisent est le monde réel, qu'ils parlent directement des faits est
une erreur participant également du réalisme qui voudrait, comme tu le
dis très bien, que la représentation renvoie directement à la chose. En
revanche, considérer que ces auteurs produisent des interprétations de
leur expérience concentrationnaire et du monde où elle a eu lieu, que
ces interprétations construisent un Monde textuel de référence, qui
n'est pas le monde vécu, donne autrement accès à leur témoignage.

FR> Ce monde textuel est en effet le nôtre, mais est-il un monde de
référence -ce qui supposerait une objectivité extrinsèque ? Il est vrai
que les conceptions référentielles du langage continuent à peser, même
dans les études littéraires. La référence en question n'est pas
dénotative, mais bibliographique... L'historia, comme récit, n'est pas
séparable des res gestae, des événements. D'autre part, ces témoignages
n'ont pas pour objectif de relater un vécu individuel, encore moins un
flux de conscience. Leur exigence propre, celle de témoigner, non pour
soi, mais pour les camarades disparus, leur confère une exemplarité
troublante. Certains survivants ont déclaré qu'ils n'avaient pas rédigé
de témoignage parce que Primo Levi l'avait déjà fait. Aussi les traits
biographiques n'ont-ils que valeur d'attestation, et il ne s'agit pas
"d'écriture du moi" !

PM> Ma question serait : y a-t-il des textes où tu articules tes
concepts d'"impression référentielle" et d'esthésie et la question des
cadres d'interprétation ? Ou bien, y a-t-il des textes où je puisse
trouver des éléments, d'analyse ou de méthodologie, qui puisse renforcer
mon travail dans cette direction.

FR> L'idée des trois régimes : génétique, mimétique, herméneutique, est
abordée dans des travaux sur les genres que tu me sauras gré de ne pas
détailler ici. Un genre configure simultanément ces trois régimes. Par
exemple, dans le conte merveilleux, il n'y a pas d'hyperboles, tout est
littéral, et les bottes de sept lieues permettent de franchir cette
respectable distance.

PM> Par ailleurs, n'y a-t-il pas une équivalence entre le fonctionnement
de l'impression référentielle et le fonctionnement de la connotation ?
La question de la connotation -tu as beaucoup travaillé sur Hjelmslev-
ne conduit-elle pas à l'"impression référentielle", et inversement ?

FR> La notion de connotation est embarrassante, car elle repose sur une
conception dénotative qu'elle compense sans la récuser. Ainsi Occam, qui
crée la notion, maintient-il un solide réalisme des individus, toujours
en vigueur en philosophie analytique.

Pour ce qui nous concerne, au palier textuel, la connotation serait une
isotopie qui redouble l'isotopie dominante (comme un double fond
perceptif), au besoin par des détours dans l'intertexte.

PM> D'ailleurs, connotation et intertexte n'ont-ils pas en commun une
logique inférentielle et ne participent-il pas tous deux à la
construction de la référentialité dans le texte ?

FR> À l'impression référentielle sans doute : il s'agit d'un effet
complexe qui résulte d'un régime mimétique propre au genre et au projet
esthétique du texte. Par des allusions à des connaissances partagées,
l'intertexte peut être requis pour donner l'impression d'un monde de
référence, pour renforcer ou susciter un "effet de monde".

Par exemple, les parcours interprétatifs que suscite "Il superstite"
font ainsi se rejoindre diverses oeuvres de Levi dans des genres qui
s'opposent comme le témoignage en prose, les romans, les poèmes de la
hantise. Ils requièrent d'autres auteurs, mentionnés ou restés
implicites. Ainsi l'intertexte ne réside-t-il pas seulement hors du
poème, comme un contexte actif, mais aussi en son sein : pour passer
d'un hémistiche à celui qui le suit, il faut passer par d'autres moments
de la même oeuvre, par des oeuvres enfin auxquelles il emprunte en
dialoguant avec elles.

Je ne crois pas pour autant que l'on puisse décomposer les parcours
interprétatifs en chaînes d'inférences, comme le tente la pragmatique
cognitive pour construire une théorie de l'interprétation sans
herméneutique. On pourrait penser que les inférences se composent, par
une sorte de compositionnalité non-référentielle. Elle se proposent,
sans plus : le parcours interprétatif qui va du syntagme à l'intertexte
n'est pas un enchaînement d'inférences ou d'implicatures (en termes
gricéens), mais un buissonnement d'hypothèses qui, malgré l'étymologie
du mot conjecture, ne se renforcent pas nécessairement en se
multipliant. Elles doivent en effet, être validées ou infirmées, enfin
hiérarchisées en degrés de plausibilité. Loin de dépendre d'un
providentiel principe de "pertinence" indépendant de tout contexte
(comme celui de Sperber, simple principe de moindre effort), cela engage
des choix esthétiques et éthiques, de l'auteur comme du lecteur.

PM> Une autre question serait : comment penser, y compris
méthodologiquement, le rapport (de détermination) entre impression
référentielle et éthos, voire l'articulation éthos, pathos et impression
référentielle ?

FR> On revient, comme dans l'opposition entre connotation et dénotation,
à l'opposition traditionnelle entre faits et valeurs. Elle fonde (pour
ainsi dire) les apories de la narratologie contemporaine : la fiction et
la diction sont pourtant inséparables, comme la narration et le récit,
l'éthos et l'impression référentielle.

Les sciences de la culture sont les premières victimes de la séparation
entre les faits et les valeurs, puisqu'elles érigent les valeurs en
faits, tout simplement parce qu'un objet culturel, comme un texte,
concrétise des valeurs : la sémantique n'est d'ailleurs qu'une
description des valeurs, et non des choses. Une chose ou un événement ne
devient d'ailleurs un fait que parce qu'il est valorisé : bien loin de
marquer une subjectivation, la valorisation est un facteur
d'objectivation. Cette question est difficile et faute de l'avoir posée
nos disciplines hésitent entre un discours subjectiviste sur les valeurs
et un discours objectiviste sur les faits.

C'est pourquoi le témoignage de l'extermination, en tant qu'oeuvre,
revêt à mes yeux une importance irréductible : non seulement parce que
sa valeur esthétique conjure l'oubli des faits et en perpétue la
mémoire, mais parce que la véracité touchant les faits et l'engagement
éthique dans la transmission des valeurs y sont mêlées de façon
indissoluble. La vérité y est ainsi faite de véracité : c'est
l'engagement qui permet de discerner ce qui fait événement, et de lui
donner un sens, y compris quand le témoin, comme Levi, récuse
l'extermination non seulement comme criminelle, mais comme absurde.

DE NOUVELLES FORMES ?

PM> Si j'ai bien compris, tu te demandes si les témoignages des camps
ont donné lieu à de "nouvelles formes". Pour ma part, j'aurais tendance
à penser que non, pas de nouvelles formes, mais de nouveaux agencements
textuels à l'intérieur de la littérature et des arts. Et une
actualisation éthique à l'intérieur même du régime esthétique dominant
la modernité -actualisation qui ne va pas de soi.

FR> En littérature comme dans les autres arts, chaque survivant a réagi
en fonction de sa formation dans le monde d'avant, de sa culture, de sa
tradition nationale. Un genre ne naît pas si vite : il s'agit, chez les
auteurs les plus intéressants, de réflexions sur les formes anciennes,
d'innovations au sein de ces formes, et l'on voit se dessiner des
lignées. Cependant, des formes comme le témoignage ont changé de statut,
passant du document à l'oeuvre, et elles ont changé ainsi de mode de
lecture.

Il me semble que "L'univers concentrationnaire" de David Rousset innove
dans sa forme (chapitres très courts, pas de narrativité d'ensemble) :
elle sera reprise et transformée tant par Améry que par Levi dans "Les
Naufragés et les rescapés". Dans "Nuit et Brouillard", Jean Cayrol
répondait aussi à sa manière à Rousset, et il ébauchait de façon très
intéressante le programme de romanesque lazaréen qu'il expose dans "De
la mort à la vie", comme un espoir de résurrection de la littérature
(dont Perec donnera une version athée dans "Antelme ou la vérité de la
littérature").

Ce sont des écrivains orphelins, comme Perec ou Celan, victimes qui
n'étaient pas liés par la mission du témoignage, qui ont innové de façon
inouïe. À l'éthos antilyrique et ironique de Celan, on peut d'ailleurs
opposer la "disparition" humoristique de l'éthos du créateur chez Perec,
dans des genres comme le mot-croisé, le palindrome ou le lipogramme.

Tout à fait d'accord pour souligner que cette élaboration des formes est
inséparable du remembrement de l'éthique et de l'esthétique. Leur
découplage depuis Hegel est devenu une banalité de baccalauréat (Gide :
"On ne fait pas de bonne littérature avec de bons sentiments"). C'est
pourquoi sans doute on a du mal à comprendre la poésie gnomique de Levi,
qui doit plus aux livres poétiques et sapientiaux de la Bible, surtout à
Job et aux Psaumes, qu'au lyrisme post-romantique demeuré de règle en
poésie contemporaine.

Enfin, le témoignage est véritablement devenu un genre littéraire, ce
qui met à mal l'opposition sommaire entre le discours sans apprêts de la
vérité et le séduisant mensonge de la littérature ; en poétique
contemporaine, cela ruine l'opposition entre fiction et diction qui
paraissait acquise. Aujourd'hui, les recherches sur l'articulation entre
littérature et histoire, sur le statut narratif du discours historique
doivent beaucoup aux réflexions sur le témoignage. Sans elles,
pourrait-on affirmer, comme le fait Carlo Guinzburg, "L'histoire est une
fiction qui peut être prouvée" (Le Monde des débats, mai 2001) ?

Annexe bibliographique
Améry, Jean (1996), Par delà le crime et le châtiment. Essai pour
surmonter l'insurmontable, trad. Françoise Wuilmart, Arles, Actes Sud
(titre original : Jenseits von Schuld und Sühne, Éd. Szezesny, 1966).
Antelme, Robert (1957), L'Espèce humaine, Paris, Gallimard.
Bollack, Jean (2001), Poésie contre poésie, Paris, PUF.
Borwicz, Michel (1993), Écrits des condamnés à mort pendant l'occupation
nazie, Paris, Gallimard.
Ertel, Rachel (1993), Dans la langue de personne. Poésie yiddish de
l'anéantissement, Paris, Éd. du Seuil.
Ferrero, Ernesto (éd.) (1997), Primo Levi. Un' antologia della critica,
Turin, Einaudi.
Gascar, Pierre (1998), Le Temps des morts, Paris, Gallimard.
Gradowski, Zalmen (2001), Au c?ur de l'enfer, trad. fse Batia Baum,
Paris, Kimé.
Kertész, Imre (2000a), À qui appartient Auschwitz ?, dans Mesnard,
Philippe (2000), p. 148-154.
- (2000b), Entretien avec Philippe Mesnard et Carola Hähnel, dans
Mesnard, Philippe (2000), p. 386-398.
Klüger, Ruth (2003), Refus de témoigner, Paris, Viviane Hamy (trad. de
Weiter leben, Göttingen, Wallstein, 1992), suivi de La Mémoire dévoyée :
kitsch et camps, 1996.
Levi, Primo (1958), Se questo è un uomo, Turin, Einaudi (trad. fse
Martine Schruoffeneger, Si c'est un homme, Paris, Julliard, 1987).
- (1961), La tregua, Turin Einaudi (trad. fse Emmanuelle Genevoix-Joly,
La Trêve, Paris, Grasset, 1988.
- (1975), Il sistema periodico, Turin, Einaudi (trad. fse Le Système
périodique, Paris, Albin Michel, 1987).
- (1981), La ricerca delle radici, Turin, Einaudi (trad. fse Marilène
Raiola À la recherche des racines, Paris, Mille et une nuits, 1999).
- (1984), Ad ora incerta, Turin, Garzanti, nouvelle édition augmentée,
1991 (trad. fse Louis Bonalumi, À une heure incertaine, Paris,
Gallimard, 1997).
- (1985), L'altrui mestiere, Turin, Einaudi (trad. fse Martine
Shruoffeneger, Le Métier des autres. Notes pour une redéfinition de la
culture, Paris, Gallimard, 1992).
- (1986), I sommersi e i salvati, Turin, Einaudi (trad. fse André Maugé,
Les Naufragés et les rescapés, Paris, Gallimard, 1989).
- (2005), Rapport sur Auschwitz, présentation Philippe Mesnard, Paris,
Kimé.
Mesnard, Philippe (2000), Consciences de la Shoah. Critique des discours
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- (2004), Attualità della vittima. La rappresentazione umanitaria della
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Mesnard, Philippe et Kahan, Claudine (2001), Giorgio Agamben à l'épreuve
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écrire la catastrophe", introduction à Gradowski (2001).
Parrau, Alain (1995), Écrire les camps, Paris, Belin.
Perec, Georges (1992), Antelme ou la vérité de la littérature, dans :
L.G. Une aventure des années soixante, Paris, Éd. du Seuil, p. 87-114.
Rastier, François (2001), Arts et sciences du texte, Paris, PUF.
- (2005) Ulysse à Auschwitz, Paris, Cerf.
Rastier, François et Bouquet, Simon (éd.) (2002), Une introduction aux
sciences de la culture, Paris, PUF.
Rousset, David (1965 [1946]), L'univers concentrationnaire, Paris, Éd.
de Minuit, rééd. Hachette, 1998.
- (1993 [1947]), Les Jours de notre mort, Paris, Hachette, 2 vol.
Wiesel, Élie (1958), La Nuit, Paris, Éd. de Minuit.

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{FR, 29/09/2006}

FLORILÈGE VARELA

Varela F. J., Autonomie et connaissance, Paris, éd. du Seuil, 1989
(trad. fr. de Principles of biological autonomy, New York, Elsevier
North Holland, 1980)

p. 29 : [...] nous ne pouvons pas sortir du domaine spécifié par notre
corps et notre système nerveux. Il n'y a pas d'autre monde que celui
formé à travers les expériences qui s'offrent à nous et qui font de nous
ce que nous sommes. Nous sommes nous-mêmes enfermés dans un domaine
cognitif dont nous ne pouvons nous échapper. [...] la tradition suggère
que l'expérience relève, soit de l'objectivité, soit de la
subjectivité : dans ce cas, le monde existe en soi et nous le voyons
comme il est ; dans l'autre cas nous ne le percevons qu'à travers notre
subjectivité. En revanche, si nous suivons le fil conducteur de la
circularité, nous pouvons aborder cette question embarrassante d'un
point de vue différent où participation et interprétation, sujet et
objet sont inséparablement mêlés. (cf. p. 217 "En postulant que la
clôture d'un système est l'aspect majeur à considérer, nous avons
abandonné les notions d'entrée et de sortie ; et la direction du flux
d'information a perdu toute signification. Qu'est-ce-que cela signifie ?
Si nous posons cette question sur le plan épistémologique, cela équivaut
à mettre l'objectivité entre parenthèses. Autrement dit, nous ne pouvons
plus supposer que les objets dans l'environnement du système doivent
être considérés comme constitutifs. Par exemple, notre monde visuel est
plein d'objets : chaises, voitures, personnes, etc. L'attitude
représentationniste pose que nous parvenons à les connaître en
construisant une image interne de ce qu'ils sont. Mais si nous renonçons
à regarder le cerveau comme ayant une entrée bien définie
d'informations, nous ne pouvons plus postuler une représentation. Ce
faisant, nous avons mis entre parenthèses l'objectivité du monde.")

p. 64 : En résumé, les interactions continues d'un système
structurellement plastique au sein d'un environnement, source de
perturbations récurrentes, produiront une sélection continue au sein des
structures possibles du système. (ital. dans le texte). Cette structure
déterminera, d'une part, l'état du système et le domaine des
perturbations permises, d'autre part elle lui permettra de fonctionner,
sans se désintégrer, au sein de cet environnement. Nous nommons ce
processus couplage structurel (Maturana 1977). Si l'on peut considérer
l'environnement d'un système comme un système structurellement
plastique, le système et son environnement doivent alors être considérés
dans l'histoire imbriquée de leurs transformations structurelles où
chacune sélectionne les trajectoires de l'autre.

p. 154 : Je vais maintenant approfondir la question de la perception
sensorielle, dans la perspective du système nerveux conçu comme système
autonome. C'est là une question particulièrement importante :
l'expérience de la perception sensorielle est, en effet, à l'origine de
presque toutes les objections de bon sens que l'on peut faire à la
conception du système nerveux que nous venons de présenter. Ce sont les
données sensorielles qui nous portent à croire que le monde nous fournit
des informations qui sont traitées à l'intérieur du cerveau. C'est
pourquoi la perception sensorielle a été à la base de l'argumentation
tant des réalistes primaires et des empiristes naïfs depuis deux siècles
que des sceptiques impénitents depuis Sextus Empiricus. Notre thèse
fondamentale peut s'énoncer de la façon suivante : la perception
sensorielle ne peut pas être comprise comme un processus n'ayant que des
entrées. La perception et l'action ne peuvent pas être séparées parce
que la perception exprime la clôture du système nerveux. En termes plus
positifs, percevoir équivaut à construire des invariants par un couplage
sensori-moteur, qui permet à l'organisme de survivre dans son
environnement. Par la clôture du système nerveux, le bruit en provenance
de l'environnement devient objet.

p. 180 : Prétendre que les explications symboliques-téléonomiques ne
sont pas véritablement nécessaires reviendrait à s'abandonner à un
préjugé de notre tradition historique, qu'il est grand temps de
réexaminer : nous ne pouvons nous passer dans la pratique actuelle des
sciences ni des explications opérationnelles, ni des explications
symboliques. La préférence que nous accordons généralement aux
explications opérationnelles semble s'enraciner dans l'idée que les
causes existent en dehors de nous, dans le monde extérieur, et qu'elles
expriment un état de fait indépendant de l'observateur. Etant donné
notre argumentation jusqu'à maintenant, c'est là une idée qu'il nous est
impossible d'accepter. Les causes et les "lois" de la nature ne sont que
des descriptions choisies par des communautés de chercheurs, en fonction
d'objectifs intentionnels (comme la manipulation ou la prévision) ; et
ces modes de description produisent et spécifient des modes de
consensus, c'est-à-dire des modes de couplage avec l'environnement et
des modes de couplage entre des systèmes autopoïétiques. Une explication
rationnelle, en dernière analyse, n'est ni plus ni moins qu'un mode de
consensus au sein d'une communauté de chercheurs, et elle ne possède en
rien un statut supérieur à une explication symbolique.

Les unes et les autres ont seulement des conséquences différentes. Une
explication symbolique engendre au sein d'une communauté de chercheurs
une forme de consensus qui n'est pas apparente au niveau de la
manipulation et qui se manifeste dans des modes de relation plus diffus.
La façon dont la pensée darwinienne a transformé notre vision des
affaires humaines en est un bon exemple ; elle a obtenu ce résultat non
par la manipulation mais en influençant la forme du consensus sur des
sujets essentiels pour l'homme, comme son origine et sa descendance. Il
est regrettable que des explications opérationnelles soient identifiées
à la totalité des explications acceptables. [...] Une option exclusive
en faveur des explications opérationnelles n'est qu'un reste de
positivisme logique avec son insistance en faveur d'une méthodologie
moniste.

L'autre attitude extrême, celle des vitalistes, ou celle, plus
importante aujourd'hui qui s'exprime dans le paradigme de l'ordinateur
et qui considère l'information comme une chose, s'égare tout autant.
Cette attitude est intéressante dans la mesure où elle plonge ses
racines dans le même terreau idéologique que les explications
opérationnelles ; mais elle est appliquée ici à un domaine où elle ne
peut être adéquate. Il est significatif que l'ingénierie des systèmes et
la science informatique rangent l'information et le traitement de
l'information dans la même catégorie que la matière et l'énergie. La
théorie des systèmes et la cybernétique se sont développées dans un
univers technologique, conscient de l'insuffisance du paradigme purement
causaliste [...], mais inconscient de la nécessité d'expliciter le
changement d'attitude accompli par la communauté des chercheurs. Pour
autant que les sciences de l'ingénieur demeurent des sciences
appliquées, ce genre d'erreurs épistémologiques n'empêche pas la
réalisation d'un travail efficace. Mais ces erreurs deviennent
inacceptables et inutiles, dès qu'on tente de les exporter au domaine de
la description des systèmes naturels, des systèmes vivants ou des
affaires humaines. Dans ces domaines, c'est un non-sens, me semble-t-il
de considérer que l'information est une chose que l'on transmet, que les
symboles sont des choses qui se réduisent à leur valeur nominale, ou que
la finalité et les buts sont transparents au système lui-même, comme
pour un programme. En fait, l'information n'existe pas indépendamment du
contexte organisationnel qui engendre un domaine cognitif, ni d'une
communauté d'observateurs qui choisit de qualifier certains éléments
d'informationnels ou de symboliques. L'information stricto sensu
n'existe pas (ni d'ailleurs les lois de la nature).

p. 189 : citation de Valéry (De la simulation, 1927 NRF, t. XXVIII,
p. 620) "Il faut être deux pour inventer. L'un forme des combinaisons,
l'autre choisit, reconnaît ce qu'il désire, et ce qui lui importe dans
l'ensemble des produits du premier.
Ce qu'on appelle le "génie" est bien moins l'acte de celui-ci -celui qui
combine- que la promptitude du second à comprendre la valeur de ce qui
vient de se produire et à saisir ce produit".

Mon point de départ est cette citation de Valéry. Elle s'applique
merveilleusement bien à ce que je cherche à dire. Et même si Valéry
faisait référence à la création et à l'imagination poétiques, je ne
crois pas qu'il s'offusquerait de nous voir l'utiliser au cours d'un
débat sur l'auto-organisation et sur l'apparition du nouveau dans le
monde naturel. La nécessité du nombre deux est la première idée
importante de cette citation. Avant de pouvoir parler
d'auto-organisation, il faut déjà supposer une certaine différence entre
une unité (ou un système) et son milieu (ou son environnement, si vous
préférez), un peu comme dans la relation figure/fond.

p. 209-212 il rappelle le cycle de conférences Macy et la position
divergente de von Neumann (l'inventeur de l'ordinateur digital moderne)
et de Wiener (qui créa le mot cybernétique)

p. 211 : La cognition est une dimension essentielle dans la
compréhension des systèmes complexes. Pour von Neumann, la cognition est
fondamentalement orientée vers la résolution de problèmes ; et ce point
de vue est, à la fois, un guide pour la construction de machines
artificielles et pour l'étude des systèmes vivants. Pour Wiener, la
cognition est une activité autonome, autocréatrice, et cet aspect du
vivant est essentiel pour la compréhension des processus cognitifs.
[...] dans cette controverse, c'est l'orientation de von Neumann qui est
devenue prépondérante. Elle a donné naissance à l'informatique, et elle
est associée au développement de la plupart des sciences de
l'ingénieur ; c'est encore elle qui a fourni la métaphore le plus
souvent employée pour le cerveau, c'est-à-dire l'ordinateur. [...]
Contrairement à cette orientation, l'aspect autonome et créateur de sens
des systèmes vivants et sa prise en compte au cours de la conception de
machines ont été presque complètement négligés, à quelques exceptions
près.

p. 222-23 : Nous les avons développées [les thèses de von Neumann et de
Wiener] en termes de clôture opérationnelle et de création de sens, en
les illustrant à l'aide du système visuel et des anneaux. Poursuivons
plus explicitement le contraste entre ces deux thèses essentielles. Du
côté de von Neumann, on est principalement concerné par les systèmes
hétéronomes, spécifiés de l'extérieur. Du côté de Wiener, on est
principalement concerné par les systèmes autonomes, spécifiés de
l'intérieur. Le contraste entre les deux attitudes peut être projeté sur
les deux dimensions suivantes : comment caractérise-t-on un système, et
comment le met-on en relation avec son environnement ? Pour les systèmes
hétéronomes, la caractérisation procède des relations entrées-sorties ;
pour les systèmes autonomes, elle procède de la clôture opérationnelle
et des comportements propres. La relation à l'environnement passe par
une représentation de celui-ci pour les systèmes hétéronomes ; pour les
systèmes autonomes, elle passe par un monde émergent de significations,
inséparable de leur clôture. Ces deux modes de description représentent
deux logiques fondamentalement différentes d'opération : l'une est une
logique de correspondance, l'autre est une logique de cohérence.

p. 224 : Cette position moyenne [entre celles de von Neumann et de
Wiener] est tout à fait pragmatique. Elle fait son chemin dans les
laboratoires et suggère la conception d'expérimentations nouvelles ainsi
que des programmes de recherche sur les artefacts intelligents. De plus,
comme ce paradigme fournit une vision entièrement différente de ce
qu'est la connaissance et la compréhension des systèmes complexes, il a
beaucoup d'implications sociales et éthiques. En particulier, il pose
que notre monde et nos actions sont inséparables, de telle sorte que
nous devons abandonner toute recherche d'un point solide de référence,
qu'il soit à l'intérieur ou à l'extérieur de nous-mêmes.

Florilège établi par Evlyne Bourion

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{FR, 29/09/2006}

CATHERINE CLÉMENT ET LES DOGON

Eric Jolly a publié cet été sur un blog ce point de vue critique ;
au-delà de ses aspects polémiques, il pose des questions importantes qui
intéressent la méthodologie et la déontologie des sciences de la
culture.
Nous en publions ici quelques extraits. Eric Jolly prépare sur ce thème
un article à paraître dans la revue L'Homme.
Catherine Clément est responsable de la création culturelle au Musée des
Arts Premiers, Quai Branly [NDLR].

Depuis peu, les Dogon du Mali et l'ethnologue Marcel Griaule ont leur
nouvelle pasionaria : la très médiatique Catherine Clément. Invitée par
France Culture, cette philosophe a monopolisé la parole pendant près de
sept heures, sur un ensemble de vingt émissions, pour nous raconter une
"Histoire de... Dogons". Ce titre est toutefois trompeur : alors qu'elle
prétend nous présenter les Dogon, Catherine Clément nous renvoie
seulement l'image qu'elle s'en fait, c'est-à-dire une vision
fantasmatique construite à partir de ses voyages éclairs à Sangha, du
discours de son guide dogon et de quelques lectures sélectives, en
l'occurrence les travaux déjà anciens de Griaule et Dieterlen. [...]

Des Dogon sans voix

Premier parti pris choquant : sur les sept heures de son émission,
Catherine Clément ne donne la parole à aucun Dogon, pas même à son
guide, alors qu'elle est censée nous présenter leurs "histoires",
c'est-à-dire leurs récits et leurs discours. Il lui aurait été pourtant
facile d'inviter ou d'interviewer quelques Dogon de religion, de
profession, de sexe et d'âge différents, ne serait-ce que pour nous les
rendre plus proches. [...]

À Sangha et dans les villages alentours, Catherine Clément ne semble
parler qu'avec son guide dogon, qui la pilote et la renseigne en lui
délivrant le discours qu'elle attend. Regardant ou peignant les gens à
distance, sans jamais chercher le contact, elle semble considérer tous
les individus qu'elle croise comme des personnages entièrement enfermés
dans des rôles définis par le mythe ou le système symbolique. Voilà une
bien curieuse conception de la rencontre, plus proche du voyeurisme que
d'une démarche humaniste. Chaque Dogon est dépossédé de son
individualité et de sa parole singulière pour incarner, dans les propos
de Catherine Clément, la figure stéréotypique du Hogon, du Devin, du
Sage, de l'Initié, de la "Soeur des masques", de la Femme dogon ou de
l'Ivrogne rituel. S'il sort d'un cabaret de bière de mil, un vieillard
qui insulte Catherine Clément ne peut-être en effet qu'un "ivrogne
rituel", selon sa grille de lecture purement symbolique ou
mythologique ; ce qui lui évite bien sûr de se remettre en cause
puisqu'elle n'est pas obligée de penser l'Autre comme un alter ego digne
d'être écouté. Quant aux femmes dogon, Catherine Clément n'a même pas
pris la peine d'en interroger une seule alors qu'elles sont pourtant au
coeur de ses analyses. Il est vrai que ce qui l'intéresse, ce ne sont
pas tant les femmes dogon, avec leurs histoires et leurs sentiments
personnels, que la Femme désincarnée du mythe dogon, c'est-à-dire -mais
en a-t-elle conscience ?- l'image de la femme telle qu'elle est
construite par les représentations masculines. [...]

L'exception dogon : France Culture interpellée

Risquons justement une question à France Culture. Cette radio, dont je
ne doute pas du sérieux, oserait-elle consacrer une émission de sept
heures à la Bretagne, au Pays basque, au Kurdistan, à la Kabylie ou à
l'Arménie sans programmer une seule interview ou intervention d'un
Breton, d'un Basque, d'un Kurde, d'un Arménien ou d'un Kabyle ?
Imagine-t-elle l'une de ces émissions avec pour unique locuteur et
expert un philosophe ou un écrivain ignorant tout de la langue concernée
et dont le seul contact réel avec la population qu'il présente et
analyse se réduit à quelques voyages touristiques ou diplomatiques en
quatre-quatre ou en hélicoptère, suivis d'un entretien avec la personne
lui ayant servi de guide ? [...] Cela signifie-t-il alors que les Dogon,
aux yeux de France Culture, relèvent d'une autre humanité : celle des
"peuples premiers" ou des "peuples mythiques", sur lesquels les
Occidentaux peuvent fantasmer à loisir sans avoir de comptes à rendre à
personne ? [...]

Petit florilège d'erreurs

Sans jamais rien vérifier, Catherine Clément répercute les
approximations de son guide, notamment au niveau historique, mais elle y
ajoute également ses nombreuses divagations personnelles. Persuadée
d'être une fine observatrice et une philosophe éclairée, elle multiplie
les interprétations erronées ou les confusions en manifestant selon les
cas une désarmante naïveté ou un aplomb agaçant. Non, madame Clément,
les pygmées ne sont pas les "vrais propriétaires du sol" dans toute
l'Afrique. Non, les tiges de mil n'ont jamais servi à confectionner les
toits des greniers dogon. Quant aux génies yèban, ils bourdonnent
certes, mais ils ne relèvent pas pour autant de la catégorie des
insectes. Et si l'on ne pile pas la nuit, il n'a jamais été "interdit de
faire du bruit" -c'est-à-dire chanter, danser, lutter ou festoyer- après
le coucher du soleil, contrairement à l'une de vos affirmations. [...]

Catherine Clément : porte parole... du chef des guides

Comme je l'ai déjà suggéré, le seul véritable interlocuteur de Catherine
Clément en pays dogon semble être son guide dogon, Sékou Dolo. Bien
entendu, les réflexions de ce dernier ou ses commentaires personnels
méritent d'être pris en compte, à condition toutefois d'être pris pour
ce qu'ils sont : le point de vue d'un individu singulier qui est à la
fois chef des guides de Sangha*, responsable de la troupe de danseurs
masqués se produisant devant les Occidentaux, et enfin membre de la
famille la plus influente de l'agglomération de Sangha. De 1949 à 1958,
son père, Ogobara, était le chef de canton de Sangha, c'est-à-dire le
représentant local de l'administration coloniale. Par ailleurs, les
membres de cette même famille possèdent et gèrent le campement de
Sangha, et ils ont activement participé, en tant qu'informateurs, aux
recherches menées par Griaule et Dieterlen, depuis le premier séjour de
Griaule en pays dogon en 1931 (avec Douneyrou, chef de canton et
grand-père ou grand-oncle de Sékou) jusqu'aux dernières enquêtes de
Germaine Dieterlen dans les années 1990 (avec Djangouno, frère cadet du
père de Sékou). Sur la période coloniale, sur les travaux de l'école
Griaule, ou encore sur le tourisme, le témoignage de Sékou Dolo peut
donc être passionnant, mais il ne peut en aucun cas être considéré,
surtout à propos de ces trois questions polémiques, comme un témoignage
neutre représentatif des points de vue de tous les habitants de Sangha
et a fortiori de tous les Dogon, quels que soient leur sexe, leur âge,
leur village, leurs activités et leurs histoires personnelles ou
familiales. [...]

Chacal mutant à tête d'Ibis

Catherine Clément nous fait remarquer que dans "Dieu d'eau", paru en
1948, on s'oriente vers une cosmologie de type égyptien, contrairement
aux autres livres de Griaule. Voilà qui ravira tous ceux qui considèrent
l'Egypte comme le berceau et le centre de diffusion de toutes les
civilisations africaines et méditerranéennes. Mais à travers quel indice
Catherine Clément perçoit-elle cette influence égyptienne, que personne
n'avait notée avant elle ? Elle observe que, dans "Dieu d'eau", l'animal
qui incarne le désordre n'est pas le renard pâle, contrairement à la
version du mythe paru en 1965, mais -je cite Catherine Clément- "une
autre espèce de renard que Griaule appelle Thot Aureus, le chacal [...].
Thot, c'est le Dieu égyptien, donc ce Thot Aureus a une allure
égyptienne. Donc dans Dieu d'eau, on s'en va vers une cosmologie de type
égyptien". Reproduite ici dans son intégralité, cette démonstration est
proprement délirante puisqu'elle se construit sur une succession de
confusions et d'amalgames. La réalité est pourtant d'une simplicité
élémentaire et ne contient aucun mystère. En raison d'une erreur
d'identification zoologique, Griaule pense en 1948 que le yurugu des
mythes dogon est une variété de chacal, de son nom latin Thos Aureus (et
non Thot Aureus, comme le prétend Catherine Clément). Quelques années
plus tard, Griaule et Dieterlen vont découvrir qu'il s'agit en fait du
renard blond des sables (vulpes pallidus) et ils rectifieront par
conséquent leur traduction dans leurs publications ultérieures. Tout
cela est sans doute trop évident pour Catherine Clément qui,
transformant Thos en Thot, établit à partir d'une simple taxinomie
latine un parallèle surréaliste entre le chacal et le Dieu égyptien à
tête d'Ibis. [...]

Les ethnologues sont-ils solubles dans le discours d'une philosophe ?

Du point de vue de Catherine Clément, il n'existe point de salut pour
les études sur les Dogon, voire pour les Dogon eux-mêmes, en dehors de
Griaule et de Dieterlen ! Tous les autres ethnologues travaillant en
pays dogon sont donc pour elle de la piétaille détestable, servile ou
insignifiante, selon la case dans laquelle elle les range :
"anti-griaulien", "griaulien" ou "indéterminé". À cette première
classification se superpose toutefois un autre critère qui va souvent
peser sur ses jugements : le degré de notoriété. Face au courroux de
Catherine Clément, les grands noms de l'ethnologie s'en tirent mieux que
les jeunes ethnologues. Certains passent même au travers, à l'image de
Michel Leiris, épargné par les insultes et absout de ses pêchés
anti-griauliens en raison de son talent littéraire. Cette absolution a
toutefois un prix : Catherine Clément présente Michel Leiris comme un
merveilleux écrivain mais lui dénie la qualité d'ethnologue en
affirmant, à tort bien sûr, qu'il n'a laissé aucune étude sur le pays
dogon (alors que sa thèse, publiée en 1948, porte sur "La langue secrète
des Dogons de Sanga"). Plus curieusement, Catherine Clément oublie de
citer Solange de Ganay. Cette proche collaboratrice de Griaule est
pourtant de toutes les missions en pays dogon depuis 1935 jusqu'au début
des années cinquante. Dans ce groupe des oubliés ou des proscrits, il
est moins étonnant de trouver l'ensemble des anthropologues dogon :
Denis Douyon, Abinou Témé ou Sidiki Tinta. En effet, à Sangha, leurs
travaux sont forcément éclipsés par le discours et la faconde des
guides. Des ethnologues de renom ont également été escamotés, en
particulier Denise Paulme, dont le nom n'est jamais mentionné alors
qu'elle est l'auteur en 1940 de la seule monographie générale sur la
société dogon. [...]

Les figurants...

Si de rares chercheurs trouvent grâce aux yeux de Catherine Clément, ils
en sont réduits à faire de la figuration dans l'ombre de Griaule et de
Dieterlen. On ne saura rien par exemple des travaux spécifiques de
Nadine Wanono, ni même des recherches et des publications de la fille de
Marcel Griaule, Geneviève Calame-Griaule. Oh, certes, on apprend en
passant, à travers une formulation vague et obscure, que cette
ethnolinguiste renommée "a formalisé la langue dogon et l'a transcrite".
En revanche, Catherine Clément omet de parler du principal ouvrage de
Geneviève Calame-Griaule : "Ethnologie et langage, la parole chez les
Dogon". Parue en 1965, cette thèse est à la fois une contribution
originale aux études sur les Dogon et un grand classique de
l'ethnolinguistique française. [...)

Rituels éternels et oeufs pourris

Catherine Clément semble fascinée par des rituels dogon qu'elle imagine
immémoriaux et éternels, sans en avoir observé un seul. Par conséquent,
elle en glisse un de temps en temps en nous le présentant comme un
rituel contemporain accompli par tout Dogon qui se respecte, alors que
le rituel en question a pratiquement ou totalement disparu. C'est le cas
de ce rite de purification dont Catherine Clément parle au présent :
"tout Dogon qui s'éloigne de son village doit au retour subir un rite de
purification, tournée des masques ou pas d'ailleurs. [...] Aux limites
du village, quelqu'un accueille celui qui revient avec un oeuf non
fécondé et une brindille de mil qu'il lui passe sur le corps en
murmurant une prière." Ah bon ? Les Dogon se soumettent tous à ce rite ?
Même les passagers d'un taxi-brousse à destination de Sangha ?
Doivent-ils alors descendre du véhicule avant d'entrer à Sangha afin de
recevoir une purification collective par un Dogon posté sur le bord de
la route avec sa provision d'oeufs pourris ? Je suis désolé de décevoir
Catherine Clément, mais ce rituel a quasiment disparu, du moins pour les
voyageurs ou les émigrants, en raison justement de l'évolution des
déplacements et des moyens de transport. Je m'autorise un dernier
exemple de cette confusion entre passé et présent : dans sa description
du repas familial, Catherine Clément inclut la tortue terrestre alors
qu'il est désormais rare d'en trouver une seule à l'échelle de tout un
village. Mais au diable la réalité : il n'y a rien de mieux qu'une bonne
grosse tortue pour enchanter le quotidien en y injectant du symbolique
et du merveilleux : "il est grand temps de signaler que, parmi les
convives du repas familial, le plus important n'est pas un être humain ;
c'est une tortue. Alors pourquoi une tortue ? À cause de ses losanges
sur la carapace qui rappelle les carreaux de la couverture des morts, le
plan carrelé des champs... " [...]

La colonisation du pays dogon : les scoops et les silences de Catherine
Clément


Face à de telles lacunes, il n'est pas dans mes intentions de retracer
ici l'histoire précoloniale des Dogon. En revanche, à propos de la
période coloniale, le mutisme de Catherine Clément mérite qu'on s'y
arrête. Sur la conquête et sur les soixante-huit ans de la domination
française, elle se contente d'un scoop totalement imaginaire sur les
succès militaires des Dogon, qui auraient réussi à faire reculer "assez
sérieusement" les Français. Bien entendu, Catherine Clément n'en dira
pas davantage sur les combats victorieux qui ont entraîné ce prétendu
recul. Jusqu'en 1922, la moitié nord du pays dogon a bien été secouée
par de nombreux mouvements d'insoumission et de révolte, mais tous ont
été réprimés immédiatement et violemment, au prix de nombreux morts, par
une armée coloniale dotée de pièces d'artillerie et de fusils
performants. Après cette information erronée, qui vise à conforter
l'image d'une société ayant résisté à tout sans dommages, Catherine
Clément n'ajoute plus rien sur la colonisation, à l'exception de
quelques mots sur les tirailleurs et d'une anecdote insignifiante et
douteuse sur un lieutenant français ensorcelé à Sangha. Elle ne fait
aucune référence aux travaux forcés, aux déplacements de populations,
aux déportations politiques, au soulèvement de 1896 ou aux opérations de
répression meurtrières et destructrices menées en pays dogon entre 1896
et 1910. Or son silence est étonnant à plus d'un titre. Alors qu'elle se
déchaîne contre l'ancien président Moussa Traoré, Catherine Clément
oublie de mettre en cause les colonisateurs français et semble ainsi les
exempter de tout crime. Pourtant, cette période aurait dû l'intéresser.
La bataille la plus sanglante entre les Dogon et l'armée coloniale s'est
déroulée à Sangha, en 1896, et le chef de village qui a négocié la
soumission après la défaite et la mort de plusieurs centaines d'insurgés
était l'arrière-grand-père de Sékou Dolo. Cette information ne peut lui
avoir échappé ; elle est mentionnée dans une biographie qu'elle cite
abondamment : celle du père de Sékou Dolo (cf. Parin et al. : "Les
Blancs pensent trop", Payot, 1966, p. 371). Mais au lieu de rapporter
des faits, Catherine Clément préfère mythifier l'histoire coloniale des
Dogon tout en passant sous silence les exactions des Français et
l'idéologie des colonisateurs. J'en suis d'autant plus surpris que
Catherine Clément organise dans quelques mois une série de conférences
sur la colonisation, dans le cadre de l'Université populaire du Quai
Branly ! C'est du moins ce qui a été annoncé... et j'avoue avoir
quelques inquiétudes !
Vulgarisation ou vulgarité ? 

Comme je l'ai déjà souligné en introduction, Catherine Clément n'est pas
la première à caricaturer les Dogon ou à divaguer sur eux, mais,
conteuse hors pair, elle le fait avec davantage d'ampleur,
d'obstination, de verve et de suffisance que les autres, en cultivant
l'erreur avec une remarquable constance. En outre, son discours est
susceptible de porter davantage, parce qu'elle parle sur France Culture
pendant près de sept heures avec toute l'autorité que lui confèrent son
titre autoproclamé de philosophe et ses nouvelles fonctions au Musée du
Quai Branly. Si les propos de Catherine Clément ne correspondent pas à
un discours isolé, ils sont le pic visible et inquiétant d'une dérive
générale des reportages, articles, livres ou émissions abreuvant le
grand public de mythes, de mystères ou de rituels dogon, au mépris de la
réalité et sous couvert d'ethnologie et de vulgarisation scientifique*.
S'ils ne veulent pas cautionner par leur silence ce type d'emballement
médiatique et de mystification, les anthropologues se doivent
d'intervenir, non pour dire la Vérité, mais pour pointer les erreurs ou
les clichés les plus évidents et pour dénoncer l'utilisation de leur
discipline dans ce processus de mythification des Dogon. Une telle
dérive n'est pas seulement inquiétante pour l'ethnologie, qui sert de
plus en plus de caution aux fantasmes des Occidentaux ; elle l'est
aussi, bien sûr, pour les peuples qui sont l'objet de ces fantasmes, et
enfin pour la vulgarisation scientifique, qui sombre peu à peu dans la
vulgate touristique en reprenant et en diffusant ces fantasmes. [...]

Eric Jolly,
chargé de recherches au CNRS
Laboratoire du CEMAf (Centre d'étude des mondes africains)
Source :    http://www.lumieresprimaires.com/blog

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{Panier, 14/07/2006, FR, 30/09/2006}

Association Française de Sémiotique
Appel à communication
            Congrès de l'AFS - Sémio 2007
        Rencontres sémiotiques : les interfaces disciplinaires,
        des théories aux pratiques professionnelles

Paris, 16 - 18 novembre 2007
http://afssemio.free.fr

Inscrites habituellement parmi les sciences du langage et en dialogue
avec d'autres disciplines des sciences humaines, la sémiologie et la
sémiotique, comme approches théoriques des signes et comme procédures
d'analyse et de description des systèmes de signification, peuvent
rencontrer les objectifs et les pratiques de divers secteurs de la vie
économique et sociale. Quelques expériences significatives ont été
accomplies dans l'adaptation de la pratique de description sémiotique
aux besoins professionnels, mais la pertinence des questions et les
problématiques restent encore souvent étrangères aux milieux
professionnels.

Pour réaliser son projet de description des systèmes de signification,
la sémiotique se doit de plus en plus d'entrer en dialogue avec d'autres
disciplines, parmi les sciences du langage, mais aussi parmi les
sciences humaines et sociales. [...] La réflexion du Congrès de l'A.F.S.
- Semio 2007 aura pour objet de chercher à décrire et à évaluer comment
la sémiologie comprend et construit son interface avec les milieux
professionnels et avec les autres disciplines.


Trois grands axes seront proposés à la réflexion des différents
intervenants :
1. Sémiotique théorique : relations avec les autres disciplines ;
   croisements entre perspectives théoriques ; réflexion épistémologique
   se focalisant sur les dénominations mêmes de la discipline ;
2. Sémiotique descriptive : croisements des théories de la signification
   et des disciplines descriptives ; corpus polysémiotiques ;
3. Sémiotique appliquée : conseil et conception ; reformulation
   d'analyse à l'intention de non sémiologues ; formation.


Les propositions de communication prendront forme de résumé de
2300 signes maximum et devront fournir les informations suivantes :
1. Le titre de la communication,
2. Le ou les noms des auteurs et leur affiliation,
3. Les adresses, postale et électronique des auteurs,
4. Une liste de cinq mots clés.
5. À titre indicatif, les auteurs peuvent signaler à quel axe proposé à
   la réflexion (sémiotique théorique, descriptive ou appliquée) semble
   correspondre leur proposition, le comité scientifique se réservant le
   droit du placement définitif de l'intervention pour respecter
   l'équilibre du programme.

Les propositions retenues seront disponibles sur le site de l'AFS
(http://afssemio.free.fr) et pourront donner lieu à des échanges
préalables.

Les propositions de communication devront être envoyées simultanément,
pour le 1er décembre 2006, aux deux adresses suivantes :
semio2007@univ-lyon2.fr et semio2007@paris5.sorbonne.fr

777777777777777777777777777777777777777777777777777777777777777777777777
{Pincemin, 29/09/2006}

APPEL A CONTRIBUTIONS

La revue Corpus prépare pour 2007 un numéro sur le thème :
    interprétation, contextes, codage

Date limite de soumission des propositions (résumé) :
mercredi 15 novembre 2006
    http://revel.unice.fr/corpus/

1. Présentation de la revue
2. Introduction au thème du numéro 6 (à paraître en 2007)
3. Modalités pratiques

1. Présentation de la revue

La revue CORPUS est consacrée à la linguistique de corpus envisagée sous
tous ses aspects : théoriques, épistémologiques, méthodologiques, quels
que soient le champ disciplinaire et le domaine géolinguistique
d'application. Au fil des numéros il s'agit de développer une réflexion
approfondie sur le rôle des corpus dans les pratiques linguistiques
contemporaines et une analyse réflexive sur les modes de constitution
des différents corpus présentés, ainsi que sur leurs outils
d'exploitation. Par là-même on tente d'expliciter et d'évaluer les
processus heuristiques qui unissent la collecte et la structuration des
données empiriques d'une part et le surgissement ou la validation de
l'hypothèse linguistique d'autre part.

CORPUS est publiée par l'UMR 6039 "Bases, Corpus et Langage" (CNRS &
Université de Nice), à raison d'un numéro chaque année.
C'est une revue à comités qui dispose de deux supports complémentaires :
le support papier qui reste essentiel, et le support électronique qui
met gratuitement sur le Web, à la disposition de la communauté, les
articles six mois après leur publication papier.

http://revel.unice.fr/corpus/
ISSN Electronique : 1765-3126 - ISSN Papier : 1638-9808


2. Introduction au thème du numéro 6 (à paraître en 2007)

La réflexion sur l'usage de corpus de textes part ici de sa possible -et
nécessaire- INTERPRETATION. Or le sens se déploie en s'appuyant sur des
CONTEXTES structurants, et le CODAGE est l'expression technique,
déterminante, des structures textuelles, intertextuelles, et
contextuelles.

Concrètement, le CODAGE renvoie aux choix d'édition lors de la
réécriture du corpus dans le format adopté pour l'analyse. Dans le cas
d'un format XML par exemple, le codage concerne aussi bien le balisage
de structures textuelles (notamment par découpage et emboîtements, avec
la délimitation de contextes syntagmatiques) que l'enrichissement par
étiquetage (l'assignation de catégories créant complémentairement des
contextes paradigmatiques). A la multiplicité des interprétations
possibles répond le besoin de vues alternatives sur le corpus : par
exemple, les informations enregistrées par le codage pourront être
différentes et se noter différemment, et donc conduire à différentes
éditions électroniques du corpus, selon que l'objectif est l'archivage,
la diffusion, ou le traitement par tel ou tel logiciel. En matière
d'analyse assistée par ordinateur, si la robustesse des outils d'analyse
est certainement pertinente, il serait dommageable qu'elle dicte un
nivellement par le bas de la structuration des corpus. Car les logiciels
d'analyse et d'exploration textuelle, notamment à visée sémantique, ont
tout à gagner à savoir tirer parti d'un codage riche -ou du moins non
appauvri-, donnant véritablement accès aux informations de
contextualisation de tous ordres. Reste à trouver un équilibre vertueux,
pour éviter des codages excessifs, trop lourds, ingérables, et étouffant
l'interprétation au lieu de la rendre accessible et de la susciter.

L'INTERPRETATION est présente à toutes les étapes du travail sur corpus.
Interprétation "a priori" au moment de la constitution du corpus, et
avec la conception des opérations d'analyse à pratiquer ; interprétation
"a posteriori" pour l'exploitation des résultats produits. Mais la
pratique interprétative procède par retours et ajustements, elle
n'échappe pas au cercle herméneutique : ainsi, la lecture des résultats
motive(rait) très naturellement une reprise du codage et une
réorientation des traitements. La Text Encoding Initiative (1) prévoit à
juste raison un commentaire du codage, livré avec le corpus (rubrique
tagUsage), comme du contexte du codage (rubrique projectDesc) : une
telle explicitation des conventions de sens et du mode d'usage des
balises dans le contexte du corpus est éminemment importante pour toute
exploitation et réexploitation du corpus, en d'autres temps ou d'autres
lieux, y compris par ses éditeurs, mais aussi au moment même du codage !
L'annotation des corpus semble questionner encore plus directement
l'alliance entre codage et interprétation : peut-on établir une
typologie des annotations, et ce à tous les paliers de contexte ? A
l'image d'un cheminement interprétatif, l'annotation peut-elle, voire
doit-elle, être dynamique (c'est-à-dire ajoutée, rectifiée,
oubliée...) ? doit-elle être partagée et sédimentée - mais avec quels
contextes pour limiter gêne mutuelle des séries d'annotations et
surcharge artificielle, inhumaine, de la lecture ?

Quelquefois précisée par la distinction entre contexte et co-texte, la
réflexion sur le CONTEXTE dans son lien au codage et à l'interprétation
des corpus pourrait ici se centrer sur les structures syntagmatiques
(qui découpent, emboîtent) et paradigmatiques (qui mettent en lien),
dans un texte et entre des textes. Cette option n'est pas si restrictive
qu'il y paraît : Rastier (2) montre que les réalités externes en prise
avec le texte (l'auteur, le monde, le lecteur - les "pôles
extrinsèques") s'y retrouvent par leur empreinte dans le matériau
linguistique et textuel ("pôles intrinsèques"), notamment via le genre
du texte. Peut-être aussi la question du contexte rejoint-elle
directement celle, fondamentale, de la bonne constitution du corpus :
les critères de clôture ou de réflexivité (3) par exemple ne visent-ils
pas la recherche d'une contextualisation globale, sémantiquement stable,
nécessaire et suffisante, déterminante ? Complémentairement, les
techniques d'analyse de corpus dessinent également des
contextualisations glissantes, mouvantes : qu'est-ce qu'un passage, et
faut-il le coder ? L'observation des affinités et des attirances
lexicales par des calculs de cooccurrences suppose la délimitation de
contextes : l'environnement d'un mot, sa spère d'influence, son
rayonnement, se laissent-t-ils délimiter ? uniformément ? de façon
unique ? Pour autant, comment garder sa consistance pratique et
significative à la notion de contexte ?

Il est suggestif d'articuler deux à deux les trois pôles du thème, pour
retrouver des terrains de recherche actifs, correspondant à des
perspectives d'analyse complémentaires : codage + interprétation [...],
interprétation + contextes [...], codage + contextes [...].

[texte complet : http://revel.unice.fr/corpus/document.html?id=382]

Notes :
(1) Présentation de la Text Encoding Initiative :
http://www.tei-c.org/
(2) Voir par exemple : Rastier, François, 1996, "Pour une sémantique des
textes -questions d'épistémologie", Textes & Sens, Rastier F. (dir.),
Didier érudition, pp. 9-35. En ligne sur la revue Texto! :
http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_PourSdT.html
(3) Voir par exemple la première livraison de CORPUS :
http://revel.unice.fr/corpus/sommaire.html?id=49


3. Modalités pratiques

Soumission :

Envoyer un projet d'article d'une à deux pages (comprenant titre, résumé
du ou des arguments principaux soutenus, proposition de plan, quelques
références bibliographiques) à :
Bénédicte Pincemin
a_remplacer@ens-lsh.fr (et remplacer a_remplacer par prenom.nom tel que
ci-après : benedicte.pincemin)
Sujet du mail : Corpus 6 - soumission
Format : pdf de préférence (txt, rtf, doc, sxw, ps acceptés).

Ce projet recevra un avis indicatif, permettant d'ajuster éventuellement
le travail de rédaction de l'article. Une première version de l'article
complet sera alors à préparer pour le 19 mars 2007. C'est la relecture
des textes développés qui confirmera ou non l'acceptation pour
publication.

Calendrier :

- proposition d'article : avant le 15 novembre 2006
- réponse indicative du comité : 11 décembre 2006
- version provisoire : 30 mars 2007
- retours du comité avec avis (acceptation/rejet) : 15 mai 2007
- version définitive : 1er juillet 2007
- publication papier : octobre 2007
- publication électronique : juin 2008

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