PHILOSOPHIE ET SÉMANTIQUE DU POÈME CHEZ PAUL VALÉRY : LA MÉTAPHORE AUX LIMITES DU COMPLEXE VALÉRIEN

Pascal MICHELUCCI

(Résumé de thèse)

Maintes oeuvres de Valéry sont fragmentées et génériquement indéfinissables. Entre la poésie scrutée depuis toujours et les Cahiers que l'on découvre, de grands pans de proses, dialogues et mélanges offrent nombre d'exercices semi-littéraires et semi-philosophiques. La réception récente de ces écrits apporte un éclairage nouveau sur la cohésion formelle et idéologique du complexe des textes valéryens : la métaphore constitue un point névralgique de cette cohérence.

La métaphorologie connaît des dissensions depuis l'apport des sciences cognitives et leur correction novatrice des rhétoriques traditionnelles. Parce qu'il forge très tôt des positions dissidentes quant à la conception du sens lexical et à celle de l'ornementation stylistique par les figures, Valéry découvre les grandes valeurs de la métaphore dans la fabrication des théories et la méthode heuristique.

Pourtant les premiers Cahiers de 1894-1900 visent à purifier le langage des représentations courantes et à fonder ainsi une nouvelle psychologie exempte des déformations du langage. Ce n'est que dans les années vingt qu'une nouvelle modélisation de la représentation intègre le corps et apporte une position moins corrective à l'égard des métaphores, postérieurement à la grande poésie de la maturité.

Dans les premiers projets de sa psychologie, le Système, Valéry vise à nettoyer le langage et à régler la méthode. Il adopte des outils de questionnement voulus purement représentatifs, le langage mathématique notamment, parallèlement à une interrogation métalinguistique sur les outils de la pensée et la nature du langage. La métaphore mathématique est d'abord élue pour atteindre ces buts, et permet une prise de conscience progressive du potentiel heuristique des métaphores.

C'est pourquoi le travail sur les brouillons de La Jeune Parque montre que la génération du poème évolue perceptiblement vers une métaphoricité accrue, alors que le sujet du poème porte sur les variables psycho-somatiques. Une technique métaphorique originale est ébauchée en acte par le poème, comme en réaction aux vers anciens, à la fois comme coupure et comme retrouvailles avec la technique poétique mallarméenne.

Cette technique proprement valéryenne perdure dans "Fragments de Narcisse", où la métaphore est un agent systématique de structuration et de mise en forme du sens - on peut remarquer un ravalement de l'axiologie traditionnelle des images lumineuses. Il devient alors impossible de parler d'une allégorie lumineuse. Enfin, cette technique systématique appelle des stratégies interprétatives. Qu'il s'agisse de la question de l'étymologie ou de celle des néologismes valéryens, de la lecture d'un poème abscons, ou même de l'interprétation de pièces courtes, Valéry réalise par sa pratique métaphorique une métaphysique personnelle qui rend compte de la relation complémentaire du Corps, de l'Esprit et du Monde dans la connaissance.

Thèse soutenue à Toronto en novembre 1997.

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©  octobre 1997 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : MICHELUCCI, Pascal. Philosophie et sémantique du poème chez Paul Valéry : la métaphore aux limites du complexe valéryen. Texto ! octobre 1997 [en ligne]. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Inedits/Michelucci_Philosophie.html>. (Consultée le ...).