HUMBOLDT,
ABEL-RÉMUSAT ET LE CHINOIS :
DU MYSTERE AU SAVOIR [*]
Denis THOUARD
CNRS
/ Université Charles-de-Gaulle Lille 3
Abel-Rémusat (1788-1832), en médecin et
naturaliste de formation, est d'une génération qui a vu dans la Révolution
française la possibilité de rompre avec de lourdes traditions religieuses et
culturelles et s'oriente plus volontiers d'après le modèle des sciences
exactes, selon une disposition d'esprit que l'on rencontre également chez son
contemporain, Henri Beyle, plus connu comme romancier. Wilhelm von Humboldt
(1767-1835), de son côté, est dégagé de l'imprégnation théologique présente en
Allemagne; une éducation rationaliste et des études de droit, l'en ont prémuni.
Tous deux envisagent la discussion savante sur les seules bases de
l'argumentation, ce qui ne permet pas sans doute d'évacuer les différences des
arrières-plans culturels, mais garantit toutefois des dispositions favorables.
Alors même que leurs opinions divergent, ils savent reconnaître la pertinence
de leurs arguments respectifs.
Les deux
écrits qui lancent le débat paraissent tous deux en 1822, l'un à Paris, l'autre
à Berlin. Le 17 janvier de cette année, Humboldt lit devant l'Académie de
Berlin son texte Sur la naissance des formes grammaticales et leur influence
sur le développement des idées, qui complète le programme général Sur l'étude
comparée des langues, qu'il avait présenté deux ans plus tôt, où il esquissait
les principes de la classification des langues. En voulant donner une
présentation génétique de la typologie, il s'engageait dans une hiérarchisation
problématique. Selon ce modèle en effet, l'évolution historique se doublait
d'un perfectionnement qui se singularise par l'émergence des formes
grammaticales spécifiques dans la langue, là où les langues primitives ne
faisaient que les sous-entendre. Humboldt présentait alors le langage comme un
processus d'abstraction des perceptions sensibles et qualitatives par le
truchement de la forme verbale. La progression de cette traduction du monde
sensible et qualitatif en pensées lui apportait un point de vue pour apprécier
les différences des langues entre elles. Les langues primitives pèchent ainsi
dans la maîtrise de la forme, car elles procèdent en alignant immédiatement des
significations; les relations grammaticales y sont simplement suggérées ou
représentées par un des mots signifiant déjà quelque chose de matériel. La
seconde étape, et le second groupe de langues entrevu par Humboldt, est
représentée par l'apparition des flexions. L'emploi d'une forme grammaticale
comme un cas ou une déclinaison imprime au lexique une torsion grammaticale,
mais elle n'apparaît qu'en cas de nécessité. Les mots restent non marqués quand
il ne s'agit pas d'exprimer une spécificité, comme pour le singulier ou le
présent. Ce n'est que lorsque tous les éléments matériels sont intégrés dans
des relations formelles par l'opération du discours (Rede) et que la forme
pénètre ainsi chaque élément que la langue est véritablement libérée de
l'agglutination de syllabes initiales. Mais selon Humboldt, aucune langue n'est
encore parvenue à ce dernier stade. L'autre voie qui reste aux langues est de
combiner les deux premiers procédés pour les assouplir mutuellement et les
plier aux exigences de l'abstraction. La typologie n'est qu'esquissée, mais la
tentative de la superposer à une perspective évolutive est imprudente.
En développant ces vues dans son discours Sur la naissance des formes grammaticales, et en fournissant un certain nombre d'exemples, Humboldt allait au-devant de difficultés insurmontables. Il maintenait en effet sa tentative d'ordonner génétiquement les différents types linguistiques, et voyait dans les langues flexionnelles le couronnement de cette évolution. La langue en son premier état s'y trouvait ainsi décrite :
La
langue désigne originairement des objets, et abandonne à celui qui comprend le
soin d'introduire par la pensée les formes de liaison du discours.
Elle cherche cependant à faciliter cette introduction par la pensée par
la position des mots et en se servant de mots désignant des objets et des
choses pour indiquer le rapport et la forme.
La différence entre les langues "grammaticalement formées", aptes au développement des idées, et celles qui ne le sont pas débouche sur deux "classes de langues" constituant une "différence absolue" , Mais quand Humboldt pose qu' "il est indéniable que seules les langues grammaticalement formées possèdent une aptitude parfaite au développement des idées", il se heurte aussitôt aux objections massives représentées par le chinois et le copte. Pourtant, il rejette provisoirement l'objection au motif que les littératures coptes et chinoises anciennes ne traduisaient sans doute pas une telle suprématie de l'esprit, telle que l'attestent des prouesses rhétoriques ou dialectiques du grec. Comparées au modèle grec, et particulièrement attique, les témoignages anciens rapportent que le style chinois est "trop indéterminé et haché". Le contre-exemple chinois est donc d'emblée écarté, alors même que Humboldt est encore peu documenté à son sujet. Il ne prend en effet connaissance des Eléments de grammaire chinoise qu'après la rédaction de son discours, et les cite en note pour la publication, en 1823. Rémusat précisait entre autre dans sa grammaire que "les rapports des noms, les modifications de temps et de personnes des verbes, les relations de temps et de lieu, la nature des propositions positives, optatives, conditionnelles, ou bien se déduisent de la position des mots, ou se marquent par des mots séparés, qui s'écrivent avec des caractères distincts, avant ou après le thème du nom ou du verbe."[1] Humboldt, qui présente encore le chinois comme "une langue presque entièrement dépourvue de grammaire au sens habituel du mot", se contente de signaler "que les rapports grammaticaux [y] sont désignés uniquement par la position ou par des mots séparés, et que le lecteur a souvent en charge de deviner à partir du contexte s'il doit prendre un mot pour un substantif, un adjectif, un verbe ou une particule."
L'argumentation de Humboldt pour évacuer l'objection déplace en fait le questionnement sur le développement des arts du discours, dont le modèle est visiblement Démosthène. La réplique de Rémusat ne se fait pas attendre, avec l'article du Journal asiatique de 1824. Rémusat interroge le lien supposé par Humboldt entre les formes grammaticales d'une langue et la plus ou moins grande facilité du développement des idées. Il résume cette thèse humboldtienne en écrivant que "l'étude de la grammaire philosophique, de la dialectique et de la rhétorique tire le plus grand avantage de ces formes régulières et symétriques sous lesquelles apparaissent les conceptions de l'intelligence"[2]. Les langues qui recourent à la seule position des mots pour les désignations grammaticales, ou qui emploient provisoirement d'autres mots à cette fin, se compliqueraient la tâche : l'absence de formes grammaticales autonomes nuirait au développement des idées. Rémusat a beau jeu alors de rappeler que "l'une des langues les plus abondantes de l'Asie, celle dont la littérature est la plus riche et la plus savante, n'a, selon les découvertes les plus récentes, d'autres ressources que celles dont parle ici M. de Humboldt, et par lesquelles on ne saurait douter qu'il n'ait voulu la désigner"[3]. Il voit bien que le chinois ne se laisse pas plier à la construction humboldtienne. Humboldt insistait sur le peu de souplesse de cette solution, Rémusat montrera qu'elle laisse au contraire beaucoup de liberté à l'utilisateur, et qu'elle n'est du reste pas exclusive d'autres procédés. A-t-on en effet fait reproche au latin des ambiguïtés de son génitif? Les mots composés de l'Allemand, qui reprennent le modèle du génitif saxon, ne montrent-ils pas clairement les avantages économiques d'une solution paratactique? Ce que l'on perd en précision et en information, on le gagne en liberté, en rapidité, en énergie [4].
En objectant à Humboldt le cas du chinois, Rémusat l'amenait à reconsidérer non seulement sa typologie linguistique et son modèle téléologique, mais les principes mêmes qui présidaient à son jugement sur les langues. L'appréciation des réalisations philosophiques et rhétoriques des peuples risquait de gauchir la perspective. Rémusat le redira en présentant au public français la Lettre à Rémusat :
Cependant le chinois semblait sous quelque rapport faire exception aux principes de l'auteur et on appela son attention sur ce singulier phénomène d'un peuple qui depuis quatre mille ans possède une littérature florissante sans formes grammaticales. Comparée sous ce rapport au sanscrit, au grec, à l'allemand et aux autres idiomes pour lesquels monsieur Guillaume de Humboldt annonçait une juste prédilection, la langue chinoise offrait des particularités qu'il n'était plus permis de négliger.[5]
Si
Rémusat s'exagère sans doute un peu la "prédilection" affichée par
Humboldt pour le sanscrit et l'allemand, il a sans doute raison de le pousser
davantage à relever le défi de la langue chinoise. Celui-ci prend acte de
l'objection, il s'en laisse ébranler et la transforme en problème. Il accorde
d'emblée à Rémusat que la grammaire du chinois n'utilise pas de catégories
spécifiques pour indiquer la liaison des mots et "fixe d'une autre manière
les rapports des éléments du langage dans l'enchaînement de la pensée",
comme si elle était pure syntaxe sans morphologie. Il reconnaît de même qu'en
invoquant des "catégories grammaticales", qu'il définit comme les
"formes assignées aux mots par la grammaire", "on altère le
caractère original des phrases chinoises". Enfin, il s'interroge désormais
non plus sur une déficience propre aux langues qui n'ont pas développé de
grammaire, selon sa terminologie de 1822, mais sur la voie particulière
empruntée par le chinois.
Humboldt
soutient l'existence universelle de formes grammaticales et de lois régissant
l'expression linguistique, quand bien même elles ne sont pas toujours
exprimées. Les langues qui ne désignent pas spécifiquement les formes, à
commencer par le chinois, sont intéressantes en ce qu'elles mettent en oeuvre
d'autres procédés d'organisation. En l'occurrence, la grammaire n'est pas
absente de la langue, ce qui serait absurde, mais "la grammaire explicite
est dans un rapport infiniment petit, comparativement à la grammaire
sous-entendue". A structure grammaticale différente, méthode différente.
Humboldt s'instruit chez Rémusat, et en tire les conséquences :
Dans
toutes les langues, le sens du contexte doit plus ou moins venir à l'appui de
la grammaire. Dans la langue chinoise, le sens du contexte est la base de
l'intelligence, et la construction grammaticale doit souvent en être déduite.
Le verbe même n'est reconnaissable qu'à son sens verbal. La méthode usitée dans
les langues classiques, de faire précéder du travail grammatical et de l'examen
de la construction, la recherche des mots dans le dictionnaire, n'est jamais
applicable à la langue chinoise. C'est toujours par la signification des mots
qu'il faut y commencer. Mais dès que cette signification est bien établie, les
phrases chinoises ne prêtent plus à l'amphibologie.
Le primat de la grammaire et de la construction dans la tradition occidentale est ici impuissant, ne produisant que de l'incompréhensibilité. Tant que l'on en reste en effet à une stricte séparation des niveaux morpho-syntaxiques et sémantiques, ce qui est le cas dans la tradition logico-grammaticale, on ne peut accéder à la mise en forme grammaticale du chinois qui est aussi une mise en sens. Paradoxalement, il faut donc en passer par le dictionnaire pour être en mesure de retrouver la grammaire. Ce passage par le dictionnaire, pour un locuteur étranger, ne signifie pas une régression vers une conception purement compositionnelle du sens, mais représente l'unique moyen de dégager un contexte d'élucidation, préalable au repérage du fonctionnement grammatical d'un discours. Le procédé de la construction, en revanche, aurait simplement transposé les habitudes de penser et les formes grammaticales des langues européennes au chinois. Dans le résumé qu'il a prononcé devant l'académie de Berlin le 20 mars 1826, Humboldt expliquait ce caractère diffus de la grammaire, qu'elle se fige en formes déterminées ou non :
La grammaire, plus qu'aucune autre partie du langage, est présente invisiblement dans la façon de penser du locuteur, et chacun apporte dans une langue étrangère ses idées grammaticales, et les dépose, si elles sont plus parfaites et accomplies, dans la langue étrangère. Car bien sûr, dans chaque langue, si l'on prend en compte tous les moments de l'usage, on peut assigner à chaque mot d'une phrase une forme grammaticale. [6]
La compréhensibilité d'une langue pour une autre langue est possible grâce à l'existence de règles universelles, et sans doute d'une grammaire universelle, que Humboldt, tout attentif aux diversités empiriques, ne perd pas de vue. Mais ces règles ne sauraient être formulées définitivement pour toutes les langues. Elles représentent plutôt l'idéal régulateur de la grammaire comparée. Elles sont monnayées de façon originale par chaque langue ou groupe de langues.
Humboldt ne considère plus qu'il pourrait y avoir des langues sans grammaire, ou des langues à la grammaire imparfaite, mais souligne que la grammaire chinoise se sert d'une "autre méthode" :
En n'adoptant point le système de la distinction des catégories grammaticales des mots, on est dans la nécessité de se servir d'une autre méthode pour faire connaître la liaison grammaticale des idées [...] La langue chinoise emploie tous les mots dans l'état où ils indiquent l'idée qu'ils expriment, abstraction faite de tout rapport grammatical.
Tout en ayant une préférence pour le modèle flexionnel qui lui paraît représenter la synthèse linguistique articulant le mieux la pensée, Humboldt s'accommode de ces mots non fléchis dont la réunion correspond au procédé du chinois. On pourrait caractériser celui-ci en disant que les racines lexicales y sont le moins modifiées par la grammaire, mais aussi bien insister sur le caractère déterminant du contexte et des relations des mots dans la phrase. Derrière un aspect substantiel se cache un fonctionnalisme : la fonction n'est pas marquée dans le mot lui-même, c'est l'ensemble de la phrase qui l'établit. La position des mots établit leur relation grammaticale comme l'accomplissement de leur dynamisme sémantique. La contiguïté des mots renvoie à leur interrelation.
Ce fonctionnalisme implique à son tour le sens herméneutique du locuteur : la position des mots ne suffit pas si l'on ne recourt pas en même temps au sens lexical et au contexte du discours. Autrement dit, "les règles grammaticales ne suffisant pas dans ce cas, il ne reste d'autre moyen que de recourir à la signification des mots et au sens du contexte."
Pour s'en tenir à la part publique de la discussion des deux savants, nous assistons à un rapprochement sur le fond, Humboldt reconnaissant volontiers les limites de ses connaissances, et Rémusat sachant apprécier la qualité des intuitions contenues dans la Lettre [7]. Le fait que Rémusat ait accueilli les réflexions de Humboldt, sa correction même très respectueuse des formulations de ce dernier, et son choix d'insérer des points de discussion en note, donnant au texte une véritable structure dialogique, témoigne d'une qualité d'échange qui fait honneur à la république des savants. Pour autant, ses réserves ne disparaissent pas, qui tiennent non à la différence entre une science positive française et une métaphysique allemande forcément obscure, mais à l'appréciation différente des modèles culturels et de leur valeur [8]. Jean-Claude Chevalier, dans son article sur "un obstacle épistémologique en 1825: le chinois à Paris", a sans doute exagéré l'opposition entre le Français, défendant le rôle actif du sujet parlant, et l'Allemand, ayant une approche plus esthétique du langage et comme fasciné par la "forme pure visant à l'absolu de la loi" [9]. L'opposition n'est pas tant dans les caractères nationaux, entre le savant pratique et le métaphysicien rêveur. Elle est peut-être culturelle, mais se réfugie alors dans le domaine de l'appréciation subjective et esthétique. Humboldt accordera à Rémusat la diversité des perfections linguistiques, mais conservera son ultime réserve sur la limitation rhétorique du chinois, qui ne produirait pas de périodes. Dans son esprit, la collaboration incessante demandée à l'auditeur ou au lecteur dans la production du sens, celui-ci devant apporter ou expliciter la grammaire seulement sous-entendue, exclut le développement d'un art oratoire et la construction de longues périodes comme en grec. L'esprit serait trop sollicité. Il ne peut en même temps reconstruire en détail le sens des énoncés ou des séquences et appréhender des unités plus grandes. Si la grammaire implicite n'empêche pas le déploiement de tous les registres de la pensée, une certaine qualité esthétique liée à la rhétorique lui paraît néanmoins faire défaut. Rémusat précise dans une observation que la portée de cette remarque se limite au style antique, et assure au contraire qu'il "y a des périodes très longues dans le style littéraire et dans celui de la conversation". On pourrait montrer sur un tel cas que Humboldt reste esthétiquement dépendant d'un modèle grec, dont l'emprise est désormais limitée au domaine subjectif, ce qui traduit sa profonde remise en question due à la réflexion linguistique comparée.
L'évolution
des modèles typologiques est à cet égard significative. A la faveur de l'étude
du chinois et des échanges avec Rémusat, Humboldt abandonne définitivement son
premier modèle téléologique au profit d'une approche qu'on pourrait qualifier
de structurale. Le dépassement de la flexion dans une langue peut à sa façon
faciliter l'exercice de la pensée et le développement de l'esprit. Les langues
romanes, dans leur évolution au-delà de la flexion, mais aussi le chinois
deviennent, dans l'Introduction au Kavi, des réalisations linguistiques aussi
parfaites dans leur genre que le grec. En revenant dans ce dernier écrit sur la
question de la classification, Humboldt distingue deux grands pôles d'invention
linguistique, le sanscrit et les langues flexionnelles d'un côté, le chinois de
l'autre, qui renonce résolument à la flexion. "Son mérite le plus exprès
repose au contraire, comme Rémusat en fait d'ailleurs au même endroit et à
juste titre la remarque, sur le système qui lui est propre et qui, du même
coup, la fait diverger des autres langues, bien qu'il la prive par là même de
maints avantages (...)" Tout en rappelant les inconvénients de ce système,
il en fait clairement apparaître maintenant les bénéfices, à commencer par
celui de forcer l'esprit "à opérer une combinaison plus subtile de ces
relations avec les mots et à découvrir dans les mots la présence véritable des
relations sans pour autant les y inscrire à proprement parler". Le
caractère implicite de la forme maintient l'esprit en alerte, et éloigne en
fait le chinois d'une langue formulaire, en la rangeant pleinement au nombre
des "langues les plus parfaites". Elle accentue l'implication
réciproque du locuteur et de la langue, ce qui correspond à une des thèses
principales de Humboldt sur le langage.
Entre
l'homme et le monde, mais aussi entre les hommes, le milieu invisible du
langage, spontanément oublié, produit ses effets. Humboldt le décrit dans une
formule forte comme un "monde intermédiaire entre le monde extérieur et
celui qui agit en nous": le langage n'est pas une chose parmi d'autres,
mais il n'est pas non plus identique à la subjectivité. Il est le lieu de la
rencontre des hommes, et par cela, ce en quoi et par quoi se forme leur
humanité. C'est pourquoi l'anthropologie comparée entrevue par Humboldt prendra
la forme d'une étude comparée des langues, vergleichendes Sprachstudium.
L'étude des langues permet une véritable reconnaissance de l'homme parce
qu'elle allie nécessairement la reconstruction d'une objectivité, à un niveau
structural, à la prise en compte des modes de sémantisation qui ne s'y
réduisent pas mais regardent l'usage de la langue. A ce titre, Humboldt
esquisse une méthodologie des "sciences humaines" assumant aussi bien
les contraintes collectives que les évolutions historiques, à partir de la
linguistique élargie qu'il pratique.
NOTES :
[*] Jean Rousseau/Denis Thouard (éds.), Lettres édifiantes et curieuses sur la langue chinoise. Un débat philosophico-grammatical entre Wilhelm von Humboldt et Jean-Pierre Abel-Rémusat, Lille, Presses Universitaires du Septentrion, 1999, 344 pages (ISBN 2-85939-588-1). Le livre rassemble les textes du débat qui s'est déroulé sur une décennie (1821-1831) avec une correspondante inédite de Humboldt. Table : Humboldt, Abel-Rémusat et le chinois : la recherche de la correspondance (Denis Thouard); La question du chinois dans la théorie de Humboldt (Jean Rousseau); I. La discussion publique: 1. Wilhelm von Humboldt, Sur la naissance des formes grammaticales et leur influence sur le développement des idées (17 janvier 1822) (tr. D.T.); Note sur les langues évoquées par Humboldt (Jean Rousseau); 2. Abel-Rémusat, Compte-rendu de Über das Entstehen der grammatischen Formen (Journal Asiatique V, 1824, pp. 51-61); 3. W. von Humboldt, Lettre à Monsieur Abel-Rémusat sur la nature des formes grammaticales en général et sur le génie de la langue chinoise en particulier (7 mars 1826) Version publiée par Rémusat, avec les variantes en note; 4. Abel-Rémusat, Observations sur la Lettre de Humboldt (1828); 5. Silvestre de Sacy, Notice de l'ouvrage intitulé Lettre à M. Abel-Rémusat (Journal des savants, février-mars 1828, pp. 67-80 & 141-151); II. La correspondance: 6. Wilhelm von Humboldt/Abel-Rémusat, Correspondance (1824-1831), éditée par Jean Rousseau. Annexe : Lettre sur naï de Rémusat (fac-simile). Quatre illustrations (portraits et manuscrits). Index des noms, des notions, des langues. Table. NB : Le texte qui suit est extrait de la présentation.
[1] Abel-Rémusat, Elémens de grammaire chinoise, Paris, Imprimerie royale, 1822, SS 61, p. 35 (paragraphe auquel renverra Humboldt en note).
[2] Journal Asiatique, 1824, 54.
[3] Ibid., 55.
[4] Ibid., 56.
[5] Avertissement, 1827.
[6] Über den grammatischen Bau der Chinesischen Sprache, V, 311.
[7] Qualité de questionnement, d'observation et de réflexion qui restent appréciables aux yeux du linguiste ; cf. Christoph Harbsmeier, "Zur philosophischen Grammatik des Altchinesischen im Anschluss an Humboldts Brief an Abel-Rémusat" , in W. von Humboldt, Brief an M. Abel-Rémusat, tr. par Chr. Harbsmeier, Stuttgart-Bad Cannstatt, Fromman-Holzboog, coll. Grammatica universalis 17, dirigée par H. Brekkle, 1979, pp. 89-277.
[8] Humboldt écrit à Rémusat que selon lui, la "cause de la différence de [leurs] sentiments (...) ne se trouve pas tant dans notre manière de regarder le Chinois que dans les idées générales sur la perfection du langage" (lettre IV, 18. II. 1827).
[9] Jean-Claude Chevalier, "Un obstacle épistémologique en 1825 : le chinois à Paris" , La conscience de la langue. Romantisme 25/26, 1979, pp. 107-116 [dorénavant in S. Delesalle / J.-C. Chevalier, La linguistique, la grammaire et l'école 1750-1914, Paris, A. Colin, 1986, pp. 167-178].
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