Carine Duteil-Mougel : INTRODUCTION À LA SÉMANTIQUE INTERPRÉTATIVE


GLOSSAIRE

*acception : on nommera acceptions deux sémèmes [=> nous ajouterions : deux sémies] qui diffèrent par un ou plusieurs sèmes afférents socialement normés.
Ex. « minute » (déf. du DFC) :
S1 : ‘soixantième partie d’une heure’
S2 : ‘court espace de temps’
S1 et S2 ne diffèrent que par le sème /court/ ; ce sème est le produit d’une afférence socialement normée, comme le montrent les combinaisons lexicales (« cocotte minute », « serpent minute ») et la phraséologie (« en avoir pour une minute »). Le sème /court/ est activé dans S2  (afférence socialement normée) ; cette afférence est neutralisée dans l’acception scientifique ou technique S1.

*actant : complexe sémique comprenant un sème casuel.

*acteur : unité du niveau événementiel de la dialectique, composée d’une molécule sémique à laquelle sont associés des rôles. (Notation ‘acteur’).

*actualisation : opération interprétative permettant d’identifier ou de construire un sème en contexte.

*afférence : inférence permettant d’actualiser un sème afférent.

*afférence socialement normée  : afférence socialisée sous-tendue par un axiome normatif ou topos externe.

*afférer : opérer une afférence.

*agoniste : type constitutif d’une classe d’acteurs ; les agonistes relèvent du niveau agonistique de la dialectique.

*allotopie : relation de disjonction exclusive entre deux sémies (ou deux complexes sémiques) comprenant des sèmes incompatibles ; par extension, rupture d’isotopie.

*anisotope : se dit, relativement à une isotopie, d’une sémie dépourvue du sème isotopant, et de tout sème incompatible avec lui.

*archithématique : niveau de la thématique qui rend compte de la division des univers sémantiques en espaces valués.

*architextualité (principe de) : tout texte placé dans un corpus en reçoit des déterminations sémantiques et modifie potentiellement le sens de chacun des textes qui le composent.

*assimilation : actualisation d’un sème par présomption d’isotopie.

*caractérisation : spécification de la singularité d’un texte ou d’une performance sémiotique, la caractérisation est un aboutissement de la critique.

*cas (sémantique) : relation sémantique entre actants. Primitives sémantiques de méthode, les cas ne se confondent pas avec les fonctions syntaxiques. Sans exclusive, la sémantique interprétative emploie principalement les cas sémantiques suivants : ergatif  (ERG), accusatif   (ACC), attributif (ATT), résultatif (RES), final (FIN), locatif (LOC), instrumental (INST), bénéfactif (BEN), datif (DAT).

*champ générique : groupe de genres qui contrastent voire rivalisent dans un champ pratique : par exemple, au sein du discours littéraire, le champ générique du théâtre se divisait en comédie et tragédie ; au sein du discours juridique, les genres oraux constituent un champ générique propre (réquisitoire, plaidoirie, sentence).

*champ sémantique : ensemble de taxémies mises en jeu dans une tâche [linguistique de la parole].

*chronotope : fond sémantique constitué par la récurrence d’un même sème temporel ; isotopie temporelle.

*classes sémantiques (trois) : taxème [=> et taxémie], domaine, dimension. (Notation : //classe//).

*classème : ensemble des sèmes génériques d’un sémème [=> ou d’une sémie].

*cohérence : unité d’une suite linguistique, définie par ses relations avec son entour.

*cohésion : unité d’une suite linguistique, définie par ses relations sémantiques internes.

*complexe sémique : structure sémantique temporaire qui résulte de l’assemblage des sémies dans le syntagme (par activation et inhibition de sèmes, mises en saillance et délétions, ainsi que par afférence de sèmes casuels). Au palier textuel, les complexes sémiques analogues sont considérés comme des occurrences de la même molécule sémique.

*composante : instance systématique qui, en interaction avec d’autres instances de même sorte, règle la production et l’interprétation des suites linguistiques. Pour le plan du contenu, on distingue quatre composantes : thématique, dialectique, dialogique et tactique.

*condition d’accueil : elle stipule les constructions morphosyntaxiques qui permettent le parcours. Par exemple, il est facilité à l’intérieur du même syntagme.

*connexion : relation entre deux sémies appartenant à deux isotopies génériques différentes. Deux types de connexion :

-- métaphorique : connexion entre sémies lexicalisées, telle qu’il y ait une relation d’incompatibilité entre au moins un de leurs traits génériques, et une relation d’identité entre au moins un de leurs traits spécifiques.

-- symbolique : connexion entre deux sémies (ou complexes sémiques) telle qu’à partir d’une sémie (ou d’un complexe) lexicalisée, on puisse lexicaliser une autre sémie (ou complexe). Ex. dans Hérodias : les récurrences sémiques provoquent la réécriture de ‘Antipas’ en < ‘forteresse’ >  vs ‘Salomé’ en < ‘ville’ > [exemples repris à T. Mézaille, 2003, Glossaire].

*contenu : plan du texte ou de la performance sémiotique constitué par l’ensemble des signifiés.

*contexte : pour une unité sémantique, ensemble des unités qui ont une incidence sur elle (contexte actif), et sur lequel elle a une incidence (contexte passif). Le contexte connaît autant de zones de localité qu’il y a de paliers de complexité. Au palier supérieur, le contexte se confond avec la totalité du texte.

*contextualité (principe de) : deux signes ou deux passages d’un même texte mis côte à côte sélectionnent réciproquement des éléments de signification (sèmes). Cet échange transforme leur signification en sens, soit par validation de traits inhérents, soit par actualisation et / ou propagation de traits afférents.

*contrastes sémantiques :

-- faibles : faible distance sémantique entre des unités reliées entre elles (ex. : tautologies).

-- forts : distance sémantique entre des unités pourtant reliées entre elles (ex. : contradictions, coq-à-l’âne).

*contrat : fonction dialectique qui consiste en un échange de processus de transmission situés dans les mondes du possible associés aux acteurs contractants.

*cooccurrent : forme récurrente dans le contexte proche d’une forme d’entrée dans un corpus numérique.

*corrélat : les cooccurrents entre lesquels on identifie une relation sémantique sont considérés comme des corrélats ou lexicalisations complémentaires de la même molécule sémique.

*dialecte : langue fonctionnelle - ou langue considérée en synchronie, par opposition à la langue historique.

*dialectique : composante sémantique qui articule la succession des intervalles dans le temps textuel, comme les états qui y prennent place et les processus qui s’y déroulent.

*dialogique : composante sémantique qui articule les relations modales entre univers et entre mondes ; sa description rend compte de l’énonciation représentée.

*dimension : les dimensions sont des classes de sémèmes [=> ou de sémies], de grande généralité, indépendantes des domaines. Elles sont groupées en petites catégories fermées (ex. : //animé// vs //inanimé//, ou //humain// vs //animal//). En général les éléments d’un taxème [=> ou d’une taxémie] relèvent des mêmes dimensions. Mais les dimensions évaluatives tracent des seuils dans les taxèmes graduels [=> les taxémies graduelles] (cf. les représentations dynamiques des seuils évaluatifs). Rastier appelle doxa fondamentale ou idéologie implicite l’ensemble des catégories qui constituent le fonds d’évaluations collectives.

*discours : ensemble d’usages linguistiques codifiés attaché à un type de pratique sociale. Ex. : discours juridique, médical, religieux.

*dissimilation : actualisation de sèmes afférents opposés dans deux occurrences du même sémème [=> ou de la même sémie], ou dans deux sémèmes parasynonymes [=> ou dans deux sémies parasynonymes].

*domaine : le domaine est la classe de généralité supérieure au taxème et à la taxémie. Un domaine est un groupe de taxèmes ou de taxémies lié à une pratique sociale. Il est commun aux divers genres propres au discours qui correspond à cette pratique - « Ces domaines sont évidemment liés à des conventions sociales, non à la structure fonctionnelle de la langue. » (Rastier, 1994a, p. 60).
Dans un domaine déterminé, il n’existe généralement pas de polysémie. Toutefois, dans une situation donnée, plusieurs domaines peuvent interférer : par exemple, dans un cocktail, « canapé » peut manifester une sémie du domaine //alimentation// ou du domaine //habitation//. Rastier précise que nos langues comptent trois à quatre cents domaines (ce dont les indicateurs lexicographiques comme mar. ou cuis. donnent une approximation). À noter : « Tous les taxèmes ne relèvent pas d’un domaine : c’est le cas notamment des taxèmes grammaticaux, qui, n’étant indexés dans aucun domaine, sont de ce fait compatibles avec tous (ex. la catégorie sémantique du nombre). » (Rastier, 1994a, p. 62).

*dominance : une isotopie en domine une autre si elle contient les marques de l’énonciation représentée et/ou si elle détermine l’impression référentielle. V. hiérarchie.

*ductus : particularisant un énonciateur, il permet de caractériser son style sémantique par des rythmes et des tracés propres des contours de formes.

*emploi : on nommera emplois les occurrences d’un même sémème [=> ou de la même sémie] qui ne diffèrent que par un ou plusieurs sèmes localement afférents ou idiolectaux.
Ex. « cuirasse » (déf. du DFC) :
S1 : ‘partie de l’armure qui protégeait le buste’
S1’ : ‘attitude morale qui protège des blessures d’amour-propre, des souffrances...’
Le sème macrogénérique /abstrait/ commun à ‘moral’ et à ‘amour-propre’ est intégré par présomption d’isotopie au classème de S1’ mais il n’y est pas inhérent. Dans un contexte comme « amour-propre », ‘cuirasse’ se voit attribuer un sème générique afférent /abstrait/ qui neutralise localement son sème générique inhérent /concret/.
Les emplois diffèrent par au moins un sème afférent en contexte.

*enclosure : opérateur réduisant le degré d’allotopie des sémies d’une séquence. Les enclosures participent à la connexion des isotopies génériques.

*entour : ensemble des phénomènes sémiotiques associés à un passage ou à un texte ; plus généralement, contexte non linguistique, incluant les conditions historiques.

*entrelacées : se dit d’isotopies lexicalisées dont les sémies alternent dans des séquences inférieures à la dimension de la période.

*esthésie : “vision du monde” suscitée et contrainte par un type de morphologie sémantique. Les esthésies engagent divers domaines de caractérisation d’ampleur croissante : les éléments de formes sémantiques, comme les tropes ; les types d’impressions référentielles ; les tons, isotopies évaluatives.

*esthétique fondamentale : ensemble des évaluations qui constituent le substrat sémiotique sur lequel s’édifient les arts du langage. En liant les recherches sur l’appareil perceptif aux études sur les valorisations culturelles, l’étude de l’esthétique fondamentale se place à un lieu d’articulation entre les recherches cognitives et les sciences sociales, mais demeure en deçà des esthétiques philosophiques.

*faisceau : ensemble d’isotopies induites par la récurrence des éléments d’une même molécule sémique.

*fonction (dialectique) : interaction typique entre acteurs.

*fond sémantique : ensemble des faisceaux d’isotopies sur lesquelles se détachent les formes sémantiques.

*forme sémantique : groupement stable de sèmes articulés par des relations structurales ; ex. : molécule sémique.

*genre : programme de prescriptions (positives ou négatives) et de licences qui règlent la production et l’interprétation d’un texte. Tout texte relève d’un genre et tout genre, d’un discours. Les genres n’appartiennent pas au système de la langue au sens strict, mais à d’autres normes sociales.

*grammème : morphème appartenant à une classe fortement fermée, dans un état synchronique donné. Ex. : « -ir » (dans « courir »).

*graphe sémantique : Rastier choisit une représentation graphique inspirée de Sowa (1984, Conceptual Structures : Information Processing in Mind and Machines, New-York, Addison-Wesley). Les nœuds des graphes sont étiquetés par des unités sémantiques de tout rang (à commencer par les sèmes, molécules sémiques, sémèmes et sémies). Leurs liens sont étiquetés par des primitives sémantiques (comme les cas, par exemple).
« En représentation graphique proprement dite, les dénominations des nœuds sont incluses dans des cartouches rectangulaires, celles des liens dans des cercles ; en représentation “propositionnelle”, entre crochets et entre parenthèses respectivement. Propriétés précieuses en sémantique textuelle, ces graphes sont susceptibles d’appariements et de transformations. Ils sont aptes à représenter les trois paliers de l’analyse textuelle. Au palier microsémantique, les nœuds représentent des composants et les liens des primitives ; au palier mésosémantique, des actants, et des cas, respectivement ;  au palier macrosémantique, des acteurs et des fonctions dialectiques, respectivement. » (Rastier, 1989, p. 61).

*herméneutique matérielle : forme pleine de l’herméneutique philologique.

*herméneutique : théorie de l’interprétation des textes. Issue historiquement de la tâche d’établissement des textes anciens, l’herméneutique philologique établit le sens des textes, en tant qu’il dépend de la situation historique dans laquelle ils ont été produits. Quant à l’herméneutique philosophique , indépendante de la linguistique, elle cherche à déterminer les conditions transcendantales de toute interprétation.

*hétéronomie : disparité des normes à l’œuvre au sein d’un texte ou plus généralement d’une performance sémiotique.

*hiérarchie : évaluation relative, dans un univers sémantique, des diverses classes définissant des isotopies génériques ; traditionnellement, dans une métaphore, le comparé jouit d’une évaluation supérieure au comparant.

*idiolecte : usage d’une langue et d’autres normes sociales propre à un énonciateur.

*imagisation : appariement entre un signifié et une image mentale.

*impression référentielle : représentation mentale contrainte par l’interprétation d’un passage ou d’un texte. Cette représentation peut se définir comme un simulacre multimodal .

*inhibition : virtualisation d’un sème inhérent, en contexte.

*interprétant : unité du contexte linguistique ou sémiotique permettant d’établir une relation sémantique pertinente entre des unités reliées par un parcours interprétatif.

*interprétation : assignation d’un sens à un passage ou à un texte.

*intertextualité (principe de) : deux passages de textes différents sélectionnent réciproquement, dès qu’ils sont mis côte à côte, des éléments de signification (sèmes). Cet échange surdétermine leur sens, par actualisation et / ou propagation de traits afférents.

*isonomie : régularité systématique. V. hétéronomie.

*isosémie : isotopie prescrite par le système fonctionnel de la langue (ex.: accord, rection).

*isotopant : se dit d’un sème dont la récurrence induit une isotopie.

*isotopie sémantique : effet de la récurrence d’un même sème. Les relations d’identité entre les occurrences du sème isotopant induisent des relations d’équivalence entre les sémies qui l’incluent.

*lecture : résultat de l’interprétation de texte. Transcrite, une lecture est un texte produit par transformation d’un texte-source, qu’il est censé décrire, scientifiquement ou non. On distingue la lecture descriptive, qui stipule les traits sémantiques actualisés dans le texte ; la lecture productive, qui en ajoute ; enfin la lecture réductive, qui en néglige.

*lexème : morphème appartenant à une ou plusieurs classes faiblement fermées, dans un état synchronique donné. Ex.: « cour-» dans « courir ».

*lexie : groupement stable de morphèmes, constituant une unité fonctionnelle. (Notation : « lexie »).

*logico-grammaticale (problématique) : définissant la signification comme une relation de représentation, elle privilégie le signe et la proposition et pose donc les problèmes de la référence et de la vérité, fussent-elles fictionnelles ; elle rapporte les faits de langage aux lois de la pensée rationnelle et se centre sur la cognition.

*macrogénérique : relatif à une dimension sémantique.

*massif : groupement de tropes - ou fleurs de rhétorique - relevant du même mode mimétique.

*méréomorphisme : relation entre parties d’un texte qui présentent de manière compacte et locale des formes amplifiées ailleurs de manière globale et diffuse ; par exemple, des configurations codifiées comme la description initiale, la parabole, le rêve annonciateur, sont transposées dans la suite du texte par d’autres formes plus étendues.

*métamorphisme : transformation thématique, dialectique (narrative), dialogique (modale, selon les « points de vue » et les « positions de parole ») ou tactique-positionnelle.

*mésogénérique : relatif à un domaine sémantique.

*microgénérique : relatif à un taxème ou une taxémie.

*mode génétique : réglé par le genre voire le style, il détermine ou du moins contraint la production du texte ; il est lui-même contraint par la situation et la pratique.

*mode herméneutique : mode d’organisation qui régit les parcours d’interprétation.

*mode mimétique :  mode d’organisation qui détermine le régime d’impression référentielle du texte.

*molécule sémique : groupement stable de sèmes, non nécessairement lexicalisé, ou dont la lexicalisation peut varier. Par exemple, un thème ou un acteur sont constitués par des molécules sémiques. Ex. dans Hérodias étudié par Rastier (1992a) : /viril/ + /roide/ + /en position supérieure/ + /vertical/ (pour ‘Antipas’, ‘forteresse’, ‘tête’) vs /féminin/ + /ondulant/ + /en position inférieure/ + /horizontal/ (pour ‘Salomé’, ‘ville’, ‘plat’) [exemples repris à T. Mézaille, 2003, Glossaire].

*monde : ensemble des complexes sémiques associés à un acteur et modalisés de même dans un même intervalle de temps textuel.
À partir des graphes thématisés que l’on aura pu construire, on peut diviser chaque univers en trois types de classes de graphes (énoncés ou inférables) : « (i) le monde factuel composé de graphes comportant la modalité assertorique, (ii) le monde contrefactuel composé de graphes comportant les modalités de l’impossible ou de l’irréel, (iii) le monde du possible, dont les graphes comportent la modalité correspondante. » (Rastier, 1989, pp. 83-84).

*morphème : signe minimal, indécomposable dans un état synchronique donné.
Ex. : rétropropulseurs compte cinq morphèmes.

*morphosémantique : étude des formes sémantiques, et notamment des molécules sémiques. Par extension, étude des formes et des fonds sémantiques, ainsi que des rapports entre ces formes et fonds.

*morphologies sémantiques : fonds et formes sémantiques.

*mot : groupement de morphèmes complètement intégré.

*motif : structure textuelle complexe de rang macrosémantique, un motif peut comprendre des éléments thématiques, dialectiques (par changement d’intervalle temporel) et dialogiques (par changement de modalité). Par exemple, le motif du mort reconnaissant est une structure thématique et dialectique complexe, qui met en jeu des fonctions décès, bienfait et gratitude, ainsi que des acteurs humains. Ainsi, le motif est un syntagme narratif stéréotypé, partiellement instancié par des topoï.

*niveau agonistique : niveau de la dialectique constitué d’agonistes et de séquences. Seuls les récits comportent un tel niveau, hiérarchiquement supérieur au niveau événementiel.

*niveau événementiel : niveau de la dialectique constitué par les acteurs et les fonctions.

*onomasiologie : description qui part d’une unité du contenu pour étudier ses modes de lexicalisation. V. sémasiologie.

*ontogonie : production, par une technique linguistique, d’impressions référentielles propres à l’ontologie. Certaines formes de réalisme, empirique ou transcendant, correspondent à autant de modes d’ontogonie.

*ordre herméneutique : ordre des conditions de production et d’interprétation des textes. Il englobe les phénomènes de communication, mais dépasse les facteurs pragmatiques, en incluant les situations de communication codifiées, différées, et non nécessairement interpersonnelles. Il est inséparable des situations historique et culturelle de la production et de l’interprétation.

*ordre herméneutique et ordre référentiel :

*ordre paradigmatique : ordre de l’association codifiée. Une unité sémantique ne prend sa valeur que relativement à d’autres qui sont substituables avec elle et qui forment son paradigme de définition.

*ordre référentiel : ordre qui détermine l’incidence du linguistique sur les strates non linguistiques de la pratique. Il participe à la constitution d’impressions référentielles.

*ordre syntagmatique : ordre de la linéarisation du langage, dans une étendue spatiale et/ou temporelle. Il rend compte des relations positionnelles et des relations fonctionnelles. Ainsi, il est le site des relations contextuelles.

*palier : degré de complexité. Les principaux paliers sont le morphème, le syntagme, la période et le texte.

*parangon : sémème valorisé au sein d’un taxème (témoigne des inégalités qualitatives entre sémèmes).
=> On pourrait ajouter : sémie valorisée au sein d’une taxémie (témoigne des inégalités qualitatives entre sémies).

*paratopie : relation entre les diverses lexicalisations partielles d’une même unité mésosémantique ou macrosémantique.

*parcours interprétatif : suite d’opérations permettant d’assigner un ou plusieurs sens à un passage ou à un texte.

*parcours interprétatifs polysémiotiques : « Il s’agit d’étudier dans le cadre d’une pratique sociale comment les divers systèmes de signes interagissent au sein de la strate sémiotique. […] Nous avons formulé l’hypothèse de représentations multimodales, qui sont les corrélats psychiques des perceptions multimodales, comme des parcours interprétatifs polysémiotiques. » (Rastier, 1994a, p. 212).

*perception sémantique : construction et reconnaissance de formes sémantiques ; ces opérations sont réglés par des opérations de type perceptif.

*période : unité textuelle composée de syntagmes qui entretiennent des relations de concordance obligatoire.

*pertinence : activation d’un sème. On distingue trois sortes de pertinence (linguistique, générique, ou situationnelle), selon que l’activation est prescrite par le système de la langue, le genre du texte, ou la pratique en cours.

*philologie : discipline qui établit et étudie les textes à tous leurs niveaux d’analyse, la philologie est le fondement de la linguistique. La philologie numérique traite des documents numérisés, y compris des textes multimédia.

*phrase : structure syntaxique d’un énoncé normé élémentaire.

*phraséologie  :syntagmes ou suites de syntagmes fortement intégrés.

*poly-isotopie : au sens restreint, propriété d’une suite linguistique comportant plusieurs isotopies génériques dont les sèmes isotopants sont en relation d’incompatibilité ; au sens large, propriété d’une suite comportant plus d’une isotopie.

*pratique sociale : activité codifiée qui met en jeu des rapports spécifiques entre le niveau sémiotique (dont relèvent les textes), le niveau des représentations mentales et le niveau physique.

*praxéologie : étude des performances sémiotiques dans leur relation avec les deux autres niveaux de la pratique, représentationnel et physique.

*problème interprétatif  : le plus simple est posé par la discohésion sémantique, par exemple la juxtaposition de sémies contradictoires.

*propagation : actualisation d’un sème afférent contextuel (propagation due au contexte) - « Les traits génériques se propagent plus ordinairement que les traits spécifiques, dont la propagation exige des contextes comme les métaphores ou les comparaisons. Parmi les traits génériques, les sèmes dimensionnels se propagent facilement (par exemple dans ce qu’on appelle les restrictions de sélection). Cela doit être rapporté au fait qu’ils indexent un grand nombre de sémèmes. Ensuite, viennent les sèmes domaniaux (responsables d’isotopies génériques qui participent à la définition des discours). Enfin les sèmes taxémiques, qui ne se propagent que dans des contextes fortement assimilateurs, comme les énumérations. » (Rastier, 1994a, p. 131).

*réalisme : dispositif mimétique instituant une impression référentielle de monde factuel (réalisme empirique) ou contrefactuel (réalisme transcendant).

*référence : rapport entre le passage ou le texte et la situation où il est produit et interprété. Pour déterminer une référence, il faut préciser à quelles conditions un passage ou un texte induit une impression référentielle.

*réseau associatif : ensemble des relations qui permettent d’identifier la récurrence d’une molécule sémique.

*rhétorique / herméneutique (problématique) : problématique peu unifiée, de tradition rhétorique ou herméneutique, qui prend pour objet les textes, discours et performances sémiotiques complexes dans leur production et leur interprétation. Centrée sur la communication et plus généralement la transmission, elle entend déterminer ses conditions historiques et ses effets individuels et sociaux, notamment sur le plan artistique.

*rôle : valence dialectique élémentaire d’un acteur. Chaque fonction confère un rôle à chacun des acteurs qui y participent.

*rythme sémantique : correspondance réglée entre une forme tactique et une structure thématique, dialectique ou dialogique ; le chiasme en est un exemple simple.

*sémantème : ensemble des sèmes spécifiques d’un sémème [=> ou d’une sémie].

*sémasiologie : description qui part d’une unité de l’expression pour étudier ses significations attestées ou possibles. V. onomasiologie.

*sème : élément d’un sémème [=> ou d’une sémie], défini comme l’extrémité d’une relation fonctionnelle binaire entre sémèmes [=> ou entre sémies]. Le sème est la plus petite unité de signification définie par l’analyse. Ex. : /extrémité/ dans ‘tête’.
Les sèmes sont dénommés par des paraphrases intralinguistiques (de longueur variable : de la lexie au syntagme complexe) elles-mêmes relatives à la langue décrite - « Ce sont des éléments de définition (non des descriptions de “l’objet” dénoté) » (Rastier, Sémantique et recherches cognitives, p. 103).
Les sèmes ne sont ni des traits référentiels, traits qui dans certaines sémantiques de la dénotation, sont autant de conditions nécessaires et suffisantes pour apparier une expression et un objet, ni des primitives ou archétypes, qui dans nombre de sémantiques structurales ou cognitives, sont autant d’atomes conceptuels indépendants des langues. (Notation /sème/).

*sème afférent : extrémité d’une relation anti-symétrique entre deux sémèmes appartenant à des taxèmes différents.
=> Nous pourrions ajouter : ou entre deux sémies appartenant à des taxémies différentes.
Un sème afférent est actualisé par instruction contextuelle. Ex.: /non alcoolisé/ pour ‘boisson’ dans l’énoncé : « Boisson : 0.60 € ; Bière : 0.90 € ».

*sème afférent socialement normé  : sème activé par une afférence socialisée sous-tendue par un axiome normatif ou topos externe.

*sème générique  : trait sémantique marquant l’appartenance du sémème [=> ou de la sémie] à une classe sémantique.

*sème inhérent : sème que l’occurrence hérite du type, par défaut. Ex.: /noir/ pour ‘corbeau’.

*sème spécifique : => Nous proposons la distinction suivante :

sème spécifique (sémème)  : différencie les sémèmes dans le contexte de lexies appartenant à une même classe. Les sèmes spécifiques notent des relations d’opposition entre sémèmes. Ex. ‘poir-’ et ‘pomm-’ dans le contexte de « poire » et « pomme » ou de « poirier » et « pommier » - mais non « poireau » et « pommeau » - (Rastier, 2001d, note 2, p. 154).

sème spécifique (sémie) : oppose la sémie à une ou plusieurs sémies de la taxémie à laquelle elle appartient. Ex. ‘mausolée’ s’oppose à ‘mémorial’ par le sème /présence du corps/.

*sémème : signifié d’un morphème. (Notation : ‘sémème’).

*sémie : signifié d’une lexie. (Notation : ‘sémie’).

*sens : ensemble des sèmes inhérents et afférents [génériques et spécifiques] actualisés dans un passage ou dans un texte. Le sens se détermine relativement au contexte et à la situation, au sein d’une pratique sociale.

*séquence : unité dialectique du niveau agonistique, constituée par homologation d’enchaînements isomorphes de fonctions.

*signification : signifié d’une unité linguistique, défini en faisant abstraction des contextes et des situations. Toute signification est ainsi un artefact. Seuls les morphèmes hors du contexte de la lexie, sont pourvus d’une signification (éléments de leur sémantème).

*signifié : contenu d’une unité linguistique.

*sociolecte : usage d’une langue fonctionnelle, propre à une pratique sociale déterminée.

*style : usage d’un sociolecte propre à un énonciateur ; norme idiolectale.

*successives : se dit d’isotopies lexicalisées alternant dans des séquences égales ou supérieures à la période.

*superposées : se dit d’un ensemble d’isotopies génériques dont l’une est lexicalisée et dont l’une au moins n’est pas lexicalisée. La construction des isotopies non lexicalisées s’opère en établissant des connexions symboliques.

*tactique : composante du contenu qui règle la disposition linéaire des unités sémantiques.

*taxème : classe doxale minimale de sémèmes, à l’intérieur de laquelle sont définis leurs sèmes spécifiques et leur sème microgénérique. Les grammèmes, tout comme les lexèmes, sont interdéfinis au sein de taxèmes.
Ex. (lexème) /fruits/ pour ‘poir-’ et ‘pomm-’ (les lexèmes  « poir-» et « pomm-» ayant  des contextes comparables à l’intérieur de la lexie - lexies : « poire » et « pomme »).
À noter : les sémèmes des morphèmes libres (ex. grammèmes libres : les prépositions), doivent être interdéfinis dans le cadre de syntagmes.
Ex. (morphème libre) On pourra opposer ‘à ’ et ‘de’ dans à Paris et de Paris (cf. « il vient à Paris », « il vient de Paris ») mais aussi ‘à ’, ‘par’ et ‘sur’ dans le paradigme à terre, par terre, sur terre (cf. Rastier, 1994a, Chapitre III, « La microsémantique », p. 59).

*taxémie : classe doxale minimale de sémies, à l’intérieur de laquelle sont définis leurs sèmes spécifiques et leur sème microgénérique. Ex. 1 /monument funéraire/ pour ‘mausolée’ et ‘mémorial’. On notera qu’ici il s’agit des sémies de deux lexies simples « mausolée » et « mémorial ». Ex. 2 /couverts/ pour ‘couteau’, ‘cuiller’, ‘fourchette’. Dans ce deuxième exemple, nous trouvons les sémies de deux lexies simples « couteau » et « cuiller », et d’une lexie complexe « fourchette ».

*texte : suite linguistique autonome (orale ou écrite) constituant une unité empirique, et produite par un ou plusieurs énonciateurs dans une pratique sociale attestée. Les textes sont l’objet de la linguistique.

*thématique : étude des thèmes, molécules sémiques du palier mésosémantique. 

*topique : étude des formes sémantiques stéréotypées.

*topos : 1. — interne : au sens général du terme, enchaînement récurrent d’au moins deux molécules sémiques ou thèmes. Cet enchaînement est un lien temporel typé pour les topoï dialectiques (narratifs) et un lien modal pour les topoï dialogiques (énonciatifs). Alors qu’un thème est récurrent au moins une fois dans le même texte, un topos réapparaît au moins une fois chez deux auteurs différents. 2. — externe : axiome normatif sous-tendant une afférence socialisée. Dans la théorie classique de l’argumentation, un topos est ce sous quoi tombe une multiplicité d’enthymèmes.

*translation : cette notion réunit les modes de transmission qui supposent une réélaboration interprétative : le commentaire, la traduction et la tradition.

*transposition : 1 — interne : changement de fond sémantique. 2 — externe : passage entre deux textes, deux discours, deux langues, voire deux sémiotiques.

*transsémiotique : sémiotique qui entend rendre compte de plusieurs langages au moyen d’une théorie unique.

*univers : ensemble des propositions ou unités textuelles attribuées à un acteur de l’énoncé ou de l’énonciation représentée.

*univers d’assomption : partie d’un univers sémantique composée des propositions attribuées à un acteur de l’énoncé ou de l’énonciation représentée.

*virtualisation : neutralisation d’un sème, en contexte.