Carine Duteil-Mougel : INTRODUCTION À LA SÉMANTIQUE INTERPRÉTATIVE
Chapitre III : LE PROJET D'UNE SÉMIOTIQUE DES CULTURES. LA PERSPECTIVE ANTHROPOLOGIQUE
« Sans opposer un relativisme frileux à un universalisme dogmatique, cela conduit à affirmer l’autonomie et la spécificité de la sphère culturelle, et à poursuivre, dans la direction tracée notamment par Cassirer, l’entreprise d’une philosophie des formes symboliques. Elle dessine les contours d’une sémiotique des cultures, et laisse discerner un projet refondateur pour les sciences sociales, encore victimes de diverses idéologies. » (Rastier, Arts et sciences du texte, pp. 275-276) |
Rastier intègre la sémantique interprétative et la linguistique qui l’inclut au projet d’une sémiotique des cultures [176]. Il adopte un point de vue sémiotique sur la culture et inscrit sa réflexion dans une perspective anthropologique [177], qui rompt avec la tradition ontologique dominante. Se dessine le programme d’une anthropologie sémiotique historique et comparée (épistémologie de la diversité), capable de fédérer les sciences de la culture [178] autour de la reconnaissance du caractère sémiotique de l’univers humain - caractérisation progressive des pratiques techniques et sémiotiques - et de la description des facteurs culturels dans la cognition humaine.
Les sciences de la culture, nécessairement différentielles et comparées [179], ont pour objectif la caractérisation des cultures [180] et des objets culturels qui les composent, au premier chef les langues et les textes. Font partie de ces sciences des disciplines comme les ethnosciences, l’anthropologie, la paléontologie, l’éthologie humaine, l’archéologie, la linguistique historique et comparée, disciplines au sein desquelles une conception nouvelle de la genèse des cultures [181] et de l’émergence du monde sémiotique [182], devrait se poursuivre et rejoindre le projet sémiotique de Saussure [183].
La réflexion sur le sémiotique en tant que domaine scientifique - plutôt que sur la sémiotique en tant que discipline scientifique - amène à privilégier l’étude des performances sémiotiques complexes dont les textes [184]. La première entreprise d’une sémiotique des cultures consiste alors en l’étude des textes ; maintes disciplines y participent au premier rang desquelles la linguistique - entendue comme sémiotique des langues et des textes - et en son sein, la sémantique interprétative.
1. Le dispositif
Rastier (2001e, dédicace, p. 237) cite Ernst Cassirer (1933) :
« La représentation « objective » […] n’est pas le point de départ du processus de formation du langage, mais le but auquel ce processus conduit ; elle n’est pas son terminus a quo, mais son terminus ad quem. Le langage n’entre pas dans un monde de perceptions objectives achevées, pour adjoindre seulement à des objets individuels des signes purement extérieurs et arbitraires ; mais il est lui-même un médiateur par excellence, l’instrument le plus important et le plus précieux pour la conquête et pour la construction d’un vrai monde d’objets. »
Voici le dispositif présenté par Rastier :
Rastier relativise et spécifie l’opposition entre Umwelt - le monde propre des individus - et Welt, tels que ces concepts sont définis par Uexküll (1934).
« Les “états internes” des sujets humains sont des
présentations
[185] - non des représentations, car ils apparaissent dans
des couplages spécifiques entre l’individu et son entour mais
ils ne représentent pas pour autant cet entour ou ce
couplage. Le substrat, notamment physique, de l’entour, le
Welt venant en arrière-plan, nous l’appellerons
arrière-monde. Ainsi souhaitons-nous réarticuler les
oppositions entre le phénomène et l’objet, l’événement et le
fait.
L’entour est composé des niveaux présentationnel et sémiotique
des pratiques. Le niveau physique n’y figure pas en tant que
tel, mais en tant qu’il est perçu, c’est-à-dire dans la mesure
où il a une incidence sur les présentations (“d’objets” ou de
signifiants) ; aussi nous empruntons à Thom le terme de
phéno-physique. » (Rastier, 2002, p. 247).
Il souligne la spécificité sémiotique de l’environnement humain :
« Le caractère cumulatif de la translation a permis un accroissement continu de l’entour humain. Pour beaucoup d’espèces animales, l’entour varie selon le sexe, et parfois les phases de l’ontogenèse. Pour la nôtre, avec d’une part la différenciation des langues et des territoires, puis la division du travail et la création des arts, sciences et techniques, la partie sémiotique de l’entour s’est diversifiée de façon incomparable, dans l’espace comme dans le temps [186] » (Rastier, 2003b, p. 21).
Selon lui, l’autonomie et la spécificité de la sphère sémiotique ont été négligées, voire ignorées par la linguistique moderne, « or les sciences de la culture, propres à la sphère sémiotique, ont à produire le sens, le transcrire, le transposer dans le temps, le traduire dans l’espace : pour elles, expliquer, c’est déployer des conditions, non chercher des causes. » (Rastier, 2001d, p. 106).
Rastier précise que toute performance sémiotique participe d’une pratique - sans la refléter pour autant - et qu’un cours d’action met en jeu les trois niveaux de la pratique : (re)présentations, performances sémiotiques et niveau phéno-physique, ainsi que les deux interactions : (i) du sémiotique au (re)présentationnel, (ii) du sémiotique au phéno-physique –« qui jointes ensemble constituent ce que nous avons nommé la médiation sémiotique [187] » (Rastier, 2003c, note 1, p. 222).
Nous disposons en annexe (annexe1) un schéma qui explicite les trois niveaux anthropiques des pratiques.
« À ces trois niveaux [188], en jeu dans toute pratique (définie comme un mode réglé de leur interrelation), on peut faire correspondre, selon l’importance prépondérante qu’ils prennent, trois praxéologies ou théories de l’action : la praxéologie représentationnelle comprend les arts de mémoire, le raisonnement, l’effort mémoriel, etc. ; la praxéologie sémiotique concerne la génération et l’interprétation des performances sémiotiques ; la praxéologie physique intéresse en premier lieu l’activité technique et productive. » (Rastier, 2003b, p. 25)
Niveau des (re)présentations
Niveau sémiotique médiation
sémiotique
Niveau phéno-physique
Selon Rastier, la médiation sémiotique entre niveau phéno-physique et niveau (re)présentationnel, est caractéristique de la cognition humaine et la définit sans doute comme telle (cf. 2001d, p. 284) – « Elle rend possible, par l’autonomisation - relative - du niveau sémiotique, la médiation symbolique [189]. » (Rastier, 2001c, p. 198).
2. Les zones anthropiques de l’entour humain
Rastier s’intéresse tout particulièrement aux caractéristiques de l’entour humain et aux conditions de sa transmission [190]. Il examine quatre ruptures catégorielles qui caractérisent le niveau sémiotique de l’entour, et auxquelles il confère une portée anthropologique [191] : la rupture personnelle, la rupture locale, la rupture temporelle, et la rupture modale.
Il établit des correspondances entre ces ruptures qui l’amènent à distinguer trois zones - dites anthropiques - de l’entour humain : la zone identitaire (zone de coïncidence), la zone proximale (zone d’adjacence), et la zone distale (zone d’étrangeté). Cette dernière zone, sans substrat perceptif immédiat, qui permet de parler de ce qui n’est pas là, est spécifique de l’entour humain [192] - « La zone proximale, où par exemple les congénères sont reconnus pour tels, appartient vraisemblablement aussi à l’entour des autres mammifères ; en revanche, la zone distale reste spécifique de l’entour humain, sans doute parce qu’elle est établie par les langues. » (Rastier, 2002, p. 250). Rastier précise que cette zone est établie et configurée par l’activité sémiotique : « L’énonciation consiste alors à passer du distal absent au signe proximal présent, par une inhibition qu’on nomme ordinairement actualisation. En d’autres termes, le choix d’un signe, décrit comme activation, s’accompagne de l’inhibition de son antonyme et des autres signes appartenant à la même classe. Ce processus de sélection paradigmatique est caractéristique des langues humaines, par opposition aux langages animaux. Il est lié à la conquête de l’absence par notre espèce, bref à ce que l’on pourrait appeler la phylogenèse de la zone distale. » (ibid., pp. 263-264).
|
Zone identitaire
|
Zone proximale |
Zone distale |
Personne Temps |
JE, NOUS MAINTENANT |
TU, VOUS NAGUÈRE BIENTÔT |
IL, ON, ÇA PASSÉ FUTUR |
Espace |
ICI |
LÀ |
LÀ-BAS AILLEURS |
Mode |
CERTAIN |
PROBABLE |
POSSIBLE IRRÉEL |
2.1. Frontières et mondes
Zones identitaire et proximale, séparées par une frontière empirique, forment ce que Rastier nomme le monde obvie ; la zone distale, séparée des deux autres par la frontière transcendante, forme quant à elle le monde absent.
Rastier prolonge son analyse en s’intéressant aux objets de la frontière empirique [194], et à ceux de la frontière transcendante [195]. Les premiers sont appelés fétiches ; les seconds, idoles.
Frontières |
||
Niveaux |
Frontière empirique Fétiches |
Frontière transcendante Idoles |
Niveau présentationnel |
Fantasmes |
Théories |
Niveau sémiotique |
Objets transitionnels Parures |
Œuvres, codes |
Niveau physique |
Outils |
Objets rituels |
2.2. La médiation symbolique
La médiation symbolique rend compte des relations entre les trois zones anthropiques. L’expression médiation symbolique est reprise de Clifford Geertz, 1972, The Interpretation of Cultures : Selected Essays.
« Alors que la philosophie du langage se préoccupe des relations entre le monde physique et les représentations, la sémiotique et la linguistique doivent traiter du rapport dynamique entre les trois zones de l’entour, c’est-à-dire de la médiation symbolique. Les parcours d’énonciation et de compréhension consistent en des passages constants d’une zone à l’autre. » (Rastier, 2001c, pp. 198-199).
Rastier souligne le rôle des genres :
« Les genres semblent participer de deux médiations complémentaires : la médiation symbolique qui articule l’individuel et le social (cf. Clifford Geertz, 1972), comme la médiation sémiotique qui sépare le physique du représentationnel. » (Rastier, 2001d, p. 272).
2.3. Trois sortes d’action
Rastier distingue trois sortes d’action, selon les zones
anthropiques mises en jeu. La première sorte est
intrazone, les deux autres sont interzones :
(i) Il appelle activité, l’action qui se déploie dans
la zone identitaire. Ex. varier la posture, se gratter,
etc.
(ii) Il réserve le nom d’action à la mise en relation
entre la zone identitaire et la zone proximale. Ex.
l’action technique.
(iii) Il emploie le terme d’acte pour la mise en
relation des zones identitaire et proximale avec la zone
distale. Ex. l’acte rituel.
« En somme, l’activité ne se transforme en action que dans une pratique sociale, et en actes (qui supposent assomptions et responsabilité éthique) que par la sanction de cette pratique. Nos activités deviennent des actions dès lors que nous leur trouvons un but, et des actes dès lors que ce but est socialement sanctionné. » (Rastier, 2001c, p. 200).
3. L’incidence des zones anthropiques aux trois paliers
de la description linguistique
Pour conclure ce chapitre, nous présenterons de façon succincte les travaux de Rastier sur l’incidence des zones anthropiques aux trois paliers du mot [196], de la phrase [197], et du texte.
Au palier du mot, Rastier souligne que les grammèmes marquent les relations entre les zones anthropiques. Il remarque alors que l’opposition entre grammèmes et lexèmes semble corrélée à l’opposition entre frontières et zones : « les lexèmes correspondent à des positions dans les zones, et les grammèmes à des opérations intra-zones ou inter-zones. » (Rastier, 2002, p. 255).
Il propose des représentations dynamiques de classes lexicales minimales (taxèmes) possédant une structure scalaire.
« En modélisant des classes lexicales minimales (les taxèmes), on a remarqué que certaines ont une structure scalaire : exemple : un peu, beaucoup, passionnément ou bleu, saignant, à point, bien cuit. Ces structures simples sont souvent redoublées par des évaluations qui introduisent des inégalités qualitatives et évoluent historiquement. Elles sont articulées par deux sortes de frontières : les frontières de type I correspondent à des seuils d’intensité, et les frontières de type II à des seuils d’acceptabilité (par exemple, “chaud” et “brûlant” ne sont séparés par aucune métrique, mais simplement par une inversion de polarité évaluative). […]
Alors que les théories représentationnelles de la signification ne parviennent pas à rendre compte des inégalités qualitatives, distinguer des zones évaluatives au sein du taxème permet de rompre avec la théorie représentationnelle de la signification, car aucune métrique ne permet de distinguer le grand de l’immense ou le froid du glacial. » (Rastier, 2002, pp. 255-256).
Au palier de la phrase, Rastier examine les structures sémantiques de l’actance. Les distinctions qu’il effectue s’appuient sur la théorie des zones actantielles proposée par B. Pottier (1992, Sémantique générale, Paris, PUF, pp. 124-127).
Il distingue deux formes de l’actance primaire : (i) intrazone : c’est le cas de la réflexivité, ou de la transitivité entre contenus de même zone ; (ii) interzone : l’actance interzone se distribuant en trois couplages (identitaire-proximal, proximal-distal ou identitaire-distal). Il définit les actants primaires : le nominatif et l’attributif, l’ergatif et l’accusatif, le destinateur et le destinataire. L’actance secondaire comprend quant à elle les actants « débrayés » par rapport au processus en cours dans l’actance primaire : le final et le causal (actants initiaux) ; le bénéfactif et le résultatif (actants finaux) - « Plus précisément, la zone d’actance secondaire correspond à la zone distale quand le nominatif et l’accusatif sont indexés dans les zones identitaire et proximale. » (Rastier, 2002, p. 257). Rastier indique alors des zones de prédication : (i) l’attribution : les prédications attributives intrazones correspondent aux propositions dites analytiques ; les prédications attributives interzones, aux propositions synthétiques ; (ii) les prédications non attributives : on distingue trois sortes de transitivité [198] (identitaire-proximale, proximale-distale, identitaire-distale) ; (iii) la circonstance : les circonstants [199] situent l’énoncé et ses actants par rapport aux zones, sur les axes temporel, spatial, modal et identitaire.
Le transit actantiel « complet » comporte alors cinq phases : il part des actants distaux initiaux [agentif, causal], puis passe aux actants proximaux initiaux [ergatif, destinateur], puis aux actants identitaires [nominatif, attributif], ensuite aux actants proximaux finaux [accusatif, destinataire], enfin aux actants distaux finaux [bénéfactif, final].
Au palier du texte, Rastier étudie le récit en précisant les
parcours narratifs entre zones. Il prend l’exemple du récit
canonique de la narratologie greimassienne, dérivé par le
conte merveilleux de l’épopée indo-européenne, et qui articule
un double parcours :
- l’entrée du héros dans l’espace utopique du distal.
- puis son retour dans l’espace topique de l’identitaire et du
proximal.
Cette distinction entre espace topique et espace utopique permet de représenter le récit comme une série de passages entre des espaces valués - les passages étant figurés par des fonctions de déplacement (certaines permettant sans doute de figurer le franchissement de frontières anthropiques). Soit, schématiquement la succession suivante :
Espaces |
Topique initial = dévalué [situation de manque] Ex. le village |
Utopique où se situent les épreuves successives
= espace éloigné Ex. la forêt |
Topique final = valorisé [200] Ex. le palais du roi |
Valeurs |
Manque |
Affirmation |
Réintégration |
Zones |
Identitaire/Proximale |
Distale |
Identitaire/Proximale |
Nous avons adopté dans ce travail la perspective herméneutique, considérant, à la suite de François Rastier, que le couplage de l’interprète aux textes, y compris aux textes scientifiques, est médiatisé par la pratique en cours - « Le caractère critique d’une sémantique des textes tient aussi à la reconnaissance que l’interprétation est située, sans pour autant exciper d’une obscure traditionalité. » (Rastier, 1995a, p. 180).
« Si le commentaire contient une reprise au moins partielle du texte commenté, cette présence suffit à le modifier : notamment, dans ce nouveau contexte, ses mots peuvent changer de signification, mais aussi déployer des possibilités sémantiques qui n'étaient pas actualisées dans le texte source, mais restent plausibles. De la même façon, une même phrase voit son sens varier quand on modifie ses contextes, comme la pragmatique l'a amplement constaté. Et il en va de même quand un texte se trouve réutilisé, en tout ou partie, et le cas du commentaire illustre un principe général. Toute citation appartient au texte qui la cite, non plus à celui dont elle est extraite. En cela, le commentaire continue la création au lieu de s'y opposer, et l'on aurait mauvaise grâce à ne voir là que répétition. Comme le sens n'est pas immanent au texte, mais à la situation d'interprétation, il change avec elle. » (Rastier, 1995a, p. 175).
Sur le plan épistémologique, nous considérons que cette Introduction s’inscrit dans le champ de l’interprétation et de la transmission.
« Un texte ne s'écrit pas à partir d'états de choses, de concepts ou d'états d'âme, mais à partir d'autres textes, qu'il reprend, transforme ou contredit. Alors font sens non seulement les relations internes qui unissent ces unités, mais la distance avec les textes dont elles proviennent, et notamment le texte source, dans le cas particulier du commentaire. La tradition se concrétise dans le texte de l'interprète par la présence de sa source et par l'histoire interprétative qui précise les modes de cette présence, sous les deux formes opposées de la continuation : la rupture et l'approfondissement. Ainsi un texte peut-il devenir inépuisable, pour autant qu'on ne cesse de le commenter. Il se renouvelle par notre désir de lui trouver du sens. Ainsi le présent peut devenir nouveau, et non simplement actuel.» (Rastier, 1995a, p.178).
NOTES
[176] Expression qui renvoie implicitement à l’Ecole de Tartu.
« La sémiotique des cultures n’est pas à vrai dire une discipline, mais le projet même de redéfinir la spécificité des sciences humaines et sociales : les cultures embrassent la totalité des faits humains, jusqu’à la formation des sujets. Elles restent cependant difficiles à concevoir, faute précisément d’un point de vue sémiotique sur la culture. En d’autres termes, c’est la reconnaissance de la spécificité et de l’autonomie relative du monde sémiotique qui permet de délimiter le champ des sciences de la culture, et d’en finir avec le dualisme traditionnel qui commande la division proposée par Dilthey entre les “sciences de la nature” (Naturwissenschaften ) et les “sciences de l’esprit” (Geisteswissenschaften ). » (Rastier, 2001c, p. 214).
[177] « En problématisant la philosophie transcendantale par sa théorie de l’objet culturel, la philosophie de Cassirer a reconnu l’existence et la légalité propre du monde sémiotique. La culture peut devenir alors un domaine d’objectivité fédérateur des sciences humaines. L’anthropologie sémiotique, dont l’anthropologie linguistique est une part, quitte alors le domaine de la philosophie pour celui des sciences sociales. Son objectif est de poursuivre le mouvement de la linguistique historique et comparée, pour l’étendre aux autres systèmes de signes, à la musicologie comparée, par exemple. » (Rastier, 2001c, p. 187).
[178] L’expression sciences de la culture est empruntée à Cassirer - Zur Logik der Kulturwissenschaften.
[179] La diversité des cultures conduit à l’adoption d’un point de vue cosmopolitique (cosmopolitisme méthodologique) ou interculturel - et non pas nationaliste.
[180] Selon Rastier, le processus de caractérisation, progressif et indéfini, est définitoire des sciences de la culture - « Corrélativement, l’unicité de l’objet, qui culmine dans l’œuvre d’art non reproductible, peut devenir caractéristique de l’objet culturel. » (Rastier, 2001d, p. 279).
[181] « il manque encore un grand programme de recherches coordonnées sur la genèse des cultures : ce chaînon encore manquant permettrait de mieux lier l’hominisation, comme évolution biologique, et l’anthropisation comme rupture culturelle. » (Rastier, 2002, avant-propos, p. 2).
[182] Selon Rastier, l’autonomie et la complexité du sémiotique sont liées à la transmission du patrimoine sémiotique, qui a accompagné et permis la genèse des cultures. « Ce moment de la phylogenèse se continue dans l’histoire, avec un détail temporel plus fin. L’apprentissage, défini comme un processus d’héritage des valeurs et des signes, le spécifie encore dans l’ontogenèse. Le temps culturel fait ainsi médiation entre le temps de l’espèce et celui de l’individu. » (Rastier, 2003b, p. 21).
[183] La voie de la sémiotique générale a été ouverte par Saussure et Hjelmslev.
[184] « Au niveau sémiotique, l’herméneutique matérielle, entendue comme organon de la sémiotique des cultures, décrit les cours d’action sémiotiques. Discipline subordonnée, la sémantique interprétative prend spécifiquement pour objet le sens des textes. » (Rastier, 2001c, p. 212).
[185] Rastier adapte le concept de présentation, repris de Brentano, le maître de Husserl.
[186] La diversification des pratiques techniques et sémiotiques apparaît comme caractéristique des cultures humaines ; elle les distingue des “cultures” animales, découvertes il y a peu.
[187] Cf. infra, Figure 2.
[188] « Sans réduire les uns aux autres, ni même les hiérarchiser, il faut au contraire tenir compte, dans toute pratique, des facteurs physiques, sémiotiques et présentationnels. » (Rastier, 2001c, p. 212).
[189] Cf. infra, Figure 6.
[190] Rastier explore trois champs de transmission : (i) La mort biologique, qui affecte toutes les espèces, mais que seule l’espèce humaine connaît. (ii) Le rêve, qui fait pour nous l’objet de récits (souvent considérés comme auguraux). (iii) La loi, qui reste une formation purement sémiotique.
[191] Ces quatre ruptures semblent diversement attestées dans toutes les langues décrites ; elles sont généralement grammaticalisées.
[192] « Le substrat physiologique du distal semble lié au développement exceptionnel et récent chez l’homme du cortex préfrontal, où précisément se traite la perception des objets absents. » (Rastier, 2002, p. 262).
[193] Rastier mentionne une troisième frontière, ou frontière extatique, qui met directement en relation la zone identitaire et la zone distale, sans aucune médiation proximale. Selon lui, les thèmes mystiques du retrait, de la sécession et de l’illumination en dérivent, vraisemblablement.
[194] Aux trois niveaux anthropiques que sont le présentationnel, le sémiotique et le physique.
[195] id.
[196] Il s’agit davantage des paliers du morphème et de la lexie ; cf. supra, chapitre 1.
[197] Il s’agit davantage du palier de la période ; cf. supra, chapitre 1.
[198] La transitivité au sens fort de passage de frontière.
[199] « Les circonstants correspondent aux cas LOCATIFS (spatiaux, temporels, modaux, thématiques), qui ont pour fonction d’affecter les contenus dans les zones : on peut ainsi distinguer les locatifs coïncidents, les incidents et les excidents. » (Rastier, 1998c, p. 456).
[200] « La dialectique des valorisations pourrait être inversée pour produire un récit de déchéance. Les péripéties, les épreuves et les déplacements peuvent se multiplier, il n’en reste pas moins que l’instance de médiation se situe dans la zone distale, et l’on pourrait définir le mythe comme un récit où le nœud de l’intrigue se situe dans cette zone, ce qui justifie sa sacralité. » (Rastier, 2002, p. 260).