Exploiter des données morphosyntaxiques pour l'étude statistique des genres -
Application au roman policier

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Synthèse et perspectives

Nous constatons au terme de cette étude que l'individu moyen initial POLICIER ne représente pas tant la spécificité du roman policier par rapport au roman sérieux que la branche du policier encore proche d'une écriture traditionnelle. Ce n'est pas sous l'angle de la moyenne, mais du parangon qu'il faut cherche une représentation fidèle du genre tel qu'il apparaît dans sa pleine autonomie : l'identification des caractéristiques du roman noir via la définition de l'individu POLAR est passée nécessairement par l'isolement d'auteurs-phares faisant date dans l'histoire du genre. Le travail plus restreint sur les romans de Manchette montre enfin qu'il est possible d'identifier, au sein de cet « individu multi-modèle », les influences marquantes de chaque auteur, et qu'il est indispensable pour cela de tenir compte de l'élément diachronique en les replaçant dans un contexte historique.

L'étude particulière menée sur le roman policier nous permet de répondre partiellement aux problèmes méthodologiques soulevés par l'étude des genres textuels. D'une part, elle valide pleinement un travail fondé sur les variables morphosyntaxiques et la ponctuation, et montre que ces éléments sont à même de donner une représentation de la spécificité des genres. D'autre part, elle montre que l'étude des genres doit se faire non seulement en corpus, mais surtout de manière constrastive en prenant en compte la dimension historique et évolutive des genres.

Enfin, elle nous appelle à nous interroger sur la validité d'une étude purement statistique, tant il est vrai qu'au cours de cette recherche nous avons fait appel à des connaissances sur le genre policier, son évolution et ses auteurs les plus marquants pour orienter nos recherches, valider des hypothèses et expliquer certains écarts. L'orientation vers la recherche non plus de moyennes mais de parangons découle de cela ; elle nous invite à penser qu'il est nécessaire pour une définition des genres, du moins littéraires, d'apporter à l'analyse des connaissances extérieures aux textes.

Pour vérifier cela, il apparaîtrait souhaitable dans une autre série d'analyse de faire identifier de manière totalement automatique, à l'aide d'outils logiciels particuliers, les éléments discriminants du roman policier et du roman noir, afin de voir si les distinctions que nous avons mises à jour peuvent être retrouvées sans intervention extérieure. Il pourrait également être intéressant de disposer de l'ensemble des individus constituant la classe « roman sérieux », ainsi que des romans contemporains non policiers afin de valider nos hypothèses par une opposition chronologiquement homogène. Plus généralement, il apparaît important de tester notre méthode d'analyse sur des discours et des champs génériques totalement étrangers à la littérature, afin de voir si la nature littéraire de notre corpus ne nous oblige pas à développer des approches spécifiques aux problèmes que pose l'étude des romans.

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