Yves-Marie Visetti : Formes et théories dynamiques du sens
6. Epistémologie et sciences cognitives
Qu’on me permette maintenant d’avancer par série de points. Cela m’évitera les tourments et les pièges d’un discours plus lié, qui pourrait paraître doctrinal ; et un peu plus de facilité, de clarté, viendront peut-être. Qu’on se rassure toutefois, on n’en viendra pas au niveau de l’aphorisme ou de la maxime, et malheureusement pas à celui de l’anecdote, qui pourrait être instructive. On circulera plutôt, librement, de la simple déclaration d’intention au programme de recherche, du résumé de thèses épistémologiques jusqu’à des considérations un peu plus développées. Certains passages relèveront de l’historiographie des milieux scientifiques traversés. D’autres s’approcheront d’une politique de la science, rêvée par l’un de ses fantassins.
6.1. Epistémologie, théories et modèles
C’est en tant que modélisateur que je suis venu aux sciences du langage et aux sciences cognitives. En ce temps-là (disons, à partir de 1985 pour ce qui me concerne), le développement des sciences de la cognition, l'influence qu'elles exerçaient sur d'autres champs disciplinaires (qui connaissaient les uns après les autres leur «tournant cognitif»), reposaient pour une grande part sur une activité de modélisation sans précédent, soutenue par la disponibilité croissante de l'outil informatique. Mais est-ce toujours le cas ? L’essor des neurosciences et de l’imagerie cérébrale n’a-t-il pas transformé la donne ? Peut-on, mieux qu’alors, distinguer les justes parts de la modélisation ? A titre de témoignage, je voudrais reproduire ici quelques extraits d’un texte rédigé naguère (janvier 1992) en compagnie de quelques collègues, avec qui nous tentions de créer un groupe de travail centré sur la modélisation des systèmes cognitifs et sociaux [59]. Nous cherchions en fait à promouvoir certaines classes de modèles (topologico-dynamiques), encore assez mal acceptés à l’époque. En même temps, nous appelions à trouver un meilleur équilibre entre épistémologie et modélisation, et à ne pas entretenir de confusions sur le statut des modèles. Voici ce que nous écrivions :
En se rapportant ainsi à la simplicité relative, à la maniabilité et à la figurabilité des modèles, les représentations créées par les disciplines cognitives ont acquis une vitalité, une contagiosité, une polyvalence considérables. Des approches purement «descriptives» ou «théoriques» parviendraient difficilement aux mêmes résultats, quels que soient par ailleurs leur raffinement et leur précision propres. La modélisation, en tant que construction analogique ou figurative des concepts (via les mathématiques et l’informatique), semble ainsi être devenue une modalité ou un corrélat obligé de toute pensée scientifique. Elle n'est donc pas seulement une exploration locale de tel ou tel objet de la technoscience, elle est aussi une heuristique des concepts les plus théoriques de la science elle-même […]
De nouveaux champs ou variantes disciplinaires apparaissent ainsi comme des effets simultanés de la circulation des paradigmes, des entreprises interdisciplinaires, et du passage à la modélisation. Par exemple, cognitivisme, connexionnismes, et énactivisme se retrouvent respectivement dans l'IA ou la psychologie cognitive classiques pour le premier, dans les modèles subsymboliques de la cognition ou dans ceux, d'inspiration plus neurophysiologique, de la perception visuelle ou auditive pour les seconds, et dans le domaine plus récent des recherches sur la vie artificielle en même temps que dans l'éthologie ou l'étude du système immunitaire pour le troisième. De la même manière, les formalismes développés par la physique des milieux désordonnés (modèles d’Ising) sont mis à contribution en économie dans l’étude des phénomènes collectifs, qu’ils s’agissent des contagions d’opinions ou de la formation des normes de coopération.
Le nomadisme des concepts, leur polysémie active, et leur expression sous forme de modèles sont donc dès à présent des éléments-clés du contexte scientifique et technique de l'étude des systèmes cognitifs. Organiser ou tout au moins comprendre cette circulation, expliciter cette polysémie, construire et évaluer ces modèles sont donc des tâches fortement interdépendantes : une théorie ou une argumentation sans modèle risque fort de paraître vide, et de leur côté les modèles sans cadre épistémologique resteront peu significatifs (ou bien sources de méprises fort coûteuses). Certes la Science n'est nulle part une force dénuée de toute réflexivité. Mais ici, c'est par définition, en quelque sorte, que les disciplines doivent à la fois penser et opérer.
Dans ces conditions, l'hétérogénéité des principes modélisateurs et des cadres épistémologiques, qui accompagne le foisonnement des recherches, peut engendrer des ignorances et des préjugés dommageables pour la recherche théorique comme pour sa valorisation technologique. Les conflits d'écoles, de paradigmes, de disciplines, doivent donc être explicités le plus clairement possible et portés à la connaissance de tous, dès le niveau étudiant. C'est le seul moyen d'empêcher que les diverses clôtures organisationnelles de la galaxie cognitive, qui sont parfaitement naturelles, ne se transforment en féodalités.
Bien que cette nécessité d'un couplage fort entre modélisation et épistémologie commence à être assez largement reconnue en France, en particulier grâce aux efforts constants d'institutions fédératrices, elle n'a pas encore conduit à l'émergence de groupes dont le programme de recherche prenne explicitement en charge cette problématique : c'est trop souvent à des endroits et dans des cercles différents que les chercheurs doivent nouer, tant bien que mal, ces deux composantes inséparables de leur activité, avec tous les problèmes d'efficacité et parfois de légitimité que l'on peut constater.
Nous souhaitons donc créer les conditions institutionnelles pour un groupe de recherche en modélisation des systèmes cognitifs et coopératifs. Cette recherche doit associer de manière explicite, étroite et permanente modélisation, épistémologie et mathématisation dans les sciences de la cognition.
Le couplage entre modélisation et épistémologie nous conduira d'une part à entreprendre des modélisations toujours soucieuses de leurs bases et implications épistémologiques et d'autre part à développer une épistémologie par et pour la modélisation, qui devient de ce fait une épistémologie exploratoire et «expérimentale».
Par ailleurs, nous considérons que l'intérêt d'une mathématisation des théories et des techniques des disciplines cognitives est encore trop largement méconnu, notamment en IA : il ne s'agit pas seulement ici d'obtenir une plus grande généralité et un meilleur contrôle sur les conditions applicatives, mais il s'agit également de permettre une véritable schématisation des concepts théoriques descriptifs par l'intermédiaire des structures à la fois formelles et intuitives des mathématiques. Dans cet esprit, les méthodes topologiques, géométriques, dynamiques, doivent être promues au même titre que les méthodes symboliques ou numériques dans la construction des modèles.(on peut citer par exemple la théorie des singularités et la théorie des systèmes dynamiques, qui sont de première importance pour la modélisation de la perception, celle de la dynamique économique, et la théorie des réseaux connexionnistes).
Ce groupe de recherche en modélisation doit être pluraliste, et aucun des paradigmes, domaines et disciplines des sciences cognitives n'en est a priori exclu : cognitivisme, connexionnisme, vie artificielle, etc. En même temps, le côté instrumental, le développement des outils, font partie intégrante de cette réflexion de fond. Le groupe doit donc disposer d'une compétence opérationnelle importante. Pour cette raison entre autres, les liens avec l'IA et l'informatique doivent être solides, de même qu'avec les enseignements de DEA de Sciences Cognitives.
La suite du texte distinguait, sous le
terme générique de modélisation, plusieurs dimensions
distinctes de la recherche. Nous proposions en particulier
de distinguer plus soigneusement :
Il en découlait les préoccupations
suivantes :
C’était donc en janvier 1992. Relisant aujourd’hui ce tract jauni, qui nous donne une occasion de réaliser à quel point ce qui est banal aujourd’hui (mais est-ce si banal ?) peut être appelé à disparaître une deuxième fois demain, je ne peux m’empêcher de revenir aux points suivants.
Le distinguo introduit entre modèles cognitifs ‘proprement dits’, et modèles d’épistémologie expérimentale, partait de l’intention excellente de justifier, et en même temps, de cantonner, l’autonomie du modélisateur dans l’exploration libre des grands paradigmes, et de leurs schèmes les plus génériques. Mais par le fait-même, on faisait quelque peu oublier qu’une part importante du travail, dans tous les cas, ne prend sens, et même souvent ne peut commencer, qu’avec un surcroît d’épistémologie et de théorie. Le problème est alors de savoir d’où on tire cette épistémologie, cette théorie, et comment, partant de là, on les élabore. Il est aussi d’admettre la complexité herméneutique de la modélisation.
Les leurres liés à la modélisation ne sont pas moins répandus aujourd’hui qu’hier, ni moins importants que ceux que peuvent véhiculer des théories non modélisables. Combien de collègues rencontrons-nous qui se montrent impressionnés par trois sous de formalisme ? Espérons en leur hypocrisie. Au-delà de ces attitudes ‘scientifiquement correctes’, c’est toute la place singulière de la théorie qui se brouille, en raison d’une indexation privilégiée du travail scientifique sur les modèles. Qu’est-ce que la théorie, dans ces conditions ? Si c’est de l’épistémologie, on sait ce qu’il en advient dans l’urgence artificiellement entretenue du processus scientifique ‘primaire’. Si c’est toujours déjà de la modélisation, c’est d’emblée l’asservir aux instruments et aux schèmes d’objectivation en place. Une théorie doit alors ressembler à un modèle qui l’exploiterait (c’est à peine, d’ailleurs, si l’on peut encore marquer ces distinctions pour les théories formalisées : il ne reste plus que l’effectivité informatique, qui est censée montrer que ‘ça marche’). En somme, lorsque la modélisation définit les objectifs, la théorie doit être quelque chose de déjà disponible, qui doit pouvoir ‘s’appliquer’, peut-être même ‘s’implanter’, tout simplement. Or, une théorie, en sciences humaines en tout cas, n’existe qu’en tant qu’on l’élabore ; plus encore, elle n’existe vraiment que pour ceux qui l’élaborent et la discutent, et non pour ceux qui prétendent l’appliquer.
Plusieurs voies, furtivement mentionnées dans notre texte, sont devenues à présent non problématiques dans de larges zones institutionnelles. Citons :
Reste évidemment à comprendre les sens divers que prend cette interaction. S’agit-il d’une submersion totale des problématiques par les divers cognitivismes ? Toujours pas, pas encore. Les turbulences que j’ai traversées, dès le milieu des années 1980, était effectivement liées à l’affrontement des cognitivismes rivaux, plus tard compliqué par l’essor des problématiques émergentistes, constructivistes, énactivistes, qui sont venus leur disputer le terrain (cf. supra, fin de la section 4). Or il semble qu’un modus vivendi ait été trouvé depuis, sous l’égide de la naturalisation et des neurosciences. Des niches écologiques relativement exiguës accueillent les autres sensibilités. Si l’on voulait localiser une frontière polémique qui serait l’analogue de celle sur laquelle nous nous tenions alors, c’est à l’articulation des sciences de la culture et des sciences cognitives qu’il faudrait désormais se placer (cf. infra, 6.4).
Nous avons évoqué plus haut le risque d’un écrasement de l’épistémologie sur la modélisation (dans les milieux cognitifs ou linguistiques concernés de près par la modélisation, et peut-être même ailleurs), et souligné ce qui l’accompagne le plus souvent : l’effacement, ou la complète délégation à d’autres, du moment théorique. Des remarques comparables peuvent être faites à propos de la philosophie, quand elle s’aventure sur les mêmes territoires. Nous avons pu observer plusieurs scénarios peu satisfaisants. Rejetée par exemple dans un arrière-plan culturel, où elle tient lieu de faire-valoir à tel ou tel paradigme, elle n’en sort que pour se faire illico naturaliser. L’idée qu’un écart, ou qu’un reste, puisse être alors scientifiquement intéressant, et doive être explicité à ce titre (et non, ce qui serait autre chose, pour défendre le sens philosophique contre une appropriation scientifique indue), ne semble pas passer par la tête des intéressés, tant est fort le préjugé que l’intérêt scientifique de la philosophie passe désormais entièrement par une naturalisation. Ou alors – autre cas de figure – il arrive que la philosophie n’ait pas à être naturalisée, car elle l’est déjà. Présente au laboratoire dans le rôle d’intellectuelle organique, elle ne dédaigne pas d’enfiler la blouse blanche, et se trouve occupée à rédiger elle-même les programmes de recherche, pour en prêcher d’avance les conclusions. Ce qui a disparu dans tout cela, c’est l’idée d’une distance critique, d’une réflexion sur ce qui ne va pas, d’une prise en charge, par tout discours, de ses décalages vis-à-vis de ceux auxquels il s’adresse. Qu’y faire ? Revenant en tout cas au jeu théorique, davantage de ma responsabilité ces dernières années, on pourrait suggérer que toute théorie modélisée doive se prêter au jeu de relativiser ses modèles. Symétriquement, on devrait pouvoir comprendre, que ce soit directement de ses auteurs, ou bien par d’autres, comment une théorie se détache, par son projet et sa portée, des philosophies dont, à juste titre, elle se recommande.
Ballotté par des temps incertains, et manquant de philosophie véritable pour s’orienter dans la pensée (mais est-ce de son ressort ?), le pauvre fantassin des sciences cognitives peut encore pratiquer ce que l’on nomme épistémologie : résidu philosophique interne à la science, ersatz de philosophie, qu’on s’obstine à trouver utile. Quelques exercices ne semblent pas de trop. J’en résume brièvement les moments saillants.
Le fonctionnalisme a été la philosophie canonique, et même organique, des premières sciences cognitives. Dans sa guise dominante, il repose sur deux grandes exclusions : celle d’abord de la complexité biophysique interne, notamment du cerveau, factorisée pour l’essentiel à travers un supposé langage de la pensée de facture logico-symbolique, qui impose partout son format ; celle ensuite de l’extériorité physique ou sociale, ramenée à ses conditions ‘sensorielles’ proximales. On postule alors qu’il est possible d’identifier des états mentaux, dont seule importe, finalement, la position respective dans le réseau causal qu’ils forment pris ensemble (la causalité se factorisant, elle aussi, à travers le format logico-symbolique).
La revue Intellectica a consacré aux fonctionnalismes un numéro spécial, publié en 1996, sous la direction d’E. Pacherie. Il s’est agi, en fait, d’une sorte de Mémorial de ces philosophies, car le temps de leur prépondérance semblait révolu, du moins officiellement. La plupart des philosophes qui en avaient encore tout récemment soutenu les thèses avaient en effet déserté, sans davantage d’explication (à l’exception remarquable de H. Putnam, qui accepta de commenter sa propre évolution : il fut rapidement mis au ban, pour avoir menacé les intérêts de ce qu’il dut lui-même appeler le ‘Syndicat’). Après un bref séjour du côté d’un externalisme passablement métaphysique (J. Fodor), la philosophie de l’esprit d’obédience analytique passa en masse du côté de la naturalisation et des neurosciences. Or, il fallait bien dire ce qu’il convenait de naturaliser. L’esprit-cerveau (le mind) des années précédentes ne pouvait plus à lui seul faire l’affaire : entité métaphysique, il était, par définition, toujours déjà naturalisé, mais sur le mode fonctionnaliste dont on entendait s’écarter. Il fallait bien coloniser d’autres terrains : on trouva en premier lieu la conscience, qui n’est pas l’esprit inconscient et computationnel ; on s’intéressa ensuite aux représentations ‘collectives’, comme par exemple les religions, en programmant de les élucider sur des bases exclusivement néo-darwiniennes. En réalité, l’esprit-cerveau fonctionnaliste ne s’est pas absenté du paysage : on y pense toujours, même si on en parle moins – il est toujours là en toile de fond, de même que le computo-représentationalisme. Mais l’imagerie cérébrale tarde à faire voir l’ordinateur qui est censé y calculer en permanence. On se contente donc pour le moment d’une notion vague de module, identifié au rôle fonctionnel supposé de telle ou telle région du cerveau. Ainsi peut-on continuer de suggérer qu’il y a bien en l’occurrence calcul.
Mais revenons aux fonctionnalismes. Conformément à l’usage de la revue, un appel à contributions libres, distinct du dossier proprement dit, fut lancé dans la communauté. Je répondis par un texte plus long que demandé, que l’on trouvera reproduit dans le Recueil qui accompagne ce mémoire (1996). Mon idée était de déplacer quelque peu le concept de fonctionnalisme, en usant d’une grille d’analyse qui me paraissait adaptée au tournant de la naturalisation ; à la faveur de ce déplacement, il s’avérait possible d’analyser toute une variété de fonctionnalismes de façon originale. Il en sortit un texte subdivisé en sept sections intitulées : la machine, les formes, les valeurs, quelques fonctionnalismes, postulats et exercices, pour une notion de champ, et polémiques. J’en résume rapidement les étapes essentielles, par un simple montage d’extraits.
Le texte part d'un premier repérage de l'espace des fonctionnalismes (d’ailleurs proposé, avec ma complicité, par E. Pacherie dans son appel à contributions), organisé autour de trois dimensions principales, présumées caractéristiques de cette famille de paradigmes cognitifs. Tout fonctionnalisme comprendrait ainsi un triple choix constitutif : choix d'un type de ‘machine’, choix d'un type de ‘formes’ aptes à s'y inscrire, et choix enfin d'un type de ‘valeurs’ susceptibles d'être attribuées à ces formes. Cette grille d'analyse met en avant la notion de forme, plutôt que celle de fonction. Le premier fonctionnalisme, celui du jeune Putnam, de Fodor ou Block, insistait plutôt sur l'irréductibilité des descriptions fonctionnelles. Mais les fonctionnalismes plus récents, avoués ou non, qui tentent de prendre le tournant de la naturalisation, se présentent au contraire comme des philosophies de la naturalisation : il leur est donc vital de faire reposer les fonctions sur des formes naturalisables, de préciser davantage quelles formes dans la nature peuvent ou non être recrutées au service d'une description fonctionnelle. Quitte à déplacer quelque peu la perspective, on entend les reconstruire aussi comme des philosophies de la forme, ou tout au moins cerner ce qui s'apparente en elles à une telle philosophie, car c'est de ce point de vue qu'on peut le mieux en analyser les interminables résurgences – quel que soit le nom qu’on leur donne.
1) Le premier geste des fonctionnalismes serait de se donner une machine, que l'on conçoit ici comme une étendue matérielle ‘formatée’ d'une façon bien déterminée. On entend par là qu'une machine est, de par sa seule structure physique, le siège de processus effectifs respectant un certain ‘format’, c'est à dire un type de distinctions physiques élémentaires dont le principe d'assignation nous est connu, du moins localement. Toute l'effectivité processuelle du dispositif doit ainsi pouvoir se décrire au niveau de ce même format, c'est à dire uniquement à partir du champ de distinctions permises, et sans revenir à toute la complexité physique sous-jacente. Comme la machine est matériellement ouverte sur l'extérieur, le flux entrant ne peut intervenir que s'il est transducté, c'est à dire mis au format ; au-delà, sa diversité propre est complètement ignorée. Il s'agit donc d'une véritable disqualification de la complexité et de la singularité biophysique, qui joue comme préalable essentiel à la constitution du domaine cognitif en tant que tel. Ce formatage interne est acquis une fois pour toutes à l'échelle d'un individu ; il ne se renouvelle pas, et ne dépend pas, serait-ce pour sa reproduction, des fins particulières poursuivies par le dispositif, de la qualité générale de la relation à l'environnement, de l'histoire, etc. Mais il peut y avoir mutation du formatage d'une génération à l'autre, et la machine se reproduit alors plus ou moins bien, peut-on penser, selon l'avantage relatif conféré par son formatage propre, qui lui est inné.
2) Le second geste des fonctionnalismes consiste à élaborer à partir du format de base, pour reconnaître ou imprimer dans la machine un certain éventail de formes avec leur gamme de transformations possibles. L'enjeu est bien sûr de compenser par cette diversité nouvelle l'inaltérabilité du format englobant, et donc de rendre possible un couplage efficace à l'extériorité. L'accroissement de la diversité ne repose donc pas sur une diversification du format ; elle consiste seulement en un raffinement de la perception de l'observateur qui scrute le flot physiquement formaté de la matière machinique ; il distingue ainsi et catégorise des événements de grain variable [61 ], selon des modalités toujours plus nombreuses et stables (impliquant par exemple segmentation et typage).
Le fait capital, à ce point, est encore une fois que la détermination de ces formes et de ces transformations peut se faire, dans une très large mesure, sans aucunement tenir compte de la matérialité du dispositif. Ce n'est pas que les considérations de taille, de vitesse, ou de permanence des bases physiques du formatage soient toujours ignorées : bien au contraire, de nombreuses approches fonctionnalistes (de la mémoire, par exemple) mettent en avant des questions d'embouteillage, de dépassement de capacité, de lésions, etc. De même une certaine conception démiurgique de l'Intelligence Artificielle a pu mettre l'accent sur les caractéristiques singulières des ordinateurs, pour mieux soutenir son pari métaphysique. Mais l'essentiel est ailleurs : il consiste à mettre une fois pour toutes les répertoires de base et les systématicités des formes à l'abri de toute détermination matérielle, intérieure ou extérieure, qui ne se factoriserait pas dans le format prévu : les formes changent donc, mais dans le cadre prévu par la loi du formatage. Les systèmes formels adaptatifs, ou à apprentissage, ne dérogent pas à ce principe
3) Les valeurs. Attribuées aux formes par l'observateur, elles constituent l'intelligibilité ultime du système, la preuve qu'il fallait en passer par le dispositif machine + formes pour comprendre comment le système respecte en définitive les différences que ces valeurs qualifient. Toute la question est donc là : comment attribuer la valeur, et comment joue-t-elle implicitement dans la dynamique des formes ? Un fonctionnalisme strict devrait faire l'impasse totale sur l'extériorité non proximale, et définir la valeur d'une forme comme son rôle purement différentiel relativement aux autres formes et à la transduction sensori-motrice. Mais il est décidément difficile de comprendre le sens d'une conduite humaine ou animale si l'on fait totalement abstraction de son monde. Renoncer au monde serait aussi renoncer au sens, même si le sens n'est pas qu'effets de sens présents dans le monde. Pour les fonctionnalismes, le sens en tant que rapport au monde semble toujours constitué sur le mode de la représentation, ou du moins c'est la capacité de représenter, en tant qu'accès à la vérité ou possibilité de la survie, qui concentre la valeur et mobilise le système à son service.
Ainsi donc, même si nous supposons que ‘représenter’ est une notion qui ne pose pas de problème, nous voyons clairement que les fonctionnalismes, s'ils veulent gagner l'extériorité qu'ils ont commencé par écarter, doivent résoudre ou contourner deux problèmes :
– si les formes ont été constituées indépendamment de cette relation présumée entre le système et son monde (la capacité de le représenter), il faut expliquer comment elles pourraient contribuer à établir cette relation dans l'après-coup de leur constitution ;
– si nous partons d'une pré-compréhension intuitive de ‘représenter’ comme d'une relation désintéressée au monde, il faut expliquer en quoi le fait de représenter peut être, en tant que tel, l'instrument principal d'un intérêt pour le monde, d'une orientation ou directionnalité des conduites, bref d'une intentionnalité.
4) On peut ensuite décliner quelques variétés de fonctionnalisme : fonctionnalismes logico-symbolique, connexionniste, dynamique, et enfin bio-fonctionnalisme. Je n’en commenterai ici que les deux derniers.
Le cas des fonctionnalismes dynamiques, qu’on pourrait aussi ranger sous l’appellation de ‘positivisme mathématique de la forme’, peut intriguer ici. Car ce sont des philosophies naturelles de la Forme, et c’est la théorie mathématique des systèmes dynamiques, non plus l’informatique, qui en est l’outil constituant. En quoi s’agit-il alors de fonctionnalisme, quelle est la ‘machine’ sous-jacente ? On sera tenté de répondre qu'il n'y a pas de machine qui les caractérise, car tout espace et tout système dynamique sont a priori une de leurs machines, définissent un de leurs formats. Mais c'est précisément l'équivoque toujours maintenue entre l'espace du substrat physique et l'espace des formats topologiques internes, entre l'espace physique englobant et l'espace topologique ‘mental’, qui détermine cette philosophie comme un fonctionnalisme. Car cette ‘topologie mentale’ est supposée donnée, sans référence à l'action et aux valeurs qui la conditionnent : elle n’est pas co-constituée par le mouvement, ni intrinsèquement valuée par l’action. C'est donc une topologie fonctionnaliste, cadre invariant de l'inscription des formes, donné préalablement à leur variation au lieu d'être construit par la variation elle-même. On perd alors toute chance de comprendre comment l'action déjà initiée détermine cela-même qu’elle cherche à percevoir, tandis que la perception toujours recommençante suscite et focalise l'action ; comment, par conséquent, une valeur est déjà reconnue et active avant même que la forme ait fini d'advenir. Si bien qu'on en revient nécessairement à l'idée d'une intentionnalité fondée sur la référence à un monde donné par avance, achevé avant qu'on se tourne vers lui. Les formes restent des représentations, qui anticipent sur la structure indépendante d’un monde appelée à les ‘juger’ : et seule alors une mimesis entre intériorité et extériorité peut en fonder la valeur adaptative (si du moins le fonctionnalisme dynamique prétend mieux faire sur ce point que les fonctionnalismes rivaux).
C'est une conception analogue des formes, comprises bon gré mal gré comme des données préalables à leur mise en œuvre et à leur évaluation, que l'on retrouve dans le cadre des biofonctionnalismes. Conformément à la vulgate néo-darwinienne, l’épigenèse s’y réduit à l’exécution d’un programme génétique, paramétré par l’environnement, qui anticipe largement sur la variété des morphologies et des conduites. Bref, les formes sont offertes toutes montées, ou à défaut toutes programmées, à la sélection naturelle. Le texte (section 4.d) montre tout l’intérêt de rapprocher ici les approches thomiennes et darwiniennes, pour échapper à certaines apories de ces fonctionnalismes.
5) On a ainsi isolé le nœud d’un différend avec les fonctionnalismes, que l'on entende sous ce nom une variété académique de philosophie ou bien une sorte d’épistémologie, plus ou moins spontanée, interne aux sciences cognitives. En premier lieu ces philosophies – ou ces épistémologies – permettent toujours, et même recommandent, que les formes soient constituées, dans leur formalité de référence, sans dépendre constamment et avant même leur complète advenue, de principes d'évaluation eux aussi en voie de formation ; et sans dépendre, si ce n'est de façon contingente, d'actions opérées dans l'entour du système. En second lieu, elles tentent de réparer cet irréparable défaut initial en ontologisant ces différents modes de la description, soit en construisant d'abord une ontologie de fonctions et de représentations, soit en déterminant une ontologie de référents indépendants de tout être-au-monde.
Comment espérer dans ces conditions qu'un accord, ou du moins un réseau de passages, puisse s’établir entre la valeur (prise comme affect, émotion, sentiment de plaisir ou de peine), la valeur encore (comme connaissance réussie), la valeur toujours (comme qualité pratique des intentions dans l'action), ou encore la valeur (comme constitution au miroir d'autrui et différence d'avec lui) ? Valeur n'est pas le nom d'un ‘étant’, mais celui d'un renvoi plus ou moins réussi, plus ou moins harmonieux, entre ces différentes capacités d'agir, de sentir, etc., se formant les unes les autres dans leur exercice effectif, plutôt qu'elles ne s'informent sur la base de distinctions définitives.
Critiquant alors la façon dont le concept d’information se trouve mis à contribution par les problématiques fonctionnalistes, le texte proposait ensuite de refonder les recherches sur un concept et des modèles de champ, manifestement inspirés de la phénoménologie.
Notons pour finir que ce texte se contentait de prendre au sérieux les prétentions matérialistes et naturalisantes des fonctionnalismes, pour les déborder sous le poids de ce qu'il leur faudrait laisser entrer pour répondre à leurs prétentions. Mais on aurait pu tout aussi bien mener l'attaque à partir de la culture [62], plutôt que de la nature, en reprenant d'ailleurs une bonne partie du parcours argumentatif effectué. En s’offrant à la ‘réfutation’, les fonctionnalismes, tout comme leurs rejetons plus immédiatement contemporains, jouent finalement un rôle positif, en nous permettant de comprendre toujours davantage, à partir de la critique que nous en faisons, à quel point la naturalisation et la culturalisation des recherches cognitives sont profondément solidaires (cf. infra, 6.4).
Le travail suivant (1999) tente, de façon positive cette fois, de repérer, au sein des recherches contemporaines en sciences cognitives, la mise en place d’un cadre constructiviste génétique. On cherche à en clarifier les enjeux – mieux comprendre et expliquer la genèse et l’individuation des formes – notamment en opposant et associant ce constructivisme à un autre, que nous avons appelé constructivisme assembleur.
6.3. Constructivismes génétiques
En fait, le travail présenté dans cette section tentait d’éclairer simultanément deux termes récurrents dans le champ des sciences cognitives contemporaines : ceux de constructivisme et d’émergence [63]. J’entendais expliciter certaines de leurs dimensions sémantiques et thématiques les plus générales, et développer ensuite des vues plus spécifiques sur l’évolution des recherches dans les quinze dernières années : problématiques connexionnistes, travaux sur l’émergence des fonctions symboliques, relance des conceptions gestaltistes de la forme et de l’organisation. Un état des lieux – déjà quelque peu daté – s’est ainsi dessiné : partiel inévitablement, il offre néanmoins une vue transversale sur un vaste champ pluridisciplinaire, où se trouvent conjuguées, et même nouées désormais l’une à l’autre de façon indissociable, ces deux notions de construction et d’émergence. En voici quelques aperçus.
1) Nous n’essaierons pas ici de recenser avec précision les acceptions spécifiques, et parfois fort techniques, que le terme de constructivisme a pu prendre ici ou là, au cours de sa brève histoire d’un siècle : concept esthétique et idée directrice de l’art moderne (première apparition du terme), conception volontariste de la construction des sociétés (naguère critiquée par Hayek), sens logico-mathémathique [64 ], sens piagétien (ni inné, ni acquis – construit !), etc. Nous n’essaierons pas davantage de décliner un paradigme de termes rivaux – où devrait inévitablement figurer la célèbre enaction de Maturana et Varela (to enact : décréter, mettre en scène), construction permanente et réciproque de l’être vivant et de son monde, structurellement couplés l’un à l’autre [65 ]. Il s’agira pour nous, plus simplement, de reprendre l’appellation constructiviste dans l’état flottant qui est toujours le sien, pour expliciter quelques-unes des options, passablement divergentes, qu’elle semble recouvrir actuellement dans le champ des disciplines cognitives. Que pourrait être, pour nous maintenant, un tel constructivisme ? Je ne crois pas, et ce ne doit pas être bien difficile à justifier, qu’il soit exact d’y voir, ou qu’il serait bon d’en faire, la doctrine organique de tel mouvement ou de telle école. Mais quoi d’autre ? Un paradigme constructiviste ? Ce serait encore une forme d’enrôlement – le mot n’est pas trop fort, si nous avons en mémoire la façon dont un certain paradigme logique, symbolique, et computationnel s’imposait naguère aux sciences cognitives – à moins que l’on veuille entendre, sous ce terme de paradigme, la donnée d’un horizon pour la pensée, c’est-à-dire d’une limite structurant le paysage, parce qu’elle se déplace avec nous et reste toujours à distance, même quand elle conditionne nos intuitions les plus proches, les plus immédiates.
2) Construire. Donc constructivisme, version ontologique : tout ce qui existe est construit ; exister, c’est par excellence être construit. Version normative : n’existe comme objet, et n’est connu à bon droit, que ce qui est construit d’une certaine manière. Énumération des topoï constructivistes : la construction n’est relation avec rien qui préexiste entièrement à son advenue ; en elle accès et objet ne font plus qu’un. Une construction se joue dans le temps de son effectivité, d’abord, mais ses enjeux débordent ce temps spécifique ; en effet, le système constructeur et sa construction (en tant que trace distinguée dans le procès) peuvent se rectifier et se contester mutuellement : marque de l’intentionnalité qui fait partie intégrante de la construction et la sanctionne, et marque aussi de l’effet en retour de la construction sur le système qui se décale, et se construit lui-même à la faveur de ses opérations. Construire est toujours en même temps reconstruire en décalant ; toute répétition se fait dans la différence : que cela s’appelle ‘instancier’, ‘se reproduire’, a fortiori ‘autopoièse’.
L’individuation est toujours un procès, jamais un état achevé. Tout serait relation de détermination réciproque dans la construction de l’individu (ou du collectif) et de son monde. Enfin par là-dessus, viennent les thèmes gestaltistes [66 ], qui se mêlent parfaitement à cette dernière version, litigieuse, des thèmes constructivistes : car pour l’ancien courant gestaltiste, la construction advient toujours dans un champ global, qui inclut le sujet et son monde ; elle remanie toujours ses constituants ; c’est ensemble que touts et parties co-adviennent, dans un processus de déterminations croisées. Les formes, d’autre part, se transposent plutôt qu’elles ne se répètent à l’identique : avant-même tout problème complexe d’invariance, il y a la transposition (en un sens concret, effectif), qui est une propriété définitoire des formes. Et il y a, dans la genèse des Gestalts, des échelles et des portées temporelles décisives, qui renvoient à toute une organisation gestaltiste du temps.
3) Constructivismes assembleur et génétique. L’époque serait marquée par deux grandes conceptions du constructivisme :
– Une première conception, jusqu’ici privilégiée dans les recherches formelles, met en avant une hiérarchie d’objets de plus en plus complexes, dont la définition, puis l’engendrement effectif par calcul ou assemblage matériel, doivent se faire dans l’ordre prévu par cette échelle de complexité. Il y a alors, nécessairement, des éléments primitifs (non construits) dont l’individualité ne se modifie pas en participant à la construction, et subsiste inaltérée dans la trace des procès. Ces éléments mis à part, seule une construction, décrite entièrement dans son effectivité et sa progressivité, garantit l’existence, fonde l’ontologie ; en général, la construction se décrit sur un mode finitiste ; elle tend à être un processus, et non l’acte d’un sujet (sinon on verserait dans ce mixte étrange qu’est l‘intuitionnisme mathématique dans la version originale de Brouwer). Selon sa version calculatoire la plus stricte, deux relations structurales seulement suffisent à ce premier constructivisme : celle, spatio-temporelle, de juxtaposition ou succession ponctuelle le long d’échelles discrètes, et celle, logique, de relation entre termes.
– Une deuxième conception, qui viendrait de la philosophie de la vie du 19e siècle et du début du 20e, de l’embryologie (Paul Weiss [ 67]), de la Gestalt, de Piaget, de la deuxième cybernétique, des courants phénoménologique et herméneutique en philosophie, semble accueillir tous les thèmes évoqués au point (2) ci-dessus. Ici toute construction se comprend comme la croissance, la différenciation, la complexification d’un potentiel qui est déjà organisé dès le début, sans pour autant déterminer de façon immanente le procès qui s’engage : ce n’est pas la propriété d’un plan ou d’un programme, mais d’abord celle d’un support dynamiquement organisé, à la fois clos et ouvert, sur un mode spécifique qui est créateur d’histoire. Local et global, structure et procès, se déterminent réciproquement et dynamiquement. L’individualité de la construction, comme celle de ses parties, n’est jamais acquise. On décrit plutôt des réorganisations, ou le déploiement d’une organisation esquissée dès le départ, et non des apparitions d’organisations à partir de rien. L’organisation semble toujours un terme primitif : être, c’est être organisé, préexister c’est être préorganisé, etc. On sait d’autre part l’accusation de holisme qui poursuit, encore aujourd’hui, cette deuxième conception, et à quel point elle contribue puissamment à sa mise en minorité dans les sciences [68 ].
Nous proposerons d’appeler respectivement constructivisme assembleur et constructivisme génétique ces deux familles d’approches. Pour le constructivisme assembleur, le fait capital de notre conjoncture scientifique et technique est évidemment le développement de l’informatique, conçue comme effectivité universelle du calcul et de la logique, monde strictement logico-algébrique. Là se trouvent conjuguées, ou plus exactement identifiées sous la forme d’une écriture automatique, ces deux structures élémentaires de la juxtaposition spatiale et de la relation logique dont nous parlions plus haut. Pour le constructivisme génétique, en revanche, c’est le développement des modèles physico-mathématiques de systèmes dynamiques, à présent fondus dans la gamme des systèmes complexes [ 69], qui joue un rôle symétrique, et qui permet notamment, grâce aux mathématiques du continu, à la topologie, etc. de ne pas en rester à une image strictement holiste, c’est-à-dire scientifiquement indémêlable, des phénomènes de détermination réciproque du local et du global, de (dé)stabilisation et d’historicité de toutes les unités structurales, qui font justement le prix de cette deuxième approche. Ironiquement, avec l’informatisation des modèles dynamiques apparaît un autre sens de l’informatique, quelque peu refoulé jusque là : le calcul ou même la logique ne sont plus vus comme un fondement (par exemple des mathématiques), mais comme des outils de construction, qui opèrent au milieu de l’activité de modélisation – et non avant, à la façon d’une fin préassignée, et comme s’il était question de réduire tous les phénomènes à la forme, logique ou algébrique, d’une écriture informatique.
4) Sens et explications constructivistes. Ces deux constructivismes se distinguent également relativement à la question du sens, ou à celle de l'intentionnalité. Pour la première conception, le sens de la construction tient à sa structure entièrement explicitable à la façon d’un plan ou d'un programme (sans rien exclure de la polysémie de ces deux termes) ; ceux-ci contraignent rigoureusement les opérations de composition ; mais c’est à la condition que le milieu ambiant garantisse, par son unité et son format physiques, la conformité des assemblages. Toute la question est évidemment de savoir d’où le milieu tire cette stabilité décisive, que l’assemblage exploite mais, semble-t-il, n’assure pas de lui-même. Dans la seconde conception, en revanche, la construction est le déploiement d'un projet ou d'un germe qui croît et se différencie à partir d'un être-au-monde. L'organisation, la structure de la construction exprime en permanence la possibilité d'un arrangement singulier et situé, avec et dans le monde. La signification première de la construction est donc la poursuite d'un projet situé, le maintien d'une orientation concrète : il faut continuer, continuer toujours à se développer/différencier, parce que situé dans un monde non indifférent. Solidarité inaliénable avec un monde, et distinction maintenue avec ce monde sont donc les deux grandes contraintes encadrant la construction en ce deuxième sens génétique.
Pour ces raisons nous avons affaire, dans l'une ou l'autre conception, à deux approches différentes de la compréhension et/ou de l'explication. Pour le constructivisme assembleur, il s'agit le plus souvent de reconstruire un processus cohérent et complet fait d'opérateurs et d'opérandes parfaitement individués. En droit, sinon en fait, tout moment de ce processus peut s’identifier formellement. Pour le constructivisme génétique, au contraire, il faut reproduire d’une façon qui se sait toujours incomplète et marquée par un vague irréductible, l'actualisation d'un potentiel global qui se transforme lui-même chemin faisant. La description génétique d’une construction présente donc deux faces : l'une détermine quantitativement ce potentiel implicite au départ, en acceptant que sa détermination, même très précise, aille de pair avec une certaine opacité (par exemple lorsque le potentiel est reconstruit par inférence statistique) ; l'autre, plus qualitative et la première sur le plan phénoménologique, explicite ce qui se manifeste, et fait sens pour l'observateur qui distingue des morphologies, des organisations, des stades. Ces deux moments appellent des élaborations théoriques propres, mais peuvent aussi mobiliser les mêmes mathématiques ou la même informatique, différemment interprétées dans l’un et l’autre cas. Ainsi la précision des calculs, imposée de toute façon par la médiation informatique, n’est pas toujours significative de la même manière. Seules comptent les structures qui font sens vis-à-vis des phénomènes ; en général les déterminations numériques ne sont qu’un moyen de représenter ces structures, et non une détermination directe des phénomènes modélisés. Enfin, si l’explication se veut fidèle à ses présupposés génétiques, elle devra toujours se rattacher à la continuité de l'être au monde (et donc si possible à l'autopoièse) du système qu’elle s’astreint à reconstituer : l'être au monde ne se suspend pas, ne s'interrompt jamais, il faut donc expliquer qu'il survive et se reproduise au présent, comme compromis d'ouverture et de clôture, d'instable et de stable.
Il y a là toute une nouvelle utopie scientifique, distincte de celle qui accompagnait le déterminisme laplacien [70 ], distincte aussi de celle qui s’exprime dans une recherche de formalisation exhaustive des opérations de la connaissance. Cette utopie différente inviterait plutôt à expliciter ensemble l’acte et les objets du connaître, au sens de les rendre plus clairs, plus manifestes, plus articulés, et finalement de les faire exister comme des supports nouveaux pour l’interprétation et l’action. C’est donc à une modélisation interprétée, ou si l’on préfère à une herméneutique modélisante, que revient une partie de cette tâche, consistant à inventer des tenant-lieux toujours provisoires pour cet horizon d’explicitation . On peut penser, il est vrai, que l’explication génétique (au sens que nous venons d’esquisser) n’est qu’un stade préalable, une simple préparation pour une explication par assemblage qui devrait inévitablement lui succéder. Mais il semble qu’il faille aller plus loin, et reconnaître ici un double différend, ontologique et herméneutique, affectant le projet-même, et les normes de constitution d’une rationalité scientifique (différend qui, heureusement, n’empêche pas toujours la mise en commun d’une part importante du travail d’explication). Un constructivisme génétique radical postulera volontiers que les êtres qu’il étudie sont historiques et relationnels en même temps que matériels : il n’y aurait pas d’unité, si primitive soit-elle, qui ne présente ce triple caractère. L’être-historique-et-relationnel de ces entités impliquerait fluctuation de leur inscription matérielle, vague irréductible dans la délimitation ou la composition des substrats ; si bien que la portée des explications par assemblage (qui restent cependant localement indispensables) en serait constitutivement limitée, et toujours dépendante d’un arrière-plan dont l’explicitation incomberait au seul constructivisme génétique. Dans le cas-même où l’on parviendrait à convenir d’éléments premiers et de primitives d’assemblage au départ d’une explication, on le devrait à la communauté historique de sens et de langages où ces distinctions se stabilisent et font l’objet de calculs : les principes d’individuation sont alors ancrés à des conventions sémantiques, à une déontologie herméneutique, qui permettent, et prescrivent, de passer outre aux lacunes, aux intermittences, à l’arbitraire-même des inscriptions matérielles [71 ]. Les niveaux ontologiques de base sont en fait sous la dépendance des niveaux émergeants qu’ils ont la tâche d’expliquer.
Y a-t-il alors, entre les deux familles constructivistes, simple litige, ou bien véritable différend qu’aucun langage commun ne saurait traduire ? La querelle, en tout cas, commence très tôt en amont de toute recherche. Elle éclate particulièrement sur la question de l’information. Les constructivismes assembleurs sont tentés d’en donner une définition objectiviste, préassignée par la structure éternelle d’une extériorité, ou bien par une intériorité définitivement formatée. Pour les constructivismes génétiques, en revanche, l’information ne préexiste pas à des systèmes qui la traiteraient en s’y conformant, ou parce qu’ils lui seraient déjà conformés : elle émerge comme différence significative, relativement à des vivants engagés dans un rapport aux autres et au monde. Ensuite seulement peuvent-ils commencer à la stabiliser, l’amplifier ou l’atténuer, et lui rapporter leurs conduites, notamment (pour les humains) en calculant.
Reste néanmoins la question de l’entrelacement des deux constructivismes, de la complicité qu’ils entretiennent, dans notre imagination comme dans notre pratique scientifique, chacun venant tour à tour suppléer aux limites de l’autre, et chacun s’attachant à mimer, dans son style propre, les parcours constructifs de l’autre [72 ]. Cela mis pour dire que leur distinction, du reste à peine esquissée ici, n’est certainement pas faite dans le but d’obtenir des classifications sans reste.
4) Émergences. Le texte en décompose la notion en trois moments de complexité croissante. Seul nous importe ici de souligner à nouveau à quel point la notion de niveau d’organisation (qui scande la complexification des structures émergentes) peut être source de malentendus. La modélisation, notamment, part d’un niveau ontologique de base, qui tient lieu de fondation aux réductions causales. Or ce niveau est fait d'entités qui ne préexistent pas à leur mise en relation, et qui doivent leur identité et leur stabilité aux organisations qui les produisent ou les recrutent. Comme le disaient les gestaltistes, on ne peut pas expliquer l'organisation à partir d’états antérieurs prétendument inorganisés : tout au plus peut-on décrire des réorganisations plus ou moins novatrices. C'est ainsi du moins qu'ils reformulaient leur critique du couple atomisme/associationnisme, et justifiaient la nécessité de partir d’une conception physique de l’organisation (donc de comprendre comment les sciences physiques théorisent déjà l’organisation et les formes naturelles). Ainsi, dans le cas des organisations physiques, il est courant de souligner que l'apparente réduction de l'organisé à de l'inorganisé préalable ne tient qu'à l'adjonction de conditions aux limites encadrant la dynamique des modèles : ces conditions, qui ne sont pas elles-mêmes expliquées, expriment en effet les invariants pré-organisationnels de tout le processus d'organisation ainsi reconstruit. Il en va de même en sciences cognitives. Une approche fonctionnaliste, tributaire d’un format de base dont l’auto-reproduction reste une énigme, rencontrerait ici de grandes difficultés – même si certaines variétés d’émergence semblent accessibles à un fonctionnalisme dynamique comme celui mentionné en 6.2.
5) Informatique et mathématique. Banalité constamment oubliée : la technique anticipe bien sur la théorie qui prétend la prendre pour instrument, mais en même temps le sens de la technique bouge d’une façon imprévisible. Et cela concerne les dispositifs concrets (comme l’ordinateur), aussi bien que les modèles abstraits (comme celui de la machine de Turing). Au début, ils apparaissent comme des emblèmes épistémologiques univoques ; mais tôt ou tard ils sont requalifiés, parfois même en simples instruments, et mis au service d’une pluralité d’épistémologies. Avant l’invention de l’informatique, il y avait bien des constructivismes à l’œuvre dans les champs biologiques et cognitifs – si du moins nous nous autorisons à en projeter rétrospectivement la notion dans l’episteme d’une autre époque ; mais c’étaient sans doute, à l’exception notable du constructivisme piagétien, des options uniquement métaphysiques, pauvres en schèmes et en procédures d’objectivation. Une fois l’informatique venue, le constructivisme assembleur, déjà incarné par la logique formelle et la théorie du calcul, s’est vu ouvrir un horizon illimité ; il a acquis le statut d’un paradigme universel, et paru un moment gagner la bataille. Mais son succès même, notamment dans la transposition des idéalités mathématiques auxquelles il a communiqué une effectivité nouvelle, n’a pas seulement fait progresser la mise en logique et l’arithmétisation du monde : il a aussi ramené au premier plan, là où on les avait oubliées, des conceptions dynamiques, topologiques, et génétiques, dont l’autonomie et l’irréductibilité par rapport au discret et au calcul n’ont pas été perdues de ce fait, mais seulement renégociées [73 ]. Ainsi le paradigme logico-computationnel qui dominait jusque là les sciences cognitives – en les réduisant à l’étude d’une intériorité mentale fixée dans la forme logique – pouvait commencer d’apparaître, sur son propre terrain, pour ce qu’il est véritablement : une simple interprétation, somme toute très limitée, de l’apparition de l’informatique, projetée à rebours dans le fonctionnement de l’esprit humain. Son affaiblissement a ouvert la voie au développement d’autres problématiques, mieux à même de penser ensemble formes, actions, et cognitions : car on peut désormais s’appuyer de façon effective à des schématismes mathématiques, et non plus uniquement à des formalismes logiques, et par là modéliser les phénomènes de l’esprit en analogie ou en continuité avec ceux du monde physique ; et de surcroît l’on peut, à l’aide de ces mêmes schématismes, apporter aux phénomènes d’origine, si singuliers soient-ils, les variations virtuelles et reproductibles qui permettent de les penser comme soumis à des lois (point de vue nomologique), tout en reconstruisant certains de leurs aspects (point de vue génératif) avec une précision (et donc une ‘réfutabilité’ des principes théoriques) jusque là inconnues dans les questions d’évolution, de développement, ou de morphogenèse.
La suite du texte, que nous n’avons pas la place de résumer, tente d’évaluer, à l’aune de ces considérations, un certain nombre de recherches de ces quinze dernières années [74]. On souligne l’équivoque de certains travaux émergentistes, qui annonçaient au début une coupure radicale avec l’explication par assemblage, et promettaient de donner enfin leur chance aux perspectives génétiques. Mais tout compte fait, la perspective qui en a résulté serait mieux qualifiée d’hybride ; elle reste fortement apparentée au constructivisme assembleur, que ces travaux viennent souvent compléter, plutôt que dépasser (l’exemple du connexionnisme à la PDP peut être cité une fois de plus). Sur le plan des thématiques, ce qu’on a appelé un temps l’émergence du symbolique a joué un rôle capital, et conduit, notamment, aux recherches toute récentes sur l’origine du langage. Il s’agit le plus souvent dans ce cas d’épistémologie expérimentale (cf. 6.1), c’est-à-dire d’une recherche sur le potentiel a priori d’un dispositif théorique, et non d’une modélisation à portée empirique (cf. mon article pour plus de détails).
Cherchant en conclusion à cerner encore une fois la rivalité entre les deux ordres constructivistes – assembleur et génétique – j’ai d’abord proposé de la considérer comme une rivalité de type dialectique. Chacun se nourrit des progrès de l’autre, mais sans parvenir à l’absorber. Toutefois, pour moi et très subjectivement, ce schéma dialectique n’épuise pas la question. Car le progrès, sinon la progression, ne consiste pas ici en un dépassement de l’un par l’autre, mais se trouve dans l’approfondissement de leur différend, comme dans celui de leur dépendance mutuelle. Or, c’est le constructivisme génétique qui, des deux, nous semble être le gardien de ce différend, et celui qui comprend le mieux sa dépendance vis-à-vis de l’autre. Ses liens avec la philosophie d’inspiration phénoménologique et herméneutique, dont il n’est finalement qu’une version naturalisée, lui évitent certaines naïvetés, lui donnent davantage d’ouverture et de précision dans ses stratégies interprétatives. Très subjectivement, encore une fois, nous lui donnons l’avantage au moment de déterminer le sens scientifique des travaux constructivistes.
6.4. Formes symboliques et sciences de la culture
L'examen de la situation théorique actuelle en sciences cognitives peut conduire à rechercher certaines de leurs conditions déterminantes sur les terrains des sciences sociales et de la culture. Qu’on le voie sous un angle prospectif ou rétrospectif, on nous accordera que cela paraît une suite fort naturelle de tout le cheminement retracé dans ce mémoire.
C’est pourquoi nous avons voulu, avec Jean Lassègue, organiser à l’ENS un séminaire qui reste lié au Département d’Etudes Cognitives de l’École, mais dont le point de vue soit celui d’une anthropologie sémiotique au croisement des sciences de la culture et des sciences cognitives. On y présentera des travaux théoriques et empiriques, non seulement en sciences du langage et en sciences cognitives, mais plus fondamentalement dans les diverses sciences de la culture qui en forment l’horizon déterminant : notamment, anthropologie, paléoanthropologie, éthologie, archéologie, linguistique historique et comparée. Nous avons intitulé ce séminaire Formes symboliques, en réminiscence de Cassirer [75], et nous avons mis en place, en juin 2002, un Comité de participants qui se sont engagés à participer régulièrement aux travaux, ou à organiser des séances (prévues au rythme de deux par mois). En voici la liste : F. Bailly (CNRS), P. Bourgine (CREA), P. Cadiot (Paris 8), J.P. Demoule (Paris 1), J.P. Dupuy (CREA), D. Lestel (ENS), C. Lenay, (UTC Compigne), G. Longo (CNRS-ENS), W. Miskiewicz (CNRS-ENS), B. Pachoud (Paris 7), F. Rastier (CNRS), C. Romano (Paris 4), V. Rosenthal (INSERM), J.M. Salanskis (Paris 10), F. Sebbah (UTC Compiègne), J. Stewart (CNRS), B. Stiegler (IRCAM).
Il s’agit donc d’une aventure collective, dont l’histoire reste à écrire. Je ne peux faire mieux ici que reproduire l’argumentaire que nous avons rédigé avec J. Lassègue, pour introduire au séminaire [76]. Le problème de la naturalisation s’y trouve évidemment soulevé.
Argumentaire
Partons tout d'abord d'un constat, que l'on peut présenter philosophiquement et épistémologiquement de la manière suivante.
L'idée de la naturalisation — celle que les catégories du monde naturel pourraient s'étendre jusqu'à absorber toute l'anthropologie — n'est bien sûr pas neuve. Du reste, le terme même d’anthropologie, toujours équivoque, se prête traditionnellement à une double tentative d’objectivation, l’une sociale et culturelle, l’autre biologique, de l’humanité conçue comme genre, ou comme espèce humaine. Aujourd’hui, certains discours militent en faveur d’une résorption de ce double phylum explicatif au sein d’un réseau fondamental de déterminations légitimées par une certaine vision des sciences cognitives, relues dans une perspective néo-darwinienne. Au-delà des formulations maximalistes simplement destinées à provoquer, il semble nécessaire de questionner la fonction idéologique de ces discours qui entendent dire le sens des recherches effectives, et légitimer tel ou tel programme de recherche. Car, à y bien regarder, plusieurs discours rivalisent pour promouvoir cette idée d'une naturalisation intégrale de l'anthropologie. Ils sont particulièrement bien représentés dans le champ cognitif, et sont d’ailleurs intimement liés à son histoire des vingt dernières années. Comme ce champ est en partie le nôtre, il importe, à titre liminaire, d’en rappeler quelques lignes de force.
Dans la mesure où la philosophie kantienne inspire toujours la classification des savoirs et projette son ombre sur plus d'une épistémologie interne à telle ou telle science, il est commode de s'y référer pour classer à leur tour ces divers discours.
Historiquement, la théorie kantienne du schématisme a pu sembler permettre d'articuler au sein d'une instance unique appelée imagination trois pôles d'activité susceptibles de justifier un partage de la connaissance : instance productrice de la perception, elle rendait en même temps possible la construction d'un milieu où pouvaient s'épanouir les entités mathématiques nécessaires à la physique, tout en offrant de surcroît un embryon d'imagination proprement sémiotique, conçue comme parcours faisant jouer des concepts, des idées et des constructions sensibles qui leur tenaient lieu d'emblème. Si le schématisme répond en premier lieu à la nécessité de déterminer dans l'espace et le temps les objets de l'expérience, il est donc admis en même temps qu'il puisse participer à d'autres jeux : d'autres formes, plus libres, de son déploiement permettent en effet à la pensée de symboliser ses idées de façon sensible, et de faire signe dans le phénomène, sans pour autant que soient déterminés à cette occasion des objets de l'expérience. Bref, l'imagination kantienne telle qu'elle est conçue dans la théorie du schématisme est à la fois productrice et constructive, tout en permettant d'envisager le cours perceptif comme sémiotique.
Or, de nouvelles solidarités sont apparues entre disciplines, qui bouleversent le partage que la théorie kantienne instaurait à l'aide de la différence entre jugement réfléchissant et jugement déterminant, ou entre phénomène et objet de l'expérience. Certains auteurs ont ainsi considéré que le concept de forme était le lieu décisif à partir duquel étendre la région de l'objectivité dans le dispositif kantien. Partie, paradoxalement, d'une conception aristotélicienne de la Forme, combinée à une part de l'héritage Gestaltiste, l'œuvre de R. Thom a ici ouvert la voie et permis d'amorcer un mouvement d'intégration à l'objectivité kantienne de la part morphologique-structurale de l'expérience. Cela n'a été possible qu'à partir d'une extension proprement mathématique du schématisme, comme l'a bien montré J. Petitot, qui en a posé le diagnostic et établi la portée épistémologique de ce déplacement capital. L'effet principal en sciences cognitives a été de rendre possible la théorisation d'un mode proprement morphodynamique de la cognition, traversant (au moins) les modalités visuelle, auditive et linguistique. L'ensemble de la démarche est compatible avec une épistémologie des sciences physiques de facture transcendantaliste, qui permet de justifier un programme de naturalisation du sens – passant de façon essentielle par une mise en commun des schèmes d'objectivation.
Mais on sait qu'une autre interprétation de l'héritage kantien veut, à l'opposé, valoriser le pôle catégoriel, logique et judicatif de l'entendement. Historiquement, ce mouvement a débouché sur des constructions conceptuelles très hétérogènes, certaines ayant tout simplement rompu avec le synthétique a priori, le schématisme et l’intuition pure, au profit d’un dispositif à deux grandes composantes : l’une, encore appelée analytique, mais à la générativité considérablement étendue par les progrès de la logique formelle, l’autre, purement empirique, mais d’une empiricité pulvérisée en caractéristiques atomiques. Le pas suivant a été de donner à la logique formelle et à l’arithmétique la puissance conférée par la mécanisation informatique, pour y réinscrire en particulier le paradigme helmolzien de la perception, conçue comme inférence inconsciente à partir de données sensorielles préalables. On obtient alors l’une ou l’autre des versions du paradigme computo-représentationnel des sciences cognitives : par un étrange détour de l’histoire, toute une perlaboration post-kantienne a débouché ici sur un mixte d’intellectualisme rationaliste et d’empirisme sensualiste, philosophiquement insondable (comme Quine l’avait déjà établi), au point de passer en dix ans d'une forme logique et solipsiste de fonctionnalisme, à un externalisme tout aussi métaphysique, pour se retrouver contraint à la fin de chercher une nouvelle cohérence en appelant à une naturalisation intégrale de type physicaliste – dépourvue cependant de toute épistémologie spécifique, et de tout usage explicite, des sciences physiques.
On comprend que ce paradigme – qui mobilise moins qu’hier ses défenseurs proclamés – n'ait pas réussi à proposer une théorie qui conjoigne les trois dimensions que la théorie du schématisme était parvenue à rendre solidaires : calculatoire sans être sémiotique, il ne rend pleinement justice ni aux objets mathématiques (en particulier s'agissant du statut de la géométrie), ni à la physique (en particulier s'agissant du statut de la physique quantique), ni non plus aux "objets" dont tout le monde s'accorde à reconnaître la dimension culturelle (qu'il s'agisse des formes institutionnelles du social ou qu'il s'agisse des genres esthétiques et littéraires, des constructions scientifiques et même de ce qui fut un temps le terrain de prédilection de l'IA, l'expertise et la résolution de problèmes). Son option fondamentale en faveur de structures cognitives discrètes a rendu problématique son compte-rendu de la perception et de l'action et empêché la prise en compte, à tous les étages de la cognition, de processus de nature plus perceptive que logique — d'où une guerre de dix ans avec les paradigmes connexionnistes, qui se recommandaient de modèles neuro-mimétiques plus continuistes.
Ces deux frères ennemis, le paradigme computo-représentationnel et le paradigme néo-kantien de la Forme dont il a été question plus haut, se ressemblent sur deux points essentiels, l'un très explicite, l'autre moins : rivaux et alliés sur la question de la naturalisation dont chacun veut être le principal champion, ils restent tous deux peu diserts quant à la dimension sémiotique et praxéologique du cognitif, sur sa dimension traditionale et historique, sur le rôle instituant et non pas adaptatif du langage. De ce fait, ils n'offrent pas d'autre intelligibilité de la variation culturelle et de l'innovation, notamment linguistique, que celles importées du cadre néo-darwinien, une notion utilitariste de valeur sociale jouant ici le rôle de fitness, ou valeur adaptative. Il est alors difficile d'imaginer ce qui pourrait tenir lieu, conformément à l'épure néo-darwinienne revendiquée, de variation aléatoire significative et non létale – si du moins nous comprenons ce que veulent dire schématisme dans un cas, et calcul dans l'autre.
Le débat — pour ne pas dire la guerre — entre les deux paradigmes traverse une période d'accalmie, chacun des deux adversaires s'attachant plutôt à prouver sa compatibilité et sa bonne intelligence avec ce qui paraît occuper à présent le centre de la galaxie cognitive, à savoir les neurosciences. La phénoménologie a joué un rôle ambigu dans ce nouvel équilibre des forces. C'est que pour une large part, le renouveau des approches phénoménologiques en sciences cognitives et en sciences du langage s'accompagne de la reconduction d'une épistémologie kantienne, au niveau de ce que l'on estime être le noyau scientifique de l'entreprise. S'il convient donc de reconnaître l'importance de ce qu'il y a de véritablement phénoménologique dans ce renouveau, il importe tout autant de souligner le danger de se contenter ici de versions édulcorées, qui serviraient simplement de supplément d'âme et de ressource thématique à ce qui ne serait en réalité qu'un "cognitivisme phéno-kantien" de la Forme. C'est que nous avons affaire ici à un certain type de préjugé naturalisant, qui reconduit précisément un modèle d'objectivation d'inspiration kantienne, fondé sur la conception de l'imagination évoquée ci-dessus, avec le partage afférant entre ce qui ne relève pas, et ce qui relève, d'une détermination scientifique autonome (via une élaboration appropriée du schématisme qui conserverait toutefois son caractère d'a priori).
Mais il est vrai que la difficulté est grande, comme le montre le parcours de Husserl qui, parti d'un projet fondationnel concernant la logique et les mathématiques, l'a ouvert progressivement à la conscience réflexive de ses conditions corporelles, intersubjectives et même sémiotiques, en posant que ces conditions relevaient d'un nouveau type de science eidétique, venant fonder et redoubler le cours des sciences de la nature et de l'esprit. Pourtant, le mouvement philosophique entamé par Husserl n'a pas suffisamment recroisé le cours de ces sciences qu'il entendait fonder et redoubler, notamment l'anthropologie, les sciences sociales et les sciences de la culture. Jusqu'ici, en effet, la phénoménologie post-husserlienne, si l'on excepte quelques auteurs comme Schutz et Merleau-Ponty, a différé le moment de prendre véritablement en compte l'historicité et la socialité des pratiques, et avant tout le langage en tant qu'il institue et fixe les différents registres du sens.
En somme, cette phénoménologie, tout comme la philosophie bergsonienne, a bien rompu avec la perspective kantienne, en ce qu'elle a fait de la connaissance une action ; mais cette action, elle ne l'a pas dans l'ensemble enchevêtrée de façon constituante au langage et à la socialité, laissant ainsi la porte ouverte aux réductions cognitivistes et mentalistes qu'elle avait pourtant tenté de prévenir. Or il y a, par exemple, selon le diagnostic posé par Merleau-Ponty, une profonde solidarité entre les questions du corps, du langage et de l'institution. Si bien que la problématique du langage, de la traditionalité du sens et de l'interprétation, semble être devenue la propriété exclusive des courants wittgensteiniens ou herméneutiques, lesquels ont refusé de faire usage de la phénoménologie, ou bien n'en ont fait qu'un usage allusif, renvoyant le plus souvent à des problématiques heideggeriennes. Ce sont alors, réciproquement, les dimensions de l'expérience subjective, du corps comme Leib et comme Körper, du langage comme production individuelle, qui sont méconnues – au point qu'à l'heure actuelle, la transition de ces problématiques vers les sciences cognitives semble impraticable.
Le problème ne nous semble donc plus être celui de savoir si le progrès des mathématiques et de la physique rend ou non caducs les arguments de Husserl en défaveur d'une objectivation mathématique des descriptions phénoménologiques — qui se convertiraient alors en sciences de type galiléen. Incontestablement, les mathématiques et la physique ont vertigineusement progressé, ce qui a déplacé la question des limites de l'objectivation. Mais le problème nous paraît plutôt de faire progresser, scientifiquement et philosophiquement, des phénoménologies qui restent à élaborer parce qu'elles investiraient au même degré des dimensions jusqu'ici reléguées à l'horizon du domaine "anté-prédicatif". Le langage, la culture et même le « social » ne sont pas des superstructures qui viendraient s'empiler par-dessus un être au monde plus originaire. Ce sont des dimensions intrinsèques de cet être-au-monde, qui est d'emblée être-au-monde-social et être-au-langage : on ne peut donc en traiter si l'on est toujours astreint à un choix forcé entre attitude naturelle, et attitude phénoménologique conçue comme le fait d’une conscience intime. C'est sans doute le propos fondationnel de la phénoménologie, rémanent dans la notion d'évidence et, de proche en proche, dans celle de constitution, qui la conduit à repousser indéfiniment la prise en compte de ses propres conditions herméneutiques.
On voit donc que par différents biais, l'examen de la situation théorique actuelle en sciences cognitives nous conduit à chercher certaines de leurs conditions déterminantes sur les terrains des sciences sociales et de la culture. C'est ici que nous rejoignons le programme de ce séminaire. Comme il a été dit en ouverture, son point de vue sera celui d’une anthropologie sémiotique au croisement des sciences de la culture et des sciences cognitives. On y présentera des travaux théoriques et empiriques, non seulement en sciences du langage et en sciences cognitives, mais plus généralement dans les diverses sciences de la culture qui en forment l’horizon déterminant (voir les thématiques immédiatement ci-dessous). En particulier, la continuité et les ruptures entre l’animal et l’humain seront analysées du point de vue d’une notion étendue de la culture. De façon générale, on cherchera à caractériser les objets à partir de leur diversification constitutive, et de la pluralité des pratiques où ils s’inscrivent, et non à partir d’invariants assimilés à des principes génératifs universels dont toute différence se déduirait par instanciation (paramétrisation). Dans cet esprit, les théories des Formes de filiation gestaltiste seront réexaminées, en même temps que leurs capacités à se prêter aux types de fonctionnement sémiotique requis, à toutes les échelles de leur temps génétique (de micro- à macro génétique). Une ouverture sera cherchée en direction des modélisations de systèmes complexes, qui permettent d’aborder ces questions dans leurs dimensions individuelles et collectives, intérieures et extérieures, synchroniques et diachroniques.
À l'heure où certains militent pour une naturalisation immédiatement exécutoire de l'anthropologie sous les espèces d'une réduction physicaliste, il sera bon de rappeler que si naturalisation de l'anthropologie il y a, ce ne peut être que sur la base d'une culturalisation effective des sciences cognitives. Seule une telle perspective croisée est susceptible de lever les obstructions épistémologiques évoquées plus haut. Elle a pour corrélat le renforcement du dialogue entre philosophies d’inspiration phénoménologique et herméneutique dont l’actualité au plan des problématiques scientifiques sera mise en lumière par les activités du séminaire.
Mais ce dialogue, nous voudrions aussi le placer sous l’égide du projet formulé par Cassirer — d’où le titre de « Formes symboliques » qui lui est emprunté — qui nous semble symboliser au mieux cette relance problématique. En témoignent ces quatre traits fondamentaux de la problématique et de la méthode cassirériennes : 1°. L'aspect génétique, qui reconstruit toute forme symbolique comme une différenciation progressive, scandée par des crises, impliquant toujours des couches plus originaires, qui continuent d'opérer au sein des formes apparues plus tardivement. 2°. L'enquête scientifique nourrie à une vaste gamme de disciplines de la nature et de la culture, et qui n'est cependant jamais confondue avec le travail proprement philosophique. 3°. Une déconstruction des hiérarchies, matérialistes aussi bien que spiritualistes, entre les niveaux de détermination et les types de savoir, qui fait place à une hiérarchie enchevêtrée — un réseau d'interdépendance — mis au jour dans les parcours de différenciation des formes symboliques. 4°. L’existence de styles, de genres, de modes de transmission déterminants, dont chacun répond à des problèmes spécifiques. S'y ajoute un cinquième trait sur lequel un travail de transformation est en revanche nécessaire — et c'est précisément un des buts de ce séminaire que de le mettre en œuvre : la place du social, qui est bien considéré comme le milieu de ce déploiement culturel, mais qui n'est pas explicitement traité chez Cassirer comme un facteur de construction et de diffusion.
Nous proposerons ainsi une première liste, non limitative, de thèmes de recherche pour le séminaire. Ils consistent aussi bien en relecture d'œuvres majeures du siècle dernier qu'en l'étude de travaux très récents empruntés à une large palette de disciplines : anthropologie, paléoanthropologie, éthologie, archéologie, linguistique historique et comparée. À une époque où le questionnement anthropologique se recompose, notamment autour de la question de l'émergence des langues et des pratiques symboliques, le besoin se fait sentir d'un rapprochement théorique et méthodologique non-réducteur entre diverses problématiques, culturelles, linguistiques, esthétiques et cognitives, qui, faisant signe les unes vers les autres, ne se trouvent qu'assez peu, alors qu'elles ont besoin de percevoir clairement et de façon pluraliste, leurs problèmes et leurs tâches respectives.
Juste une remarque pour conclure cette section. Cassirer, dans ses écrits sur la Logique des sciences de la culture, et notamment dans l’article « Le problème de la forme et le problème de la cause » souligne que sous les noms de forme et de cause, il convient de comprendre « deux pôles autour desquels se meut notre compréhension du monde » (p. 177). Il recommande de comprendre les limites de l’explication causale, notamment en revenant à ses conditions langagières et herméneutiques, qui la rendent toujours dépendante d’un réseau de significations et d’intentions, qui détermine cela même qui peut être perçu, et doit être expliqué. Il insiste fortement sur la complémentarité irréductible de ces deux modes de connaissance, en le rabattant presque sur une opposition systémique entre synchronie et diachronie (p. 193) : le savoir ne se limite pas à celui des origines et du devenir, il concerne aussi la pure forme de l’existence – du moins ses formes génériques. Or, d’une façon d’ailleurs quelque peu confuse, Cassirer semble placer entièrement le devenir du côté de la cause, et condamner ainsi le mode de compréhension par la forme à ne capter que des articulations statiques, et des types strictement récurrents. Indubitablement, le contexte scientifique contemporain a changé cela : nous disposons à présent de modèles dynamiques qui donnent forme au devenir, et même ont pour objet premier la transformation prise comme telle, la genèse si l’on veut. Toutefois, il ne faut pas en confondre l’apport avec celui d’une explication causale, comme il a été dit déjà plusieurs fois dans ce mémoire. Dans bien des cas, la genèse modélisée reflète un a priori de l’engendrement de notre compréhension par participation réciproque de différentes phases (parfois bien matérialisées et localisées, comme dans une explication physique et causale stricto sensu). Cette genèse renvoie à un temps génétique, constitutif de ces nouvelles herméneutiques scientifiques, qui signifie qu’aucun moment n’est tout à fait premier, ni fondé par lui-même, mais qu’il provient toujours, non seulement d’un co-engendrement par les autres moments modélisés, mais aussi d’une production, d’une transmission laissées dans l’ombre par le modèle, et qu’un autre travail pourra éclairer, à la condition de susciter à son tour une ombre ailleurs.
6.5. Usages de la phénoménologie et de l’herméneutique [77]
Peut-on, avec les sciences cognitives et les sciences du langage contemporaines, hantées par le programme de la naturalisation, faire ce que fit P. Ricœur avec les sciences humaines de la grande époque française du structuralisme, qui avaient d’autres hantises ? Peut-on dégriser les unes, comme le furent les autres ? Peut-on, pour cela, reprendre son interrogation sur le destin de la phénoménologie, en prenant pour pierre de touche l’herméneutique ? L’herméneutique, selon Ricœur, ne ruine pas la phénoménologie, mais seulement la version idéaliste que Husserl en a livrée. Il y aurait entre ces deux grandes familles philosophiques une appartenance mutuelle qu’il faut expliciter, en partant de l’une comme de l’autre. Car, selon Ricœur, l’herméneutique préserve la phénoménologie dont elle s’éloigne, et qui reste sa présupposition indépassable, tandis que la phénoménologie elle-même ne peut rien constituer sans présuppositions herméneutiques (1986).
Certains ont même pensé, récemment, que la situation scientifique présente était favorable à la mise en place d’une réelle co-générativité entre toutes ces instances (N. Depraz et F. Varela, par exemple [78]).
Sans aucunement juger sur le fond ce qui existe déjà et va dans ce sens, que ce soit philosophiquement ou scientifiquement [79], je soutiens moi aussi qu’il vaut la peine de travailler dans cette direction. Le milieu international qui s’est construit ces dernières années autour du thème de la phénoménologie et de la naturalisation, pourrait abriter ces tentatives, à la condition d’abord d’accueillir plus explicitement qu’il ne l’a fait jusqu’ici (c’est un euphémisme) le ‘thème’ de l’herméneutique, à condition ensuite de donner aux questions linguistiques et sémiotiques toute leur importance à ce niveau fondamental.
Ainsi pourrait-on envisager, avec ces protagonistes ou avec d’autres, de faire un autre usage scientifique des grands textes de ces traditions philosophiques, tout simplement en les reprenant, c’est à dire sans prétendre les ‘appliquer’ ni nécessairement les ‘naturaliser’. Réciproquement, ce sont les philosophies elle-mêmes qui s’en trouveraient transformées, si elles découvraient dans les nouveaux montages scientifiques quelque motif à reprendre et à élaborer dans leur ordre de préoccupation propre. Car enfin, le croisement de la phénoménologie et de l’herméneutique reste à tenter, et il lui manque encore de quoi s’alimenter dans les cuisines de la science. Pourtant, certains s’y efforcent : que l’on suive par exemple la direction de mon regard en direction de certaines théories des formes sémantiques. Que se passerait-t-il, a fortiori, si le point de vue des sciences de la culture était véritablement pris en compte ? L’abondance viendrait.
D’où, en résumé, la déclaration d’intentions suivante :
et ainsi:
Ainsi, par exemple, nous avons adopté avec P. Cadiot un certain ‘style phénoménologique’ de théorisation. En quels sens cela peut-il s’entendre ? Les analogies abondent :
Cela étant dit, ni la phénoménologie husserlienne, ni celle de Gurwitsch, ni même celle de Merleau-Ponty, ne sauraient nous tenir lieu ici de fondation. Il convient d’abord de rappeler que la relation de la linguistique avec toute description de la conscience qui feint de ne pas la connaître dès le début comme sociale et langagière, ne peut qu’être des plus problématiques. Je ne reviendrai pas non plus sur la difficulté d’installer nos ‘phases’ sémantiques dans les strates de constitution husserliennes (cf. Cadiot & Visetti, 2001, notes pp. 65-66, 224).
Mais je soutiendrai que les concepts fondamentaux d’epoche, puis de constitution, doivent être repensés à partir d’une prise en compte originaire de l’activité de langage. Il faut, en réitérant ce mouvement, faire prendre à la phénoménologie un nouveau tournant herméneutique. On ne peut en effet faire du langage une préoccupation ultérieure, une strate de sens placée uniquement 'haut' ou 'loin' dans un parcours de constitution. Le langage ne se tient pas en opposition avec une couche de sens anté-prédicative qui lui préexisterait dans un état brut. Cette opposition est liée à une mauvaise conception de l'activité de langage et de la thématisation, vue comme une ‘sortie’ hors du langage et des langues ; elle s’enracine, symétriquement, dans une conception par trop brute ou « sauvage » de la perception (le mot est de Merleau-Ponty), qui méconnaît son caractère pratique et sémiotique, et ce qu'elle ‘devient’ chez l’être humain, à travers les normes sociales et linguistiques (on rappellera ici le discours intérieur incessant qui nous traverse) [80].
Ainsi, revenant à la problématique de Husserl lui-même, on devra reconnaître que c'est le langage qui permet l'epoche, et en autorise toute une variété, ne serait-ce qu’en raison de la diversité des langues et des cultures, qui en sont les médiations nécessaires. Mais le mouvement inverse est également possible, et l’on peut proposer que la faculté de langage aille de pair avec une disposition humaine à pratiquer une sorte ou une autre d’epoche [81]. Si l’on se déprend en effet des conceptions référentialistes, conceptuelles, ou utilitaristes de la sémantique, on peut commencer de penser que chaque langue est la trace d'une série collective d’epoche, et qu’elle nous délivre des parcours de constitution déjà esquissés, stockés dans son lexique, dans sa phraséologie, dans les discours et les textes des cultures par lesquelles elle passe, et qui en fixent les normes d’interprétation. Ces parcours de constitution nous sont transmis avec cette langue et ces cultures, et nous en reprenons le cours en la parlant. Encore faut-il comprendre en quoi la dynamique du langage et des langues s’apparente à un exercice epochal permanent, où la diversité des phases sémantiques conditionne les degrés d’un engagement thétique indéfiniment modulable, suivant les plans de thématisation où les locuteurs s’engagent. En même temps, nous arrivons, d’un individu à l’autre, d’une langue et d’une culture à l’autre, à synchroniser nos impressions et nos actions, à nous rejoindre les uns les autres. C’est, pour chacun, par la médiation d’une langue, et non pas seulement par l’action d’une imagination indépendante, ou par celle d’une nature corporelle (toutes instances cependant indispensables), qu’est possible cette modulation de l’engagement, ce jeu permanent avec la théticité et ses modes d’accès – aussi bien dans l’epoche à la Husserl, que dans l’epoche inverse à la A. Schutz, qui est suspension orientée du doute, adhésion immédiate à un ordre d'existence pris comme une évidence. La vie du langage, c'est en somme une circulation intersubjective continuelle à travers les différents niveaux de ce que des phénoménologues peuvent à bon droit appeler epoche : en réalité une interminable série de petites epoche, arrêtées presque aussitôt, bientôt reprises à leur compte par d’autres locuteurs [82]. L’extrême diversité de formes qui en résulte renvoie à l’histoire, aux sociétés, aux cultures, aux genres. On ne peut les fonder : ce sont elles qui fondent, si besoin est. Elles ne se comprennent pas sans les ruptures, et les institutions du sens, qui font violence, et sans qui il n’est pas de fondation qui tienne.
Le langage et les langues sont donc là dès le seuil de l'entreprise phénoménologique, et il faut en tenir compte au moment de feindre (car nous avons aussi besoin de feindre cela) que nous ne sommes pas, au moment de prendre la parole, en réalité déjà des êtres parlants.
Mais ce n’est pas tout : c’est aussi la distinction noèse/noème qui me paraît devoir être critiquée, à la suite de Gurwitsch (1957), et pour le plus grand bien également des recherches cognitives qui entendent s’inspirer des analyses husserliennes. Cette distinction pousse, en effet, à penser que l’on peut distinguer, de façon univoque, procès psychologiques, d’une part, sens pour la conscience, d’autre part, pour les traiter ensuite comme des ‘corrélats’. Elle engage ainsi à considérer le sens comme un résultat, émergeant d’un processus qui ferait simplement fonction de support pour sa synthèse. Ce décrochement entre le psychologique (noèses) et le phénoménologique (noèmes), une fois naturalisé, ne peut qu’entraîner une fois de plus un décrochement de type fonctionnaliste, suivant le principe de conversion : noèses vs simples processus biophysiques ; noèmes vs structures émergentes de tel ou tel format significatif. Pour éviter cela, je propose d’élaborer, en repartant du dispositif de Gurwitsch, une notion de parcours de thématisation, qui me paraît ici beaucoup mieux appropriée. On peut alors concevoir comment serait en permanence négocié dans l’intersubjectivité, ce qui est à considérer, au sein même de l’activité de thématisation, soit comme thème, soit comme champ thématique, soit comme activité de constitution (jouant comme un aspect du parcours qui se détache frontalement dans le champ), soit comme halo médiateur, soit comme marge d’activité insignifiante, etc. Mais je n’en dirai pas plus ici sur ce travail en cours.
Pour clôturer la partie thématique de ce Mémoire d’habilitation, je souhaiterais, à titre de geste final, lancer une bouteille à la mer en direction des Amériques, en reproduisant le texte d’un Abstract, récemment envoyé à L. Embree, éditeur des œuvres de Gurwitsch en anglais, pour préparer mon intervention à son colloque Gurwitsch and Cognitive Science (Delray Beach, Floride, 3-4 octobre 2002). Invité, je n’ai finalement pas pu m’y rendre, car j’étais trop inquiet de voir approcher l’échéance de mon habilitation.
The Linguistic
Fabric-and-Factory of the Thematic Field
(Language Activity and the Theory of Semantic
Forms)
[Abstract]
For somebody interested in linguistics from the point of view of the construction of meaning, i.e. interested in semantics up to the level of text and discourse, there is a strong appeal to phenomenology. Among other pleasant things, phenomenology gives us indeed some means of describing the intimate connection between perception, action, and speech, seen as the co-unfolding of several, analogous but distinct, levels of organization of the field of consciousness. Using Merleau-Ponty’s concept of the ‘etre-au-monde’, we could say that ‘being in the world’ is permanently requalified as ‘being in the language’: there is an experience of speech (and of text reading/writing) as a kind of perception and construction of ‘Semantic Forms’, because there is conversely a kind of ‘textuality’ in any human experience. Gurwitsch’s account of the thematic field, with its different generic transformation patterns, is like a primal sketch of this being-in-the-world-and-in-the-language’ structure, recast in the more ‘subjectivist’ framework of a husserlian style phenomenology.
But now several problems arise. Language is a cultural, social and historical phenomenon: at the same time a very conservative and exacting one – an institution – and also an evolving one, permanently open to innovation. It cannot be founded, because it is itself founding. Being social and cultural, it cannot be referred to a strict dichotomy between nature and consciousness. It is, so to speak, a form of ‘immediate mediation’, not only between subjects, but also, at different levels of time (from micro- to macrogenetic ones) ‘between’ any subject and his/her own experience. In Gurwitsch’s terms, it should be situated in a critical region between the thematic field and the margin (perhaps, more precisely, in the halo) – as long as these distinctions are still operant in the case of the construction of meaning through language activity (and likewise, the husserlian distinction between the noetic and the noematic).
In order to ascertain all these constitutive dimensions of the phenomenology of language, Gurwitsch is an essential step. Nevertheless, I suspect that the general picture he gave should be substantially transformed, if one wants to take into account the way in which the diversity of human languages, and the different ways of speaking (‘types’ of discourses), affect, and even build, our experience. For example, Gurwitsch’s model of perception tends to ‘implicit’ engagement and action, and to neglect the variety of forms, by retaining only the model of strong Gestalt as the target of interpretation. His conception of themes overgeneralizes the strongly unitized structure of the perceptive noema, reinterpreted precisely as a strong Gestalt. His notion of relevance is a very essentialist one, based on an unequivocal ontological notion of ‘order of existence’, etc.
Of course, this is only a ‘suspicion’: I am not a philosopher. But I have devised theories and models in the field of linguistic semantics, drawing on certain principles of phenomenology and of Gestalt Theory. Recently, with my colleague P. Cadiot (linguistics, Université Paris 8), we have proposed such a theory, in a book (2001) where we have tried to push as far as possible the postulate of a constitutive analogy between perception and language, i.e. an analogy between the construction of sensible forms, and the construction of what we have called ‘Semantic Forms’. We sketch a radically dynamical theoretical framework (with a special attention to the microgenetic level), which gives a fundamental role to the mathematical concepts of instability. On this basis, the construction of Semantic Forms can be distributed between three layers of meaning, or ‘stabilization and development phases’, named motifs, profiles, and themes. Taken together, they shape linguistic structure and semantic activity. They apply in exactly the same way in lexical as well as in grammatical semantics, allowing to address the phenomenon of polysemy as a fundamental property of language. They are also conceived in the perspective of being integrated more tightly into a global ‘textual’ semantics.
Gurwitsch was one of our philosophical sources, and the structure of our theory reflects partially his Structure of the Field of Consciousness. But our ‘Semantic Forms’ are social and cultural forms; they are instituted, more than constituted. And our theory is (presumably) a scientific and hermeneutic theory, not necessarily a phenomenology of language – which however it looks like. I hope we will clarify these points.
NOTES
[59] P. Bourgine, A. Orléan, J. Petitot, F. Varela, B. Victorri, Y-M. Visetti. Propositions pour un groupe de travail en modélisation des systèmes cognitifs (janvier 1992). Document présenté au C.R.E.A. Il s’agit d’un manifeste bref (18 000 signes), qui visait essentiellement à enclencher une dynamique sociale, et non à exprimer les positions personnelles de chaque signataire.
[60] C’était un leitmotiv du premier CREA, qui fut un temps assourdi par le développement de sa composante cognitiviste.
[61] On connaît, de ce point de vue, la limite décisive des fonctionnalismes logiques : pour eux, la différence des niveaux ou grains de description se ramène toujours à une combinatoire finie (celle de la compilation, par exemple). Si bien qu'aucun niveau d'appréhension des formes ne semble pouvoir induire de décalage ontologique par rapport aux autres.
[62] A partir de la culture ou de perspectives parentes comme le collectif, le social, etc. (traces et architectures, territoires, rôles, hiérarchies, etc.).
[63] Sur les concepts d’émergence et de niveaux organisation, on pourra se reporter à F. Bailly, 1991a,b ; Bonabeau, Dessalles, Grumbach 1995.
[64] Cf. notamment Salanskis, 1999.
[65] Cf. Maturana & Varela 1994 ; Varela 1996.
[66] Nous renvoyons ici à l’exposé classique de P. Guillaume (1937) ; aux écrits de W. Köhler et K. Koffka ; à ceux plus récents de G. Kanizsa ; au panorama historique et philosophique de B. Smith (1988). A notre travail avec V. Rosenthal (1999, 2002).
[67] Sur les idées de Paul Weiss, et leur influence, on pourra se rapporter au livre de J.-P. Dupuy, Aux origines des sciences cognitives (1994) .
[68] L’argumentation serait en gros la suivante : les holismes, qui affirment l’irréductibilité des perspectives globales, tendent à refuser la sectorisation des phénomènes ; ils s’opposent a fortiori à leur réduction en éléments ; de ce fait, ils compliquent terriblement la division du travail scientifique, et empêchent la mise au point d’un agenda des problèmes ; à la fin ils renoncent à expliquer, et se bornent à décrire.
[69] Le terme de système dynamique désigne ici toute une variété de concepts physico-mathématiques : équations différentielles déterministes ou à paramètres aléatoires, équations différentielles stochastiques, équations aux dérivées partielles, processus stochastiques discrets (utilisés par exemple en physique statistique), etc. Soulignons que ces concepts ne sont pas seulement convoqués dans ce contexte pour recevoir une interprétation physicienne, ou plus généralement quantitative : ils servent dans la plupart des cas à construire des modèles qualitatifs , dont la composition mathématique permet toutefois de penser qu’ils pourraient ultérieurement s’articuler à des déterminations quantitatives empiriques. Quant aux systèmes complexes, une série de progrès remarquables enregistrés sur les trois dernières décennies a conduit en effet des physiciens, des mathématiciens, des biologistes, des informaticiens, des modélisateurs en sciences cognitives et sociales, à poser les bases d’un cadre d’objectivation transversal à leurs diverses disciplines, et dans lequel les questions de stabilité et d’instabilité, d’invariant et de variation, de régulation et de viabilité peuvent être repensées, à défaut de pouvoir toujours donner lieu à modélisation effective. On se bornera ici à en énumérer les rubriques suivantes – étant entendu qu’aucun modèle ne peut prétendre à les regrouper toutes : repérages à des échelles spatiales et temporelles multiples (au moins deux échelles, micro- et macroscopiques) ; importance des caractéristiques topologiques, dynamiques, et statistiques ; déterminations réciproques du local et du global ; multiples dynamiques de formation des unités (fusions et dissociations ; coalitions et compétitions ; recrutement, décrutements ; croissances, décroissances ; morts et naissances) ; co-existence à tout moment de différentes « phases » dynamiques ; adaptation et régulation (préservation active du domaine de viabilité interne et externe) ; dérive structurelle par couplage avec un environnement propre ; historicité et irréversibilité ; répertoires de comportements centrés sur des dynamiques instables constituant le noyau fonctionnel des systèmes. Avec ces recherches, la question des formes peut se poser désormais sans plus se diviser entre ses aspects individuels et collectifs, internes et externes, synchroniques et diachroniques. La multiplicité des niveaux d’organisation, leur émergence progressive, les causalités circulaires qui les sous-tendent, l’adaptation des systèmes à un environnement propre, constituent autant de possibilités d’élaborer le programme gestaltiste, en achevant de le doter de la dynamicité vers laquelle il pointait (4).
[70] Sur la question du déterminisme laplacien, et sur la distinction entre déterminisme mathématique et déterminisme physique, on pourra consulter La querelle du déterminisme (dossier rassemblé par K. Pomian, 1990), et Chaos et déterminisme (édité par A. Dahan-Dalmedico, J.-L. Chabert, K. Chemla, 1992 ; avec notamment les contributions de G. Israêl, p. 249-273, et A. Dahan, p. 371-406),
[71] L’œuvre de Turing, qui va du calcul logique aux problèmes de la morphogenèse, et définit comme on sait le projet d’une intelligence artificielle, est peut-être exemplaire des distinctions que nous esquissons ici, tout particulièrement dans la mesure où le calcul n’y aurait pas toujours le même statut explicatif. Cf. sur ce point le travail de Jean Lassègue, et notamment son livre Turing (1998 : 133-134).
[72] La dualité entre le ‘logique’ et le ‘mathématique’ reflèterait ce combat perpétuel (langages formels et calculs versus intuitions débordantes, mais en même temps déjà structurées, de l’infini, du continu, de l’espace).
[73] Le calcul approché des solutions d’équations différentielles (qu’on ne sait pas résoudre analytiquement) s’avère ici d’une importance capitale. Ainsi les phénomènes acquièrent une figure nouvelle, que l’on peut désormais fixer avec une certaine richesse de détails.
[74] Quelques références : Elman et al. 1996, Stewart et al. 1997 ; Dessalles 1996, 2000.
[75] Cassirer appelle formes symboliques les grands genres culturels à travers lesquels se diversifient les formes sémiotiques locales qui expriment les diverses directions prises par l’action et l’esprit humains : mythe, langage, art, religion, science. Une forme symbolique est donc une très vaste classe, extrêmement ramifiée, de processus.
[76] Disponible sur le site du séminaire : http://www.ens.fr/formes-symboliques.htm.
[77] Je décalque le titre du séminaire sur les Usages contemporains de la phénoménologie que J.M. Salanskis et F. Sebbah ont organisé au Collège de Philosophie ces dernières années (1999-2002).
[78] Pour une première présentation, cf. N. Depraz 2001, 5e partie ; cf. également les articles de F. Varela et N. Depraz, ainsi que l’introduction, dans Petitot, J., Varela, F., Pachoud, B., Roy, J.-M. éds. (1999).
[79] Hommage ici au séminaire Herméneutique et sciences cognitives de J.M. Salanskis (1994-1996). Un livre en est issu, qui doit paraître aux Presses du Septentrion (2003).
[80] N’oublions pas le simple phénomène du voir comme : la façon dont nous voyons les choses dépend de la façon dont nous les nommons. Pour de timides avancées scientifiques dans cette direction, cf. The 2nd Annual Language and Space Workshop , University of Notre Dame, June 23-24 (L. Carlson, E. van der Zee, ed.). Avec notamment les articles de Smith ; Richards & Coventry ; Tversky & coll.
[81] Mais les parcours qui en résultent ne pourront être correctement décrits comme recherche d’un sens d’objet ; mieux vaut parler de thématisation, de modes d’accès et de passages. C’est une telle phénoménologie du langage que devraient réclamer les champions de la naturalisation, et non une phénoménologie déjà captée par un projet de fondation des sciences.
[82] Mais les rayons intentionnels dévoilés par ces epoche ne sont pas rectilignes ; ils ne se développent pas en traversant un milieu isotrope, suivant une loi immanente. Au contraire, ils n’accèdent à leurs thèmes qu’à la condition de passer, parfois délibérément, parfois par inadvertance et sans y penser, mais nécessairement quand même, par des strates de sens hétérogènes, impossibles à discipliner sous un type unique. Toute intentionnalité est riche de bifurcations, de transpositions, qu’elle recèle pour l’avenir, et dont elle provient. Il n’y a pas d’intentionnalité originaire, ou autonome, qui pourrait se passer des frayages, des accès, ménagés par d’autres intentions peut-être totalement impertinentes à son propos – intentions qui étaient, ou seront, elles aussi dans ce même cas par rapport à d’autres. La grammaire, par exemple, est un tel ensemble de routines d’accès. Peut-on penser qu’elle instancie partout la même logique ? Peut-on juger cette logique à partir de ce que l’on aurait à dire ? Mais pour cela, il faudrait (au moins) une autre grammaire, et ainsi de suite. Tout ce que l’on peut faire, c’est changer de médiation, en changeant de formulation.
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