SÉMANTIQUE TEXTUELLE 2

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1.1.2. L’entreprise typologique [éléments seulement]

Selon l’auteur, pour établir le cadre conceptuel d’une typologie des textes, on peut concevoir la production et l’interprétation des textes comme une interaction non séquentielle des composantes autonomes. Certes, chacune des composantes peut être la source de critères typologiques, mais étant donné l’objectif d ‘une typologie, on ne gagnerait rien à créer une catégorie de textes en « je » qui regrouperait Proust, les serments et les lettres, quand les textes en « il » résumeraient Balzac et les rapports de police ! Les genres doivent être étudiés au sein des discours et des pratiques sociales où ils prennent place ; il peut être intéressant de comparer la structure dialectique des notices de montage et de recettes de cuisine, mais on ne peut négliger qu’elles ne relèvent pas du même discours et ne sont pas interprétées ni appliquées de la même façon (les bons cuisiniers suivent leur inspiration !). Même les échanges linguistiques qui paraissent les plus spontanés sont réglés par des pratiques sociales dans lesquelles ils prennent place, et relèvent donc d’un discours et d’un genre : nous disposons tous de plusieurs genres conversationnels (la conversation n’est ni un genre ni un discours) liés à des pratiques différentes, de l’entretien à la conversation de cantine, et dont chacun a ses spécificités. En outre, les discours mettent en jeu plusieurs genres et il faut restituer la systématique des genres pour comprendre les spécificités de chacun : comment par exemple étudier les réquisitoires sans les distinguer des plaidoiries ? C’est une des raisons pour lesquelles l’auteur ne reprend pas les classifications fonctionnelles comme la distinction narratif/descriptif (deux modes de la représentation,) ou procédural/argumentatif (deux modes de l’action, sur les choses et les esprits respectivement, faire vs faire-faire), deux grands paradigmes de la signification (représentationnalisme et intentionnalisme, cf. FR 94, chap. I) [certes, mais cette distinction est utile, à condition de ne pas la considérer comme un but en soi de classement, mais comme le départ d’une interrogation ; comment, suivant le genre, se comporte la description, le narrativité… Peut-on, tout uniment, étudier les différences d’interaction des composantes en les mettant en relation avec la problématique des genres, sans les mettre en relation avec les types de textualité, comme autre filtre et complexification ? N’y a-t-il pas intérêt à voir/admettre que ces composantes interagissent d’abord/aussi au niveau du type de textualité narratif, descriptif etc..  Pourquoi en réalité, FR n’admet-il pas cette typologie ? Interaction des composantes en relation avec le type de genre (niveau sociolectal) et en relation avec les types de textualité (sorte de niveau dialectal ?)]. La plupart des typologies textuelles (trop générales) dont nous disposons transcendent la division en discours et en genres ; chacune de leurs classes peut inclure plusieurs discours ou du moins des genres relevant de plusieurs discours (critique du point de vue de J. M. Adam notamment). On ne peut écarter l’hypothèse que leur usage soit simplement ethnocentrique [mais celui des outils de FR l’est peut-être aussi ?], ce qui n’enlève rien à leur valeur descriptive quand il s’agit de textes issus de notre culture, mais ne les qualifie pas pour faire une typologie à prétention universelle [mais FR se réclame de l’empirisme et du relativisme…]. Est notée l’originalité de la distinction greimassienne en pratique (scientifique) et mythique (axiologique), mais cette distinction [dimensionnelle, je pense, cf. plus bas] est difficile à établir dans bien des sociétés. D’un côté, les types fonctionnels définissent des classes trop accueillantes et conduisent à regrouper des textes hétéroclites et, de l’autre, ces catégories sont difficiles à appliquer, car tout texte résulterait d’un dosage de ces fonctions [cf. les fonctions linguistiques de Jakobson] : une notice d’entretien par ex. est un texte tout aussi procédural qu’injonctif. Plutôt que des fonctions supposées du langage, il vaut mieux partir des fonctions attestées des textes, lesquelles varient avec les pratiques sociales et les cultures, et leur nombre n’est pas fixé a priori.

Comme les textes ne sont pas gouvernés par des règles, mais par des normes, la description des genres est un objectif pour la typologie des textes et un enjeu important pour la linguistique (articulation des connaissances sur la structure de la langue avec les observations sur la structure des textes particuliers). C’est dans le cadre de genres déterminés que doivent être définis les parcours de production et d’interprétation, d’où le caractère primordial de leur typologie.

L’hypothèse est faite que sur le plan sémantique notamment, les genres (cf. définition et place du genre plus haut) sont définis par des interactions normées entre les composantes [on laissera le plan de l’expression pour le moment] ; c’est la raison pour laquelle la notion de récit ne suffit pas à définir un genre, car elle ne relève que d’une des quatre composantes de la textualité (dialectique) ; et il s’agit non pas de formuler une typologie, mais d’en définir les critères [en outre, une typologie n’est pas une fin, c’est un outil de compréhension]. Interactions binaires (6 en tout, en couplant les composantes deux à deux) et ternaires : thématique-dialectique-tactique, thématique-dialogique-tactique, dialectique-dialogique-tactique. Les rapports entre composantes varient aussi relativement aux instances de systématicité), chaque composante pouvant être régie par trois types de systématicité (en plus : question des paliers). Les interactions de composantes n’ont pas à être explorées in abstracto ; elles sont codifiées par les discours et les genres (dont chacun peut être défini, quant à son contenu, comme un type d’interaction entre elles) et en cela relèvent de normes évidemment culturelles.

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