Résumé : En linguistique cognitive, le terme de corporéité (embodiment) désigne la conceptualisation du rapport incarné du sujet au monde par l’engagement moteur et sensoriel multimodal, et les traces que laissent ces représentations dans les formalismes langagiers (organisation du lexique, constructions). Dans la présente étude, on montre que l’embodiment en linguistique cognitive n’a pas été pris en compte dans la définition du signifiant et dans la caractérisation de l’acte de parole en tant qu’expérience vivante (languaging). Pour rendre compte de ce fait, on le resitue dans le contexte historique de l’émergence de la linguistique cognitive au sein de la révolution cognitiviste, son positionnement ambigu par rapport au générativisme, et le rendez-vous manqué avec des modèles cognitifs pré-cognitivistes comme la psychomécanique du langage. Et pour le dépasser, on présente un courant de pensée actuel qui s’achemine vers une refondation de la problématique de la parole vécue à l’interface de la cognition incarnée par l’individu et de la cognition sociale intersubjectivement distribuée. Ce croisement permet d’échapper à une approche représentationnaliste de type encodagiste, reconsidère la parole comme un processus et une modalité de l’action, précise la nature de la dynamique, et précise les modalités d’application du programme de recherche en redéfinissant dans cette perspective les catégories analytiques traditionnelles (lexique, morphosyntaxe, prosodie) dans leur variation typologique au sein des langues naturelles.
Abstract : Languaging, corporality, the individual and society: embodiment between representationalism and embodied, distributed, biosemiotic and enactive cognition in cognitive linguisticsIn cognitive linguistics, the word embodiment refers to the conceptualization of the subject’s embodied relation to the world through her motoric and multimodal sensorial involvement, along with the traces left by these representations within natural linguistic formalisms (the lexicon and constructions). In this paper, it is shown that in cognitive linguistics, embodiment has not been integrated into the definition of the signifier and in the characterization of speech in terms of living experience, or languaging. To account for this fact, it is to be resituated in the historical context of the emergence of cognitive linguistics within the cognitivist revolution paradigm; its ambiguous positioning in relation to generativism is to clarified, along with its connection with pre-cognitivist models such as the psychomechanics of language. And in order to go beyond those limitations, the paper presents a currently growing paradigm which paves the way for a refounding the problematic of languaging at the interface of the subject’s embodied cognition on the one side and intersubjectively distributed social cognition on the other. This correlation makes it possible to evade a representationalistic approach based on encodingism. It reconsiders speech as a process and a modality of action, defines the content of this dynamic, and specifies how this research programme is to be applied by redefining in this perspective the traditional analytical categories (lexicon, morphosyntax, prosody) in their typological variations among natural languages.
Pour citer ce document
DIDIER BOTTINEAU (2012) «Parole, corporéité, individu et société», [En ligne], Volume XVII - n°1 et 2 (2012). Coordonné par Jean-Louis Vaxelaire,
URL : http://www.revue-texto.net/index.php/http:/www.revue-texto.net/1996-2007/archives/parutions/archives/parutions/marges/docannexe/file/4227/docannexe/file/1583/docannexe/file/3873/docannexe/file/parutions/archives/sdt/docannexe/file/3477/docannexe/file/2363/docannexe/file/2346/docannexe/file/2346/docannexe/file/Parutions/Archives/SdT/index.php?id=2973.