Entretien avec François Rastier, réalisé par Philippe Lacour
(Entretien publié dans la revue Labyrinthe, 2005, n°20, p. 117-134)
Labyrinthe : Vous vous montrez critique à l’égard des sciences cognitives : selon vous, elles ne sont pas un nouveau continent, comme elles le prétendent, mais simplement une alliance partielle des sciences logico-formelles et des sciences de la vie, avec quelques technosciences (informatique). Ne leur reconnaissez-vous aucun intérêt ?
François
Rastier : Je préfère distinguer le problème
interdisciplinaire de la cognition et les apports des diverses
disciplines, dont la linguistique, qui participent à la
fédération, peut-être temporaire, des sciences
cognitives.
On
ne crée pas un nouveau continent en vingt ans. Si le mot
cognitio appartient à la scolastique, la connaissance
reste un objet philosophique, <page 118> voire métaphysique, dont la
philosophie ne peut guère être dépossédée
si facilement, même en la limitant au traitement de
l’information perceptive et au raisonnement (ce que fait par
exemple Fodor). La connaissance humaine a une dimension critique et
réflexive et c’est ce qui la distingue de l’information ;
elle n’a d’ailleurs que des rapports lointains avec la
perception. Faut-il rappeler que la cognition relève de la
gnoséologie, et la connaissance de l’épistémologie ?
Peu
importe si la fédération des sciences cognitives
reposait plus sur une stratégie académique que sur une
problématique épistémologique solide : les
sciences cognitives ont eu le mérite, comme jadis dans un tout
autre contexte le « structuralisme », de
fédérer des disciplines qui ne se rencontraient guère
et d’élever le niveau de culture scientifique des
chercheurs. C’est important dans un pays comme la France, où
les départements scientifiques se déplacent, certes,
mais avec une lenteur qui rappelle la dérive des continents.
La découverte ou la création d’un nouveau continent,
miraculeusement surgi, suscite évidemment l’intérêt.
Mon
jugement est réservé, mais non défavorable. Les
sciences cognitives comme la psycholinguistique et surtout la
neurolinguistique sont en train de renouveler nos connaissances. Les
travaux sur la perception visuelle et auditive justifient mais
dépassent les intuitions de la phénoménologie,
tout comme les travaux sur l’action (je pense notamment à
ceux d’Alain Berthoz1)
ou la conscience d’agir (Benjamin Libet).
En
revanche, j’ai contesté la légitimité du
fonctionnalisme qui a permis de regrouper, dans une
interdisciplinarité à la fois fusionnelle et fausse,
les sciences de la vie, la psychologie et l’informatique. Le
fonctionnalisme a d’ailleurs été réfuté
par Putnam2,
son initiateur, sans véritablement être abandonné,
mais les métaphores mécanistes demeurent fort vivaces.
La notion même d’état mental, centrale en philosophie
de l’esprit, vient tout droit du computationnalisme, comme si
l’esprit était une machine de Turing connaissant des états
discrets. Aucune donnée neurophysiologique ne vient toutefois
étayer cette métaphore. Par ailleurs, la contradiction
entre le dualisme fonctionnaliste (qui suppose l’indépendance
des formes et des substrats, de <page 119> manière à justifier la
métaphore cerveau-ordinateur) et le monisme naturalisateur
(qui réduit le symbolique à ses substrats matériels)
n'a même pas été véritablement
problématisée.
Les
sciences cognitives me paraissent en quelque sorte victimes du
programme de <page 122> naturalisation qui ne leur est aucunement nécessaire,
mais prolonge simplement l’archéo-positivisme du XIXe
siècle et le néo-positivisme du XXe siècle.
Ce programme leur interdit de concevoir les facteurs culturels dans
la cognition. Il a connu deux versions successives, qui se sont
opposées mais puisent aux mêmes sources. La version
computationnelle privilégiait les sciences logico-formelles et
la métaphore mécaniste de l’ordinateur. La version
néo-darwinienne privilégie aujourd’hui les sciences
de la vie et la métaphore du gène. Le cognitivisme
connexionniste a servi de transition entre ces deux versions du
programme de naturalisation : elles sont unies par la notion de
programme, auquel on donne une fonction causale, en fait téléologique
– ce qui leur permet d’assurer la fonction de mythes d’origine.
Le
cognitivisme naturalisateur repose sur deux hypothèses,
démenties d’ailleurs par les sciences cognitives. La
première, c’est que le langage est déterminant, alors
que c’est à mes yeux l’action (je suis ici en total accord
avec Berthoz), dans des pratiques sociales : connaître,
c’est apprendre dans une pratique. La seconde hypothèse,
c’est que l’apprentissage est la mise en œuvre d’une
productivité innée et dépend d’un programme ;
d’où le rôle imaginaire attribué par les
cognitivistes à l’organe du langage (« Language
Acquisition Device ») comme support du programme :
apprendre une langue, ce serait simplement « paramétrer »
cet organe. Puisque le gène lui-même est conçu
comme un programme qui s’applique, même dans ce
néo-darwinisme inspiré des sciences de la vie,
l’imaginaire logico-formel revient avec insistance, par une
mécanisation illusoire du biologique.
Il
peut sembler paradoxal qu’un linguiste reproche au projet de
naturalisation son insistance sur le langage : mais c’est
parce qu’il est conçu alors sur le modèle impropre
des langages formels, qui ne permet de rendre compte ni du langage
(dit « naturel ») ni de l’action. En
linguistique, la référence cognitive risque fort de
devenir un conformisme après d’autres (les noms de
laboratoire finissent aujourd’hui par -co, acronyme du
cognitif ajouté), au profit généralement
de problématiques universalistes, et souvent au détriment
des travaux descriptifs qui produisent effectivement de nouveaux
observables. Pendant <page 120> l’essor de la linguistique cognitive, on a
discrètement abandonné la linguistique de terrain, et
si l’on va en Afrique, c’est maintenant pour faire plutôt
des prises de sang, patrimoine génétique oblige.
Substituer à l’anthropologie culturelle l’anthropologie
physique, c’est réaliser magiquement la naturalisation ;
la science raciale du XIXe siècle ne procédait
pas autrement.
Tout
cela a été récusé par Boas dans The
Mind of Primitive Man (1911) : les corrélations entre
populations (au sens génétique) et groupes de langues
n’ont rien de systématique et n’expliquent rien par
elles-mêmes. Dans la mesure où, à la suite de
Humboldt, il étendait le programme comparatiste de
caractérisation aux langues et aux cultures, Boas a été
taxé de relativisme, rituellement vilipendé (par Berlin
et Kay, Rosch, et bien d’autres) mais jamais véritablement
réfuté.
Je
m’interroge sur l’universalisme qui préside au programme
de naturalisation – la nature est la même pour tous, n’est-ce
pas ? – car l’universalisme est un produit typique des
métropoles mondialisantes, en quelque sorte le stade suprême
de l’ethnocentrisme. Dans les listes d’universaux cognitifs, on
retrouve souvent l’essentiel des catégories d’Aristote.
Dans les ontologies comme Wordnet (dont l’initiateur est
George Miller, fondateur de la psycholinguistique chomskienne), des
oppositions comme CASH vs CREDIT en disent long sur l’Être
du Monde ; au demeurant, le projet EuroWordnet,
massivement financé par la communauté européenne,
se sert de cette ontologie comme d’une interlangue entre les
langues européennes…3
Pour
autant, un point de vue critique n’est pas hostile : pour la
petite histoire, j’ai été le rédacteur en chef
d’Intellectica, première et seule revue française
généraliste de sciences cognitives, pendant une
quinzaine d’années ; je suis un des co-directeurs du
Vocabulaire de sciences cognitives (PUF). J’ai d’ailleurs
passé une dizaine d’années dans un laboratoire
d’Intelligence artificielle, ce qui est assurément
formateur. <page 121> Les sciences cognitives m’ont permis d’approfondir mon
projet intellectuel, mais ne l’ont pas déterminé. Il
s’agit d’une part d’unifier la description linguistique, du mot
au texte, en élaborant une sémantique du texte – et
de l’intertexte. Comme les textes sont des performances
sémiotiques, cela conduit à élargir la réflexion
vers une sémiotique des pratiques sociales, et, au-delà,
des cultures4.
Labyrinthe : Vous faites volontiers une lecture politique de la faveur institutionnelle, à vos yeux démesurée, dont bénéficient les chercheurs en sciences cognitives…
François
Rastier : Si je ne dirige plus de thèses en sciences
cognitives, c’est parce que les thésards ont trop de
difficultés à se placer dans les filières
professionnelles qui restent disciplinaires. Les décideurs ont
massivement financé des programmes cognitifs dont les
résultats effectifs me paraissent ténus. Ces crédits
sont toutefois à l’origine de maintes conversions
miraculeuses : par exemple, des grammaires logiques sont
devenues logico-cognitives. Ces effets de bord restent secondaires,
mais je m’interroge sur les motivations des décideurs. Les
programmes néo-darwiniens sont adaptés à
l’ultra-libéralisme : déjà au temps de
Thatcher, il se trouvait des autorités scientifiques pour
attester que l’aide sociale allait contre la sélection
naturelle. La London School of Economics, dont sortent les
principaux conseillers de Blair, est dirigée par un
biologiste : devinez pourquoi. Ce n’est pas moi, mais George
Soros, qui s’étonne des formes brutales de darwinisme social
prônées par l’entourage de Bush5.
Il
reste que les sciences sociales, par leur dimension critique, n’ont
jamais été favorisées par les décideurs,
qui y voient un ferment de critique sociale. Ils rencontrent donc le
scientisme contemporain, inspiré par le positivisme logique,
qui a théorisé l’Unité de la science.
Ou les sciences sociales doivent se formaliser, trouver des
explications causales, des lois, ou elle doivent disparaître :
leur dimension descriptive, leur mode de construction de
l’objectivité, le type de vérité non
démonstrative auxquelles elles peuvent prétendre, rien
de tout cela n’est véritablement pris en considération.
Ce n’est d’ailleurs pas une surprise si les décideurs
inspirés ou du moins cautionnés par le programme de
naturalisation ont formé le projet de diminuer de moitié
le nombre des laboratoires en sciences humaines, et ont coupé
toute subvention à la majorité des revues. C’est un
aspect notable de ce qu’on a appelé la « science en
action ». Je n’invente rien, et le Directeur scientifique du
département des sciences humaines et sociales au CNRS écrivait
récemment : « L’abondance des revues nuit à
la diffusion de la connaissance […]. Il est plus
économique, en termes de temps et d’argent, de concentrer sa
lecture sur les revues dont on est certain qu’elles accueillent par
une sorte de sélection “naturelle” les meilleures
productions scientifiques »6.
Labyrinthe : Quelle serait selon vous une juste attitude à l’égard du paradigme cognitif en sciences humaines ?
François
Rastier : Je conteste le programme de naturalisation qui
vise explicitement la réduction des sciences humaines.
Chomsky, inspirateur du cognitivisme orthodoxe en linguistique,
disait voici cinquante ans que la linguistique devait s’absorber
dans la psychologie, puis dans la biologie. Il disait de même
que l’on doit étudier le cerveau comme on étudie le
poumon ou le cœur, ce qui fait l’impasse sur ses notoires
spécificités histologiques. Le cerveau cognitiviste est
d’ailleurs longtemps resté le cerveau câblé des
années cinquante : que fait-t-on des cellules gliales, du
cerveau hormonal, etc. ?
Le
fruste partage entre Nature et Culture doit être dépassé,
c’est la responsabilité nouvelle qui incombe aux sciences de
la culture.
Labyrinthe : Portez-vous donc un jugement défavorable sur l’apport scientifique des sciences cognitives aux sciences humaines ?
François Rastier : Non. Elles travaillent souvent à un autre niveau de complexité, et sur des substrats physiologiques que l’on ne peut a priori considérer comme de simples causes. Je pense pour ma part que les sciences sociales ont beaucoup à apporter aux sciences cognitives, tout simplement parce que les facteurs culturels dans la cognition humaine sont tout à la fois spécifiques et notoires. La culturalisation des sciences cognitives ne serait pas un programme moins intéressant que la naturalisation des sciences sociales. <page 123>
Labyrinthe : DansSémantique et recherches cognitives, vous écriviez que la sémantique pouvait jouer un rôle de charnière entre sciences cognitives et sciences de la culture7 : c’est donc que vous reconnaissiez qu’une jonction était possible, dans le cadre – ce sont vos termes – d’une interdisciplinarité réelle. Qu’entendiez-vous par là ? Avez-vous changé d’avis sur la question ?
François
Rastier : Il est clair que le cognitivisme ne peut penser
les cultures. Sperber s’est écrié un jour, au Muséum
d’Histoire Naturelle, devant un parterre d’anthropologues :
« Je n’ai rien à faire des cultures ».
Ce n’est pas un hasard si sa théorie épidémiologique
des représentations reprend celle exposée par Taine
dans De l’intelligence (1870). Changeux lui-même le
rappelle8.
La métaphore épidémiologique, que Sokal et
Bricmont9
ont négligé de relever, sert ici à donner un
vernis biologique à un positivisme aussi extrême que
banal, qui fait l’impasse sur des siècles de pensée
historique.
Dans
ses développements actuels, la psychologie évolutionniste
est en train de reconstituer la « nature humaine » :
le viol, la guerre, en feraient bien entendu partie, avec les
conséquences biopolitiques que l’on devine10.
Les cultures sont évidemment pour elle de l’ordre de
l’inessentiel. Pascal Boyer appelle ainsi à renoncer à
« l’imprécision ontologique et au quasi-mysticisme
qu’induit la notion de “culture” »11.
Dès
lors, les sciences de la culture sont tout simplement ignorées
– ce qui élude toute interdisciplinarité : il
s’agit de les remplacer par la théorie des mèmes. En
1981, C. Lumsden et O. E. Wilson (le fondateur de la sociobiologie)
forgent le surprenant composé culturgenes pour désigner
les représentations culturelles transmises12.
Richard Dawkins utilise le mot mème13,
repris par Dan Sperber, Pascal Boyer, Pierre Changeux, Susan
Blackmore, et bien d’autres. Les mèmes font aujourd’hui
l’objet d’une nouvelle discipline, aujourd’hui enseignée
comme telle, la mémétique. Ces représentations
élémentaires font l’objet d’une transmission <page 124> à
l’image des gènes. Comme elles ne se transmettent tout de
même pas par reproduction sexuée, les
« représentations », précise Dan
Sperber, se transmettraient par contagion (la métaphore
épidémiologique est partout présente dans les
discours biopolitiques) et les plus adaptées seraient
sélectionnés14.
Tout cela ne s’appuie que sur des comparaisons, cependant
révélatrices : « Comme un gène,
mais à un niveau de complexité très différent,
le “mème” devient une unité de réplication
transmise d’une génération à l’autre.
[…] Comme un gène, il est sujet à évolution
par erreur de copie, et recombinaison “au hasard” »15.
Les exemples de mèmes qui sont donnés se passent de
commentaire : Dawkins cite les airs de musique, les idées, les
modes vestimentaires, les talons aiguilles, l’idée de Dieu,
le darwinisme, la manière de tourner les poteries et de
construire les arches16 ;
Daniel Dennett ajoutera le déconstructionnisme et
l’Odyssée, ce qui ne l’empêche pas de définir
les mèmes comme « les plus petits éléments
qui se répliquent avec fidélité et fécondité »17.
Cette hétérogénéité cocasse montre
d’une part que les objets culturels ne sont pas des unités
discrètes et qu’il est impossible d’atomiser ainsi des
œuvres. Pourquoi L’odyssée serait-elle un mème
et non la description du bouclier d’Achille ? Ces mèmes
semblent des icônes de ce que devient la « culture »
dans la communication de masse : il ne manque que la Joconde et
la moustache de Clémenceau.
À
l’image fausse de la réplication (les cellules se
reproduisent, mais non les gènes), se superpose l’image au
demeurant contradictoire de la compétition. Ainsi Dennett
affirme : « La compétition est la principale
force sélective dans l’infosphère […] et comme un
virus sans esprit, l’avenir d’un mème dépend de sa
structure »18.
Quand,
par ces métaphores, on postule que les représentations
mentales et les virus se propagent de la même façon, on
croit avoir naturalisé l’esprit, en affirmant que
l’infosphère et la biosphère obéissent aux
mêmes règles. <page 125>
Il
s’agit de faire comme si les sciences sociales n’avaient jamais
travaillé sur ces questions, et de préparer un monde où
les neurosciences et la psychologie évolutionniste suffiraient
à rendre compte de la culture et de l’histoire. La
nonchalance argumentative s’explique ainsi : la théorie
des mèmes n’a pas à être véritablement
débattue ni fondée, dès lors qu’elle peut être
imposée par un lobbying efficace auprès des décideurs
enthousiastes à l’idée de pouvoir se passer des
sciences humaines. En se présentant comme un « nouveau
paradigme », un lobby académique peut de nos jours
se passer de mise à l’épreuve par le débat, et
faire de l’ignorance délibérée une stratégie :
ses tenants se comportent alors comme de simples idéologues,
dont les théories ne sont que l’expression et la couverture
de stratégies politiques. L’Unité de la science et la
mondialisation – gênée par la diversité des
cultures – vont ici de pair.
Labyrinthe : Dans un article récent, vous dites que : « la grammaire générative, en maintenant une stratégie de fondement, envisageait, par son cousinage avec la théorie des automates, des applications informatiques : elle a pourtant connu des échecs persistants dans le domaine des traitements automatiques du langage, ses présupposés logicistes sur le langage lui interdisant de tenir compte de la variété des corpus et même de percevoir leurs régularités. »19. Pourriez vous préciser ces échecs des linguistiques formelles à penser les linguistiques de corpus ? Et d’abord, qu’est-ce qu’une linguistique de corpus ? Vous parlez de la grammaire générative, mais la linguistique cognitive, qui s’en distingue, vous semble-t-elle promise au même destin, et si oui, pourquoi ?
François
Rastier : Le projet de générer l’ensemble
des phrases grammaticales d’une langue est en lui-même
irréaliste : une langue n’est pas faite de phrases,
mais de textes, de genres et de discours. D’autre part, les normes
réduisent par bonheur la capacité des grammaires et
nous permettent notamment de produire des phrases finies : or,
les normes, comme tout ce qui est historique, restent invisibles pour
une théorie qui n’admet que des règles. Il a
d’ailleurs fallu des trésors <page 126> d’ingéniosité
pour réduire la capacité des grammaires. Enfin, la
perspective générative subtilise le problème de
l’interprétation, pourtant inévitable pour tous les
objets culturels, et en premier lieu pour les textes.
Ce
n’est pas parce qu’une théorie est formalisante qu’elle
satisfait aux contraintes de l’implantation informatique :
c’est John Sowa, directeur de la recherche chez IBM, qui parlait, à
propos de la théorie chomskienne du moment (1983), d’un
cumbersome formalism20.
On a plutôt besoin de théories descriptives :
aucune grammaire formelle ne vous permet de trouver un thème
dans un corpus, ou par exemple de distinguer les sites racistes des
sites antiracistes pour une application de filtrage.
Dans
le milieu des traitements automatiques du langage, depuis le milieu
des années quatre-vingt-dix, la linguistique de corpus l’a
clairement emporté, par son efficacité pratique et sa
capacité d’innovation théorique, sur la linguistique
computationnelle « à l’ancienne ».
C’est pourquoi Chomsky a déclaré en 1999 : « La
linguistique de corpus n’existe pas »21.
Cet amusant petit meurtre symbolique sanctionnait un échec
inévitable, pour avoir négligé que les langues
et les textes sont des objets culturels qui doivent être
décrits dans leur complexité, si l’on veut faire une
linguistique applicable.
Je
retourne votre question : qu’est-ce qu’une linguistique sans
corpus ? Pourquoi substitue-t-on aux énoncés
attestés des exemples qui sont de purs artefacts, sinon pour
rester au chaud dans l’univers douillet de la théorie ?
Je rappelle que sur un corpus de 220 articles de linguistique
français de 1995 à 2001, seulement 0,5 % des exemples
sont attestés (estimation de Céline Poudat22).
La linguistique cognitive, dans sa version côte ouest, a
élaboré une sorte de phénoménologie
séduisante de la syntaxe phrastique : elle reste encore
sans véritable théorie du texte ni liens avec la
linguistique de corpus et les traitements automatiques du langage.
Attendons qu’elle fasse ses preuves.
Labyrinthe : Votre conception du signe, d’origine saussurienne, vous éloigne de toute la tradition classique, ainsi que de la tradition peircienne, prolongée par les sémantiques formelles. Pourriez-vous expliquer en quoi cette différence d’héritage vous pousse à « dé-ontologiser » la linguistique, en cherchant à substituer une praxéologie à l’ontologie ? Et jusqu’où pouvez-vous (ou voulez-vous) aller dans ce refus de l’ontologie, puisqu’en même temps vous reconnaissez l’importance de la sémiosphère, à côté du monde physique et du monde des représentations mentales ? Loin de « dissoudre » l’ontologie, comme vous le prétendez, les sciences sémiotiques ne font-elles pas que la complexifier, et la praxéologie sémiotique que vous construisez peut-elle totalement se passer d’une ontologie ? L’impasse que vous soulignez n’est-elle pas corrélative d’une approche qui réduit l’ontologie à l’Être, alors qu’une ontologie de l’acte est possible, comme le soutient par exemple Paul Ricœur ?
François
Rastier : Je regrette la pauvreté de la sémiotique
issue de la philosophie du langage : tous les signes sont peu ou
prou identifiés à des symboles logiques ; par
exemple, Pinker écrit posément : « La forme
d’un groupe de marques d’encre, Socrate, est le symbole qui tient
lieu du concept de Socrate »23.
Dans cet univers, Saussure est non seulement absent (seul Ronald
Langacker le mentionne, une fois, pour lui emprunter une icône
d’ailleurs apocryphe) mais encore impensable : la sémiotique
de la philosophie du langage qui inspire le cognitivisme reste
d’ailleurs antérieure, dans ses attendus, à la
formation de la linguistique.
La
simplicité du symbole (au sens du « paradigme
symbolique de la cognition ») permet évidemment de
le placer partout. Sa définition purement syntaxique n’empêche
pas, bien au contraire, que le cognitivisme classique en fasse un
médiateur entre les états neuronaux et les états
de choses ; dans une étude de synthèse, Andler et
ses collègues du futur Institut Jean Nicod écrivaient : « Les
symboles mentaux sont des configurations de neurones ayant des
propriétés physiques, chimiques et biologiques
(étudiées par les neurosciences) et des propriétés
formelles ou syntaxiques. De surcroît, étant des
représentations, les symboles ont aussi un contenu ou des propriétés sémantiques ou intentionnelles :<page 128>
ils représentent des aspects de l’environnement »24.
Les symboles réussissent ainsi la prouesse de rendre compte de
toute la cognition : autrement dit, du monde, de l’esprit et
du cerveau ; ils seraient en effet les médiateurs entre
l’environnement et les neurones.
Quant
à l’ontologie, elle sert traditionnellement en sémiotique
de support à un objectivisme de principe. Une dé-ontologie
me semble nécessaire, tant pour sortir des apories de
l’herméneutique philosophique (chez des auteurs aussi
différents que Heidegger, Gadamer ou Ricœur) que pour
restituer la dimension praxéologique des performances
sémiotiques : de la même façon qu’une
encyclopédie est une archive de textes décontextualisés,
et non un inventaire du monde, les connaissances ne sont-elles pas
des actions oubliées ?
Même
en s’appuyant sur Ricœur25,
une ontologie de l’action me paraît bien difficile à
imaginer, dans la mesure où la tradition parménidienne
a toujours fait de l’invariabilité une caractéristique
de l’Être : Umberto Eco rappelait ainsi récemment
que le fondement de la sémiotique est le « zoccolo
duro del Essere » [socle dur de l’Être]. Je
considère que les ontologies sont des anthologies
décontextualisées, c’est-à-dire une
réification méthodique du préjugé
dominant. Nous avons bien plutôt besoin d’une théorie
des pratiques sociales qui instituent l’ensemble des performances
sémiotiques.
Labyrinthe : Vous ne reconnaissez guère d’intérêt à une approche formelle (logico-mathématique) de la linguistique. Pourtant, sans tomber dans les considérations extrémistes de J.-C. Milner, cette approche est parfaitement légitime.
François
Rastier : Mon point de vue n’est pas un point de vue de
principe. Je pense que les échecs de la linguistique formelle
sont liés au fait qu’elle s’est en général
contentée de traduire, d’enrégimenter <page 129> (regiment,
comme dit Quine) les signes linguistiques dans une logique des
prédicats du premier ordre dopée avec des opérateurs
modaux. La forme logique (FL) chomskienne est dans ce cas.
Ce
logicisme n’a jamais pu déployer l’effectivité du
calcul (une fois une phrase transcrite en notation logique, on ne
peut évidemment calculer la phrase suivante). Mais rien n’est
fermé a priori du côté mathématique.
Par exemple, les méthodes quantitatives en linguistique de
corpus sont extrêmement puissantes et n’ont pas démérité
(je me permets de faire allusion ici aux travaux sur la
classification automatique de textes que j’ai menés avec
Denise Malrieu26).
Le problème est d’adapter les formalismes aux applications,
et non de créer une langue parfaite, fût-elle un langage
mental. Rappelons les succès déjà anciens du
connexionnisme en perception automatique, robotique, etc. : ils
ne doivent rien au logicisme (les systèmes connexionnistes ne
sont pas algorithmiques ni déterministes).
Sans
nier que les systèmes formels soient pertinents pour saisir
(partiellement) l’empirie, je m’étonne simplement du
logicisme irrationnel de certains cantons des sciences sociales –
et des sciences cognitives. Il est vrai que le projet
rationnel d’interprétation logico-computationnelle du
langage, et par là, de la pensée et de l’ensemble des
compétences humaines, fut associé au xxe
siècle au développement de la logique mathématique
et de la théorie des machines logiques. D’où la
continuité évidente qui lie Frege, Hilbert, Turing,
Chomsky (élève de Carnap), jusqu’à Fodor et
Pylyshyn. Ces théoriciens ont élaboré des idées
formelles, pures et décontextualisées de calcul, de
preuve et de machine, avec le grand rêve de tout ressaisir en
ces termes. Mais ce logicisme fait l’impasse sur les trois grands
objets mathématiques : les grands nombres, le continu, et
l’infini. Il préjuge un monde du discret, du discontinu et
du dénombrable, qui anticipe le « mobilier
ontologique » des ontologies et du Web sémantique.
Le
beau rêve dissipé a couvert une offensive majeure de la
technoscience contre les sciences sociales. Or, depuis l’effondrement
du bloc soviétique, des formes naïves du progressisme se
sont dissipées et les sciences sociales sont l’objet de
demandes pressantes concernant le sens. Ainsi, l’actualité a
peuplé nos écrans d’historiens et de spécialistes
<page 130> des religions. Mais faute d’une clarification épistémologique,
les réponses que les sciences sociales ne pourraient ou ne
voudraient pas donner seront proférées par des
« spécialités » rentables, comme
l’astrologie, la futurologie, et bien d’autres, qui exploitent le
besoin de croire pour étouffer les angoisses et empêcher
qu’elles ne se transforment en questions véritables.
Labyrinthe :
Plutôt que de la qualifier d’inutile, la bonne critique à
adresser au cognitivisme n’est-elle pas dès lors de
considérer que son application à la langue est d’une
pertinence partielle, et qu’elle laisse nécessairement un
résidu ? Cette critique me paraît suffisante, dans
la mesure où elle suggère de basculer l’analyse des
règles vers les singularités, que cherchent précisément
à penser les sciences humaines au moyen du langage naturel.
Ainsi,
loin de refuser la formalisation, une telle critique se contente de
montrer que celle-ci, toujours possible (comme, en droit, pour tout
objet, fût-il humain, du monde), n’est cependant qu’un
détour au service d’un savoir de l’homme au singulier ?
Les sciences formelles comme outil des sciences humaines, en quelque
sorte…
Cette
critique consisterait en fait, non pas à heurter frontalement
l’herméneutique aux sciences cognitives, mais plutôt,
comme au judo, à utiliser la force conceptuelle de ces
dernières en la détournant de son but premier, et à
l’appliquer à des fins herméneutiques. Ainsi, de même
que la sociologie peut utiliser des raisonnements statistiques au
sein d’une interprétation d’ensemble (la déduction
se voyant réduite à un simple « moment »),
comme le remarque [Jean-Claude] Passeron27,
les sciences humaines en général (notamment la
linguistique) pourraient intégrer en leur sein des « détours »
formels.
François
Rastier : En effet, la formalisation ne peut être un
but, mais un moyen. L’outrance momentanément vendeuse du
programme d’Intelligence artificielle est maintenant retombée
; comme ce programme reposait sur la métaphore impropre du
cerveau et de l’ordinateur, on supposait que toute connaissance
avait un format prédicatif qu’il fallait formaliser pour
rendre opérationnelle et manipulable sa représentation.<page 131>
Le
mécanisme métaphysique a perdu à présent
de sa superbe, mais l’informatique reste victime du
computationnalisme qui a cherché à l’instrumentaliser.
Or, le connexionnisme a bien montré que le format d’entrée
des données et le format de sortie des résultats
n’avait rien de nécessairement logique. Ce ne sont donc pas
la logique ni l’informatique qui sont à récuser, mais
l’idéologie logiciste qui a imprégné les
milieux scientifiques d’une manière d’ailleurs inégale,
mais très sensible en linguistique – d’où par
exemple la sous-estimation des méthodes quantitatives en
linguistique de corpus, qui ne doivent rien à la problématique
de la représentation des connaissances.
Labyrinthe : Vous avez raison de souligner la formalisation qui sous-tend le fonctionnalisme, mais pouvez-vous vraiment déplorer le fait que les sciences formelles suspendent l’interprétation ? Vous citez souvent Jean-Michel Salanskis, qui cherche à réhabiliter l’herméneutique en sciences (mathématiques, biologie…)28, mais ne convient-il pas de distinguer le contexte de découverte et le contexte de justification ? Ce faisant, on comprend que les disciplines formelles ont pour vocation d’éliminer l’interprétation de leur résultat (même si elles peuvent la faire intervenir dans la découverte), puisque les opérations auxquelles elles se livrent sont parfaitement normées, et leurs objets (par exemple les objets mathématiques) parfaitement définis. Au contraire, les sciences herméneutiques (historiques, de la culture, humaines et sociales) évoluent dans un espace logique où l’interprétation conserve une dimension structurelle et irréductible.
François
Rastier : Le suspens de l’interprétation est
impossible dans les sciences de la culture (j’y inclus les sciences
historiques, humaines ou sociales), dont les objets sont des œuvres
humaines. Nous sommes condamnés au sens, soit : il ne
s’agit cependant pas pour les sciences de la culture de renchérir
sur le mode compulsif de l’interprétation, mais bien plutôt
d’établir une distance critique à l’égard
des interprétations, d’en spécifier les conditions et
d’en interroger la légitimité.
La
formalisation, certes, suspend l’interprétation, mais le
temps du calcul, dont les résultats devront être
interprétés. Il ne s’agit donc <page 132> pas d’éliminer
l’interprétation, mais bien de la problématiser. Le
détour du calcul ne supprime pas la dimension critique, mais
engage au contraire à la redoubler : qui a manié
des calculs statistiques peut aisément s’en convaincre.
Cela
dit, les langages mathématiques, comme tous les langages,
n’échappent pas au problème de l’interprétation
et il serait illusoire de penser qu’une formalisation permet de
« sortir du cercle herméneutique »,
prouesse imaginaire dans laquelle Sperber voyait naguère « le
Graal de la philosophie cognitive » – je lui laisse la
responsabilité de ces termes extatiques…
Plutôt
que de rêver de réduire les sciences de la culture aux
sciences logico-formelles ou aux sciences de la vie, il me semble
qu’il faut reconnaître leur irréductibilité qui
les condamne à une interdisciplinarité par bonheur non
fusionnelle. Elles diffèrent par leur objets, leur type
d’objectivité, leurs objectifs, sans parler évidemment
de leurs méthodologies.
Pour
éviter les guerres pichrocholines et parvenir à une
clarification, il faudrait me semble-t-il :
- Distinguer
le cognitivisme et son programme idéologico-politique de
naturalisation des disciplines comme les neurosciences qu’il a
voulu enrôler dans son combat militant.
-
Clarifier l’épistémologie générale des
sciences de la culture. Il reste à caractériser la
distinction épistémologique entre les sciences de la
culture et sciences de la nature (ou du moins l’image surannée
que s’en font les philosophes naturalisants). Elle intéresse
tant la nature des faits que le mode de connaissance. Les sciences de
la culture peuvent être rigoureuses, mais non exactes ;
elles problématisent des conditions, mais n’ont pas accès
à des causes au sens newtonien du terme.
Ainsi
s’ouvre l’espace d’une réflexion sur la genèse
des cultures, liée évidemment à la phylogenèse,
mais échappant à des descriptions de type
néo-darwinien. La distinction des formes symboliques, la
diversification des langues, celle des pratiques sociales, celle des
arts, tous ces processus poursuivent l’hominisation par
l’humanisation, mais s’autonomisent à l’égard du
temps de l’espèce et conditionnent la formation du temps
historique.
C’est
pourquoi en ce qui me concerne les sciences cognitives m’ont
conduit à formuler un programme de recherche en sémiotique
des cultures. <page 133>
NOTES
1 BERTHOZ, A. 1997. Le sens du mouvement, Paris, Odile Jacob ; 2003. La Décision, Paris, Odile Jacob.
2 PUTNAM, H. 1988. Representation and Reality, Cambridge (Mass.), MIT Press.
3 Je ne peux ici développer ce point, mais on pourra au besoin se reporter à l’étude Ontologie(s), 2004 a. WordNet est un dictionnaire électronique de l’anglo-américain, développé depuis 1985 et initialement conçu pour tester les déficits lexicaux dans des expériences de psychologie cognitive. Sa structure est celle d’un thésaurus. Il a été transposé à une dizaine de langues, du basque au bulgare. En outre, il sert d’interlangue (ILI ou Inter Lingual Index), et donc de représentation conceptuelle indépendante des langues, dans le projet EuroWordNet, développé depuis 1996. Chacune des langues décrites (italien, néerlandais, anglais, espagnol, et bientôt sans doute l’allemand, le français, l’estonien, le tchèque, etc.) développe son propre lexique à l’image de WordNet, en développant une ontologie « générale » commune.
4 Cf. l’auteur, 2001, 2002.
RASTIER, F. 2001. Arts et sciences du texte, Paris, PUF.
RASTIER, F. et BOUQUET, S. (éds.) 2002. Une introduction aux sciences de la culture, Paris, PUF.
5 Cf. Le Monde, 13.11.03, p. 1, et Le Devoir, 13.11.03, p. A7.
6 HOMBERT, J.-M., Editorial, Sciences de l’Homme et de la Société, n°69, mai 2004, p. 1.
7 RASTIER, F. 1991 [seconde édition augmentée, 2001]. Sémantique et recherches cognitives, p. 112.
8 CHANGEUX, J.-P. 1994. Raison et plaisir, Odile Jacob, p. 59.
9 SOKAL, A. et BRICMONT, J. 1997. Impostures intellectuelles, Paris, Editions Odile Jacob.
10 Voir RASTIER, F. 2004. Sciences de la culture et post-humanité, Texto ! [en ligne] septembre 2004. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Inedits/Rastier/Rastier_Post-humanite.html>.
11 La religion comme phénomène naturel, Paris, Bayard, 1997, p. 307.
12 LUMSDEN, C. et WILSON, O.E. 1981. Genes, Mind, and Culture : a Coevolutionary Approach, San Francisco, Freeman.
13 DAWKINS, R. 1976. The Selfish Gene, Oxford, OUP [tr. fr. Le gène égoïste, Paris, Armand Colin, 1986].
14 SPERBER, D. 1996. Explaining Culture — A Naturalistic Approach, Oxford, Blackwell.
15 CHANGEUX, J.-P. 1994. Raison et plaisir, Odile Jacob, p. 59.
16 Voir Le gène égoïste, Paris, Armand Colin, 1986, pp. 207-209.
17 « The smallest elements that replicates themselves with reliability and fecondity », Darwin’s Dangerous Idea, Harmondsworth, Penguin,1996, p. 344.
18 « Competition is the major selective force in the infosphere (…) and like a mindless virus, a meme prospect depends on his design » (Darwin’s Dangerous Idea, Harmondsworth, Penguin, 1996, p.345).
19 RASTIER, F. Linguistique appliquée à la prévention du racisme. Réflexions critiques à partir d’une application de détection automatique de sites (à paraître in Delamotte-Legrand, R. (éd) Moralités langagières, Presses universitaires de Rouen).
20 SOWA, J. F. 1983. Generating language from conceptual graphs, Computer and Mathematics, with Applications, 9, 1, p. 29-43.
21 Entretien avec Baas Arts.
22 POUDAT, C. Characterization of French linguistic research papers using morphosyntactic variables, in Fløttum, K. & Rastier, F. (éds) 2003. Academic discourse, multidisciplinary approaches, Oslo, Novus forlag.
23 « The shape of one group of ink marks, Socrates, is a symbol that stands for the concept of Socrates », The Language Instinct, 1994, p. 74.
24 ANDLER, D. et al. 1992. Philosophie et cognition — Colloque de Cerisy, Bruxelles, Mardaga, p. 12.
25 Cf. le dernier chapitre de Soi-même comme un autre, Paris, Seuil, 1990.
26 MALRIEU, D. et RASTIER, F. 2001. Genres et variations morphosyntaxiques, Traitements automatiques du langage, 42, 2, p. 547-577.
27 PASSERON, J.-C. 1991. Le Raisonnement sociologique. L’espace non-popperien du raisonnement naturel, Paris, Nathan.
28 RASTIER, F., SALANSKIS J.-M. et SCHEPS R. (dir.) 1997. Herméneutique : textes, sciences, Paris, PUF.