PRINCIPES MÉTHOLOGIQUES DE CONSTITUTION
ET D'EXPLOITATION DU CORPUS SAUSSURIEN
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Rossitza KYHENG **
Université Paris 10 Nanterre

Il y a quelques décennies, Georges Mounin remarquait qu'après les éditions critiques [1] « lire Saussure, depuis 1957, est aussi devenu un problème » [2], résumant ainsi l'embarras qu'éprouvait toute une génération de linguistes accoutumée à appréhender l'œuvre saussurienne par le biais du Cours de linguistique générale. Pour surmonter ce préjugé il fallait démontrer la place que ce texte occupe dans le corpus saussurien en s'engageant dans une réflexion sur la fiabilité d'un document présumé authentique mais qui, on le sait aujourd'hui, ne l'est pas. Cette réflexion a été poursuivie par tous ceux qui se sont penchés sur l'héritage saussurien depuis Les sources de Godel jusqu'aux Écrits de linguistique générale édités par Engler et Bouquet. Dans un article récent Bouquet résume ce long cheminement en concluant que dans le domaine de la linguistique générale l'ensemble des textes actuellement disponibles peut être réparti en trois catégories : 1° les textes autographes de Saussure ; 2° les notes d'étudiants des trois cours genevois de linguistique générale ; 3° le texte rédigé par Bally et Sechehaye intitulé Cours de linguistique générale [3]. Bien que les critères de cette répartition ne soient pas explicitement indiqués, l'on y reconnaîtra aisément une sélection selon l'authenticité des textes, et pour nous c'est le seul critère qui puisse constituer un garant légitime de fiabilité, si l'on veut appréhender l'œuvre saussurienne dans sa teneur véritable. Il est donc impératif aujourd'hui de distinguer les divers degrés d'authenticité dans l'ensemble du corpus saussurien, et par rapport à l'archive disponible.


1. Le corpus et l'archive

Commençons d'abord par différencier le « corpus » de l'« archive ». Comme le souligne Rastier, « L’archive contient l’ensemble des documents accessibles. Elle n’est pas un corpus, parce qu’elle n’est pas constituée pour une recherche déterminée » [4]. A la différence de l'archive généralement conçue comme dépôt passif dont la mission est la conservation et la mise à disposition des documents, le corpus - dans la conception moderne de ce terme – est appelé à jouer un rôle actif dans l'étude scientifique des données qu'il contient. Par conséquent, sa constitution obéit à certains principes organisationnels et interprétatifs en fonction des objectifs de l'étude, et sur lesquels nous allons revenir plus loin.

Puisque notre objectif commun est une meilleure connaissance de la pensée du maître genevois, et que le moindre détail de cette pensée demande une enquête philologique dans l'ensemble des documents car il tient du système conceptuel tout entier, le corpus d'étude contiendra l'œuvre intégrale de Saussure ou, du moins, ce qui est connu actuellement de cette œuvre. Ainsi, par « corpus saussurien » nous entendons l'ensemble des textes de Ferdinand de Saussure (ouvrages, articles, notes, brouillons, leçons, lettres, etc.), et rien que les textes dont l'auteur légitime est Saussure lui-même.

En revanche, par archive saussurienne nous entendons la collection de documents historiquement liés à la personnalité de Saussure. Cette archive est ouverte et reçoit des textes de plusieurs auteurs : les textes de Saussure, mais aussi le texte du Cours de Linguistiques générale de Bally et Sechehaye, des souvenirs, des lettres adressées à Saussure, des documents de travail identifiés comme appartenant à d'autres auteurs tels que les feuillets 311-327 des notes sur l'intonation lithuanienne [5], etc.

Dans les pages qui suivent, nous allons reconsidérer les trois volets traditionnellement attribués au corpus saussurien avec un double objectif : 1° de soumettre à l'examen les arguments pour une structuration interne du corpus saussurien selon les degrés d'authenticité des textes, 2° de prouver que le troisième volet, celui du Cours de linguistique générale, n'appartient pas au corpus, mais à l'archive.

1.1. Écrits authentiques : les textes autographes de Ferdinand de Saussure

Les seuls textes authentiques du corpus saussurien sont, évidemment, les textes autographes de Ferdinand de Saussure lui-même. Cependant il faut distinguer dans ce volet deux catégories de textes dont la validation auctoriale n'est pas identique : ceux qui ont été publiés du vivant de l'auteur et donc validés par Saussure dans leur forme définitive, et ceux qu'il considérait comme des documents de travail, non destinés à la publication et, par conséquent, non validés :

En différenciant les textes validés des textes non validés par Saussure, nous différencions en même temps les textes des avant-textes. Or, dans la génétique textuelle les avant-textes et les textes destinés à la publication ne bénéficient pas du même statut, le texte étant considéré comme produit final et l'avant-texte comme témoin du processus de la genèse de celui-ci. L'on conviendrait que le manuscrit de la thèse De l'emploi du génitif absolu en sanscrit publié en 1881 [9] et ses avant-textes préparatoires contenus dans les « Cahiers de recherche de la Thèse de Leipzig » des manuscrits de Harvard [10] n'ont pas la même valeur et ne peuvent pas bénéficier du même statut. Bien que dans le corpus saussurien les documents de travail soient souvent des avant-textes d'un « produit final » absent, ils en portent néanmoins les traces, et c'est ce que nous sommes tous en train de rechercher à travers l'étude philologique. Les deux catégories de ce volet se distinguent donc comme textes validés / avant-textes non validés par l'auteur.

Les textes destinés à la publication et publiés du vivant de l'auteur bénéficient légitimement du plus haut degré d'authenticité ; quant aux textes autographes non publiés, ils ont une authenticité incontestable, cependant il ne faut pas négliger le fait qu'ils n'ont pas reçu une validation auctoriale. Godel souligne que « Saussure a dû prendre simplement pour lui-même » ces aide-mémoire et ces ébauches de publications « qui ne sont jamais que des brouillons » [11]. Mais la question reste complexe : d'une part, on peut objecter que - comme Saussure détruisait à fur et à mesure « les brouillons hâtifs » selon les témoignages [12] - le fait qu'il ait conservé ceux-ci et pas d'autres constitue une attestation suffisante de la valeur de ces écrits et d'une certaine approbation auctoriale. Cependant, l'hypothèse d'une sélectivité qualifiante n'est pas toujours défendable : Saussure avait bien gardé des « enfantillages » de jeunesse [13] tels que l'« Essai pour réduire les mots du grec, du latin et de l'allemand à un petit nombre de racines » [14] ou les « Aventures de Polyticus » [15]. D'autre part, il faut admettre que la non publication certifie probablement le désir de l'auteur de retravailler ces textes : les ratures, les variantes de travail [16] attestent le caractère non achevé de ces écrits qui sont autant des avant-textes en cours d'élaboration dont la forme n'est guère arrêtée [17], et on ne saura jamais à quel stade d'avancement ils se trouvaient d'après l'appréciation de leur auteur. Dans ce sens les affirmations contenues dans les avant-textes ne peuvent pas être tenues pour définitives sans avoir vérifié dans quelle mesure elles reçoivent (ou non) une confirmation par la globalité du corpus, et ceci en observant leur ordonnancement par strates chronologiques [18]. En outre, leur édition posthume a souvent nécessité une rédaction philologique externe : il est évident que les choix philologiques, quelque soigneux et informés qu'ils soient, ne peuvent pas éviter le côté conjectural et n'équivalent pas la légitimation auctoriale de Saussure lui-même.

Remarque : Le même degré d'authenticité doit être accordé à la correspondance de Ferdinand de Saussure, dont la partie validée (lettres postées) rejoindra les écrits de la catégorie 1, et la partie non validée (lettres non postées ou brouillons de lettres) la catégorie 2 [19].

1.2. Écrits quasi-authentiques : les textes de Ferdinand de Saussure consignés par ses interlocuteurs

On sait qu'une partie des textes authentiques de Ferdinand de Saussure dont on connaît l'existence sont définitivement perdus pour diverses raisons : en premier lieu, les textes oraux des leçons qu'il a professées et des entretiens qu'il a eus avec diverses personnes ; en second lieu, les textes écrits qui ont été égarés au fil du temps et qui n'ont pas été retrouvés jusqu'à présent. Cependant, certains de ces textes se sont avérés restituables dans une certaine mesure : en ce qui concerne les textes oraux, les notes des interlocuteurs des leçons et des entretiens (là où ils existent [20]) permettent de défier le fatalité éphémère de l'oral et d'y remédier ; quant aux textes écrits égarés, quelques uns subsistent à travers des copies plus ou moins fidèles à l'original. Le deuxième volet regroupe donc les textes conçus [21] par Saussure, mais qui nous parviennent à travers la notation de ses interlocuteurs ; l'interlocuteur étant une personne humaine et non pas une machine d'enregistrement, avec l'inévitable appropriation subjective du discours de l'autre que cela présuppose, nous les considérons comme quasi-authentiques.

Étant donné que la préoccupation centrale dans l'étude de l'œuvre saussurienne est d'interpréter les textes authentiques de Saussure lui-même, le seul critère qui puisse s'appliquer à ce volet est celui qui permet de se rapprocher au maximum possible du texte original à travers une reconstruction philologique, peu importe la forme qu'il a eue, orale ou écrite. Ainsi, le critère philologique - selon lequel plus un texte authentique est attesté par des versions de transcription [22], plus sa reconstitution est fiable - doit être privilégié, car il permet de minimiser la subjectivité des transcripteurs. « La multiplicité des versions crée une chance et une latitude qui fait que les coïncidences avec le fait historique sont moins surprenantes que si l'on ne possédait qu'un seul [] », souligne Saussure lui-même [23]. Nous distinguons donc dans ce volet deux catégories de textes selon leur reconstructibilité philologique :

Observons d'abord les notes des cours. Étant donné que ces notes ont été prises par des auditeurs effectifs au moment même où Saussure exposait ses cours [29], les notes d'étudiants peuvent être considérées comme des transcriptions, plus ou moins réussies, des textes oraux authentiques.

Étant donné que la vitesse de l'écriture dans des conditions normales est réduite par rapport à l'oral, un plus grand nombre de versions augmente les chances de recueillir plus de fragments du texte oral original et de vérifier les hypothèses de reconstruction, car, comme le souligne Saussure lui-même, « l'accumulation des coïncidences constitue une présomption de vérité sur l'ensemble ». Par exemple, dans le fragment 1700 Constantin note : « opération non purement matérielle mais nécessaire et possible », chez Joseph l'opération est «nullement matérielle mais nécessaire au possible », et grâce à la version de Mme Sechehaye on peut restituer « opération nullement purement matérielle, mais nécessaire et possible ». Toutefois, la fiabilité des notes d'étudiants doit être considérée avec prudence. Godel appelle, à juste titre, à « ne jamais perdre de vue qu'il s'agit de leçons destinées à des étudiants non initiés à la linguistique, et que ces notes d'étudiants ne sont qu'un reflet plus ou moins net de l'exposé oral » [30]. La comparaison entre une note écrite (Chapitre IV [31]) que Saussure semble avoir lue au cours d'une leçon de juin 1911 [32] et ce que Constantin a pu noter de cette lecture, indique clairement que dans le meilleur des cas [33] les notes d'étudiants rendent environ deux tiers du texte oral, cette estimation étant, bien entendu, idéale car elle ne tient pas compte des improvisations possibles du maître lors de la présentation orale de la note écrite [34].

A part le décalage inévitable entre la vitesse de l'oral et celle de l'écrit, certaines circonstances sont à prendre en considération : en premier lieu, le fait que les coïncidences frappantes entre diverses versions peuvent provenir non d'une extraordinaire justesse de la notation du discours du maître, mais de la concertation postérieure au cours que les étudiants avaient pris l'habitude de pratiquer [35] probablement pour compenser leurs propres limites interprétatives face à un interlocuteur difficile à suivre [36].

En deuxième lieu, il faudra tenir compte des composantes subjectives de la situation du discours : la variabilité de l'attention, le fond interprétatif motivé par le vécu et les intérêts particuliers de chacun. Par exemple, dans le fragment 161 les notes de Joseph et Dégallier sont unanimes au sujet du langage qui est à cheval sur plusieurs domaines : « physique, physiologique, (et) psychique », Constantin omet le terme « physiologique », et Mme Sechehaye le remplace conformément à ses propres intérêts : « physique, psychologique et psychique » [37]. De même, dans le fragment 2060, la comparaison faite par Saussure entre la coexistence syntagmatique des unités et « les pièces d'une machine » est notée par Constantin, Dégallier, et Joseph, mais n'a pas retenu l'attention de Marguerite Sechehaye qui, en revanche, est la seule à noter la remarque « C'est ainsi qu'on apprend à parler » (fragment 1721) [38]. Dans un autre fragment (1714), là où les étudiants notent unanimement que la parole est « un document de langue », dans la notation de Dégallier on trouve une séquence insolite : « la parole qui ne sert ici que comme document de largeur <longueur> », qui ne peut être expliquée autrement que par un moment de fatigue et d'inattention, et l'on remarquera que la mémoire du transcripteur n'a pas été très serviable : le rajout postérieur « <longueur> » n'est pas plus réussi que la notation de départ [39].

En troisième lieu, il ne faut pas négliger le fait que la leçon orale est un genre particulier dont les exigences ne sont pas celles de la rédaction d'un article scientifique. Dans les leçons, Saussure a volontairement simplifié son exposé [40] et a été moins attentif à la terminologie au point d'utiliser des termes de la terminologie courante « qu'il condamnait », selon le propos de Godel [41].

On sait ce que pensait Saussure de la terminologie en usage. Il a souvent relevé dans ses cours l'ineptie de tel ou tel terme traditionnel, sans toutefois s'en interdire l'emploi : il a annoncé des cours de grammaire comparée, de grammaire historique, - expressions qu'il juge « déplorables ». A rhotacisme, dénomination impropre pour un fait diachronique, il a substitué rhotacisation, en motivant sa préférence ; on lit pourtant une fois, dans le cours I : « Si on considère le rhotacisme comme appartenant à la nature de la langue, tous les cas comme causa, risus, positus deviennent inexplicables » (R 1.65). Inadvertance de l'étudiant ? Ce n'est pas sûr : dans l'énoncé d'une hypothèse absurde, Saussure a pu employer a dessein le terme qu'il condamnait. Au début du cours II, on lit : « La langue ne peut se classer nulle part » (R 2, B). C'est vrai du langage, non de la langue. Plus loin : « Le langage a fondamentalement le caractère d'un système [...] » (R 32, RGB). Il est improbable que les trois étudiants aient commis la même confusion entre langue et langage : ils ont dû noter ce qu'ils avaient entendu. (Godel 1957, p. 132).

En quatrième lieu, n'oublions pas que les notes d'étudiants ont leur propre téléologie qui n'est pas celle du maître, ni celle du chroniqueur-témoin : comme le rappelle Mejia, « les notes de Constantin ne s'adressent pas à la postérité mais à lui-même, plus précisément à Constantin-devant-passer-les-examens à la fin de l'année » [42]. Ce qui explique aussi les importantes différences de volume dans les notations de chaque cours : par exemple le IIIe cours - abstraction faite des propriétés graphiques de l'écriture individuelle – est rendu par Émile Constantin sur 478 p., George Dégallier - 283 p., Francis Joseph - 189 p. [43], Marguerite Sechehaye - 144 p.

Remarque : L'attribution de l'autorité auctoriale aux notes d'étudiants a toujours été une affaire délicate : dans les bibliographies on voit le même texte attribué tantôt à Saussure, tantôt à l'interlocuteur qui l'a noté [44]. Nous soutenons une position intermédiaire : pour souligner le fait que la création intellectuelle du texte appartient à Saussure [45], et la notation secondaire à son interlocuteur, nous avons adopté un format bibliographique spécifique : « Saussure selon N ».

Quant aux entretiens, le problème ne se pose pas car le genre implique deux personnes, l'autorité auctoriale étant attribuée à celui qui guide l'entretien par des questions ciblées et effectue la notation. Le rôle de l'intervieweur participant à l'entretien est donc plus actif que celui du transcripteur passif des cours. Cependant, pour l'étude de l'œuvre saussurienne il y a une seule partie exploitable des entretiens : c'est la partie attribuée à Saussure au moyen du discours rapporté. Direct ou indirect, le discours rapporté des entretiens témoigne d'une appropriation subjective du discours de l'autre, et se situe donc au même plan que les notes de cours.

Quelques mots, enfin, sur les copies. L'on a souvent choisi comme critère discriminatoire la forme orale versus la forme écrite du texte original. Selon un tel critère les copies faites par des interlocuteurs à partir de textes écrits de Saussure se retrouveront classées en catégorie II des textes authentiques, ce qu’elles ne sont pas. Dans la pratique philologique l'on considère, comme le rappelle Murray, qu'« aucun manuscrit n'est jamais absolument fidèle à celui dont il est la copie » [46]. Effectivement, si l'on compare la copie de Sechehaye des notes manuscrites de Saussure [47] avec leur sources originales respectives, on s'avisera de l'incomplétude de cette copie.

Remarque : Jusqu'à présent, on ne s'est intéressé qu'aux copies de Sechehaye qui est, certes, un copiste-philologue ; mais il est possible que d'autres copies inconnues dues à des copistes moins avertis surgissent au cours des traitements des archives saussuriennes. Nous préférons donc exclure les fluctuations qui peuvent venir des compétences du transcripteur et nous en tenir au principe philologique.

Il ne faut pas oublier que ceux qui ont copié les textes de Saussure ne l'ont pas fait pour la postérité, mais pour leur propre usage, ce qui présuppose une certaine sélectivité subjective. Et si le copiste avait omis des passages essentiels pour la compréhension de la pensée saussurienne ? et s'il avait commis des erreurs de lecture ? En l'absence de l'original, le doute philologique est légitime car des conjectures de ce genre restent non vérifiables, ce qui justifie le classement des copies parmi les textes pseudo-authentiques ainsi que leur traitement selon le principe philologique et leur contrôle selon les indices de confirmation fournies par le corpus.

Résumons : La séparation entre textes authentiques et textes quasi-authentiques est la frontière indispensable entre ce que dit/écrit Saussure lui-même, et ce que les interlocuteurs font dire à Saussure. La fiabilité des textes quasi-authentiques ne peut jamais égaler celle des textes authentiques de Saussure du premier volet, et là où la comparaison est possible le texte autographe doit être privilégié.

1.3. Écrits pseudo-authentiques : le Cours de linguistique générale

Le Cours de linguistique générale, on le sait, n'est pas un écrit authentique de Ferdinand de Saussure ; il n'est pas non plus une transcription de ses leçons orales : les divergences avec les transcriptions disponibles du troisième cours genevois (qui a été pris pour base de l'ouvrage) sont considérables tant au niveau de l'organisation logique interne des leçons [48] qu'au niveau de la teneur du texte lui-même dont les écarts sont rendus manifestes par l'édition synoptique d'Engler (1968). Tout ceci ne serait pas préjudiciable si on prend le Cours de linguistique générale pour ce qu'il est : un ouvrage dont la création s'appuie sur un texte imaginaire qui n'a jamais existé effectivement et que probablement Saussure n'aurait pas autorisé, comme l'indiquent les auteurs-éditeurs eux-mêmes :

Mais le Cours de linguistique générale est-il vraiment une « recréation » « entièrement objective » comme le prétendent les auteurs-éditeurs [49] de ce texte qui s'auto-qualifient d'« interprètes » ?

Prenons pour exemple la question, toujours débattue, des rapports entre synchronie et diachronie. L'interprétation de Bally et Sechehaye donnée dans le Cours a valu, injustement, à Saussure bien des critiques, dont celle de Coseriu pour laquelle nous renvoyons vers l'auteur lui-même [50]. Une analyse des citations que Coseriu utilise dans ses objections révèle qu'il s'agit soit de passages des textes quasi-authentiques dont une partie importante a été tronquée, soit de passages complètement rédigés par les « éditeurs » :

La première citation du Cours pointe sur une assertion complètement absurde et ceux qui se sont penchés sur l'œuvre saussurienne savent bien que Saussure - qui a qualifié les principes de continuité etde mutabilité dePremière et Seconde loi de la transmission du parler humain [54] - n'aurait jamais pu dire une chose pareille, sa conception clairement affirmée dans un texte autographe étant :

Aussi, Saussure aurait affirmé devant Riedlinger que dans un cours de linguistique générale « il faudrait commencer par la linguistique diachronique ; le synchronique doit être traité pour lui-même ; mais sans l'opposition perpétuelle avec le diachronique, on n'aboutit à rien » [55].

Une rapide vérification dans l'édition synoptique d'Engler nous confirme que ce passage (fragment 1404) ne correspond à aucune source authentique ou pseudo-authentique et appartient entièrement à la plume des « éditeurs » [56]. La seconde « citation » concerne les fragments 1497-1498-1500 de la même édition [57] et constitue un mélange de passages empruntés à des contextes différents du IIe et du IIIe cours [58]. On s'aperçoit que certains passages des textes quasi-authentiques absents de la rédaction de Bally et Sechehaye auraient pu rendre inutiles les critiques de Coseriu [59] : dans le fragment 1497 la « gêne » qu'éprouve le linguiste en abordant la perspective diachronique ; dans les fragments 1498-1500, l'affirmation qu'entre le synchronique et le diachronique « l'un a conditionné l'autre », que la séparation paradoxale entre les deux est « le seul moyen de se rendre compte de ce qu'il y a dans une langue à un moment donné », et qu'on passe à l'étude synchronique d'une langue « après avoir bien étudié ce qui est historique » :

Saussure dira plus loin dans le même passage que le point de vue historique est indispensable [60] en faisant une plaisanterie sur le journalisme et bizarrement c'est cette plaisanterie seule qui figure dans le Cours [61].

L'approche créatrice que revendiquent Bally et Sechehaye est ici évidente ; elle s'étend jusqu'à la modification des textes authentiques de Saussure en tant qu'« auteur » déclaré de l'ouvrage bien au-delà des nécessités de la simple réécriture [62].

Pour se rendre compte de l'ampleur de la part de la création auctoriale dans le Cours de linguistique générale, il suffit de comparer, comme le propose Godel [63], la section §4, Type linguistique et mentalité du groupe social [64] du CLG à sa source unique : une note manuscrite de la main de Saussure lui-même [65]. Le synopsis dans l'édition Engler [66] laisse entrevoir la démarche interprétative des auteurs du Cours qui touche l'original saussurien jusqu'au retournement de sa conclusion logique : ainsi, Bally et Sechehaye ont décidé qu'« il n'est jamais sans intérêt de déterminer le type grammatical des langues (qu'elles soient historiquement connues ou reconstruites) et de les classer d'après les procédés qu'elles emploient pour l'expression de la pensée » [67], alors que cette même classification selon la note autographe de Saussure n'a aucune valeur puisqu'elle ne correspond « absolument à rien » :

Des interprétations propres à Bally et Sechehaye comme celle-là sont fréquentes ; là, où ils n'approuvent pas le contenu conceptuel pour une raison quelconque, ils n'hésitent pas à modifier le propos saussurien. Mille indices signalent à quel point les auteurs-éditeurs se différencient de l'« auteur » présumé de l'ouvrage : ainsi, l'affirmation catégorique de Saussure « il y a d'abord des points de vue, justes ou faux, mais uniquement des points de vue à l'aide desquels on CRÉE secondairement les choses » [68] devient dans le Cours : « Bien que l'objet précède le point de vue, on dirait que c'est le point de vue qui crée l'objet » [69]. Le changement de modalité dans cette phrase [70] traduit une mise à distance et montre clairement que Bally et Sechehaye en tant qu'auteurs effectifs ne reprennent pas à leur compte le contenu conceptuel énoncé par Saussure.

Le jugement subjectif sur le contenu des notes autographes est un procédé habituel dans l'écriture du Cours. Il se manifeste également à travers une surprenante sélectivité à l'égard de certains textes authentiques. Ainsi,la phrase observée ci-dessus est extraite de la note 9 pour laquelle Godelavertit : « le texte de N9.1-2 mérite une attention particulière : il représente peut-être le noeud des réflexions de F. de Saussure » [71]. Il n'a pas cessé de signaler la dépréciation de cette note dans le Cours [72] où les auteurs-éditeurs n'ont retenu qu'un seul paragraphe [73] que voici [74] :

En 1954 Godel avait publié la note 9 « d'après la copie qu'en a faite A. Sechehaye » [75] ; Matsuzawa, qui a comparé la copie de Sechehaye à l'original en travaillant sur l'édition génétique de cette note, signale par rapport à un autre passage :

Des exemples comme ceux-ci sont légion ; ils ruinent le mythe d'une « recréation » « entièrement objective », et confirment l'aspect subjectif de la démarche interprétativo-créative des auteurs du Cours que la recherche de Godel sur les sources et le synopsis d'Engler avaient rendu visible dans l'ensemble. D'ailleurs, tous ceux qui ont travaillé sur les textes authentiques du corpus saussurien connaissent « la distance qui sépare Saussure de ses disciples » qu'évoque Matsuzawa. L'argument « des disciples les plus proches » qui justifie souvent une mise en avant de l'interprétation de Bally et Sechehaye est donc amendable : sans avoir été collaborateur proche ni disciple de Saussure, Godel s'est avisé de l'importance de la note 9 [76] seulement en exploranten bonphilologue les sources du Cours de linguistique générale.

Le Cours de linguistique générale est donc une création de Bally et Sechehaye issue de leur propre interprétation des sources dont ils disposaient : la « glose » est passée dans le texte au point de se substituer au texte original, lui-même absent. Mais la partialité de leur interprétation n'incrimine nullement les auteurs ; il n'y a rien d'étonnant dans le fait que cette interprétation soit subjective : toute interprétation l'est dans la mesure où elle reflète inévitablement l'objet interprété par le point de vue du sujet interprétant. Il ne s'agit donc pas de condamner l'approche subjective de Bally et Sechehaye mais au contraire, de l'admettre et d'accepter le fait qu'ils sont effectivement les véritables auteurs du Cours de linguistique générale.

Il faut reconnaître le courage de Bally et Sechehaye qui, sans avoir été auditeurs effectifs des trois cours de linguistique générale [77], ont assumé la lourde et honorable obligation de créer un ouvrage de présentation de la linguistique saussurienne que le public, par la suite et malgré les avertissements des auteurs [78] et de certains linguistes [79], a assimilé à un texte authentique de Ferdinand de Saussure lui-même [80]. La bonne volonté de leur entreprise ne fait aucun doute, et les nombreuses infidélités par rapport au projet saussurien doivent être attribuées plutôt à une incompréhension [81] qu'à de quelconques desseins prémédités. Comme le remarque par ailleurs De Mauro, c'est une « incompréhension qui est le signe de l'avance qu'avaient certaines idées par rapport à la moyenne des savants contemporains » [82]. Saussure se proposait de « fonder une linguistique générale à laquelle personne alors n'était préparée, et sur le terrain de laquelle ses amis et disciples les plus proches, même un Meillet, ne le suivai[en]t pas, non par désaccord ou par hostilité, mais parce que au sens propre ils ne comprenaient pas le sens de l'entreprise », souligne aussi Mounin [83]. L'appréhension de cette même incompréhension n'est-elle pas à l'origine du silence de Saussure ? [84]

Aujourd'hui la situation a changé : d'une part, les écrits authentiques et quasi-authentiques ayant servi à la rédaction du Cours de linguistique générale sont accessibles et consultables, et rien ne justifie plus la substitution du Cours aux textes authentiquement saussuriens ; d'autre part, par rapport aux progrès qu'ont fait les linguistes et la linguistique les idées exposées dans le Cours semblent avoir atteint leurs limites, sans que Saussure ait été réellement compris ; or, seuls les textes originaux des deux premiers volets peuvent redonner un souffle heuristique à la linguistique saussurienne et à la linguistique tout court.

Alors, peut-on continuer à argumenter sur le Cours sous prétexte que « Saussure pensait de même » ? En toute connaissance de cause, ce serait à l'encontre du bon sens et de toute éthique à l'égard de la propriété intellectuelle. La même éthique exige, en revanche, de reconnaître les « droits d'auteur » légitimes de Bally et Sechehaye et de rendre hommage à leur immense effort de faire connaître les grandes lignes du projet saussurien. Leur texte, le Cours de linguistique générale, mérite de plein droit le statut de monument historique dans l'histoire des idées linguistiques en général, et du saussurisme en particulier [85]. La science du langage doit une fière chandelle au Cours de linguistique générale, car « sans lui il n'y aurait pas eu de linguistique générale saussurienne » [86], souligne Engler et la plupart des chercheurs sont de cet avis [87]. Cependant, malgré sa valeur historique incontestable, ce texte - en face des textes authentiques et quasi-authentiques - n'a désormais aucune valeur singulière pour la connaissance de la linguistique générale saussurienne : l'interprétation de Bally et Sechehaye n'a pas plus d'importance que n'importe quel grand texte de l'exégèse saussurienne, comme ceux de Godel, Engler et De Mauro [88] que, d'ailleurs, personne ne songe à attribuer à Saussure.

Résumons : le Cours de linguistique générale - qui, pendant des décennies et pour les raisons qu'on connaît, a revendiqué l'autorité auctoriale de Ferdinand de Saussure en jouant le rôle de texte unique pour le large public, et de texte principal pour les spécialistes - est un texte pseudo-authentique à l'égard de Saussure [89], et ne peut figurer dans le corpus saussurien à aucun titre.

En revanche, sa place dans l'archive saussurienne en tant que document historique est incontournable. À partir de l'archive, rien n'empêche d'étudier le Cours de linguistique générale de Bally et Sechehaye comme corpus autonome ; il peut très utilement servir : 1° de corpus d'étude dans des recherches qui portent sur la réception de la linguistique « saussurienne » au XXe siècle ; 2° de corpus de référence sur lequel on pourra contraster le corpus saussurien afin d'évaluer les divergences entre les deux corpus [90].

Après avoir séparé le corpus de l'archive et examiné les principes d'authenticité qui président à la constitution du corpus saussurien, nous abordons la question de l'interprétation de ce corpus.


2. Le corpus et les principes interprétatifs fondamentaux

Étant donné que les conceptions théoriques de Saussure sont dispersées dans plusieurs textes, la connaissance du système conceptuel saussurien demande une interprétation fondée sur l'ensemble des données du corpus. Elle doit respecter d'une part les principes généraux d'interprétation des corpus, notamment la détermination du global sur le local, et d'autre part les principes constructifs correspondant aux particularités du corpus saussurien lui-même selon l'attention portée à l'authenticité et à la position chronologique de chaque composante textuelle.

Ainsi, l'interprétation du corpus saussurien obéira à trois principes interprétatifs fondamentaux :

Principe de privilège du plus authentique

Dans l'interprétation des concepts privilégier les sources selon leur authenticité, en ordre décroissant :

Selon ce principe l'on commencera l'interprétation en s'appuyant sur des textes du degré d'authenticité le plus élevée (catégorie I, si de tels textes existent, le cas échéant par les textes de la catégorie II, et ainsi de suite), et cette procédure sera poursuivie en ordre décroissant (en présence de textes de catégories différentes), la complémentarité de chaque catégorie suivante étant sous-jacente. Ainsi, il ne serait pas justifié de prendre comme base de l'interprétation des textes de la catégorie IV quand il existe des textes d'un degré plus élevé.

En revanche, une insuffisance de données dans les textes authentiques peut faire pencher la balance en faveur des textes quasi-authentiques : par exemple, si l'on entreprend une recherche consacrée au concept d'entité abstraite, l'on constatera que les écrits authentiques disponibles ne fournissent que quelques mentions très sommaires [91] dont la dernière en date est un aide-mémoire schématique :

L'on sera donc obligé de se référer aux textes quasi-authentique des notations de la leçon du 9 mai 1911 lors de laquelle Saussure a développé oralement le chapitre « Les entités abstraites de la langue ».

Exemple : Pour interpréter le concept de « parole », on peut construire un sous-corpus thématique « Parole » qui doit comprendre tous les paragraphes contenant le terme interrogé en prenant soin de les regrouper par catégorie d'authenticité, ce qui permettra d'éviter la pollution des données dans l'exploration et de privilégier dans les conclusions les informations qui proviennent de la catégorie la plus authentique.

II° Principe de respect du plus récent

Il ne faut jamais négliger le fait que le corpus saussurien – qui réunit des textes écrits ou professés sur plusieurs années - reflète le dynamisme d'un système conceptuel en construction qui s'amplifie et s'enrichit à fur et à mesure, non sans connaître des fluctuations inhérentes à toute quête scientifique. Il est donc nécessaire, dans une exploration rigoureuse, de tenir compte des strates chronologiques de ce corpus en privilégiant les moins éloignées, celles qui correspondent aux développements les plus récents et aux dernières décisions de Saussure [92].

Exemple : On constatera, en explorant le sous-corpus thématique « Sémiologie », que la sémiologie à laquelle pensait Saussure en 1891 n'est pas la même chose que la sémiologie des dernières années de sa vie :

Entre la « sémiologie » projetée dans le domaine du langage verbal et dénommant, en 1891, une linguistique étendue, et la « sémiologie » désignant un groupe de sciences qui couvrent plusieurs domaines où celui du langage verbal étudié par la linguistique n'est qu'une petite partie, Saussure a parcouru un bout de chemin queseule une exploration textuelle, s’appuyant sur des indices thématico-chronologiques, pourra révéler.

À titre d'illustration, voici un résumé sommaire des étapes constructives :

Ainsi, l'exploration thématico-chronologique retrace l'histoire de la construction du concept : à partir de 1894 quand la sémiologie quitte le cadre strictement linguistique, à travers les tâtonnements (« une science », « un groupe de sciences »), jusqu'à l'affirmation en 1911 d'une sémiologie plurielle (« sciences », « études ») ou « fédérative » selon la proposition de Rastier [107]. Il est évident que rien n'autorise désormais la définition de la sémiologie saussurienne comme « linguistique », parce que – selon les derniers développements conceptuels et choix terminologiques de Saussure - ce concept désigne un compartiment regroupant des sciences qui reposent sur des principes communs, notamment, d'étudier des objets (signes) dont la valeur est « arbitrairement fixable » et ne dépend pas d'une référentialité externe supposée relative aux « choses » en dehors des signes eux-mêmes.

Soulignons que le deuxième principe n'est pas autonome : il agit en conformité avec le premier principe, selon le schéma suivant :

Ce schéma présente, bien entendu, les positions consécutives de la démarche de manière idéale ; dans une étude réelle certaines positions resteront vides.

III° Principe de respect du global

Étant donné que les concepts ne sont pas isolés mais font partie d'un système conceptuel réparti dans tout le corpus, l'on privilégiera l'interprétation qui tient compte de la globalité du corpus. Privilégier le global, signifie une exploration non linéaire en réseaux interprétatifs [108].

Ainsi, l'exploration du sous-corpus thématique « Parole » révélera, d'une part, que ce concept s'exprime également par le terme « discursif », ce qui oblige à croiser le sous-corpus « Parole » avec le sous-corpus « Discours » ; et d'autre part, qu'il est relatif au concept de « langue » à travers la dualité parole-langue, ce qui conduira à une confrontation du sous-corpus obtenu « Parole-Discours » avec le sous-corpus « Langue ». Une autre voie d'exploration est celle qui interroge le sous-corpus thématique « Dualité(s) » en cherchant à connaître à quelles paires de concepts s'applique exactement l'emploi de ce terme. En fonction des résultats obtenus, l'on appariera les sous-corpus thématiques concernés. On découvrira, par la même occasion, que le concept de « parole » concerne un autre couple, celui du langage oral – langage écrit. On peut ramifier ce réseau interprétatif thématique autant que le demande l'objectif de la recherche.

Cependant, ce n'est qu'un exemple simplifié de la démarche à suivre : pour ne pas compliquer inutilement l'illustration, nous avons préféré nous concentrer sur les possibilités de ramification en choisissant délibérément d'ignorer les deux premiers principes. En effet, la démarche est beaucoup plus complexe : en tenant compte des strates chronologiques du corpus selon le deuxième principe et en respectant les degrés d'authenticité selon le premier principe l'on procède par réseaux interprétatifs thématico-chronologiques, en faisant attention à ne pas confronter des données de niveaux différents : par exemple les données de la strate I du sous-corpus « Parole », avec les données de la strate II du sous-corpus « Discours » :

Ainsi, le troisième principe exposé ici rend compte de l'interpénétration du global, de l'authentique et du chronologique ; il sous-tend les deux premiers principes de sorte à former une base méthodologique cohérente et non contradictoire. En dernière analyse, seule la globalité du corpus permet de vérifier les hypothèses et de valider ou invalider certaines affirmations.

La puissance du global par rapport au local dans l'interprétation des concepts saussuriens a été éprouvée et prouvée par certains linguistes qui ont réussi à repérer les incohérences dans le Cours de linguistique générale grâce, notamment, à une lecture ciblée sur la compréhension globale du système conceptuel saussurien [109].

Éviter les choix arbitraires, s'appuyer sur la globalité des documents du corpus dans l'étude philologique, c'est ce que préconisait Saussure lui-même :

Soyons attentifs à ses leçons.


3. Perspectives

Quelques mots, enfin, sur l'état actuel du corpus saussurien.

Étant donné qu'une partie des textes qui composent le corpus saussurien sont publiés dans différents volumes, et que d'autres se trouvent toujours dans les fonds des bibliothèques [110], à l'heure actuelle ce corpus n'existe qu'à l'état idéal, en tant qu'entreprise collective de tous les chercheurs qui travaillent sur le classement et l'édition critique des textes de Saussure depuis presque un siècle.

Si le corpus n'est pas encore matériellement réalisé, c'est que sa création n'est pas une chose facile, Godel et Engler y ont consacré leurs vies entières. En revanche, la demande des chercheurs, quant à elle, est bien réelle : depuis le plaidoyer de Jäger « pour la reconstruction de la pensée saussurienne dans sa forme authentique » (1976 [111]), les appels se multiplient, et avec eux, les propositions : Fehr évoque « l'urgence d'une édition critique homogène du fonds des inédits de Saussure » (1997 [112]) comme base indispensable « d'une étude attentive des relations transversales et des chevauchements qu'entretiennent entre eux les différents éléments contenus dans un fonds d'une telle ampleur et d'une complexité aussi fascinante » [113]. Buss et Ghiotti jugent nécessaire de « mettre à disposition le corpus de textes dans sa totalité » [114] et envisagent une édition électronique en considérant que la présentation hypertextuelle serait mieux adaptée à la complexité des textes saussuriens car elle permet des points d'accès multiples et une lecture non linéaire. Ces propositions ne sont pas contradictoires : bien qu'elles diffèrent par le choix de support, elles requièrent toutes les deux un travail philologique préalable de mise en place d'un format et d'un appareil critique unifiés.

Quelle que soit la solution, nous sommes tous conscients de l'énormité de la tâche, du temps et de l'investissement que demande sa réalisation. Cependant, aujourd'hui les perspectives sont beaucoup plus favorables qu'elles ne l'étaient pour Godel et Engler : en conjuguant la disponibilité grandissante des textes saussuriens [115] avec les outils et l'expérience acquise par la linguistique de corpus on peut espérer la création matérielle, dans l'avenir, du corpus « Ferdinand de Saussure » qui serait le support indispensable de l'étude philologique des textes et pourrait ouvrir des possibilités inattendues d'interprétation de la pensée saussurienne dans sa polyphonie [116].

En attendant la future réalisation du corpus saussurien, nous avons voulu proposer une réflexion méthodologique et soumettre à la discussion deux propositions :
1° limiter le corpus saussurien aux textes dont l'auteur légitime est Ferdinand de Saussure en différenciant le corpus de l'archive,
2° adopter les trois principes interprétatifs (principe de l'authentique, du chronologique et du global) conformes à l'organisation particulière du corpus saussurien afin d'atteindre une plus grande objectivation de l'interprétation des données dans l'étude de l'œuvre de Ferdinand de Saussure.


NOTES

* Une version papier de cet article est à paraître dans les Cahiers Ferdinand de Saussure, n°60.

** Je remercie François Rastier et Evelyne Bourion pour leur lecture instructive, et tout particulièrement Simon Bouquet, dont les articles sur les textes saussuriens m'ont inspirée pour cette réflexion.

[1] Cf. les éditions critiques de Godel (1957), de De Mauro (1967), et d'Engler (1968).

[2] Cf. Mounin 1968, p. 20-21.

[3] Cf. Bouquet 1999, section 1.2.

[4] Cf. Rastier 2004, section I.

[5] Cf. les notes éditoriales de Jäger, Buss et Ghiotti (Saussure 2003a, p. 324).

[6] Pour une bibliographie des textes publiés par Saussure lui-même voir « Bibliographia saussureana » de Redard 1974 ou Fehr 2000, p. 250-254.

[7] Cf. Saussure 1922.

[8] Voir la liste des publications posthumes chez Fehr (2000, p. 254-259). Pour un commentaire, voir Mejia (2005a, p. 6-7).

[9] Publication Genève : J.-C. Fick, 1881. Repris dans le Recueil (cf. Saussure 1922).

[10] Cf. la description chez Parret 1993, p. 188.

[11] Cf. Godel 1957, p. 36.

[12] Cf. la Préface du CLG, 1916 ; cf. aussi De Mauro 1972, p. 344.

[13] Ici peuvent être évoquées des raisons affectives et pas nécessairement qualitatives. Cf. Saussure 1960, p. 17.

[14] Cf. la description des manuscrits de Harvard (Parret 1993, p. 180).

[15] Cf. Bouquet et al. 2003, p. 473.

[16] « S. [Saussure] réécrit sept fois le même texte en ne changeant que la présentation », signale Parret 1993, p. 197.

[17] Plusieurs chercheurs qui étudient différentes parties du corpus saussurien soulignent ce fait. Turpin signale, à propos des manuscrits consacrés aux légendes : « Beaucoup de ces notes, de par leur aridité, n'étaient pas certainement destinées à la publication, mais servaient à Saussure pour l'élaboration de son travail » (Saussure 2003b, p. 352).

[18] Voir la proposition de prise en compte de la datation des écrits dans la seconde partie de cet article.

[19] Certaines lettres ont été publiées du vivant de l'auteur : cf. l'extrait d'une lettre de Saussure sur les termes de parenté chez les Aryas jointe en appendice (p. 494-503) par Alexis Giraud-Teulon dans son ouvrage Les origines du mariage et de la famille (Genève : A. Charbuliez, 1884). D'autres ont bénéficié d'une publication posthume comme les lettres adressées à Antoine Meillet publiées par Benveniste (cf. Saussure 1964), les lettres adressées à Giovanni Pascoli publiées par Nava (CFS, 1968, n°24, p. 73-81), les lettres de Leipzig, publiées par Buss, Ghiotti et Jäger (cf. Saussure 2003d), etc. Pour une bibliographie récente de la correspondance de F. de Saussure voir Fehr 2000 (p. 260-263), ou le Cahier de l'Herne (Bouquet 2003, p. 511-512).

Toutefois, les chercheurs et les lecteurs ne peuvent que regretter l'absence d'édition chronologique complète de la correspondance de Ferdinand de Saussure ou, du moins, de ce qui est connu de cette correspondance.

[20] La liste chronologique des cours professés par Saussure (cf. Godel 1957, p. 16-17 ; Fehr 2000, p. 237-249 ; Linda 1995, 2001) confrontée à la liste des cahiers d'étudiants disponibles fait apparaître des manques importants dans la documentation des cours dont nous disposons actuellement.

[21] Gambarara remarque, à juste titre, que Saussure a « conçu en auteur » ses cours (2005, p. 39).

[22] L'emploi du terme « version » au lieu de « variante » est ici intentionnel : nous préférons garder le terme « variante » pour les reprises génétiques du même texte faites par l'auteur lui-même, et appliquer le terme « version » aux textes reproduits subjectivement par les interlocuteurs.

[23] Saussure 2003b, p. 390.

[24]L'édition critique d'Engler (1968) est une source inestimable de confrontation de passages parallèles entre les notes d'étudiants et les notes autographes de Saussure. Seulement, comme le remarque Bouquet (1999), le morcellement des leçons en fonction d'un ordre fixé par rapport au CLG la rend peu maniable.

[25] Cf. De Mauro 1972, p. 344.

[26] Godel 1957a, p. 29-30.

[27] Cf. Godel, Cahiers Ferdinand de Saussure, 1954, n°12, p. 49.

[28] Saussure 2003b, p. 427.

[29] La transmission est directe : auteur effectif (en l'occurrence Saussure) => auditeur effectif.

[30] CFS, 1957, n°15, p. p. 3.

[31] Cf. ELG, p. 330-335.

[32] La leçon n'est pas datée dans les sources ; nous pensons qu'il s'agit de 2 juin 1911. Notre calcul repose sur le fait que chaque leçon ne dépasse pas une certaine durée temporelle qui dans la version de Constantin correspond à une plage de 5 à 11 pages d'écriture. Or, la leçon que Godel identifie comme celle de 30 mai accumule 19 pages. La seule date possible entre 30 mai et la leçon suivante du 6 juin est, évidemment le 2 juin. Ainsi dans les notes de Constantin on peut supposer que les pages 317-326 reflètent la leçon du 30 mai, alors que les pages 326-336 se rapportent à la leçon du 2 juin.

[33] La version de Constantin du IIIe cours est, on le sait, la plus complète.

[34] Le passage de l'écrit à l'oral dans la prise de notes pouvant varier considérablement d’une personne à l’autre, il faut considérer qu’il est impossible de connaître avec certitude la teneur exacte de l'exposé oral.

[35] « M. Riedlinger nous affirme en effet qu'après chaque leçon les auditeurs cherchaient en équipe à compléter les notes que chacun d'eux avait prises. » (Engler 1968, p. XII).

[36] « La craie en main dès son arrivée, toujours debout, ne s'aidant jamais de notes, il couvrait les grands tableaux noirs de vocables de toutes les espèces, de scolies étonnantes, et sans arrêt, sans se retourner, le regard parfois perdu dans le ciel par la haute fenêtre, donnait des explications d'une voix douce et monocorde. Le suivre n'était pas toujours chose facile », confesse Duchosal 1950 (cf. De Mauro 1972, p. 345).

[37] La psychologie deviendra plus tard, on le sait, sa profession.

[38] Il serait difficile de savoir si cette remarque a été faite effectivement par le conférencier.

[39] Les chercheurs doivent être vigilants au sujet de ces corrections et ajouts postérieurs qui relèvent d'une notation différée : proviennent-ils de la concertation avec d'autres élèves, résultent-t-ils d'une réflexion personnelle ou d'un effort de mémoire ? La mémoire, nous l'avons vu, n'est pas infaillible ; dans la transcription de l'entretien avec Saussure de 6 mai 1911 Gautier l'avoue explicitement : « Ici quelque chose de perdu dans ma mémoire ». (Gautier 2005, p. 70).

[40] « En fait, il semble avoir été plus soucieux de donner à ses idées une forme accessible à des étudiants non préparés, que d'y ajouter du nouveau ou de les élaborer en un système conforme à son idéal géométrique », remarque Godel (1957a, p. 34). Gambarara a rappelé récemment une telle simplification : « Dans ce dernier cas, qui est celui qui avait frappé Sechehaye, dans la note de Saussure il y a une terminologie intéressante (simile, dissimile) qu'on retrouve changée dans la leçon (similaire et dissemblable), bien que le sujet et l'argumentation soient les mêmes » (2005, p. 38).

[41] Cf. Godel 1957, p. 132.

[42] Mejia 2005b, p. 49.

[43] Notes lacunaires à cause de ses absences lors du cours.

[44] Ainsi, le texte du IIIe cours a été attribué à Saussure par Komatsu et à Constantin par Mejia.

[45] Sans le texte crée par Saussure les notes des interlocuteurs n'auraient jamais existé.

[46] Cf. K. Sarah-Jane Murray, Informatique et textualité médiévale : "gloser la lettre" au XXIe siècle, Bulletin Sémantique des textes, 2001, vol.7, n°3.

Version électronique disponible sur : < http://www.revue-texto.net>, rubrique Archives : SdT.

[47] Publiée par Godel dans les Cahiers Ferdinand de Saussure (1954, n°12).

[48] Malgré la déclaration des auteurs-éditeurs que « toutes les parties » sont « présentées dans un ordre conforme à l'intention de l'auteur » (cf. Préface de la première édition), tous les exégètes de l'œuvre saussurienne ont signalé le décalage entre l'organisation logique du IIIe cours et celui du CLG. Cf. Godel : « l'ordre des divisions générales, indiqué et motivé par Saussure n'a pas été maintenu » (1957, p. 98) ou De Mauro : « Le troisième cours est la base de l'œuvre, mais pas de son organisation » (1972, note 12, p. 406).

[49] Plusieurs chercheurs posent la question « faut-il dire les auteurs ? » (cf. Fehr 2000, p. 16). D'autres identifient ouvertement Bally et Sechehaye comme auteurs : selon Bouquet « il faut dire "les auteurs" plutôt que "les éditeurs" »(cf. Wolf 1997). Cf. aussi Bouquet (1999, 2005), Rastier (2003), Mejia (2005a), Gambarara (2005), etc.

[50] Cf. Coseriu 2006.

[51] CLG, p. 121 (N.d.T.).

[52] Système, p. 32. (N.d.T).

[53] CLG, p. 128 (N.d.T.).

[54] Cf. ELG, p. 151, p. 157.

[55]Cf. Interview de M. Ferdinand de Saussure sur un cours de linguistique statique (19 janvier 1909) consigné par Riedlinger, publié dans Engler 1957, p. 29.

[56] Cf. Engler 1968, p. 188.

[57] Cf. Engler 1968, p. 199.

[58] Le libre choix de Bally et Sechehaye dans l'agencement des mots, des phrases et des paragraphes, bref tout ce qui fait la composition d'un texte, est, selon Mejia, une preuve suffisante pour « affirmer que les auteurs du CLG sont Charles Bally et Albert Sechehaye, et non pas Ferdinand de Saussure » (Mejia 2005a, p. 13).

[59] Meillet a été plus prudent dans son compte rendu du CLG : « l'on ne sait si les détails qui seraient critiquables viennent de l'auteur ou des éditeurs » (Meillet 1916, p. 33).

[60]Cf. fragment 1501 : « le point de vue historique ... est indispensable » (Riedlinger); « Le point de vue évolutif ...est indispensable » (Sechehaye), « Le point de vue historique est indispensable » (Bouchardy). (Cf. Engler 1968, p. 199).

[61] Cf. CLG, in De Mauro 1972, p. 127.

[62] Qui s'impose de manière évidente en cas de passages incomplets et dans les transitions d'un passage à l'autre (correspondant à des sources plus ou moins autonomes), mais n'est guère justifiée – dans un ouvrage dont l'auteur déclaré est Saussure ! – à l'intérieur de passages complets et cohérents.

[63] Cf. Godel 1957, p. 95-96.

[64] Par ailleurs, le terme « mentalité » n'appartient pas au vocabulaire saussurien ;Saussure emploie le terme « génie de la langue ».

[65] Publiée dans ELG ; la passage interprété dans la section §4 correspond aux pages 215-216.

[66] Cf. Engler 1968, p. 504-506.

[67]CLG, p. 312.

[68] ELG, p. 200.

[69] CLG, p. 23.

[70]Conditionnel d'hypothèse dans la proposition principale, précédée par une subordonnée de concession.

[71] Godel 1957, p. 136.

[72] Cf. Godel 1957, p. 136, n. 25 ; CFS, 1954, n°12, p. 58, n. 9.

[73] Sechehaye avait copié onze des dix-sept pages manuscrites de l'original de Saussure, publié dans les ELG, 10a, p. 197(N9.1) ; 10b, p. 200 (N9.2).

[74] Pour la numérotation des fragments, voir Engler 1968, p. 24-26.

[75] Cf. CFS, 1954, n°12, p. 49. La note elle-même correspond à l'extrait 9, p. 55-59.

[76]Elle traite, entre autres, la problématique, à notre avis fondamentale, des objets étudiés en linguistique.

[77] En revanche ils ont suivi d'autres cours de F. de Saussure à l'université de Genève, comme il a été dit supra : Bally les cours de 1893 à 1906, Sechehaye de 1891 à 1893.

[78] Cf. De Mauro 1972, p. 407, note 16.

[79] Cf. Meillet : « Ce qui est offert au public, c'est donc une rédaction des idées de F. de Saussure sur la linguistique générale par ses deux principaux élèves genevois, MM Bally et Sechehaye » (Meillet 1916, p. 32-33).

[80] Comme le souligne Bouquet, « La préface des rédacteurs du Cours est, à ce sujet, explicite mais non sans ambiguïté : ils parlent en effet de Saussure comme de « l’auteur » de l’ouvrage. En réalité, il aura été largement considéré comme tel, ainsi qu’en témoignent d’innombrables commentaires – émanant éventuellement de linguistes de renom – du type « dans le Cours, Saussure écrit que … ». La référence au « Saussure » du Cours est donc parfaitement ambiguë : le problème philologique posé par le texte de 1916 a été tout simplement voilé par son succès éditorial » (2005, section 2).

[81] Voir à ce sujet les critiques que Saussure adressait au programme de linguistique théorique de Sechehaye qu'il qualifiait de « psychologie du langage » :

« M. Sechehaye, après avoir reproché à Wundt, avec raison, d'avoir méconnu le problème grammatical, arrive lui-même à ne pas s'en faire une idée suffisante. Car la seule idée suffisante serait de poser le fait grammatical en lui-même, et dans ce qui le distingue de tout autre acte psychologique, ou en outre logique » (cf. ELG, p. 258 et sv.) ;

Quant à la stylistique de Bally qui ne différait pas, aux yeux de Saussure, de cette partie de la linguistique qui s'occupe de la parole :

« La stylistique se place de préférence hors de la lettre, dans la sphère de pure parole. [...] mais alors,c'est tout simplement de la linguistique qu'on nous offre sous le nom de stylistique. Oui, messieurs, tout simplement de la linguistique. Seulement, la linguistique, j'ose le dire, est vaste. Notamment elle comporte deux parties : l'une qui est plus près de la langue, dépôt passif, l'autre qui est plus près de la parole » (cf. ELG, p. 272 et sv.).

Ces deux textes, datés respectivement de 1908 et de 1912, sont un témoignage troublant de l'abîme qui séparait la conception linguistique de Saussure de la manière dont concevaient la linguistique Bally et Sechehaye. Ont-ils su, par la suite, remédier à cette incompréhension ? Bally, le promoteur principal de l'édition du Cours,a continué à faire de la stylistique (une linguistique de la parole) jusqu'en 1929, et s'est consacré ensuite à la linguistique en défendant étrangement une linguistique de la langue pour laquelle il déclare : « une seule méthode paraît raisonnable, celle que F. de Saussure a résumée dans la dernière partie de son Cours de linguistique générale : "La linguistique a pour unique et véritable objet la langue envisagée en elle-même et pour elle-même" » (cf. Bally 1944, p. 17, §7). Or, cette malheureuse phrase, conforme à la doxa courante (cf. Bouquet 1997, p. 266) mais complètement étrangère à toute l'œuvre saussurienne, avait été insérée dans le Cours très probablement par l'initiative de Bally, car la séparation ainsi opérée correspondait parfaitement à son propre projet.

[82] Cf. De Mauro 1972, p. 389.

[83]Cf. Mounin 1968, p. 19-20.

[84]C'est ce que suggère Engler : « Mais voit-on le Saussure des cours de linguistique générale prêt à publier ceux-ci – résigné jusqu'à ce point – dans leur ordre et dans la forme de l'enseignement ? Aurait-il jamais pu croire que ceux dont il connaissait l'obstination, accepteraient seulement de jeter un coup d'oeil sur une telle publication ? » (Engler 2003, p. 18).

[85]La plupart des exégètes de l'œuvre saussurienne s'accordent sur ce point, et c'est ce que Engler a souligné dans une de ses dernières publications : « Je soutiens toujours qu'il est indispensable de tenir compte de ce « Saussure de 1916 ». Il est à la mesure de l'époque 1916/57 – Saussure comme le voyaient ses proches ; une interprétation, certes, mais aussi fiable que certaines interprétations du « Saussure » chronologique ». (Engler 2003, p. 18).

[86] Ibidem.

[87] Cf. Gadet : « s'il avait fait lui-même un livre à partir de sa réflexion sur la linguistique générale, on peut penser que celui-ci aurait ressemblé à ses autres écrits savants, et qu'il n'aurait jamais pu connaître l'impact que le CLG a eu » (1987, p. 18).

[88]Dans bien des cas les interprétations de ces auteurs dépassent et corrigent celle donnée dans le Cours. Cf. par exemple le développement de Godel « Le terme et le système » commençant par le constat « À la différence de signe et unité, le mot terme n'est guère connu des linguistes qui citent Saussure. Les éditeurs du Cours ne l'ont pas mis en évidence. C'est pourtant un des mots-clés de la linguistique saussurienne » (Godel 1957, p. 220).

[89] « Cet apocryphe signé a ses mérites, mais ne somme aucunement la pensée de Saussure : interprétation tendancieuse et lacunaire du cours oral, il se substitue à un texte absent », remarque Rastier. (2003, p. 25).

[90] Il a déjà été utilisé comme texte de référence dans les éditions critiques (Engler 1968, De Mauro 1972).

[91] Cf. ELG, p. 24 (1 occ.), p. 34 (2 occ.).

[92]Il faudrait résister à la tentation, très forte ces dernières années, de généraliser les conclusions selon lesquelles les nouveaux documents découverts en 1996 apportent une dernière solution aux problèmes posés par l'interprétation de tel ou tel concept, parce que des 79 notes retrouvées en 1996, 58 représentent des sections du manuscrit De l'essence double du langage qui, en raison de sa datation (1891, d'après la proposition d'Engler, cf. Abréviations in Saussure 2005), peut être considéré comme point de départ, mais non pas comme point d'arrivée des concepts que Saussure a repris et discutés pendant vingt ans après cette date.

[93] Cf. ELG, p. 43-44.

[94]Par le terme « sémiologie » Saussure cherche à souligner la double nature des faits linguistiques (« SIGNE et idée : [...] C'est le domaine de la morphologie, de la syntaxe, de la synonymie, etc. », ELG, p. 54), et à différencier la nouvelle linguistique qu'il est en train de créer de la linguistique de son époque, foncièrement unilatérale et morcelée en diverses disciplines qui communiquent peu ou pas du tout entre elles, et dont certaines sortent même du cadre linguistique. Dans le manuscrit De l'essence double le terme « sémiologie » désigne donc une linguistique unifiée quicomprendrait les disciplines linguistiques classiques et quelques disciplines traditionnellement considérées comme littéraires, mais qui ne sont pas moins linguistiques, comme le remarque Rastier. (cf. Rastier, 2006).

[95] ELG, p. 45.

[96] ELG, p. 111.

[97] Cf., par exemple, les observations sur l'art du blason (Saussure 2003a, p. 337).

[98] Cf. « Au chapitre sémiologie » (ELG, p. 230) .

[99] ELG, p. 266.

[100] ELG, p. 262.

[101] Cf. Naville, Nouvelle classification des sciences, 1901, p. 103-104.

[102] Cf. les notes de Riedlinger du Ier cours, 1.21.

[103] ELG, p. 288.

[104] Cf. les notes de Riedlinger du IIe cours, leçons du 12 et 16 novembre 1908, p. 12-23.

[105] ELG, p. 333.

[106] Cf. les notes de Constantin du IIIe cours, p. 274, p. 323, p. 329.

[107] Rastier est le principal promoteur d'une sémiotique fédérative conforme au projet saussurien. « La sémiotique ne peut être que fédérative », souligne-t-il (Rastier 2001).

[108] Une telle approche a été déjà proposée par Gadet : « des approches multiples, non contradictoires, contribuent à établir une notion née de plusieurs problématiques à la fois. C'est ainsi que s'offrait la solution que nous avons adoptée : des approches successives, se recoupant partiellement, et couvrant des zones de concepts, comme des faisceaux ou des trajets » (1987, p. 27). Soulignons que cette approche chez Gadet est la suite logique de la nécessité d'une lecture globale des textes saussuriens : « Saussure est trop souvent présenté à travers une série de concepts énoncés isolément : langue/parole, signe/signifiant/signifié, synchronie/diachronie, syntagme/ paradigme, système et valeur... Mais quels sont les rapports entre ces différents concepts ? Supposer qu'il y en a un, c'est là l'enjeu d'une lecture globale » (idem, p. 14).

[109] Ainsi, à la base d'une lecture attentive du CLG, Hjelmslev et Guillaume sont parvenus à surmonter les travestissements éditoriaux et à interpréter correctement la conception saussurienne de la relation langue - parole justement en se référant à l'ensemble du système conceptuel mis en place par Saussure, comme nous l'avons démontré ailleurs (cf. Kyheng 2005b).

[110] Les manuscrits de Saussure sont réunis, on le sait, à la Bibliothèque publique et universitaire de Genève (cf. fonds « F. de Saussure », cote : Ms. fr. 1832, 3951-3974; Cours univ. 434-435, 761-762, 824) et à Houghton Library (cf. fonds « Saussure. Linguistic papers », cote : bMS Fr 266), ce qui n'est pas le cas de la correspondance de Saussure dispersée dans plusieurs fonds.

[111] Cf. Jäger 1976.

[112] Fehr 2000, p. 11.

[113] Idem, p. 10.

[114] Buss & Ghiotti 2001, p. 192.

[115] L'on constate depuis une dizaine d'année une vraie volonté de rendre les textes saussuriens de plus en plus accessibles au public, et l'on ne peut que se réjouir de cet intérêt pour l'édition de textes authentiques et quasi-authentiques.

[116] Nous empruntons la « polyphonie » à Engler (cf. Engler 2003).


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©  avril 2007 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : KYHENG, Rossitza. Principes méthodologiques de constitution et d'exploitation du corpus saussurien. Texto! [en ligne], avril 2007, vol. XII, n°2. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Saussure/Sur_Saussure/Kyheng/Kyheng_Corpus-saussurien.html>. (Consultée le ...).