Thierry Mézaille : THÉMATIQUES LITTÉRAIRES


Chapitre 7. Des cooccurrences lexicales aux corrélations sémantiques
L'exemple des mers agricoles chez Proust et Hugo

Le gigantisme du corpus proustien a donc requis l’assistance logicielle pour obtenir toutes les occurrences des madeleines, lesquelles, replongées dans leur environnement contextuel, ont permis d’établir leur thématique. Quand celle-ci prend le dessus sur la simple étude des emplois d’un mot – lexème ou grammème – elle oblige à restreindre la quantité des occurrences au profit de la mise en évidence de la qualité du passage descriptif dans lequel chacune d’elles s’insère.

A. Variations sur la mer proustienne

Voilà pourquoi on a décidé ici d’isoler cinq segments textuels en relation mutuelle de paraphrase, toujours obtenus en majorité dans le texte numérisé. Ordonnés chronologiquement, ils tracent une évolution dans la genèse textuelle, à très longue portée pour un auteur puisqu'elle s'étend de 1896 à 1922. Décrivant des mers normandes, données comme vues soit dans une réalité (plus merveilleuse que réaliste), soit dans une représentation picturale (impressionniste), leur particularité réside moins dans la répétition du mot vedette ‘mer’ que dans la reprise d’une série de comparants, facteurs de cohésion.

A) Les Plaisirs et les Jours : Ou bien la mer serait au contraire agitée, jaune sous le soleil comme un grand champ de boue, avec des soulèvements, qui de si loin paraîtraient fixés, couronnés d'une neige éblouissante. (Pléiade, p. 144)

Ce premier segment est synthétique : on y trouve à la fois la bichromie en jaune boueux campagnard et blanc neigeux formant une couronne, chacun des coloris étant corrélé à une position spatiale et sociale évaluative, /en bas/ (et sale) vs /en haut/ (et précieux). Seul le prolongement spatial de la plaine agricole en plaine marine motive le comparant campagnard, alors que le comparant montagnard, plus exactement nival et d’orfèvrerie, des ‘soulèvements’ immobilisés des vagues ressortit à la topique poétique.

B) Jean Santeuil : [...] la mer vigoureuse, mousseuse comme de la bière, qui tout entière au soleil, ressemblait à des champs où une culture verte alterne avec une culture bleue, cependant que çà et là des restes de neige étincellent [...] (ibid. p. 213)

Au niveau chromatique, si le bleu vert est plus doxal que le jaune pour attribuer le comparant agricole à la plaine marine, l'ajout du comparant ‘bière’, paradoxal mais non faux si l’on réécrit ‘mousse’ en ‘écume’, elle-même équivalent ‘des restes de neige’, conserve certes le jaune contrefactuel. Toutefois, cette couleur passe au second plan derrière la blancheur triomphante de la métaphore montagnarde, même si ce segment a perdu le sème /verticalité/ associé à l’antithèse /roture/ vs /noblesse/ ("soulèvements" de la "boue" et "couronne" royale) vis-à-vis du précédent.

Ajoutons que si "la mer vigoureuse" paraphrase "la mer agitée", avec une personnification supplémentaire, en revanche "neige éblouissante" n'équivaut pas à la neige étincelante ; en effet dans le premier segment, elle éblouit un observateur qui est thématisé par sa situation, "si loin" du paysage qu'il décrit. Or sa disparition, ainsi que celle des conditionnels évoquant un monde imaginaire ("serait", "paraîtraient"), sont indicatrices d'une modification d'ordre dialogique. Ce gommage dans le segment (B) de la subjectivité et de l’acte cognitif de reconnaissance (cf. à ce sujet J. Fontanille, Le savoir partagé - Sémiotique et théorie de la connaissance chez Marcel Proust, Hadès-Benjamins, 1987) aboutit à la création d'un paysage dont les aspects contrefactuels, parmi lesquels ce jaune bière, manquent certes de justification, mais ne se situent pas dans un monde merveilleux.

C) Jean Santeuil : Monet où il y avait des mers jaunes [...], des banlieues neigeuses et boueuses sous un ciel bas et, même dans les meules irisées, dans la pleine mer pâle de soleil aux ombres d'émeraude, une intention forte, un génie mâle [...] (Pléiade, p. 893)

Comme le précédent, ce segment asserte un monde présenté comme réel, dans un temps imperfectif à vision sécante. Néanmoins le réalisme est dissipé par l'isotopie générique /art pictural/ ('Monet', 'génie') qui indexe cette "intention forte", paraphrase de la précédente "mer vigoureuse", au sème casuel /causatif/.

Sa proximité thématique avec le premier segment est flagrante. Par un double rétablissement : du sème /verticalité/, par l'élévation des ‘meules’ unissant campagne et montagne  (cf. l'association  "neigeuses et boueuses"), et dont les irisations appartiennent par hypallage aux "émeraudes" ; l'ajout de ce comparant minéral au nival réactive les afférences /noblesse/ et /merveilleux/.

D'ailleurs la force "mâle", qui rime ici avec "pâle" est sans doute à rapporter au contraste chromatique qui résulte, comme dans les extraits précédents, de la transmutation solaire. En effet si l'éclairage induit le jaune neigeux, en revanche "l'ombre", due au "ciel bas", provoque la couleur émeraude – au demeurant bien plus précieuse que la simple "culture verte" de (B) – celle-là même qui servira à décrire le bois de Boulogne : " Quand un rayon de soleil dorait les plus hautes branches, elles semblaient, trempées d'une humidité étincelante, émerger seules de l'atmosphère liquide et couleur d'émeraude où la futaie tout entière était plongée comme sous la mer. " (Du côté de chez Swann, Pléiade, I, p. 416 – les références de la Recherche sont celles de la nouvelle Pléiade en quatre volumes, de 1987 à 1989, dirigée par J.-Y. Tadié)

Du bain solaire à la "plongée sous", respectivement associés à la bichromie précieuse ‘dorure’ vs ‘émeraude’, la distribution des lexèmes à l’incipit et la clausule de cette période s’inscrit sur l’isotopie /verticalité/ (la « chute » étant compensée par le mouvement ascendant de l'émergence). En rapprochant cette phrase des précédentes, on a la surprise de constater que la liquidité marine est désormais le comparant, non plus le comparé, du monde végétal-agreste.

Notons une constante proustienne au niveau de la modalisation : les outils "semblaient" et "comme" en régime d'enclosure (cf. ci-dessous ; i.e. indices d'un observateur subjectif reconduisant au comparant marin merveilleux) évitent la fausseté qu'eût entraîné la métaphore n'usant par exemple que du simple verbe être.

Quant au jaune-Monet, il annonce déjà ces toiles d'Elstir admirées par Marcel, du Côté de Guermantes, "où les voiles semblaient glisser sur un vernis d'or", sacralisé et magique, dans un "instant lumineux" et éternel (II, p. 714). La transition s'effectue sur l'isotopie /art/, mais dans le segment suivant, la peinture le cède à la poésie, sur leur axe commun, /post-romantique/ :

D) A l'ombre des jeunes filles en fleurs II : […] je me demandais […] si le soleil rayonnant sur la mer dont parle Baudelaire n’était pas – bien différent du rayon du soir, simple et superficiel comme un trait doré et tremblant (1)  – celui qui en ce moment brûlait la mer comme une topaze, la faisait fermenter, devenir blonde et laiteuse comme de la bière, écumante comme du lait, tandis que par moments s’y promenaient çà et là de grandes ombres bleues que quelque dieu semblait s’amuser à déplacer, en bougeant un miroir dans le ciel. (Pléiade, II, p. 34)

On constate que la frontière évaluative, voire sociale, qui scinde le jaune dépend du contexte : il reçoit l’afférence /terne/ quand la bière est du côté campagnard de la boue ; en revanche /brillant précieux/ lui est afféré par assimilation  avec la dorure et la topaze. Dans ce tronçon de période, on voit en outre que les comparants se répondent harmonieusement, puisque ‘bière’ par exemple motive la bichromie en jaune et blanc unissant les génériques
- //alimentation// de l'écume, non plus neigeuse mais ‘laiteuse’ (surtout à proximité de la grand-mère protectrice voire nourricière qui, quelques pages auparavant, calmait l'anxiété de Marcel dans ce même hôtel de Balbec) ; douceur affective qui contraste avec la dureté suivante du minéral ;
- //joyaux//, taxème (2) où la blondeur de 'topaze' a pris le relais de la couleur verte, bien que celle-ci, comme le bleu et le miroitement – doxaux pour la surface marine –, réapparaisse en cooccurrence non seulement avec la blancheur brillante mais avec la dorure (3) : " [...] je retournais près de la fenêtre jeter encore un regard sur ce vaste cirque éblouissant et montagneux et sur les sommets neigeux de ses vagues en pierre d'émeraude [...] (II, p. 33) la marée et le grand jour élevaient, comme devant la cité céleste, un rempart indestructible et mobile d'émeraude et d'or. (p. 35) Et dès ce premier matin le soleil me désignait au loin d'un doigt souriant ces cimes bleues de la mer qui n'ont de nom sur aucune carte géographique, jusqu'à ce qu'étourdi de sa sublime promenade à la surface retentissante et chaotique de leurs crêtes et de leurs avalanches, il vînt se mettre à l'abri du vent dans ma chambre [...] " (p. 34).

Dans ce contexte marin de Balbec, l'humour tourne en dérision le merveilleux, avec le syntagme "quelque dieu semblait s’amuser" repris par ce "doigt souriant" du soleil personnifié, pointé vers les cimes. Cette isotopie /verticalité/ sacralisante (cf. "élevaient devant la cité céleste") permet de multiplier les comparants montagnards (cirque, pierre, crêtes, etc.), dans un processus de minéralisation et d'assèchement. Pareille accumulation de « sens figurés », où l’hyperbole le dispute à la métaphore, ajoutée à la touche oxymorique au niveau des sensations que confère "brûlait-fermentait" par rapport à l’univers glaciaire des "avalanches et sommets neigeux", reconduisent le monde empirique de Balbec au transcendant que symbolise l’épithète "sublime". De façon convergente, il n'est plus question dans ce passage, fût-il élargi, d'un assombrissement, tant le scintillement général domine.

Notons la proximité sémantique de ce segment avec le premier, tant par ses soulèvements que sa modalisation d'incertitude qui rend ce monde acceptable, comme précédemment les conditionnels. En effet l’interrogative "je me demandais si" est un support qui de nouveau a valeur d'enclosure en réduisant l'incompatibilité sémantique – partant la fausseté – entre le comparé marin et ses comparants ouvertement situés dans le monde imaginaire de l’observateur, ici JE Marcel.

A la question : qu'est devenu le jaune boueux de (A) et (C) ? la prise en considération des écrits de Proust écarte la possibilité de l'oubli, tant l’auteur de la Recherche y réutilise des fragments antérieurs. Génétiquement, rien ne se perd, tout se modifie, par migration contextuelle. On constate en effet que le jaune boueux a été disjoint de la bière topaze, éloignement que l'on peut rapporter à une intention, celle d'éviter toute confusion par proximité.

E) Sodome et Gomorrhe II : Cette opposition qui alors me frappait tant entre les promenades agrestes [...] et ce voisinage fluide inaccessible et mythologique de l'Océan éternel n'existait plus pour moi. Et certains jours la mer me semblait au contraire maintenant presque rurale elle-même. Les jours, assez rares, de vrai beau temps, la chaleur avait tracé sur les eaux, comme à travers champs, une route poussiéreuse et blanche [...]. Car l'alternance d'espaces de couleurs nettement tranchées [...], les inégalités âpres, jaunes, et comme boueuses de la surface marine [...] où une équipe d'agiles matelots semblaient moissonner, tout cela par les jours orageux, faisait de l'océan quelque chose d'aussi varié, [...] d'aussi civilisé que la terre carrossable [...] (Pléiade, III, pp. 179-80)

Ce segment se situe à trois volumes de distance du précédent, lors du second voyage à Balbec où l'Océan change de caractère "mythologique", les nombreux comparants roturiers s'étant substitués aux aristocratiques (joyaux et montagne céleste). L'observateur subjectif demeure, avec la répétition de ‘sembler’ et de ‘comme’, dont la modalité épistémique concerne aussi dans ces lignes "l'erreur du jugement", "l'illusion du premier regard", "la suggestion qu'il éveille dans l'imagination". Cette fois il contemple une "mer rurale" dont les composants se sont multipliés (cf. "agrestes, à travers champs, terre carrossable, moissonner"), toujours selon la même bichromie : "les inégalités âpres, jaunes, et comme boueuses de la surface marine" ; dans lesquelles "la chaleur avait tracé une route poussiéreuse et blanche", paraphrase dépréciative de "mousseuse d’écume" (cf. B). Toutefois, comme bien souvent chez Proust, la dévaluation n'est pas univoque, si l'on songe que le "civilisé" reprend le dessus sur la nature brute, et que les paysans matelots sont "agiles" – les champs de la mer donnant lieu à la connexion des isotopies génériques /navigation/ et /agriculture/, selon une proximité domaniale qui remonte à Hésiode.

Au-delà des antithèses /roture/ vs /noblesse/, /continuité/ vs /discontinuité/ (cf. "une topaze, la bière" vs "inégalités âpres") qui opèrent une inversion dialectique entre le doux blond mythologique passé d’A l'ombre des jeunes filles en fleurs II et le rude jaune terre-à-terre de Sodome et Gomorrhe II, une relation de causalité fait le lien inverse entre la moisson de céréales et la bière résultant de leur mûrissement. Si bien que même à longue distance une unité non seulement thématique mais aussi casuelle est perceptible entre ces segments.


B. Complémentarité des deux parcours : sémasiologique et onomasiologique

Onomasiologique tout d'abord. En dehors des mers, poursuivons le rapprochement de tels extraits très éloignés dans le corpus proustien, pour montrer comment, en dépit des modifications sémantiques, la conservation sémantique demeure, notamment sur fond des isotopies génériques /alimentation/, /joyaux/, /montagne/, /merveilleux/, etc.

Ainsi dans le sillage du segment (D), l’incipit d’A l'ombre des jeunes filles en fleurs II présente, aux yeux de Marcel émerveillé par un physique hors norme, le jeune Robert de Saint-Loup, non seulement à proximité de la mer lors du même séjour à Balbec, mais en tant que prototype du héros brillant, au physique comme au mental, à qui vêtements et attitudes confèrent un "air efféminé", l'inversion sexuelle étant ici symbolisée par l'hypallage croisée ("peau blonde et cheveux dorés") : " [...] je vis, grand, mince, le cou dégagé, la tête haute et fièrement portée, passer un jeune homme aux yeux pénétrants et dont la peau était aussi blonde et les cheveux aussi dorés que s'ils avaient absorbé tous les rayons du soleil. Vêtu d'une étoffe souple et blanchâtre comme je n'aurais jamais cru qu'un homme eût osé en porter [...]. Il semblait que la qualité si particulière de ses cheveux, de ses yeux, de sa peau, de sa tournure, qui l'eussent distingué au milieu d'une foule comme un filon précieux d'opale azurée et lumineuse, engainé dans une matière grossière, devait correspondre à une vie différente de celle des autres hommes.  " (II, p. 88)

Si l'on ajoute à ce physique un portrait moral frappé du sceau de l'extrême douceur à l'égard de Marcel, une fois les présentations faites : " Les premiers rites d'exorcisme une fois accomplis, comme une fée hargneuse dépouille sa première apparence et se pare de grâces enchanteresses, je vis cet être dédaigneux devenir le plus aimable, le plus prévenant jeune homme que j'eusse jamais rencontré. " (II, p. 91) les attributs féminins de la mer "blonde et laiteuse", établissent une connexion métaphorique avec ce jeune héros, d’autant que son "filon précieux d'opale azurée et lumineuse" (cf. infra la matière spéciale de sa famille) appartient au taxème //joyaux// de ‘topaze’. En sorte qu'à la précédente personnification du monde marin répond ici la réification du jeune homme.

Pour en revenir au comparant agricole, on constate que, par rapport au segment (E), si "les jours orageux" facilitent le rapprochement avec le "ciel bas" à la Monet du segment (C), en revanche les "meules" attendues ont disparu de ce contexte pour se limiter à la promenade aux alentours de Combray, dans le premier volume : " j’exige avant tout qu’on puisse trouver au milieu des blés, ainsi qu’était Saint-André-des-Champs, une église monumentale, rustique et dorée comme une meule " (I, p. 182).

Déjà auparavant, le processus de mûrissement affectait le même édifice dans le même lieu, par une répétition insistante, avant d'être transposé à Balbec par la fermentation de la bière et la moisson marines que nous avons étudiées : " A gauche était un village qui s'appelait Champieu (Campus Pagani, selon le curé). Sur la droite, on apercevait par-delà les blés, les deux clochers ciselés et rustiques de Saint-André-des-Champs, eux-mêmes effilés, écailleux, imbriqués d'alvéoles, guillochés, jaunissants et grumeleux, comme deux épis. " (I, p. 144 – nous soulignons)

Le toponyme est le premier connecteur des traits récurrents /religion/ ('Saint-', 'clochers', 'ciselés') et /agriculture/ ('-Champs', 'épis', 'rustiques'), dans un mixte savamment entretenu de chrétienté et de paganisme. Ce double fond générique posé, le sémantisme contrefactuel est inauguré précisément par l'épithète ‘écailleux’ qui incite d’autant plus à la réécriture en < poissons > que le "flot" végétal servait déjà de comparant à la plaine de Méséglise. Or la lexicalisation n’a pas lieu car ce sémème met ici en évidence le travail sculptural effectué par la nature. Tant il vrai que l’architecture hérite, dans sa métamorphose qui végétalise le minéral, des qualités de la production céréalière à proximité de laquelle elle se trouve.

Remarque. Sur le plan épistémique, l'acte de compréhension qui sous-tend la métaphore proustienne s’opère par la vision rapprochée et attentive d'épis de blé indexés à l’isotopie spécifique /intense finesse/, dégrossissante et anoblissante, les participes résultatifs étant en outre unis par une sonorité identique : 'ciselés', 'effilés', 'imbriqués', 'guillochés'. Les réécritures en code architectural reflètent la cohésion qui unit comparé et comparant, ainsi porteuse d'un certain effet de vérité : < à ardoises > pour 'écailleux', < dont la pierre vieillit > pour 'jaunissants', < à bulbe > pour 'grumeleux', etc.Voilà pourquoi la rusticité inhibe le sème /intense finesse/. De sorte que, quelle que soit la promotion du comparant, la chute mise en relief par la pause ", comme deux épis" en revient à la nature, dans sa simplicité. On est alors aux antipodes de cette "sublimation stylistique" dont parlait Riffaterre à propos de l'avant-dernier vers des Chats Et des parcelles d'or, ainsi qu'un sable fin, il est vrai dans un genre poétique éloigné du prosaïsme, où ainsi que se substitue au trop banal comme dans le contexte de la transmutation par l'or des prunelles jaunes du félidé (Essais de stylistique structurale, Flammarion, 1971 : 350).
Dans cet ancrage proustien dans la nature végétale, il convient néanmoins de distinguer les deux sémèmes ‘blés’ (pris au propre) et ‘épis’ (comparant) : chacun occupe une des extrémités de la phrase, la rendant cyclique, du /locatif/ en vision lointaine ("on apercevait par-delà les blés") à l’/attributif/ par effet de zoom, les épis actualisent leurs sèmes spécifiques /jaune/, /itératif-duratif/, /résultatif/, /verticalité/, /fin/, /grenu/; de plus /végétal/, /pubescent/, /ascendant/ sont neutralisés par le statisme minéral. Soit :
 
'blés’ factuels
'épis’ contrefactuels
/lointain/, /visuel/
/innombrable/, /banal/
/agriculture/
/locatif/ + /religion/ 
/proche/, /tactile/
/rare/, /précieux/
/sculpture/
/attributif/ + /religion/

Ces oppositions d'un terme à l'autre sont à rapporter de nouveau à l'entrelacement des deux types mimétiques, les réalismes empirique et transcendant. C'est parce que l'erreur perceptive du monument semblant se fondre dans la plaine est socialement normée qu'elle facilite la transition vers la métamorphose merveilleuse. La conciliation des contraires est remarquable : sur cette douce forme curviligne horizontale se dresse verticalement les épis rectilignes, dont le sémème ‘jaunissants’, qui adjoint le triplet aspectuel /imperfectif/ + /duratif/ + /dynamisme/ (en expansion, comme le ‘filon précieux’ minéral, mais ici sans sa dorure) à /perfectif/ + /résultatif/ + /statisme/ (rétraction, par concavité), implique une source lumineuse pénétrant les blés, qui plus est dans un contexte religieux ; elle les reconduit à l'équivalant de l'Idée néoplatonicienne. A cette spiritualisation du végétal, laquelle n'est pas antinomique des fines actions matérielles qu’ils subissent, répond, par un échange baroque de qualités, une sorte de paganisation. Elle n’est pas sans rappeler la mythologie marine de Balbec (puis de la soirée à l’Opéra), et requiert un secteur précis de la topique littéraire. En effet, par désir de conjonction spatiale avec l'être aimé, Mlle Swann, la connexion implicite de la plaine de Méséglise, cette "immense étendue où déferlent les blés" (I, p. 137), avec la féminité repose sur un topos poétique de la Renaissance, qu'illustrèrent notamment Du Bellay : " Les ondoyants cheveux du sillon blondissant [...] du blé jaunissant (sonnet XXX des Antiquités, 1558) et Ronsard : Si j'aperçoy quelque champ qui blondoie \ D'epicz frisez au travers des sillons, \ Je pense voir ses beaux yeux de soye \ Refrisotez en mille crespillons " (Nouvelle Continuation des Amours, 1557).

Si l’on suit maintenant un parcours sémasiologique, en rebondissant sur l’autre occurrence lexicale du rare ‘grumeleux’ dans la Recherche (2 occ. au total), il est intéressant de le retrouver associé à un comparant jaune et alimentaire, dans l’atmosphère religieuse de la tante Léonie de Combray, où son "prie-Dieu" odorant engendre ici encore une solidification et un assèchement : " [...] le feu cuisant comme une pâte les appétissantes odeurs dont l'air de la chambre était tout grumeleux [...], il les feuilletait, les dorait, les godait, les boursouflait, en faisant un invisible et palpable gâteau provincial, un immense "chausson" où, [...] je revenais toujours avec une convoitise inavouée m'engluer dans l'odeur [...] indigeste du couvre-lit [...] " (I, p. 49).

Du visqueux amorphe au cuit achevé, dans une dorure "invisible" et pourtant "palpable", ce "gâteau" métaphorique est une synesthésie qui cumule les expériences sensorielles de façon oxymorique, ce qui comme le segment (D) révèle un monde contrefactuel et merveilleux au sein même des minutieux détails concrets.

Au cours de sa cuisson, les sèmes /liquide/ + /visqueux/ de cette étrange pâtisserie, qui ont été neutralisés, rappellent précisément ceux qui définissent

  1. ce ‘miel’ du pavage de l'église de Combray, dont la douceur résulte du Temps qui passe, ce qui confirme à quel point la matérialité du jaune sucré appétissant est en osmose avec la spiritualité et la sacralité, cela dit non sans humour relativement au péché de gourmandise : " [...] les plates tombes dorées et distendues comme des alvéoles de miel " (I, p. 172) ; " le temps les avait rendues douces et fait couler comme du miel hors des limites de leur propre équarrissure qu'ici elles avaient dépassées d'un flot blond " (I, p. 58). On retrouve les ‘alvéoles’ des épis au sème /concave/ vs /convexe/ du chausson boursouflé et en expansion comme le flot. En dépit de cette antithèse, l’unité des comparants (épis, gâteau, miel) renforce la cohésion entre les comparés respectifs (clochers, odeurs, pavés), qui, sans eux, n’auraient eu qu’une relation de contiguïté. Qui plus est, cette dorure annexe la blonde duchesse de Guermantes, laquelle foule à ses pieds ces pierres tombales des "anciens comtes de Brabant" auxquels elle est d’ailleurs unie par parenté (I, p. 172). La cohésion entre héros humains et matières alimentaires est donc remarquable.
  2.  
  3. la partie supérieure du même édifice religieux, dont la dorure pâtissière évite la comestibilité par l’incitation à réécrire ‘écailles’ en < ardoises > et ‘-gouttes-’ du < bain solaire >. Notons l’identité avec les clochers de Saint-André-des-Champs : " Quand après la messe, on entrait dire à Théodore d'apporter une brioche plus grosse que d'habitude [...], on avait devant soi le clocher, doré et cuit lui-même comme une plus grande brioche bénie, avec des écailles et des égouttements gommeux de soleil " (I, p. 64). On est frappé par une constante : comme l’épi précédent, la pâtisserie dominicale (‘brioche’ partage d’ailleurs avec ‘chausson’ les sèmes /convexe/, /sacralité/, /chaud/, /aéré/, /géant/) transférée au clocher repose sur le sème casuel /locatif/ de la rencontre qui permet le sème /attributif/ de la comparaison. Et comme précédemment le sème aspectuel /perfectif/ du participe passé de la cuisson - laquelle, comme le mûrissement, est une métamorphose due à la durée et la chaleur - est contrepointé par son contraire /imperfectif/ de ces égouttements ininterrompus.
  4. Remarque. Du point de vue lexical, pour identifier de tels passages parallèles (i.e. se paraphrasant), 'écaille-' et 'clocher-' sont certes nécessaires mais insuffisants, requièrent le jaune doré dont ils sont inséparables, celui-là même qui qualifie le livre de messe de tante Léonie, " monté d'or " et comportant " un bandeau de dentelle de papier jaunissante "(I, p. 100), de même que, dans l'église de Combray, " deux tapisseries de haute lice représentaient le couronnement d'Esther [...], le jaune de sa robe s'étalait si onctueusement, si grassement, qu'elle en prenait une sorte de consistance, tapisseries où apparaissent en outre de hautes branches jaunissantes, dorées et comme à demi effacées par la brusque et oblique illumination d'un soleil invisible " (I, p. 60). Le point commun à ces extraits consiste en cette molécule sémique sous jacente au topos de la belle usure du Temps constituée de /longue durée/, /cessatif/, /précieux/, /fin/, /noblesse/ outre le générique /religion/ qui harmonise les objets, le textile-végétal ajoutant une comestibilité de beurre (4), très proche du miel, supra.

Pour renouer avec le thème marin, la réécriture des clochers en < vieux poissons > aura bien lieu, illustrant une nouvelle version de ce que Genette appelait le topos du clocher-caméléon – où "la métaphore trouve son appui et sa motivation dans une métonymie", ici par relation locative avec la mer (1972, pp. 44-5) –, mais tardivement et dans un contexte du volume Sodome et Gomorrhe II, dont la thématique est fort hétérogène de celle de Combray. Il faudra ainsi attendre les promenades de Marcel et Albertine à Saint-Mars-le-Vêtu, aux alentours de Balbec, pour qu'ait lieu la comparaison suivante : " [...] les deux antiques clochers d'un rose saumon, aux tuiles en losange, légèrement infléchis et comme palpitants, avaient l'air de vieux poissons aigus, imbriqués d'écailles, moussus et roux, qui sans avoir l'air de bouger s'élevaient dans une eau transparente et bleue. " (III, p. 403) Ce renvoi intratextuel à longue portée réitère le groupement des sèmes aspectuels /duratif/, /imperfectif/, /inchoatif/, associés à /résultatif/. Seule variation notable, la couleur non plus blonde mais rousse du comparé minéral a été déterminante pour empêcher la lexicalisation de ardoises au profit de "tuiles en losange" que paraphrase "imbriqué d'écailles". Par ailleurs la teinte saumonée servira précisément à dépeindre la métamorphose ichtyologique et mythologique de la fameuse duchesse, logiquement vieillie dans le dernier volume Le Temps retrouvé : " [...] je venais de la voir, passant entre une double haie de curieux qui, sans se rendre compte des merveilleux artifices de toilette et d'esthétique qui agissaient sur eux, émus devant cette tête rousse, ce corps saumoné émergeant à peine de ses ailerons de dentelle noire, et étranglé de joyaux, le regardaient, dans la sinuosité héréditaire de ses lignes, comme ils eussent fait de quelque vieux poisson sacré, chargé de pierreries, en lequel s'incarnait le Génie protecteur de la famille de Guermantes. « Ah ! me dit-elle, quelle joie de vous voir, vous mon plus vieil ami. » (IV, p. 505)

Outre l'unité aspectuelle et thématique entre les deux extraits, on retrouve le roux brillant "émergeant" (qui paraphrase "s'élevaient dans une eau") du bois de Boulogne dont l’"émeraude" est ici subsumée par les génériques "joyaux" et "pierreries". La promotion qu’apporte l’isotopie marine provient du générique /animal/, lequel assure la médiation entre la duchesse sacralisée et les clochers roturiers, tous deux aussi vieillis que le poisson et l’observateur ami. Néanmoins la qualité Guermantes la plus valorisée semble bien cette flexibilité – au-delà d'une première apparence rigide – qui s’incarne aussi bien dans la dimension animale (la ligne serpentine, sur le topos de Mélusine), végétale (les crins de mousse dépeignée) ou minérale (le filon précieux). (5)

Terminons ces rapprochements intratextuels par la dernière occurrence parmi les six au total du lexème ‘écaill-(e)’ (6). Il n'est en effet que de citer l'extrait suivant du volume Le côté de Guermantes pour s'apercevoir que l'univers de Doncières, décrit dans une période aussi ‘royale’ que l'est son contenu, se situe dans la continuité des clochers : " A côté de l'hôtel, les anciens palais nationaux et l'orangerie de Louis XVI [...] étaient éclairés du dedans par les ampoules pâles et dorées du gaz déjà allumé qui, dans le jour encore clair, seyait à ces hautes et vastes fenêtres du XVIIIe siècle où n'était pas encore effacé le dernier reflet du couchant, comme eût fait à une tête avivée de rouge une parure d'écaille blonde (7), et me persuadait d'aller retrouver mon feu et ma lampe qui, seule dans la façade de l'hôtel que j'habitais, luttait contre le crépuscule et pour laquelle je rentrais, avant qu'il fût tout à fait nuit, par plaisir, comme on fait pour le goûter. " (II, p. 394) L'amorce de la connexion métaphorique par l'enclosure "comme eût fait" – où la modalisation d'incertitude se renforce du couplage avec le conditionnel pour rendre ce monde acceptable – suspend l'incompatibilité entre réel et irréel ; plus exactement, à une première vision donnée comme « normale » de l'architecture succède une seconde située ouvertement dans l'imaginaire de Marcel. Nul doute qu’ici encore, avec l’élégance Ancien Régime que confère cette féminisation par le comparant, la description du monde empirique ne reconduise au transcendant. Représentons la structure dialectique et thématique de cette comparaison centrale :

Comparé inanimé : Comparé inanimé :
/naturel/  /artificiel/
/extérieur/ en T1 (avant la nuit)
"reflet du couchant" 
"jour encore clair" : /imperfectif/ 
/intérieur/ en T2 (nocturne)
"ampoules dorées du gaz" 
"déjà allumé" : /perfectif/ 
Comparant humain : Comparant inanimé :
"tête avivée de rouge" 
/résultatif/
"parure d'écaille blonde" 
/duratif/ 
/banalité/ (fond naturel)  /beauté/ (forme esthétique)

N. B.
: Comme précédemment lors des promenades du côté de Saint-André-des-Champs ou de Saint-Mars-le-Vêtu, les imparfaits en contexte rendent indécis le sème aspectuel de la catégorie /singulatif/ vs /itératif/.

Si l’on passe ensuite à l'apodose, qui, avec "et me persuadait" (de retourner à l'hôtel), ajoute une action épistémique, on constate que l’ergativité de l’éclairage artificiel qui agit ainsi contribue à sa personnification. D'autre part, la persuasion modalise la conjonction avec un éclairage "mineur" (feu et lampe), consécutive à la disjonction avec l'éclairage "majeur" précédent. Notons que l'intimisme affectif de "retrouver mon feu et ma lampe" fait ressortir par contraste l'isotopie /aristocratie/ de la préciosité (cf. "palais", "seyait"). Il ne s'agit nullement pour Marcel d'une frustration ni d'une dépossession : "Je gardais, dans mon logis, la même plénitude de sensations que j'avais eue dehors." (ibid.)

Du point de vue tactique, la disposition en un chiasme de couleurs : doré \ reflet du couchant (pourpre orangé) \ rouge \ blonde donne l'avantage à celle qui embrasse : le jaune brillant doux, par contraste avec l'autre vivacité ; corrélativement au déjà commencé sur le encore inachevé (8). Le jeu de ces deux adverbes permet de complexifier la simultanéité en donnant une orientation aspectuelle inverse au sein d'un intervalle temporel, ici lexicalisé par un moment du "jour" ou une "heure" :

  1. isotopies /imperfectif/ + /cessatif/ (fin du jour : T1) pour l'illumination naturelle et rouge ;
  2. paire contraire /perfectif/ + /inchoatif/ (début de la poésie nocturne : T2) pour l'éclairage artificiel et jaune.

Concernant ce dernier coloris, la connexion de ‘ampoules’ avec ‘écaille’ et ‘tête’ repose sur leur isotopie spécifique inhérente /convexe/, l'incurvation ajoutant à la douceur. Elle concorde avec le sème /féminité/ afférent à la parure et à ‘seyait’ de ‘ampoules’. Tout cela accrédite l'idée que la vraisemblance est bien un effet de contenu sémantique.

Or si les clochers précédents finissent par acquérir des écailles de poisson, cette période aristocratique débouche elle aussi, deux pages plus loin, lorsque Marcel se rend à l'hôtel de Saint-Loup à Doncières, sur la "liqueur, qui, à la tombée de la nuit, sourd du réservoir des lampes" avec "des remous onctueux et dorés", baignant l'appartement dans lequel "des hommes et des femmes amphibies, nageaient" (II, p. 396). On effectue ainsi une connexion métaphorique à deux pages de distance entre la parure de l’éclairage artificiel (ampoules de gaz) et l’aquarium. Toutefois celui-ci requiert une relation intratextuelle à plus longue portée. Il convient en effet de se reporter rétrospectivement au volume A l'ombre des jeunes filles en fleurs II, où il est question des "sources électriques faisant sourdre à flots la lumière dans la grande salle à manger" de l'hôtel de Marcel à Balbec, métamorphosé en un "aquarium" aux "remous d'or", dont l'enjeu est la description de la scène "d'ichtyologie humaine" qui s'y déroule (II, 41). Notons que la liquidité, cette fois dissociée des lampes à huiles, provient de la contiguïté avec la mer.

C'est bien le rassemblement local de cooccurrences lexicales, quel que soit son éloignement d'un passage parallèle le paraphrasant dans le corpus, qui entraîne une relation mnémonique chez le lecteur, ainsi fondée sur l’identité thématique. Elle pourrait être prolongée en parcourant bien d’autres segments descriptifs de la Recherche, tel celui de cet autre éclairage artificiel qui constitue pour Marcel un signe de l’arrivée de sa bien-aimée, attendue, qu’il considère comme sa « prisonnière » un instant évadée : " Comme chaque fois que la porte cochère s’ouvrait, le concierge appuyait sur un bouton électrique, […] je quittai immédiatement la cuisine et revins m’asseoir dans l’antichambre, épiant, là où la tenture laissait passer la sombre raie verticale faite par la demi-obscurité de l’escalier. Si tout d’un coup cette raie devenait d’un blond doré, c’est qu’Albertine viendrait d’entrer en bas et serait dans deux minutes près de moi ; […] mais j’avais beau regarder, le noir trait vertical, malgré mon désir passionné, ne me donnait pas l’enivrante allégresse que j’aurais eue, si je l’avais vu changé, par un enchantement soudain et significatif, en un lumineux barreau d’or. " (III, 126) Si intéressante que soit cette nouvelle parure merveilleuse, qui contraste avec la brune Albertine et qui appartient au même univers affectif que les précédentes illuminations, l’absence "des remous onctueux et dorés" détache cet extrait du thème marin, rompant ainsi la chaîne intratextuelle que nous avions ici commencé d’établir.


C. Paysage hugolien

Pour en revenir au topos de la mer rurale, on remontera au poème PASTEURS ET TROUPEAUX extrait des Contemplations, une des sources poétiques implicite des descriptions proustiennes – ne serait-ce que par l’usage de la métaphore fondée sur la relation locative entre les éléments comparés, tel le clocher devenant saumon parce qu’il est contigu de la mer. Voici ses 21 derniers vers, dans une deuxième partie qu’amorce la rencontre euphorique d'Hugo narrateur avec une jeune "chevrière". C’est précisément au moment de cet épisode que le décor agreste cesse d’être simplement bucolique pour devenir le comparant de l’élément marin, lequel se situe au-devant du poète, alors que la jeune bergère est déjà derrière lui :

[...] J'apparais, le pauvre ange a peur, et me sourit ;
Et moi, je la salue, elle étant l'innocence.
Ses agneaux, dans le pré plein de fleurs qui l'encense,
Bondissent, et chacun, au soleil s'empourprant,
Laisse aux buissons, à qui la bise le reprend,
Un peu de sa toison, comme un flocon d'écume.
Je passe ; enfant, troupeau, s'effacent dans la brume ;
Le crépuscule étend sur les longs sillons gris
Ses ailes de fantôme et de chauve-souris ;
J'entends encore au loin dans la plaine ouvrière
Chanter derrière moi la douce chevrière,
Et, là-bas, devant moi, le vieux gardien pensif
De l'écume, du flot, de l'algue, du récif,
Et des vagues sans trêve et sans fin remuées,
Le pâtre promontoire au chapeau de nuées,
S'accoude et rêve au bruit de tous les infinis,
Et, dans l'ascension des nuages bénis,
Regarde se lever la lune triomphale,
Pendant que l'ombre tremble, et que l'âpre rafale
Disperse à tous les vents avec son souffle amer
La laine des moutons sinistres de la mer.

(Jersey, Grouville, avril 1855)

Notons d’emblée l’inversion au sein de la connexion métaphorique : si "chacun de ses agneaux... laisse... un peu de sa toison(comparé), comme un flocon d'écume" (comparant), le dernier vers fait au contraire du comparé pastoral le comparant de la surface marine tempétueuse. Or l’osmose de celle-ci avec le monde céleste de la météorologie contredit la douceur socialement normée du comparé pastoral : en effet, à la chute, "l’âpre rafale disperse… La laine des moutons sinistres de la mer." Moutonnement des vagues, mais aussi des nuages, car ‘écume’ rime avec ‘brume’ et ‘vagues remuées’ avec ‘nuées’, celles du ‘chapeau’ du ‘pâtre’ qui renvoient ainsi à son ‘troupeau’ écumeux de ‘laine’. Cela dans une inversion évaluative paradoxale, où le côté ‘sinistre’ de la mer est attribué par hypallage aux moutons eux-mêmes. Comment cela se justifie-t-il ? Pour obtenir une réponse, on questionnera d'autres poèmes du même auteur, en établissant des relations intertextuelles.

A la différence de Proust chez qui la mer sera rurale et montagneuse, mais non pastorale (où la chevrière n'est qu'un dédoublement du pâtre), Hugo affectionne ce comparant biblique, comme cela se manifeste dans MAGNITUDO PARVI, du même recueil. Les reprises y sont remarquables, car dans un tel climat spirituel, le ‘spectre’ paraphrase le ‘fantôme’ précédent, de même que le syntagme "l'ascension des nuages bénis" lexicalisait, avec le "chapeau de nuées" du pâtre, la paire doxale d’isotopies /religion/ + /verticalité/, ici omniprésente. Toutefois, sur ce même fond, la gravité existentielle et messianique se substitue au rêve bucolique et à l’univers marin :

Son troupeau gît sur l'herbe unie;
Il est là, lui, pasteur, ami,
Seul éveillé, comme un génie
A côté d'un peuple endormi.
Ses brebis, d'un rien remuées,
Ouvrant l'œil près du feu qui luit,
Aperçoivent sous les nuées
Sa forme droite dans la nuit;
Et, bouc qui bêle, agneau qui danse,
Dorment dans les bois hasardeux
Sous ce grand spectre Providence
Qu'ils sentent debout auprès d'eux.
Le pâtre songe, solitaire
Pauvre et nu, mangeant son pain bis;
Il ne connaît rien de la terre
Que ce que broute la brebis.
Pourtant, il sait que l'homme souffre;
Mais il sonde l'éther profond.
Toute solitude est un gouffre,
Toute solitude est un mont.
Dès qu'il est debout sur ce faîte,
Le ciel reprend cet étranger;
La Judée avait le prophète,
La Chaldée avait le berger.

Synthétisons le contraste thématique par les deux groupements sémiques :
 

'troupeau', 'peuple endormi', 'brebis', 'terre'  'pasteur', 'seul éveillé', 'prophète', 'ciel'
/multiplicité/, /horizontalité/,
/humanité/, /perception/ ('aperçoivent', 'sentent')
/unicité/, /verticalité/ (9),
/religion/, /savoir/ ("songe, solitaire")

L'isolement méditatif ne s'inscrit plus ici dans le décor marin, dont les éléments servent de comparant au domaine //métaphysique//, comme en témoignent ces quatre vers des Contemplations : "Que lui fait le temps, cette brume ? L'espace, cette illusion ? Que lui fait l'éternelle écume De l'océan Création ?"

De sorte que la cohésion entre ces contextes et l'extrait de MAGNITUDO PARVI est insuffisante ; elle requiert plutôt le report intratextuel à la vision antérieure du "sombre océan" de l’OCEANO NOX des Rayons et des Ombres (1840), où les deux domaines comparants étaient mis en parallèle (cf. les génériques /marin/ + /agricole/ : "L'un n'a-t-il pas sa barque et l'autre sa charrue ?" peut-on y lire).

Combien ont disparu, dure et triste fortune !
Dans une mer sans fond, par une nuit sans lune,
Sous l'aveugle océan à jamais enfouis !
Combien de patrons morts avec leurs équipages !
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots !
Nul ne saura leur fin dans l'abîme plongée.

Si ‘abîme’ paraphrase ‘gouffre’, en revanche PASTEURS ET TROUPEAUX, pour une même mer déchaînée et nocturne, insistait sur la dispersion à la surface des flots. Cela pour dire que le registre tragico-pathétique des femmes endeuillées par la perte de leurs hommes dans la suite d’OCEANO NOX ("Où sont-ils, les marins sombrés dans les nuits noires ?") contraste avec l’espérance que laisse entrevoir le pâtre éclairé aussi bien par "la lune triomphale" que par le "feu qui luit", grâce auquel le berger guide "sonde" les ténèbres. Ainsi qu'avec la franche euphorie de AU BORD DE LA MER extrait des Chants du crépuscule (1835) (10). La contiguïté spatiale des deux domaines //marin// et //agricole//, l'arbre étant au mât ce que la charrue est à la proue, les deux sillonnant une même étendue plane, y expliquait l’échange d’attributs de l’un à l’autre, par la suite (11). De plus, on y retrouve l’infini, l’apothéose céleste et les nuages, mais sans les rafales, dans "ce fluide Océan" qui conduit à l’osmose entre l’homme, le cosmos et Dieu :

Vois, ce spectacle est beau. - Ce paysage immense
Qui toujours devant nous finit et recommence ;
Ces blés, ces eaux, ces prés, ce bois charmant aux yeux ;
Ce chaume où l'on entend rire un groupe joyeux ;
L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes;
Ce golfe, fait par Dieu, puis refait par les hommes,
Montrant la double main empreinte en ses contours,
Et des amas de rocs sous des monceaux de tours ;
Ces landes, ces forêts, ces crêtes déchirées ;
Ces antres à fleur d'eau qui boivent les marées ;
Cette montagne, au front de nuages couvert,
Qui dans un de ses plis porte un beau vallon vert, [...]
Ici cette charrue, et là-bas cette proue,
Traçant en même temps chacune leur sillon ;
Ces arbres et ces mâts, jouets de l'aquilon ;
Et là-bas, par-delà les collines lointaines,
Ces horizons remplis de formes incertaines ;
Tout ce que nous voyons, brumeux ou transparent,
Flottant dans les clartés, dans les ombres errant,
Fuyant, debout, penché, fourmillant, solitaire,
Vagues, rochers, gazons, - regarde, c'est la terre !
Et là-haut, sur ton front, ces nuages si beaux
Où pend et se déchire une pourpre en lambeaux ; [...]
A sa vague et son flot, à d'autres flots uni,
Où passent à la fois, mêlés dans l'infini, [...]
Eh bien ! nuage, azur, espace, éther, abîmes,
Ce fluide océan, ces régions sublimes
Toutes pleines de feux, de lueurs, de rayons,
Où l'âme emporte l'homme, où tous deux nous fuyons,
Où volent sur nos fronts, selon des lois profondes,
Près de nous les oiseaux et loin de nous les mondes,
Cet ensemble ineffable, immense, universel,
Formidable et charmant, - contemple, c'est le ciel !

Mais revenons à la métaphore personnifiante du "pâtre promontoire au chapeau de nuées" : elle est intéressante par sa substitution casuelle. En effet la relation locative avec les sèmes /marin/ + /relief/ inhérentes à l'éminence rocheuse (12) l'a cédé à la relation attributive des sèmes /pastoral/ + /humain/, lesquels indexent désormais "Le vieux gardien pensif de l'écume, du flot, de l'algue, du récif", par assimilation avec la "gardeuse de chèvres" – elle au contraire ne fait pas l’objet de la métaphore réifiante inverse ; cet "ange" demeure exclusivement "enfant", ce qui ajoute la catégorie oppositive /inchoatif/ vs /cessatif/.

N. B. : Pareille attribution fondée sur la contiguïté de type métonymique qui motive la comparaison avec les segments proustiens étudiés oblige à prendre en considération deux différences thématiques : le comparant marin n'y était pas animal (moutons) mais végétal-minéral (champs, céréale, joyaux), et la divinité s'y manifestait avec une euphorie "mythologique" et une "ascension" bien plus païennes que chrétiennes.

Ce transfert sémique de la gardeuse au gardien ne doit pas occulter l’antithèse qui affecte l’espace. En effet, au final, un même intervalle temporel associe l’isotopie /verticalité montante/ (il "regarde se lever la lune triomphale dans l'ascension des nuages bénis") avec /spiritualité/, /poéticité/ (cf. le final de Fonction du poète : « Car la poésie est l'étoile Qui mène à Dieu rois et pasteurs ! »), /quiétude/ dans cette apothéose nocturne (cf. "S'accoude et rêve au bruit de tous les infinis"), ensemble contrepointé par le groupement contraire /verticalité descendante/, /péril/, /matérialité/, si l'on songe aux engloutissements "sinistres" ainsi qu’à la matière laineuse de la tempête marine ("pendant que… l’âpre rafale", "souffle amer", "bise"). Un tel abîme implicite qui prolonge le "pâtre promontoire" (les cieux divins eux-mêmes dans Les Rayons et les Ombres : « Ô volonté du ciel ! abîme où l'œil se noie ! Gouffre où depuis Adam le genre humain tournoie ! »), masculin et dysphorique, contraste avec la "douce chevrière" qui rime avec "la plaine ouvrière", au contraire féminine et euphorique, indexée à /horizontalité/ (d'ailleurs "L'océan qui s'ajoute à la plaine où nous sommes" confirme l'inhibition de la paire /religion/ + /verticalité/). Si bien que l'isotopie générique /pastoral/ opère la médiation entre les deux univers, marin et céleste.

De sorte que la syllepse sur le dernier alexandrin, trope qui cumule le « sens propre » /pastoral/ + /euphorie/, les moutons de la mer : ceux qui sont à proximité, et le « sens figuré » contraire /marin/ + /dysphorie/, les moutons de la mer : ceux auxquels l'écume prend la toison (13), provient du processus inverse de dissimilation. Celui-ci peut et doit alors être étendu au dynamisme imperfectif associé à ces animaux :

  1. lorsque la "rafale disperse la laine" (sur l'isotopie comparée /marin/ ; /pastoral/ comparante), elle relève de l'isotopie /destruction/, sur le plan corporel matériel, socialement normée pour la violente tempête ;
  2. en revanche, en laissant accrochée "Un peu sa toison, comme un flocon d'écume" (inversement, isotopie comparée /pastoral/, /marin/ comparante), "chacun" des agneaux – moins profane que "les moutons" par la singularisation et la phraséologie agneau de Dieu – s'intègre à l'isotopie /construction/, sur le plan spirituel, qui est activée par contraste avec la précédente et par les contextes de "la lune triomphale" et de la rêverie contemplative (poéticité et religiosité mêlées) du pâtre devant le troupeau "des vagues sans trêve et sans fin remuées".

On voit ainsi comment la comparaison initiale de la laine aux flots, fondée sur l'isotopie /ondulation/ (de la pubescence en boucles et de la pulvérulence des enroulements de vagues), permet de passer de la légèreté (flocon) et de la douceur (agneau, chevrière) à la gravité et la dureté du sort des marins. C'est à elle et aux antithèses qui l'accompagnent que revient le privilège d'organiser ce segment textuel beaucoup plus descriptif que narratif, de par les présents imperfectifs (itératifs-duratifs) qui aspectualisent la rencontre qui a lieu, moins avec les mondes humain et animal qu'avec les paysages et la présence divine qui les animent, de 'ange' ('enfant' /inchoatif/) à 'pâtre' ('vieux' /cessatif/).
L'intérêt, opératoire, de l'entrée dans un si vaste corpus par le choix a priori d'un mot-vedette – acte de plus en plus banalisé par la fréquence des requêtes logicielles – est précisément de remédier à cette inflation par la contrainte de présence formelle (niveau du signifiant), limitant les relations thématiques (niveau du signifié).

[Continuer]


NOTES :

[1] Par cette citation de Chant d’automne, la saison propage le sème aspectuel /cessatif/ au rayon doré, lequel est en quelque sorte contrepointé par /duratif/ du "devenir" blond.

[2] Dès Jean Santeuil il servait de comparant à la mer, Baltique, décrite en termes de "vagues d'argent" et de "fusées d'écume en diamant" (Pléiade, p. 394). Avec les irisations d'émeraude et le scintillement de neige, cela densifiait les isotopies /éclatant/, /précieux/, /raffiné/.

[3] Comme ultérieurement, sur la dimension //humain//, pour la blonde duchesse de Guermantes qui "était superbe sous son diadème d'émeraudes".

[4] Celui-là même que J.-P. Richard (Proust et le monde sensible, Seuil, 1974) rapprochait de l’audition colorée et tactile d'un toponyme religieux, paronyme de Guermantes, suscitant la rêverie du jeune Marcel : " Coutances, cathédrale normande, que sa diphtongue finale, grasse et jaunissante, couronne par une tour de beurre " (I, pp. 381-2).

[5] Le contenu de la période suivante, extraite d’un brouillon primitif de la Recherche, sera conservé dans le texte final : " Les divers Guermantes resteront en effet reconnaissables dans la pierre rare de la société aristocratique où on les apercevait çà et là comme ces filons d'une matière plus blonde, plus précieuse, qui veinent un morceau de jaspe ; on les discernait, on suivait au sein de ce minerai où ils étaient mêlés le souple ondoiement de leurs crins d'or, comme cette chevelure presque lumineuse qui court, dépeignée, dans le flanc de l'agate mousse." (Cahier 5 de 1908, II, pp. 1025-6) La paraphrase est étroite entre cette description et celle du physique de Saint-Loup, supra.

[6] Outre les trois étudiées (cf. supra épis, brioche et poissons), les deux suivantes, péjoratives et corporelles, sont dénuées d'intérêt du fait que leur contenu est sans rapport aucun avec l'architecture : (a) isotopie /aveuglement/, dès la première page de la Recherche : " Cette croyance survivait pendant quelques secondes à mon réveil ; elle ne choquait pas ma raison mais pesait comme des écailles sur mes yeux et les empêchait de se rendre compte que le bougeoir n'était plus allumé." (b) Puis isotopie /dégradation physique/, /pathologie/ dans Le côté de Guermantes II : " Son regard était perçant et vide, son nez noblement arqué. Mais une joue s'écaillait." Seule la cohésion établie d'un point de vue onomasiologique légitime l'intégration (ou l'exclusion) d'une occ. lexicale ou grammaticale, qui n'est donc qu'une entrée sémasiologique transitoire dans un texte.

[7] La polysémie du mot se poursuit, par assimilation avec la citation de Loti – pourvue de l’afférence /exotisme/ socialement normée chez cet auteur, que donne le Petit Robert pour évoquer la matière cornée provenant des tortues : « Un peigne en écaille blonde d’une transparence rare ».

[8] La période illustre parfaitement cette "temporalité précaire, contenue entre le presque-révolu (encore) et l'à-peine-commencé (déjà)", dont A. Grésillon montrait l'importance dans les brouillons (cf. "Encore du Temps Perdu, déjà le texte de La Recherche", Langages, 69, 1983, pp. 111-22).

[9] Cette paire de catégories oppositives sera réactualisée chez Apollinaire pour créer une nouvelle antithèse : Bergère ô tour Eiffel le troupeau des ponts bêle ce matin (cf. Rastier, 1989, p. 258).

[10] Quelle est l’utilité de l’information biographique ? Ce poème, daté du 7 octobre 1834, serait la résultante d’un séjour en août 1834 de Victor Hugo et Juliette Drouet à Saint-Renan près de Brest. "Le magnifique langage de Victor Hugo n'est rien d'autre que l'immense procès-verbal de sa vision" a dit Gaëtan Picon… Toutefois le référent n’explique rien de la cohésion interne du poème.

[11] Sans doute Hugo s'est-il inspiré de cette remarque extraite des Mémoires d'outre-tombe de son prédécesseur romantique, à propos de la Bretagne, péninsule spectatrice de l'Océan : "entre la mer et la terre s'étendent des campagnes pélagiennes, frontières indécises des deux éléments : l'alouette de champ y vole avec l'alouette marine ; la charrue et la barque à un jet de pierre l'une de l'autre, sillonnent la terre et l'eau. Le navigateur et le berger s'empruntent mutuellement leur langue : le matelot dit les vagues moutonnent, le pâtre dit des flottes de moutons. Des sables de diverses couleurs, des bancs variés de coquillages, des varechs, des franges d'une écume argentée, dessinent la lisière blonde ou verte des blés."

[12] En effet dans la première partie de Pasteurs et troupeaux, la jeune « gardeuse » rime avec « la roche hideuse » par relation antithétique (/euphorie/ vs /dysphorie/, cette évaluation harmonisant le minéral avec le décor nocturne aux « ailes de fantôme et de chauve-souris »). Quant au poème qui le suit immédiatement, il évoque de façon plus explicite « Dans l'âpre escarpement qui sur le flot s'incline, Que l'aigle connaît seul et seul peut approcher, Paisible, elle croissait aux fentes du rocher. L'ombre baignait les flancs du morne promontoire ».

[13] Évoquant la relation entre tropes et mimésis, Rastier (1997 b : 36) remarque que « dans ce poème illustre la laine des moutons sinistres de la mer, métaphore doublée d’une syllepse sur moutons, oppose dans son contexte le monde pastoral des rives et l’abîme, inversant l’exaltation du pâtre promontoire au chapeau de nuées qui unissait terre et ciel quelques vers auparavant. » Il ajoute à bon droit que « la métaphore est lue de façon conjonctive comme une conciliation entre les isotopies » /terrestre/ vs /céleste/, à quoi on ajoutera que la troisième, /marin/, inverse du pastoral par son échange d’attributs, ainsi que de la hauteur par sa profondeur. Néanmoins le rapprochement intratextuel a montré que cet axe vertical menant du gouffre macabre aux cieux divins est ici moins prononcé que dans Oceano nox (cf. « Flots profonds redoutés des mères à genoux \ Vous vous les racontez en montant les marées ») ou Au bord de la mer (cf. « Ce fluide océan, ces régions sublimes […] Cet ensemble ineffable, immense, universel, […] contemple, c'est le ciel! »).


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