SYNCHRONIE, DIACHRONIE ET HISTOIRE

Eugenio COSERIU [*]

« … perché gli beni de la mente non altronde, che dall’istessa mente nostra riportiamo ».

G. Bruno, De l’infinito

Chapitre I. [**]
L’apparente aporie du changement linguistique.
Langue abstraite et projection synchronique.


1. 1.
En apparence, le problème du changement linguistique renferme une aporie fondamentale. En effet, son exposition en termes causaux, en se demandant pourquoi les langues changent-elles (comme si elles ne devaient pas changer), paraît déjà indiquer un statisme naturel déséquilibré, et même renié, par le devenir, qui serait contraire à l’essence même du langage. C’est ce que l’on présente quelquefois explicitement comme un paradoxe du langage ; ainsi, Charles Bally dit quelque part : « les langues changent sans cesse et ne peuvent fonctionner qu’en ne changeant pas » [1]. Plus encore : la langue serait « par définition synchronique », et à la considérer comme quelque chose d’instable, qui change et évolue, on lui appliquerait « un point de vue qui, au fond, est incompatible avec l’idée de langue ». C’est ce que soutient une étude suédoise, celle de B. Malmberg, pour qui une « langue qui évolue » serait une contradictio in adiecto, « bien entendu si nous comprenons par langue un système au sens strict de ce terme » [2]. Ce qui serait normal, ce qu’il y aurait lieu d’attendre, serait que la langue ne change pas : « Si la lengua es un organismo sistemático en que todo está entre sí relacionado, y su objeto la comprensión por parte de la comunidad en que se habla, sería de esperar su estabilidad como sistema que cumple su función adecuadamente » [3]. Et en effet, dit-on, cela se produirait si n’intervenaient pas des facteurs externes d’instabilité : « Sans l’action exercée par ces facteurs d’ordre externe, le système linguistique, équilibré par définition, serait voué à une stabilité perpétuelle, à l’immobilité » [4]. De là procède la distinction bien connue entre facteurs externes et facteurs internes : les premiers seraient la motivation du changement ; les seconds résisteraient au changement et reconstruiraient le système déséquilibré [5].

1. 2. Il n’est pas difficile de reconnaître l’origine permanente de ces affirmations dans la conception statique de la langue et leur origine historique, plus récente, dans l’assertion de Saussure selon laquelle « en lui-même, le système est immuable » [6]. Seulement, il peut paraître étonnant qu’elles conviennent aussi bien pour des études qui développent le structuralisme diachronique, inauguré par les phonologues du Cercle de Prague, que pour ceux qui pensent maintenir une plus grande fidélité aux principes saussuriens, en conservant la rigoureuse séparation entre diachronie et synchronie, et qui considèrent comme plus proprement « linguistique » la vision synchronique. Comme Bally, B. Malmberg appartient à ce dernier groupe : elle pense que « la méthode synchronique est en principe la seule que la linguistique puisse accepter et la seule qui soit en harmonie avec le nature même du sujet étudié » ; des deux aspects observables, le statique et le dynamique, seul le premier correspondrait à « l’esprit de la langue » [7]. Et, indubitablement, c’est en cela un saussurisme orthodoxe, puisque Saussure pensait de même : « si le linguiste se place dans la perspective diachronique, ce n’est plus la langue qu’il aperçoit, mais une série d’événements qui la modifient. On affirme souvent que rien n’est plus important que de connaître la genèse d’un état donné (…) ; mais cela prouve justement que la diachronie n’a pas sa fin en elle-même » [8].

1. 3. Face à de telles affirmations, le but de ce travail est de montrer a) que la prétendue aporie du changement linguistique n’existe que par une erreur de perspective qui se manifeste fondamentalement dans l’identification – explicite ou implicite – entre « langue » et « projection synchronique » ; b) que le problème du changement linguistique ne peut ni ne doit s’exprimer en termes causaux ; c) que, malgré tout, les affirmations citées se fondent sur une intuition juste, mais obscurcie et interprétée de façon équivoque, par l’attribution à l’objet de quelque chose qui est seulement une exigence de l’investigation : de là les contradictions auxquelles elles doivent faire face de façon inéluctable ; d) que, précisément, l’antinomie synchronie-diachronie n’appartient pas au plan de l’objet mais à celui de l’investigation : elle ne se rapporte pas au langage, mais à la linguistique ; e) que chez Saussure lui-même – dans la mesure où la réalité du langage le lui impose, par-delà et à l’encontre de ses postulats – des éléments peuvent se trouver pour surmonter ladite antinomie, dans le sens où elle est surmontable ; f) que, cependant, la conception saussurienne et les conceptions qui en dérivent souffrent d’une faille fondamentale qui les empêche de surmonter leurs contradictions internes ; g) qu’il n’y a aucune contradiction entre « système » et « historicité » sinon que, au contraire, l’historicité de la langue implique sa systématicité ; h) que, sur le plan de l’investigation, l’antinomie synchronie-diachronie peut être surmontée seulement dans et par l’histoire.

1. 4. Ces derniers temps, on a souvent signalé la nécessité de réduire la rigidité des dichotomies saussuriennes [9]. On a dit, avec raison, qu’il fallait combler l’abîme creusé par Saussure entre langue et parole. Et pour ce qui concerne la langue, on a insisté sur la nécessité de combler l’abîme entre synchronie et diachronie [10], ce qui est, en de nombreux sens, nécessaire, bien qu’il soit improbable que cela mène à l’unité de la linguistique, puisque la linguistique n’est pas totalement saussurienne, et qu’il ne serait pas bon qu’elle le fût. Il convient d’observer que les antinomies de Saussure ont été explicitement refusées par toute une série de travaux [11]. Mais le plus important reste de montrer que ces prétendus abîmes n’existent pas [12], ou, pour mieux dire, qu’ils ont seulement surgi du fait de la fréquente confusion entre le plan de l’objet étudié et le plan du processus d’investigation, en raison d’un véritable transitus ab intellectu ad rem [13].


2. 1. En premier lieu, il faut remarquer que les auteurs cités ne nient pas que, en réalité, la langue change. Par conséquent, l’incompatibilité n’apparaît pas entre le changement et la réalité de la langue, mais entre le changement et une certaine idée de « la langue ». Mais comme le changement est réel, cela signifie seulement que cette idée est inadéquate. Les conflits apparents entre la raison et la réalité sont toujours des conflits de la raison avec elle-même, puisque ce n’est pas la réalité qui doit se conformer à l’intellect, mais le contraire. En conséquence – si la langue réelle n’est pas comme « elle devrait être » –, « le système, dans le sens strict de ce terme », ou ne correspond à aucune réalité (et, en ce cas, il s’agit d’une définition formelle, d’un concept créé par convention), ou correspond à un autre objet, et non à la langue réelle. Cependant, cet autre objet peut correspondre à une manière de considérer la langue réelle.

2. 2. C’est ce dernier cas qui, justement, se produit : la langue qui ne change pas est la langue abstraite (qui, pour autant, n’est pas irréelle : la différence entre concret et abstrait ne doit pas être confondue avec cette autre, entre réel et irréel). Il ne s’est jamais vu une grammaire qui se modifierait d’elle-même, ni un dictionnaire qui s’enrichirait de son propre fait. Et, libre de ce que l’on appelle « les facteurs externes », on trouve seulement la langue abstraite, consignée dans une grammaire et dans un dictionnaire. Celle qui change est la langue réelle dans son existence concrète. Mais cette langue-ci ne peut être séparée des « facteurs externes » – c’est-à-dire de tout ce qui compose la matérialité, l’historicité et la liberté expressive des locuteurs – puisqu’elle se donne uniquement en parlant : « Das Leben der Sprache ist ja nicht ein zweites, allgemeines Leben neben oder über dem der Sprechenden » [14].

2. 3. 1. La langue ne change pas non plus dans la considération synchronique, et il n’est pas possible, de quelque manière que ce soit, « d’observer le changement [comme tel] en synchronie », puisque la première chose que l’on fait, dans cette façon de considérer la langue, est d’ignorer délibérément la succession et le changement. Cela n’entre pas en contradiction avec le fait qu’il y a, dans la langue, une interdépendance entre l’« être » et le « devenir » [15], ni avec le fait qu’ ‘un état de langue est synchronique, mais non statique[16]. En réalité, dans la conception saussurienne, il n’est pas question de ce qu’est un état de langue ni de deux façons d’êtrede la langue, mais seulement et exclusivement de comment nous la considérons. Saussure dit que « [le synchronique peut être comparé] à la projection d’un corps sur un plan. En effet, toute projection dépend directement du corps projeté, et pourtant elle en diffère, c’est une chose à part » [17]. Il ajoute ensuite que la même relation apparaît « entre la réalité historique et un état de langue », ce qui ne peut que signifier que le « synchronique » ou « état de langue » n’est pas, pour Saussure, la réalité historique de l’état de langue, mais sa projection sur l’écran statique du chercheur. La langue réelle peut se concevoir d’une façon satisfaisante comme « une institution en équilibre non pas statique, mais dynamique » et qui ne ‘se figure comme arrêtée’ [18] que par une exigence de la recherche. Mais nous ne pouvons pas la figurer en même temps comme arrêtée et non arrêtée. C’est une chose de dire que « Système et Mouvement se conditionnent réciproquement » [19], ce qui ne fait aucun doute, et c’en est une autre de remarquer que la description du système et la description du (système en) mouvement se situent nécessairement sur deux perspectives distinctes : il n’est pas ici question de la réalité de la langue, mais de l’attitude du chercheur. Ce qui est indépendant de la diachronie, c’est la description synchronique, et non l’état de langue réel, qui est toujours le « résultat » d’un état de langue antérieur et, pour Saussure lui-même, « le produit de facteurs historiques » [20]. C’est que, précisément, Saussure parle de la description, même s’il ne distingue pas clairement l’état de langue « réel » (historique) et l’état de langue « projeté ». Dans sa fameuse comparaison avec le jeu d’échecs, il dit : « pour décrire [n. b.] la position, il est parfaitement inutile de rappeler ce qui vient de se passer dix secondes auparavant » [21]. Et ailleurs, il insiste sur le fait que, pour décrire une langue, il faut se placer en un « état » [22]. Ainsi donc, l’antinomie saussurienne, erronément transportée sur le plan de l’objet, n’est pas autre chose que la différence entre description et histoire : dans ce sens, elle ne possède rien de saussurien, sauf la terminologie, et ne peut être ni supprimée ni annulée, parce que c’est une exigence conceptuelle.

2. 3. 2. Il est vrai que, dans un état de langue, nous pouvons constater, par exemple, la présence d’archaïsmes. Mais ils sont, en tant qu’ils existent et fonctionnent, des éléments actuels. Bien plus : fonctionnellement, un « archaïsme » (un élément qui peut donner une saveur archaïque à un discours), ne l’est que du point de vue actuel ; à d’autres époques, il n’aurait pu remplir cette fonction. De la même manière, il est hors de doute que même les locuteurs ont conscience que certains éléments sont « plus anciens » ou « plus récents », mais ils ne manifestent pas cette conscience en parlant avec ces éléments, dans le langage primaire, ils la manifestent en parlant sur eux, dans le métalangage, c’est-à-dire aussitôt que, cessant d’être simplement des « locuteurs », ils deviennent d’une certaine façon « linguistes » et adoptent un point de vue historique. Il est également certain que, dans un état de langue, se profilent les systèmes possibles, futurs ; mais dans la mesure où ces systèmes se livrent actuellement, ils ne sont pas simplement « possibles » et « futurs », mais actuels ; et dans la mesure où ils ne sont qu’une simple « possibilité » (qui, peut-être, ne se réalisera jamais), ils ne se livrent d’aucune manière, et la description, en tant que telle, les ignore [23]. Une description « téléologique » n’est déjà plus proprement synchronique et n’est pas absolument « objective » (cf. VI, 5). Pour la simple description synchronique, la langue ne change pas : comme la flèche de Zénon, elle est absolument immobile. Mais seulement comme la flèche de Zénon (qui, en réalité, bouge). En réalité, l’équilibre de la langue n’est pas stable, mais précaire, et le chercheur peut alternativement adopter, et adopte, les deux points de vue, le synchronique et le diachronique, mais cela n’affecte pas et, au contraire, confirme la distinction entre synchronie et diachronie en ce qu’elle possède de valable.

2. 3. 3. Dans un opuscule sur les changements phonétiques, le linguiste roumain A. Rosetti déclare que L. Hjelmslev lui a conseillé de considérer les changements dans la synchronie et qu’il essaie de faire ainsi [24]. Mais la vérité est que les changements ne peuvent être considérés en synchronie et cela est réellement une contradictio in adiecto, puisque cela équivaut à vouloir observer le ‘mouvement dans l’immobile’. Les changements se livrent entre deux moments et, par conséquent, sont nécessairement diachroniques. Ce même auteur affirme ensuite que dans la « parole » se livrent les changements en devenir, et dans la « langue » les changements « accomplis » [25]. Cela est en quelque sorte certain (en ce sens que tous les changements se livrent par l’usage concret de la parole et sur la ligne du devenir), mais un « changement accompli » est quelque chose qui a déjà cessé d’être un changement. En cela il n’y a pas d’autre solution que de s’accorder avec Saussure : « [les changements] n’existent que diachroniquement » [26]. De même, il est certain que, les changements étant réels, ils doivent aussi se refléter de quelque façon en synchronie. Et, en effet, cela se passe ainsi (cf. IV, 2. 4.) ; mais ils ne peuvent être observés en tant que changements sur la projection synchronique.


3. 1. La question change entièrement si l’on considère ce qu’est un état de langue. Une langue, dans le sens courant du terme (langue espagnole, langue française, etc.), est, par sa nature même, « un objet historique » [27]. Il est vrai que, tandis que nous nous demandons seulement comment elle est, nous ne la considérons pas comme un objet historique, mais simplement comme un objet parmi d’autres de la même espèce, et c’est en ce seul sens qu’est acceptable l’affirmation de Saussure selon laquelle « d’une façon générale, il n’est jamais indispensable de connaître les circonstances au milieu desquelles une langue s’est développée » [28]. Mais au moment où nous nous demandons pourquoi une langue est ainsi et pas autrement, ou que nous nous demandons quelle est cette langue, et que nous répondons de quelque façon (ne fût-ce qu’en disant seulement, par exemple, que « c’est l’espagnol », que « c’est une langue romane »), nous faisons déjà une narration et, comme disait Paul, nous faisons de l’histoire « même sans le savoir » [29]. C’est que la question concernant l’histoire est essentiellement différente de celle qui concerne la structure d’un objet. Certes, Paul n’a pas vu qu’appréhender une structure comme telle est quelque chose qui est indépendant de l’explication historique de la structure même [30]. De là sa fameuse, et en partie rhétorique, identification entre Sprachwissenschaft et Sprachgeschichte, qui est, évidemment, une réduction. Saussure, en revanche, a clairement remarqué la différence des deux points de vue, et c’est cela qui l’a conduit à la conception structurale de la langue ainsi qu’à une juste et très opportune revalorisation de la description systématique.

3. 2. Naturellement, la conception saussurienne a de profondes racines dans la tradition de la science du langage. Comme chacun sait, avant qu’elle n’apparaisse chez Saussure, la distinction entre langue et parole (Sprache et Rede) se rencontre chez G. von der Gabelentz, A. Marty et F. N. Finck ; et chez Paul lui-même se présente la distinction en partie analogue entre l’« usuel » et l’« occasionnel ». F. N. Finck, en particulier [31], distingue – suivant, au reste Gabelentz – entre « Sprache als Sprechen » et « Sprache als einheitliche Gesamtheit von Ausdrucksmitteln » ; seulement, à la différence de Saussure, il donne pour objet à la linguistique précisément la « parole », et non la « langue » [32]. Il est également notoire que le caractère « systématique » fut clairement reconnu par Humboldt [33] et ne fut pas ignoré par Paul (cf. IV, 4. 2. 3.). V. Brøndal affirme quelque part [34] que Humboldt, « en romantique qu’il était », a seulement vu la parole et non la langue. Cela est totalement inexact. Humboldt a parfaitement vu la langue, mais non pas de façon dichotomique, hors de l’usage de la parole, et cela ne dépend pas de son romantisme, mais du fait que, hors de l’usage de la parole, la langue ne possède pas d’existence concrète : si cela est du « romantisme », alors les antimentalistes nord-américains, qui reconnaissent qu’« un système ne peut être directement observé » et se déduit de l’activité linguistique [35], sont aussi romantiques que Humboldt. D’autre part, puisque aucune erreur n’est simplement qu’une erreur, la même intuition de la systématicité constitue la vérité profonde de la malheureuse conception des langues comme « organismes ». Et le fondement de la grammaire traditionnelle n’est pas autre chose [36]. Il est certain que le concept moderne de « système » est très différent de celui que possédait la grammaire traditionnelle, mais il est aussi certain que, sans le constat de la systématicité de la parole, la grammaire n’aurait pu apparaître. Pour cette raison, les tentatives de faire commencer la linguistique avec Saussure, de délier la recherche genevoise de toute tradition, et « l’épurer de tout résidu pré-saussurien » n’ont aucune justification. Au contraire, s’il y avait quelque reproche qu’il faille adresser à Saussure, ce serait bien plus de ne s’être pas suffisamment occupé de la tradition. Pour ne citer qu’un seul aspect de sa doctrine, dans le De Magistro de Saint Augustin, par exemple, et chez Juan de Saint Thomas, il aurait pu trouver des éléments pour une théorie du signe [37] bien plus subtile et solide que celle qu’il a fondée sur la double équivoque de l’« arbitrarité » [38].

3. 3. 1. Contre la réduction de Paul, Saussure a donc affirmé l’importance et l’autonomie de la connaissance structurale. Mais, par ailleurs, en ayant observé la structure (« langue ») sur la projection synchronique, il a été conduit à sous-estimer la diachronie et la continuité de la langue dans le temps, et à établir les étranges équivalences parole-diachronie, langue-synchronie [39], réduisant de cette façon la langue à un état de langue. Bien plus : il est parvenu à attribuer à l’objet « langue » non seulement la systématicité (qui apparaît sur la « projection » comme appartenant à l’objet), mais encore l’immobilité, qui appartient seulement à la « projection ». De là procède une seconde identification, plus ou moins latente dans le CLG, entre état de langue et projection synchronique. Dans ces deux identifications successives (langue = état de langue = projection synchronique), l’idée de la langue synchronique et immobile trouve son fondement. Mais, si la première de ces identifications peut, jusqu’à un certain point, se justifier par une exigence technique de la description systématique, la seconde ne se justifie d’aucune manière, puisqu’elle implique une inférence outrepassant ce qui est livré. En effet, de même qu’en synchronie nous ne pouvons constater le changement, de même nous ne pouvons constater en elle le non-changement, l’immutabilité. Pour démontrer qu’un objet quelconque ne change pas, il faut l’observer en deux moments distincts. Par conséquent, même si la langue était, par sa nature même, synchronique, cela, il faudrait le démontrer en diachronie. À moins de vouloir créer le concept de ‘langue’ par définition (cf. 2. 1.). Mais cela n’est pas légitime puisque les langues existent, appartiennent à l’expérience et, comme l’enseignait Kant dans sa petite Logique, ‘les objets de l’expérience ne sont pas susceptibles de définitions nominales’.

3. 3. 2. De façon regrettable, les deux identifications saussuriennes sont allées acquérant un caractère dogmatique dans une partie de la linguistique, et surtout dans les centres de Genève et de Copenhague. Avec cela, la distinction entre synchronie et diachronie s’est vue, dans le même temps, attribuer une radicalité et une transcendance qu’elle ne possède pas. Il est fréquent d’entendre dire que « la distinction saussurienne entre la synchronie et la diachronie est d’une telle évidence qu’on ne saurait sérieusement la contester » [40]. Or, de telles affirmations ne peuvent être acceptées qu’avec des limitations et des distinctions, puisque la vérité est que, en ce qu’elle possède d’incontestable et, bien plus, d’évidente, la distinction n’est pas proprement saussurienne ; et dans ce qu’elle possède de saussurien, au-delà de l’aspect méthodologique, elle n’est pas seulement critiquable mais est absolument inadmissible. Comme l’a déjà observé Schuchardt, dans son compte-rendu du CLG, Saussure a voulu introduire dans la linguistique une distinction parallèle à celle de Comte entre « sociologie statique » et « sociologie dynamique » [41]. Mais il est allé au-delà de ce qui convenait en aboutissant au dédain de l’étude historique (identifiée à la diachronie « atomiste ») et en soulignant que « la diachronie n’a pas sa fin en elle-même » (cf. 1. 2.), comme si la synchronie la possédait. En réalité, la finalité est, dans tous les cas, la connaissance totale du langage en tant que manifestation spécifique de l’homme, et souligner l’importance de la synchronie n’implique pas la diminution corrélative de la diachronie, puisque ce qui est décrit est toujours l’actualité d’une tradition. Il est vrai que dans la simple description, la tradition (entendue comme « transmission ») n’apparaît pas et est ignorée, mais cela ne signifie pas qu’elle n’existe pas ou qu’elle ne détermine pas la langue. La non-historicité (synchronicité) appartient à l’être de la description, et non à l’être de la langue. Pour cette raison, elle ne peut être introduite dans la définition du concept de ‘langue’. Il ne faut pas confondre la définition d’un concept (théorie) avec la description des objets qui lui correspondent, et moins encore avec la description d’un seul moment d’un objet. De la même manière, affirmer que la langue est un objet historique ne signifie pas exclure la description et la théorie. La description, l’histoire et la théorie ne sont pas des activités antithétiques ou contradictoires, mais complémentaires [42], et elles constituent une unique science. Et, surtout, la description et l’histoire ne sont pas exclusives du point de vue de l’objet : elles sont exclusives en tant qu’opérations, c’est-à-dire que ce sont des opérations distinctes. Par ailleurs, il est curieux que ces problèmes s’exposent seulement dans le champ de la linguistique, comme si les langues étaient les uniques objets systématiques et les uniques objets historiques. Il serait également possible de distinguer, dans la science des États, par exemple, une théorie de l’État, une histoire des États et une description d’un État particulier en un moment déterminé. Mais personne ne pense que « la nature même » d’un État soit synchronique, puisqu’il n’existe pas une telle "nature même", une telle manière d’être. Saussure n’a pas fait de l’ontologie, mais de la méthodologie ; il s’est occupé à distinguer la linguistique synchronique et la linguistique diachronique, ou, mieux, le point de vue synchronique et le point de vue diachronique au sein de la linguistique. En conséquence, la distinction entre synchronie et diachronie n’appartient pas à la théorie du langage (ou de la langue), mais à la théorie de la linguistique. Dans cet ordre d’idée, la conception saussurienne de la diachronie, et surtout de son inéluctable « asystématicité », est discutable et doit être corrigée (cf. VII, 1. 2.) ; en revanche, transporter cette distinction à l’objet n’est pas une simple erreur, mais une confusion, et il est urgent de l’éliminer puisque, comme disait Bacon, citius emergit veritas ex errore quam confusione.


4. Finalement, il y aurait, sans doute, une contradiction dans les termes – pour mieux dire, la langue ne pourrait en aucune façon se constituer –, si le changement linguistique était total et perpétuel, si un état de langue n’était rien de plusqu’un simple moment éphémère d’une « transition fuyante et fluctuation incessante » (cf. n. 2). Mais c’est bien plus que cela. En premier lieu, parce que tout état de langue est en grande partie la reconstitution d’un autre état antérieur. En second lieu, parce que ce que l’on appelle « changement dans la langue » n’est tel qu’en relation à une langue antérieure, tandis que, du point de vue de la langue actuelle, c’est la cristallisation d’une nouvelle tradition, c’est-à-dire, justement, le non-changement : facteur de discontinuité par rapport au passé, le changement est, en même temps, un facteur de continuité par rapport au futur.


[**] NOTE LIMINAIRE DU TRADUCTEUR

Sur la relation de Coseriu à Saussure

Avant d'aborder le texte du premier chapitre de l’ouvrage d’E. Coseriu, Synchronie, diachronie et histoire, nous aimerions formuler quelques remarques « préventives » sur la relation Saussure – Coseriu. Il ne s’agira pas ici de proposer une lecture comparée des théories cosérienne et saussurienne, non plus que de se livrer à une critique de la première, mais uniquement de lever un éventuel malentendu qui pourrait autant surprendre le lecteur, en voyant cet ouvrage répertorié sous la rubrique « Saussure et saussurismes », qu’entacher sa lecture même. E. Coseriu, en effet, et en particulier dans Synchronie, diachronie et histoire, a bâti une large part de sa théorie non seulement sous les influences revendiquées d’Aristote, de Humboldt et de Hegel (cf., par exemple, Coseriu, Sprachkompetenz. Grundzüge der Theorie des Sprechens, Tübingen et Bâle : Francke Verlag, 1988, p. 4-22), mais encore en opérant, par rapport à F. de Saussure et à N. Chomsky, ce que C. Laplace nomme à juste titre un « renversement des valeurs » :

Néanmoins, l’évocation du « renversement des valeurs » de la linguistique saussurienne ne va pas sans poser problème et prolonge, en réalité, le problème de la notion même d’héritage saussurien. En effet, le Saussure auquel il est fait allusion ici n’est autre que l’auteur « prétendu » du Cours de Linguistique Générale (CLG). Or, on sait ce qu’il en est. Comme le rappelle S. Bouquet, dans la typologie qu’il propose des textes relevant du corpus saussurien, la troisième catégorie est constituée du seul « texte rédigé par Bally et Sechehaye intitulé Cours de linguistique générale » (Bouquet 1999 : § 1.2.). Par conséquent, la linguistique post-saussurienne désigne de fait une double réalité : une linguistique véritablement post-saussurienne, pour laquelle il serait heureux de réserver le terme de « saussurisme » et qui se fonde sur un retour à la lettre, autrement dit aux écrits autographes, et une linguistique « post-CLG » (traditionnellement désignée comme « post-saussurienne »), encore majoritaire, et fondée exclusivement sur ce seul ouvrage. Dans cette perspective, sans que cela ôte quelque intérêt que ce soit à la théorie élaborée par E. Coseriu, qui doit d’abord être étudiée pour elle-même, il faut donc admettre que, dans la distance qu’elle instaure avec le Cours de linguistique générale, elle se fonde sur une vision faussée de Saussure ou, plus précisément, sur une œuvre qui n’est pas celle de Saussure.

L’on peut, à titre d’exemple, évoquer la question des « dichotomies saussuriennes » (las dicotomías saussureanas, ailleurs mentionnées sous le nom d’« antinomies » (las antinomias) auxquelles fait allusion E. Coseriu (Synchronie…, I, 1.4.). Or, l’on sait aujourd’hui que « le mot « dichotomie » qui présuppose une coupure […] n’existe pas dans les textes saussuriens. » (Kyheng 2005 : § 5). Et si une certaine ironie du sort a permis que le Saussure traditionnellement reconnu soit l’auteur d’une linguistique « dichotomique », il faut accepter aujourd’hui que la dichotomie se trouve en fait au niveau de l’auteur – celui du Cours de linguistique générale et celui des Écrits de linguistique générale étant irréductibles l’un à l’autre – et que le véritable Saussure a œuvré en faveur d’une linguistique « duale », ce dont ne rendent véritablement compte ni le Cours de linguistique générale, ni une large part des études post-saussuriennes qui l’ont pris pour source.

Ainsi, tributaire, au même titre que l’ensemble des ouvrages abordant Saussure par l’intermédiaire du Cours de linguistique générale, du « paradoxe qui domine toute la réception de la pensée saussurienne » (Bouquet 2005 : § 2), l’ouvrage de Coseriu doit être lu non comme une critique de Saussure à proprement parler, mais comme une critique du seul Cours de linguistique générale. Pour autant, il n’en reste pas moins vrai qu’il demeure possible, et sans doute nécessaire, de comparer ces théories avec le Saussure « véritable », celui des écrits autographes qu’aujourd’hui, en raison des travaux inaugurés par R. Godel et R. Engler et poursuivis depuis, nous connaissons enfin.


[*] NOTE DE LA RÉDACTION

La présente traduction de ce texte inédit en français est établie par les soins de Thomas Verjans que nous remercions chaleureusement.
Le texte proposé constitue le premier chapitre de l’ouvrage d’Eugenio Coseriu, Synchronie, Diachronie et Histoire (Sincronía, diacronía e historia , seconde édition revue et élargie par l’auteur, Madrid : Gredos, 1973), dont voici le sommaire et la note préliminaire :

Sommaire

Note préliminaire de la seconde édition


NOTES

0 La traduction que l'on va lire est élaborée à partir de la réédition de 1973 (Madrid, Gredos), revue par l’auteur. Conformément à l’usage d’E. Coseriu, nous conservons les citations d’auteurs dans leur langue d’origine et ne traduirons, en note, que les citations en espagnol. Enfin, nous conservons la numérotation des notes de l’édition de Coseriu, ainsi que ses conventions typographiques concernant l’usage des guillemets et des italiques. (NdT).

1 Linguistique générale et linguistique française, Berne, 1950, p. 18.

2 Système et méthode, Lund 1945, pp. 25-26. Le même auteur insiste sur l’idée de contradictio in adiecto dans « Studia Linguistica », III, p. 134. Cf. aussi L. Hjelmslev, « Acta Linguistica », IV, 3, p. VII : « [L’hypothèse glossématique] nie également le droit de considérer un état de langue comme un simple moment passager d’une évolution, transition fuyante et fluctuation incessante ».

3 E. Alarcos Llorach, Fonología española2, Madrid 1954, p. 97. « Sin embargo – ajoute Llorach – occurre lo contrario : que el sistema cambia ». [« Si la langue est un organisme systématique dans lequel tout est en interrelation et son objet la compréhension par la partie de la communauté en laquelle elle se parle, il faudrait attendre sa stabilité en tant que système qui remplit adéquatement sa fonction » - « Cependant, c’est le contraire qui se produit : le système change. »]

4 A. G. Haudricourt & A. G. Juilland, Essai pour une histoire structurale du phonétisme français, Paris 1949, pp. 5-6. Mais comment pouvons-nous savoir ce qu’il se produirait si se livrait quelque chose qui ne se livre d’aucune façon et qui, de plus, demeure hors de toute expérience ?

5 Cf. E. Alarcos Llorach, Fonología, p. 100 et sq. Selon Malmberg, Système, p. 26, l’évolutif existerait « seulement à cause des facteurs externes et de l’imperfection des systèmes ».

6 Cours de Linguistique Générale [CLG], 121. [E. Coseriu se réfère à une traduction espagnole du Cours : Curso de Lingüística General, B. Aires 1945. Aussi avons-nous pris le parti, lorsqu’il s’agissait de citations textuelles, de reprendre la lettre du cours d’après l’édition française, en l’espèce la réédition Payot de 1995. Sauf mention contraire, toutes les références renvoient à cette édition (NDT).]

7 Système, p. 32.

8 CLG, p. 128.

9 Cf. E. Coseriu, Forma y sustancia en los sonidos del lenguaje, Montevideo 1954, pp. 11-13.

10 Ainsi, récemment, A. Martinet, The Unity of Linguistics, « Word », X, p. 125.

11 Parmi les nombreux critiques de Saussure, il suffira d’en rappeler unum sed leonem. Dans son compte-rendu du CLG (publié en 1917), H. Schuchardt écrivait à propos de la séparation entre linguistique synchronique et diachronique : « Das kommt mir so vor wie wenn man die Lehre von den Koordinaten in eine von den Ordinaten und eine von den Abszissen spaltete. Ruhe und Bewegung (diese im weitesten Sinn genommen) bilden wie überhaupt so bei der Sprache keinen Gegensatz ; nur die Bewegung ist wirklich, nur die Ruhe ist wahrnehmbar » (Hugo Schuchardt-Brevier2, Halle 1928, p. 330).

12 Cf. E. Coseriu, Sistema, norma y habla, Montevideo 1952 [SNH].

13 Voir, à ce propos, le très pénétrant article de C. Hj. Borgström, The Technique of Linguistic Descriptions, « Acta Linguistica », V, pp. 1-14, qui contribue à résoudre – ou, pour mieux dire, à éliminer – une série de problèmes de la linguistique actuelle, en signalant, précisément, son inconsistance.

14 N. Hartmann, Das Problem des geistigen Seins2, Berlin 1949, p. 219.

15 Cf. à ce propos les importants chapitres de W. von Wartburg, Einführung in Problematik und Methodik der Sprachenwissenschaft, trad. esp. Problemas y métodos de la lingüística, Madrid 1951, pp. 13 et sq., 229 et sq. [trad. fr. Problèmes et méthodes de la linguistique, par Pierre Maillard, avec la collaboration de Stephen Ullmann, Paris, PUF, 1963 (NDT)]

16 Voir ce qui est dit par R. Jakobson dans Results of the Conference of Anthropologists and Linguists, Supplement to IJAL XIX, 2, Baltimore 1953, pp. 17-18. D’autre part, Saussure lui-même, CLG, p. 24, remarque que « à chaque instant [le langage] implique à la fois un système établi et une évolution ».

17 CLG, p. 124.

18 G. Devoto, I fondamenti della storia linguistica, Florencia 1951, pp. 39, 13.

19 W. von Wartburg, Problemas, p. 229.

20 CLG, p. 105.

21 CLG, p. 127.

22 CLG, p. 117.

23 À ce propos, il convient de rappeler le principe général énoncé par Saint Augustin, Confessiones, XI, 24 : « videri nisi quod est non potest. Quod autem iam est, non futurum sed praesens est. Cum ergo videri dicuntunr futura, non ipsa, quae nondum sunt, id est quae futura sunt, sed eorum causae vel signa forsitan videntur, quae iam sunt : ideo non futura, sed praesentia su miam videntibus, ex quibus praedicantur animo concepta ».

24 Les changements phonétiques, Copenhague 1948, p. 5.

25 Ibid., p. 7.

26 CLG, p. 135.

27 Un objet historique « par sa nature même » est un objet absolument individualisé, au sein de son espèce, comme tel et non un autre, par le savoir originaire qui se manifeste dans le langage ; c’est-à-dire un objet qui possède un nom propre. Cf. E. Coseriu, El plural en los nombres propios, « Revista Brasileira de Filologia », I, 1, p. 15. Un objet quelconque (un chien, un cheval, une épée) peut éventuellement se concevoir comme « un objet historique » et s’appeler d’un nom propre. Mais avec les langues, cela arrive toujours et nécessairement, puisqu’il n’est pas de langue qui ne possède une désignation individuelle. L’on pourrait en conclure que les langues prennent le nom de leur peuple, mais cela ne s’observe pas toujours et, d’autre part, à l’origine ce ne sont pas les langues qui se déterminent par les peuples, mais le contraire.

28 CLG, p. 42.

29 Prinzipien der Sprachgeschichte5, Halle 1920, p. 20. Cf., en outre, B. Bloch et G. L. Trager, Outline of Linguistic Analysis, Baltimore 1942, pp. 8-9 ; et également CLG, p. 139.

30 Cf. à ce propos E. Cassirer, Zur Logik der Kulturwissenschaften, trad. esp. Las ciencias de la cultura, Mexico 1951, pp. 61-62, 91-92, 101-102.

31 Die Aufgabe und Gliederung der Sprachwissenschaft, Halle 1905.

32 Cf. H. Arens, Sprachwissenschaft. Der Gang ihrer Entwicklung von der Antike bis zur Gegenwart, Freiburg-München 1955, pp. 359-360 ; à propos de Finck, cf., cependant, l’observation de V. Pisani, Geolinguistica e indeuropeo, Roma 1940, p. 101, note. D’autre part, déjà Hegel, Encyklopädie, § 459, opposait à la « parole » la langue, et même la langue comme système (« die Rede und ihr System, die Sprache »). En toute rigueur, on ne devrait pas parler de ‘la distinction saussurienne entre parole et langue’, mais de l’interprétation saussurienne de cette distinction qui, en soi, est intuitive et courante. Aussi, lorsque l’on discute la doctrine saussurienne, ne faut-il pas oublier que ce qui est discutable n’est pas la distinction entre « parole » et « langue », qui ne peut être attaquée (puisque, à l’évidence, la langue n’est pas « la même chose » que la parole), mais le sens antinomique que lui donne Saussure, la transformant ainsi en une séparation réelle : comme dans la formulation de Hegel, la langue est le système de la parole, et non quelque chose qui lui est concrètement opposée. En outre, l’important n’est pas la distinction en soi, mais ce qui se fonde sur elle. Et, naturellement, le fait que l’interprétation d’une distinction soit discutable n’invalide pas nécessairement ce qui se fonde sur la distinction en tant que telle, de même que remarquer les liens que Saussure conserve avec la tradition ne signifie pas diminuer son importance, mais tout le contraire.

33 Cf., par exemple, Ueber die Verschiedenheit des menschlichen Sprachbaues, éd. H. Nette, Darmstadt 1949, en particulier p. 43 et sq. V. Mathesius, TCLP, IV, 1931, p. 292, donne Humboldt pour le véritable initiateur de la linguistique « statique » moderne, c’est-à-dire, précisément, de l’étude systématique des langues.

34 Langage et logique, dans Essais de linguistique générale, Copenhague 1943, p. 52.

35 Ainsi le remarquent B. Bloch et G. L. Trager, Outline, pp. 5-6.

36 Cf. A. Sommerfelt, Le point de vue historique en linguistique, « Acta Linguistica », V, p. 113 ; et aussi CLG, p. 118.

37 Sur la théorie du signe chez Saint Augustin, cf. K. Kuypers, Der Zichen- und Wortbegriff im denken Augustins, Amsterdam 1934. Au sujet de J. de S. Thomas, J. Maritain, Signo y simbolo, dans Quatre essais sur l’esprit dans sa condition charnelle, trad. esp. Cuatro ensayos sobre el espiritu en su condición carnal, B. Aires 1944, p. 58 et sq.

38 « Double » parce que, dans le sens objectif, le signe est « arbitraire » (immotivé) naturellement, mais il est « nécessaire » (motivé) historiquement (cf. J. Dewey, Logic. The Theory of Inquiry, trad. esp. Lógica. Teoría de la investigación, Mexico 1950, pp. 62, 397 ; A. Pagliaro, Il lingauggio como conoscenza, Rome, 1951 [1952], p. 79, et Il segno vivente, Naples 1952, p. 116) ; et, dans le sens subjectif, il est arbitraire pour le savoir scientifique, mais il ne l’est pas pour le « savoir originaire », pour la conscience naïve des locuteurs. De là, dans la diachronie, l’influence de la signification sur la substance phonique des signes ; cf. A. W. de Groot, Actes du Premier Congrès de Linguistes, Leiden s. a., pp. 84-85. Ce qu’il convient de dire est que le signe n’est pas (et ne peut être) motivé de façon causale ; mais il est motivé de façon finale, puisqu’il correspond à la finalité significative du locuteur (cf. Forma y sustancia, p. 58).

39 CLG, p. 139.

40 Ainsi, A. Burger, Phonématique et diachronie à propos de la palatalisation des consonnes romanes, « Cahiers Ferdinand de Saussure », 13, p. 19.

41 Brevier, p. 329.

42 Cf. E. Coseriu, Logicismo y antilogicismo en la gramática, Montevideo 1957, pp. 18, 22.


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©  mars 2006 pour l'édition électronique.

Référence bibliographique : COSERIU, Eugenio. Synchronie, diachronie et histoire. Ch. I, L’apparente aporie du changement linguistique. Langue abstraite et projection synchronique. Texto! [en ligne], mars 2006, vol. XI, n°1. Disponible sur : <http://www.revue-texto.net/Saussure/Sur_Saussure/Coseriu_Diachronie1.html>. (Consultée le ...).